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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ORDONNANCE DU 07 OCTOBRE 2022
Contestations d’Honoraires d’Avocat
(N° /2022, 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00203 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB3PA
NOUS, Michel RISPE, Président de chambre à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l’ordonnance.
Vu le recours formé par :
Madame [N] [M]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Comparante en personne,
Demanderesse au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de CRETEIL dans un litige l’opposant à :
Maître [R] [K]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Dalila CHOUKI, avocat au barreau de PARIS
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 02 Septembre 2022 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L’affaire a été mise en délibéré au 07 Octobre 2022 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
****
A la suite de son licenciement notifié par courrier du 26 mai 2015, Mme [N] [M] a chargé Me [R] [K] d’engager un recours devant le conseil de prud’hommes de Villeneuve-Saint-Georges.
Par jugement prononcé le 4 juillet 2018, ce conseil de prud’hommes a déclaré ledit licenciement abusif et a alloué une indemnité de 25.000 euros à Mme [N] [M] à titre de dommages et intérêts, outre une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Cette décision a été déférée à la chambre sociale de la cour d’appel de Paris (Pole 6 – chambre 10) sur appel interjeté par les adversaires de Mme [N] [M], qui a chargé un autre conseil de la défense de ses intérêts lors de cette procédure.
Par arrêt du 19 mai 2021, ladite formation de la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes de Villeneuve-Saint-Georges mais a ramené l’indemnité due au titre du licenciement abusif à 10.000 euros.
Par ailleurs, suivant courrier remis le 17 janvier 2020, Me [R] [K] a saisi le Bâtonnier de l’Ordre des avocats du Val-de-Marne d’une demande de fixation de ses honoraires concernant sa cliente, Mme [N] [M], sollicités à hauteur de 4.573,33 euros hors taxes, dont 1240 euros hors taxes avaient été réglés, ce qui correspondait à un solde restant dû de 4.000 euros toutes taxes comprises (3.333,33 euros hors taxes).
Par une décision en date du 12 mai 2020, après avoir recueilli les observations et demandes de Me [R] [K] et de Mme [N] [M], le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Créteil a :
– fixé à la somme de 2.800 euros hors taxes et 3.360 euros toutes taxes comprises le montant total des honoraires dus à Me [R] [K] par Mme [N] [M], sous déduction de la somme réglée à hauteur de 1.488 euros toutes taxes comprises, soit un solde d’honoraires de 1.872 euros toutes taxes comprises dû par Mme [N] [M] ;
– rejeté toutes autres demandes ;
– laissé les dépens à la charge de Mme [N] [M] y compris les frais éventuels de signification et d’exécution de la présente décision
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au greffe de céans le 11 juin 2020, Mme [N] [M] a formé un recours contre ladite décision du bâtonnier.
Les parties ont été convoquées à l’audience du 2 septembre 2022 par courriers recommandés avec demande d’avis de réception du 29 mars 2022.
A l’audience du 2 septembre 2022, Mme [N] [M], en personne, et Me [R] [K], représenté par son conseil ont comparu.
La présente ordonnance sera dès lors rendue contradictoirement.
”’
A l’audience, Mme [N] [M] a demandé à cette juridiction d’infirmer la décision du bâtonnier de Créteil.
Elle a fait valoir que Me [R] [K] lui avait envoyé une facture de 4.000 euros qu’elle contestait dans la mesure où, licenciée en 2015, elle l’avait mandaté pour la défendre au conseil de prud’hommes et qu’il avait accepté d’être réglé par sa protection juridique outre 10 % des sommes obtenues.
Elle précisait qu’il y avait eu une convention d’honoraire signée par chacun d’eux.
Elle a ajouté qu’il y avait eu des difficultés, des manquements, et que son dossier avait été radié puis renvoyé alors que Me [R] [K] ne s’était pas présenté à l’audience. Elle estimait qu’ainsi, elle avait perdu des chances d’avoir un jugement rapide.
Elle faisait encore valoir que le conseil de prud’hommes lui avait alloué 25.000 euros parce que elle n’avait pas fourni la preuve de son préjudice, alors qu’elle avait transmis tous ses documents pour le prouver et qu’elle aurait dû avoir 36.000 euros.
Elle précisait enfin qu’elle avait perdu sa confiance en son avocat, ce qui explique que quand le dossier est parti en appel, elle a voulu changer d’avocat, s’agissant du moment où Me [R] [K] lui a envoyé une facture de 4.000 euros calculée sur un taux horaire, dont elle n’avait pas eu connaissance antérieurement et alors qu’il était convenu qu’il soit payé par sa protection juridique.
”’
En réponse, Me [R] [K] a fait solliciter de cette juridiction que :
– Mme [N] [M] soit condamnée à lui payer la somme de 4.000 euros toutes taxes comprises au titre du montant des honoraires restant dus;
– à titre subsidiaire, Mme [N] [M] soit condamnée à lui payer la somme de 2.200 euros toutes taxes comprises au titre du montant des honoraires restant dus;
– dans tous les cas, Mme [N] [M] soit condamnée au règlement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Me [R] [K] a fait valoir que si Mme [N] [M] avait obtenu 25.000 euros en première instance, c’est bien parce qu’il avait prouvé le préjudice, ajoutant que d’ailleurs en appel elle avait obtenu deux fois moins qu’avec lui.
S’agissant des honoraires, il précisait solliciter ce qui avait été prévu, alors que 4.000 euros facturés au temps passé correspondaient au taux horaire affiché dans le cabinet et que Mme [N] [M] n’avait réglé que le montant accordé par sa protection juridique.
Il entendait que si cette demande n’était pas reçue, il lui soit accordé une indemnité de 1.788 euros au titre du barème de la protection juridique outre une part de 10 % des sommes obtenue, soit 10% des 10 .000 euros accordés en cause d’appel.
SUR CE
En matière de contestation d’honoraires d’avocats, une procédure spéciale est instituée par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.
Cette procédure spéciale ne s’applique qu’à cette matière.
Il en résulte que le bâtonnier et, en appel, le premier président n’ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat au titre d’un éventuel manquement imputé à ce dernier. Dès lors, la contestation d’honoraires doit être examinée sans considérer l’existence d’un défaut de diligences imputé à l’avocat.
En revanche, comme le prévoit l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :
Les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.
En matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires, les droits et émoluments de l’avocat sont fixés sur la base d’un tarif déterminé selon des modalités prévues au titre IV bis du livre IV du code de commerce.
Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Toute fixation d’honoraires qui ne le serait qu’en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d’un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. […].’
Reste que lorsque la mission de l’avocat n’a pas été menée jusqu’à son terme, le dessaisissement de l’avocat avant que soit intervenu un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable rend inapplicable la convention d’honoraires initialement conclue et les honoraires dus à l’avocat pour la mission effectuée doivent alors être fixés selon les critères définis à l’article 10 précité de la loi du 31 décembre 1971 (cf. Cass. 2ème Civ., 9 avril 2009, n 05-13.977, Bull. n 90 ; Cass. 2ème Civ., 7 octobre 2010, n°09-69.067 ; Cass. 2ème Civ., 25 février 2010, n° 09-13.191 ; Cass. 2ème Civ., 16 juin 2011, n°10-20.551).
En l’espèce, alors qu’il est constant et non discuté que le recours à l’encontre de la décision du bâtonnier du Val-de-Marne attaquée, a été formé dans le délai d’un mois courant à compter de la notification à chaque partie de ladite décision, par voie de conséquence, celui-ci sera déclaré recevable.
Les parties s’accordent sur le fait qu’elles ont convenu de déterminer le montant des honoraires et toutes deux se prévalent de la convention conclue.
Ainsi, étant rappelé que la convention d’honoraires d’avocat n’est soumise à aucune forme particulière, il sera relevé que suivant un courrier adressé par Me [R] [K] à sa cliente, en date du 21 décembre 2015, celui-ci a clairement précisé : ‘Je vous confirme mes honoraires à savoir: aide juridictionnelle ou protection juridique ou honoraires fixes pour Bureau de conciliation et pour le Bureau de jugement ainsi que 10 % HT des gains obtenus et les sommes de l’article 700 du CPC à due concurrence’. Ce courrier a, d’ailleurs, été contresigné par Mme [N] [M].
Toutefois, il est constant que la convention intervenue entre les parties ne comporte aucune clause prévoyant les conséquences d’un dessaisissement, lequel est ici intervenu avant qu’une décision irrévocable n’ait mis un terme au litige.
Aussi, de ce qui précède, comme l’a retenu à bon droit le bâtonnier du Val-de-Marne, la convention ne trouvait plus à s’appliquer ensuite du dessaisissement de Me [R] [K] par Mme [N] [M].
Il en découle que Me [R] [K] ne pouvait pas se prévaloir d’un honoraire de résultat.
De même, Mme [N] [M] n’était pas davantage fondée à se prévaloir des modalités arrêtées entre les parties et ne pouvait pas prétendre ne plus rien devoir à son conseil au-delà de la provision qu’elle lui avait versée et qui correspondait à l’indemnité allouée par son assureur au titre de la garantie protection juridique.
En revanche, il y avait lieu dès lors de fixer les honoraires de l’avocat en fonction des diligences accomplies et des critères définis ainsi ‘selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.’.
Pour déterminer le montant de la rémunération de Me [R] [K], qui chiffrait à 16 heures 30 le temps passé au service de Mme [N] [M], le bâtonnier du Val-de-Marne a estimé à plus de dix heures de travail les diligences réalisées.
En effet, comme le bâtonnier du Val-de-Marne l’a exactement relevé, les diligences de ce conseil se détaillent comme suit, outre les nécessaires temps de rendez-vous et d’échanges : saisine du conseil des prud’hommes, assistance ou représentation à l’audience de conciliation et d’orientation rédaction d’une lettre le 29 août 2016 de 3 pages, comportant l’argumentaire et l’exposé des moyens de fait et de droit, avec un bordereau de 14 pièces communiquées, étant ici observé que le débat, en droit, ne relevait pas d’une technicité particulière compte tenu de la rédaction de la lettre de licenciement ne comportant pas la mention de l’incidence sur l’emploi des difficultés économiques avancées par l’employeur, l’audience de plaidoirie.
C’est en prenant en compte l’expérience en droit du travail qui est celle de Me [R] [K], que le temps consacré à ces diligences a été estimé comme ne pouvant être supérieur à plus de 10 heures de travail.
En outre, s’agissant du taux horaire à appliquer, le bâtonnier a accepté de prendre en compte celui revendiqué par cet avocat à hauteur de 280 euros hors taxes, en prenant en compte sa notoriété et son expérience reconnues, tout en ayant relevé que ce taux se situait dans la fourchette haute de ce qui était pratiqué dans le Val-de-Marne, mais pas au-delà.
Il en a déduit que les honoraires de Me [R] [K] devaient être fixés à la somme de 2.800 euros hors taxes (10 heures x 280 euros), soit 3.360 toutes taxes comprises, correspondant à un reliquat restant dû par Mme [N] [M] de 1.872 euros toutes taxes comprises après imputation de la provision versée de 1.488 euros toutes taxes comprises.
Devant le magistrat délégataire du Premier président de la cour d’appel de Paris, les parties n’ont pas développé de moyens permettant de remettre en cause l’appréciation ainsi faite par le bâtonnier du Val-de-Marne quant au temps passé ni quant au taux de rémunération horaire à retenir.
Par voie de conséquence, dès lors qu’il apparaît qu’en fonction des éléments qui lui étaient soumis et en considération des éléments en débat, le bâtonnier a fait une juste appréciation des honoraires revenant à l’avocat au regard des diligences accomplies par celui-ci, sa décision sera confirmée.
La solution du litige, eu égard à l’équité, commande d’accorder à Me [R] [K] une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile d’un montant de 1.000 euros.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement en dernier ressort, par ordonnance contradictoire prononcée par mise à disposition au greffe,
Confirme la décision déférée;
Condamne Mme [N] [M] à payer à Me [R] [K] une indemnité d’un montant de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamne Mme [N] [M] aux dépens;
Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l’ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE