Responsabilité de l’Avocat : 2 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 22/04564

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Responsabilité de l’Avocat : 2 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 22/04564
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COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 02 MARS 2023

N° RG 22/04564 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PRGB

CONTESTATION D’HONORAIRES D’AVOCAT

Décision déférée à la cour : Décision du 18 JUILLET 2022 du BATONNIER DE L’ORDRE DES AVOCATS DE [Localité 3] N° 08/5948

Nous, M. Philippe BRUEY, désigné par le Premier Président de la Cour d’appel de Montpellier pour statuer sur les contestations d’honoraires des avocats, assisté de Sophie SPINELLA, greffier,

dans l’affaire entre :

D’UNE PART :

Monsieur [V] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant

D’AUTRE PART :

Maître [U] [Z]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Vincent LE JUNTER, avocat au barreau de MONTPELLIER

L’affaire a été appelée à l’audience publique du 05 Janvier 2023 à 14 heures.

Après avoir mis l’affaire en délibéré au 02 Mars 2023 la présente ordonnance a été prononcée par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signée par Philippe BRUEY, et par Sophie SPINELLA, greffier.

***

Le 25 août 2021, Monsieur [V] [F] a consulté Maître [U] [Z] dans le cadre d’un litige successoral. A l’issue de trois rendez-vous au cabinet de l’avocat, Monsieur [F] a indiqué à Maître [Z] qu’il confierait son dossier à un autre avocat. Le 14 octobre 2021, Maître [Z] lui a adressé une facture d’un montant de 2.160 euros TTC pour 6 heures de travail effectuées, à savoir les trois entretiens réalisés (4 heures), et l’étude des pièces et recherches juridiques (2 heures). Dans un courrier du 2 novembre 2021, Monsieur [F] a indiqué à l’avocat qu’il ne réglerait pas la facture.

Par requête du 16 novembre 2021, Maître [U] [Z] a saisi le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de [Localité 3] d’une demande de taxation d’honoraires à l’encontre de Monsieur [V] [F]. Il fixe le montant de ses honoraires à la somme de 2.160 euros TTC.

Le 10 mars 2022, une ordonnance de prorogation de délai a été rendue par le Bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Montpellier, prorogeant de quatre mois à partir du 17 mars 2022 le délai dans lequel devra être rendue la décision.

Selon ordonnance du 18 juillet 2022, le Bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Montpellier a rendu une ordonnance de taxe dans laquelle il a :

**taxé et arrêté les honoraires dus à Maître [U] [Z] par Monsieur [V] [F] à la somme de 1.200 euros HT, soit 1.440 euros TTC,

**ordonné en conséquence à Monsieur [V] [F] de régler à Maître [U] [Z] la somme de 1.440 euros TTC, majorée des intérêts de retard au taux légal depuis la saisine du 17 novembre 2021 et ce jusqu’à paiement complet de la dette,

**ordonné que, nonobstant appel, la décision sera rendue exécutoire à hauteur de la somme de 1.440 euros assortie des intérêts.

Cette décision a été notifiée le 5 août 2022 à Maître [Z] et à Monsieur [F].

Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue à la cour le 30 août 2022, Monsieur [V] [F] a formé un recours à l’encontre de l’ordonnance rendue le 18 juillet 2022 par le Bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Montpellier, auprès de la Cour d’appel de Montpellier.

Les parties ont été convoquées à l’audience du 5 janvier 2023 à 14h.

A l’audience, les parties ont développé oralement leurs écritures, auxquelles il est référé pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions.

Monsieur [F] demande au Premier Président d’infirmer l’ordonnance, et, en outre, de condamner Maître [Z] à des dommages et intérêts pour tentative de dol. Il invoque le manque de connaissances et de réactivité de Maître [Z], ainsi que l’absence de convention d’honoraires rendant tout paiement, à son sens, impossible. Il indique à ce titre n’avoir jamais accepté une quelconque rémunération de l’avocat pour les entretiens et analyses réalisés.

Maître [Z] sollicite la confirmation de l’ordonnance de taxe du Bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Montpellier ; toutefois, il demande au Premier Président de réévaluer ses honoraires au taux horaire de 300 euros HT, et non à celui de 200 euros HT tel que fixé par le Bâtonnier. Il fait valoir qu’il a rencontré Monsieur [F] à trois reprises, et qu’il a lu et analysé le dossier confié par son client afin d’évaluer les différentes actions envisageables.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon l’article 10 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.

Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

Monsieur [F] sollicite l’infirmation de l’ordonnance et l’annulation du paiement dû à Maître [Z], ainsi que la condamnation de l’avocat au paiement de dommages et intérêts pour tentative de dol.

Il sera rappelé au préalable qu’il n’appartient pas au Premier Président de la Cour d’appel ou son délégataire, saisi en matière de taxation des honoraires, de connaître du problème de la responsabilité de l’avocat, mais d’apprécier le montant de ses honoraires au regard de la convention conclue ou des critères posés par l’article 10 précité.

Le premier président n’a donc pas compétence pour retenir à l’encontre de cet avocat l’existence d’une faute professionnelle et n’a pas le pouvoir de se prononcer sur l’éventuelle responsabilité de celui-ci au titre d’un manquement à ses obligations professionnelles ou déontologiques, pour priver l’avocat de sa rémunération.

L’ensemble des arguments relatifs à la responsabilité de l’avocat sont donc inopérants et la présente juridiction n’a pas à statuer sur la demande de dommages et intérêts, laquelle relève d’un procès devant le tribunal judiciaire.

Dès lors, il convient uniquement d’examiner les diligences qui ont été accomplies et si elles justifient les honoraires dont l’avocat sollicite le paiement à hauteur de 2.160 euros TTC.

Aucune convention n’a été signée entre les parties ; toutefois, le défaut de signature d’une convention d’honoraires, y compris sous l’empire des nouvelles dispositions issues de la loi du 6 août 2015, ne prive pas l’avocat du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors fixés en tenant compte des critères prévus à l’article 10 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971.

Il résulte des pièces produites aux débats, notamment du détail de la facture n°2021-1716 et de l’état des diligences communiqué à Monsieur [F] le 5 novembre 2021, que Maître [Z], s’agissant des divers contentieux dont il a été sollicité par Monsieur [F] (question de l’opportunité d’une action en réduction de la donation au dernier vivant, question de la demande d’expertise, et question de la demande de nullité du testament olographe), a facturé à son client au total 6 heures de travail. Ce temps de travail correspond au temps passé aux trois entretiens avec le client (le 25 août 2021, le 1er septembre 2021 et le 8 septembre 2021) ainsi qu’à l’étude des pièces et recherches juridiques dont il a fourni le résultat au cours du troisième entretien. Monsieur [F] n’apporte aucun élément susceptible de contester la réalité des diligences ; il ne contredit pas l’existence des entretiens ni celle de l’analyse juridique effectuée par Maître [Z].

En revanche, Monsieur [F] critique le manque de connaissances de Maître [Z] (à partir des spécialités figurant sur le site internet de l’avocat), dans le domaine d’intervention de son dossier, son manque de réactivité et l’absence de pertinence de ses diligences.

Or, il n’appartient pas au juge de la taxe de donner son appréciation sur les diligences effectuées (sauf en cas d’inutilité manifeste) et la qualité du travail fourni par l’avocat. Il n’est pas non plus juge des choix procéduraux de l’avocat. La présente juridiction ne peut donc que constater qu’aucune des actions envisagées par l’avocat dans le litige successoral opposant Monsieur [F] à ses frères et sa s’ur n’apparaît manifestement inutiles. En particulier, le temps passé par l’avocat à réaliser ses recherches, s’agissant d’un dossier complexe eu égard aux éléments versés au débat, n’apparaît pas manifestement inutile.

Par ailleurs, Monsieur [F] fait valoir qu’il a indiqué à Maître [Z] qu’il confiait son contentieux à un autre avocat, avant même le commencement de toute procédure ; il convient toutefois de rappeler que l’interruption de la mission de l’avocat avant son terme ne le prive pas de son droit à rémunération.

S’agissant de l’évaluation du taux horaire, Maître [Z] sollicite la réévaluation de ses honoraires à 300 euros HT par heure.

Toutefois, le Bâtonnier a justement retenu que les honoraires réclamés n’étaient pas en cohérence avec les critères prévus à l’article 10 précité. En effet, la Cour d’appel de Montpellier retient régulièrement des taux horaires entre 160 et 250 euros HT conformes aux critères légaux et variant en fonction de la compétence, l’expérience et la notoriété de l’avocat, ainsi qu’aux diligences réalisées. En l’espèce, le taux horaire de 200 euros HT paraît proportionné à la réalité des missions effectuées par Maître [Z], à savoir trois entretiens et une analyse juridique ; il convient à ce titre de rejeter la demande de réévaluation.

Dans ces conditions, la taxation des honoraires de l’avocat à la somme de 1.440 euros TTC, correspondant à un taux horaire de 200 euros HT, est parfaitement fondée.

La réalité des diligences réalisées par Maître [Z] étant parfaitement constatable, il convient de confirmer, en toutes ses dispositions, l’ordonnance en date du 18 juillet 2022.

Monsieur [F] sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

Nous, M. Philippe BRUEY, magistrat délégué par le premier président, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRMONS l’ordonnance du 18 juillet 2022 rendue par le Bâtonnier de l’ordre des avocats de [Localité 3] ;

REJETONS les demandes formées par Monsieur [V] [F] ;

CONDAMNONS Monsieur [V] [F] aux dépens.

Le greffier Le président

 


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