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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 13
ARRET DU 19 OCTOBRE 2022
(n° , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/04354 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFLS7
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Février 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de FONTAINEBLEAU – RG n° 21/01629
APPELANTS
Madame [I] [T]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Karine ALTMANN de la SELEURL AL-TITUDE, avocat au barreau de PARIS, toque : E2070
Assistée par Me Bernard DUMONT, avocat au barreau de Fontainebleau
Monsieur [U] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Karine ALTMANN de la SELEURL AL-TITUDE, avocat au barreau de PARIS, toque : E2070
Assisté par Me Bernard DUMONT, avocat au barreau de Fontainebleau
INTIMEES
S.C. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistée de Me Guillaume REGNAULT, avocat au barreau de Paris, substitué par Me Julie HARDUIN, avocat au barreau de Paris
S.A. MMA IARD prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistée de Me Guillaume REGNAULT, avocat au barreau de Paris, substitué par Me Julie HARDUIN, avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme d’ARDAILHON MIRAMON Marie-Françoise, Présidente de chambre,
Mme MOREAU Estelle, conseillère
M. RICHARD Laurent, conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Florence GREGORI
ARRET :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 19 octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente et par Florence GREGORI, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
***
Le 25 novembre 1991, Mme [P], aux droits de laquelle se trouve la Sci La Belle Marie, a donné à bail à Mme [I] [T] un local à usage commercial situé à [Adresse 5], moyennant un loyer annuel de 48 000 francs soit 7 317,55 euros.
Par acte du 21 janvier 2004, la Sci La Belle Marie a fait signifier à Mme [T] un congé avec offre de renouvellement du bail commercial et fixation du nouveau loyer annuel à 26 000 euros HT. Mme [T] a indiqué accepter le principe du renouvellement du bail mais non le montant du loyer annuel proposé.
Par acte du 3 avril 2008, la Sci La Belle Marie a fait assigner Mme [T] devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Fontainebleau aux fins de fixation du loyer annuel à 26 000 euros du 1er août 2004 au 28 avril 2006 puis 34 850 euros à compter du 28 avril 2006.
Par jugement en date du 11 septembre 2008, ledit juge a ordonné une expertise et fixé à titre provisionnel le loyer annuel à la somme de 10 000 euros HT. Le rapport d’expertise a été déposé le 3 juin 2009.
L’affaire radiée le 4 mars 2010 a fait l’objet d’une demande de réinscription le 26 septembre 2013.
Par jugement en date du 3 avril 2014, le juge des loyers commerciaux s’est déclaré incompétent pour connaître de la fin de non-recevoir tirée de la prescription présentée par Mme [T] et s’est dessaisi de l’entier dossier au profit de la chambre civile du tribunal de grande instance de Fontainebleau.
Par ordonnance en date du 4 juin 2015, le juge de la mise en état, saisi sur incident, a déclaré irrecevable la demande de péremption de l’instance de Mme [T] et rejeté la demande de prescription de l’action en fixation du prix du loyer du bail renouvelé.
Par jugement du 18 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Fontainebleau a fixé le loyer annuel du bail renouvelé à la somme de 23 880 euros HT à compter du 1er août 2004.
Par jugement du 4 septembre 2017, le tribunal de commerce de Melun a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de Mme [T] et désigné la Scp Angel-Hazane en qualité de mandataire judiciaire.
Le 4 juin 2018, le tribunal de commerce de Melun a arrêté un plan de redressement sur dix ans, la Scp Angel Hazane étant désignée commissaire à l’exécution du plan.
Par arrêt du 12 décembre 2018, la cour d’appel de Paris a réformé le jugement du 18 janvier 2017 en réduisant le loyer annuel à la somme de 21 488 HT euros à compter du 1er août 2004.
Par arrêt du 9 juillet 2020, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de Mme [T].
Par ordonnance du 3 juin 2019, le juge commissaire a admis la créance de la Sci La Belle Marie pour la somme de 11 907,43 euros à titre privilégié et pour 246 906,07 euros à titre chirographaire.
Par arrêt en date du 5 octobre 2021, la cour d’appel de Paris a réduit la créance à titre chirographaire à la somme de 207 277,89 euros tout en rejetant une demande tendant à déclarer l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 12 décembre 2018 non avenu.
Le 8 mars 2021, le commissaire au plan a saisi le tribunal de commerce de Melun d’une demande de résiliation du plan et de liquidation de Mme [T].
Par acte du 2 décembre 2021, Mme [T] et M. [Y] son époux, exerçant une action directe, ont assigné à jour fixe la société anonyme MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles devant le tribunal judiciaire de Fontainebleau, en qualité d’assureurs de M. [B], de M. [V] et de M. [G], avocats successifs de Mme [T].
Par jugement du 2 février 2022, le tribunal judiciaire de Fontainebleau a :
– déclaré irrecevable car prescrite la demande de Mme [T] et M. [Y] contre la société MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles au titre de la responsabilité contractuelle de M. [B],
– débouté Mme [T] et M. [Y] de leurs autres demandes,
– condamné Mme [T] et M. [Y] à verser aux sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [T] et M. [Y] aux entiers dépens,
– rejeté les demandes plus amples ou contraires,
– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration du 3 mars 2022, Mme [T] et M. [Y] ont interjeté appel de ce jugement. Autorisés par ordonnance du 17 mars 2022, ils ont fait assigner à jour fixe les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles selon acte du 6 avril suivant.
Le tribunal de commerce de Melun a renvoyé la demande de résolution du plan et liquidation judiciaire de Mme [T], en dernier lieu, au 7 novembre 2022.
Dans leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 7 septembre 2022, Mme [T] et M. [Y] demandent à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il les a déclaré irrecevables en leur action directe en dommages et intérêts contre les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, en leurs qualités d’assureurs de la responsabilité civile de la Scp FGB et mal fondés au titre de la responsabilité de la Selarl Nahmias-[V] et de la Selasu [A] [J] [G], mise en cause à titre subsidiaire,
– déclarer recevable et bien fondée leur action à l’encontre des sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles,
– les condamner in solidum à payer à Mme [T] :
au titre des dommages résultant du déplafonnement la somme de 296 020,83 euros,
au titre des frais qu’elle a du exposer à la suite de la décision ayant rejeté les exceptions de péremption et de prescription, la somme de 71 078,94 euros,
au titre du préjudice moral par elle subi, la somme de 35 000 euros,
au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 8 000 euros,
– les condamner in solidum à payer à M. [Y] la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral,
– les condamner en tous les dépens de première instance et d’appel.
Dans leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 7septembre 2022, la société civile MMA Iard assurances mutuelles et la Sa MMA Iard demandent à la cour de :
– à titre principal, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
par conséquent,
– juger que l’action au titre des fautes alléguées de M. [B] est manifestement prescrite,
– juger que les demandeurs ne justifient d’aucune faute à l’encontre de M. [V] et M. [G],
– débouter Mme [T] et M. [Y] de l’ensemble de leurs demandes au titre d’une faute commise par M. [B],
– débouter Mme [T] et M. [Y] de l’ensemble de leurs demandes au titre d’un faute commise par M. [V] et M. [G],
subsidiairement,
– juger que les appelants ne justifient d’aucune perte de chance à l’encontre de M. [V] et M. [G],
– juger que les préjudices ne sont pas démontrés,
– débouter Mme [T] et M. [Y] de l’ensemble de leurs demandes à leur encontre,
plus subsidiairement,
– juger que les appelants ne justifient d’aucune perte de chance à l’encontre de M. [V],
– limiter la perte de chance au titre de la faute de M. [G] à 5%,
– juger que les appelants ne justifient d’aucune perte de chance au titre du ‘préjudice résultant de la poursuite du contentieux’ et exclure toute demande à ce titre,
– débouter Mme [T] et M. [Y] de leurs demandes au titre d’un préjudice moral,
– débouter Mme [T] et M. [Y] de l’ensemble de leurs demandes complémentaires,
en toute hypothèse,
– condamner in solidum les appelants à leur payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles,
– condamner in solidum les appelants aux entiers dépens.
SUR CE,
Sur l’action directe au titre de la responsabilité de M. [B] et de la Scp FGB
Le tribunal a jugé que :
– Mme [T] reproche à M. [B] de ne pas avoir soulevé l’exception de péremption devant le juge des loyers avant son premier mémoire,
– le point de départ du délai quinquennal de prescription de l’action en responsabilité dirigée contre M. [B] sur le fondement de l’article 2225 du code civil doit être fixé au 24 juin 2014, date où sa mission a pris fin et l’acte introductif d’instance ayant été délivré le 2 décembre 2021, l’action est prescrite,
– dès le 9 juin 2015, Mme [T] invitait M. [B] par courrier à procéder à une déclaration de sinistre au motif que l’ordonnance du juge de mise en état du 4 juin 2015 relevait qu’il n’avait pas soulevé utilement l’exception de péremption de sorte que dès le 4 juin, elle avait connaissance de la faute alléguée,
– la seule impossibilité d’agir à laquelle elle peut prétendre serait son ignorance de la faute, une ignorance qui a pris fin au plus tard le 4 juin 2015 de sorte que la prescription est malgré tout acquise,
– elle aurait pu agir dès le 4 juin 2015 en sollicitant un sursis à statuer dans l’attente de la décision de justice sur la fixation des loyers permettant d’établir son préjudice définitif, de sorte qu’elle ne subit aucune atteinte à son droit visé à l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Les appelants font valoir que :
– Mme [B] a commis deux fautes : elle n’a pas soulevé la péremption de l’instance avant tout autre moyen au fond de telle sorte que le juge de la mise en état a déclaré ce moyen irrecevable alors que cette péremption était incontestable et a soulevé la prescription de l’action en arguant du caractère non interruptif de prescription du mémoire en fixation de loyer et en invoquant à tort un arrêt de la Cour de cassation qui se prononçait en réalité sur le caractère non interruptif du dépôt du mémoire au greffe et non sur celui de la notification du mémoire elle-même,
– l’article 2234 du code civil est applicable à toutes les prescriptions,
– la prescription ne peut jouer à l’encontre d’une personne qui n’est pas encore recevable à agir pour défaut d’intérêt à agir tant que son préjudice est simplement éventuel,
– un sursis à statuer ne peut être sollicité puisque l’action n’est pas recevable tant que le préjudice n’est pas définitivement acquis au moins en son principe,
– tant qu’une décision définitive n’était pas intervenue sur la question du déplafonnement et qu’un loyer supérieur au loyer en vigueur n’était définitivement retenu, le préjudice n’était pas certain,
– jusqu’à ce que l’arrêt du 12 décembre 2018 ne devienne définitif à la suite de la décision de la Cour de cassation du 9 juillet 2020, aucune action en indemnisation ne pouvait valablement être entreprise,
– en outre, elle a relevé appel de l’ordonnance du juge commissaire ayant admis la créance de la bailleresse et demandant à la cour de juger non avenu l’arrêt du 12 décembre 2018 et ce n’est donc qu’une fois l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 5 octobre 2021 devenu définitif qu’elle pouvait invoquer un intérêt à agir et agir en responsabilité,
– tant M. [V] lui-même, dans un mail du 18 janvier 2019, que la société de courtage du barreau, dans un mail du 13 février 2019, avaient souligné la nécessité d’attendre une décision définitive,
– la jurisprudence de la Cour de cassation, notamment dans un arrêt du 9 septembre 2020 a jugé que le dommage subi ne se manifeste qu’à compter de la décision passée en force de chose jugée, peu important que cet arrêt concerne un notaire, la qualité du professionnel étant indifférente,
– l’application de l’article 2225 du code civil et du point de départ de la prescription au jour de l’achèvement de la mission de M. [B] la priverait du droit d’agir, au mépris d’un principe de valeur constitutionnelle selon lequel la prescription ne peut courir contre une personne qui ne peut agir et au mépris de l’article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
– M. [B] a incontestablement commis une faute en invoquant à tort la prescription et surtout en ne soulevant pas la péremption avant tout autre moyen de sorte que celle-ci a été déclarée irrecevable.
Les intimées concluent à la confirmation du jugement sur ce point :
– le point de départ du délai de la prescription quinquennale prévue à l’article 2225 du code civil est la date de la fin de sa mission et non celle du jour où le dommage s’est révélé comme en droit commun,
– M. [B] a été mandaté le 28 octobre 2013 et sa mission a pris fin avec le jugement du 3 avril 2014, celui-ci ayant été dessaisi au profit de la Scp Malpel, ce qui n’est pas contesté,
– subsidiairement, M. [B] était dessaisi au plus tard le 24 juin 2014, ce que Mme [T] reconnaît également,
– Mme [T] ne justifie pas d’une impossibilité d’agir au sens de l’article 2234 du code civil,
– sa prétendue méconnaissance de son préjudice ne résulte ni de la loi, ni d’une convention et ne revêt pas les caractéristiques de la force,
– elle avait parfaitement connaissance de son préjudice dès le 9 juin 2015, jour où elle a demandé à M. [B] de procéder à une déclaration de sinistre,
– elle pouvait agir dès cette date et solliciter un sursis à statuer dans l’attente de la fixation de son préjudice définitif, étant rappelé que la responsabilité de l’avocat n’est pas subsidiaire de sorte que le dommage est certain dès la réalisation de la faute du professionnel du droit, indépendamment de tout recours qui serait ouvert contre un tiers,
– le débat relatif à l’étendue d’un préjudice ne conditionne pas la recevabilité de l’action,
– l’arrêt cité par Mme [T] n’est pas transposable car il vise la responsabilité d’un notaire soumise à la prescription de droit commun de l’article 2224 du code civil qui fixe un point de départ du délai de prescription différent.
Selon l’article 2225 du code civil, l’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission.
L’article 2234 du code civil prévoit que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention, ou de la force majeure.
L’action en responsabilité contre un avocat est sujette à deux prescriptions différentes, ses activités juridiques étant soumises à la prescription de droit commun de l’article 2224 du code civil faisant courir le délai de prescription à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action, lequel est interprêté par la jurisprudence comme étant le jour où le dommage s’est révélé et ses activités judiciaires, pour lesquelles il a reçu un mandat de représentation et/ou d’assistance en justice qui relèvent de la prescription spéciale de l’article 2225 du code civil dont le point de départ du délai est fixé à compter de la fin de la mission confiée.
Mme [T] ayant donné en octobre 2013 un mandat à M. [B] de défendre ses intérêts dans l’action en fixation du loyer du bail renouvelé introduite par sa bailleresse, son action en responsabilité à son encontre au motif qu’il a commis une erreur en ne formulant pas la demande de péremption de l’instance avant tout autre moyen et qu’il a soulevé la prescription en raison d’une interprétation erronée de la jurisprudence de la Cour de cassation, relève de l’article 2225 du code civil.
Dans un courriel du 8 juillet 2019, la société de courtage du barreau écrivait à Mme [T] :
‘Dans cette affaire, Me [Z] [M], associée de Me [F] [B], me transmet copie de la correspondance que Me [B] vous a adressée le 18 juin 2014 à l’effet de prendre note de ce que vous souhaitiez qu’il se dessaisisse de vos dossiers et vous restitue les pièces.
« Cette restitution étant intervenue, physiquement, par la remise de tous vos dossiers à M. [U] [Y], qui vous assistait et était le seul interlocuteur de Me [B] dans le cadre de ces procédures, le 24 juin suivant.’
Les premiers juges ont relevé que Mme [T] écrivait dans ses conclusions qu’ ‘il était mis fin à la mission de Me [B] le 24 juin 2014″.
Or, l’action en responsabilité a été engagée par acte du 2 décembre 2021 soit plus de cinq ans après cette date.
Les appelants soutiennent qu’ils étaient dans l’impossibilité d’agir, au sens de l’article 2234 du code civil au motif que la prescription ne peut jouer à l’encontre d’une personne qui n’est pas encore recevable à agir pour défaut d’intérêt à agir tant que son préjudice est simplement éventuel.
Toutefois, l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action et l’existence du préjudice invoqué par le demandeur dans le cadre d’une action en responsabilité n’est pas une condition de recevabilité de son action mais du succès de celle-ci.
En conséquence, Mme [T] et M. [Y] ne justifient pas d’une impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention, ou de la force majeure.
De plus, le préjudice invoqué du fait de l’irrecevabilité de la péremption existait en son principe de manière certaine dès l’ordonnance du juge de la mise en état du 4 juin 2015, même s’il n’était pas fixé dans son étendue et aucune violation d’un principe de valeur constitutionelle n’est démontrée puisque Mme [T] n’était pas privée du droit d’agir.
Quant à la conventionnalité de l’article 2225 du code civil, la Cour européenne des droits de l’homme, gardienne de la bonne application des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, si elle veille notamment au respect du droit effectif de chaque citoyen d’accéder à un tribunal, ne met pas pour autant en cause le principe de la prescription, dont elle laisse chaque Etat déterminer les conditions d’application, son contrôle éventuel ne portant que sur la légitimité du but poursuivi par les délais édictés, et sur leur durée, qui ne doit pas être exagérément courte.
Ainsi, le droit à l’accès au juge tel que consacré par l’article 6 §1 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’est pas absolu et peut être soumis à un délai de prescription dont une des finalités essentielles est de garantir la sécurité juridique en fixant un terme aux actions. Le délai de prescription de cinq ans prévu à l’article 2225 du code civil poursuit un but légitime et ne constitue pas au vu de sa longueur une entrave au droit d’accès à un tribunal.
En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu’il a déclaré prescrite l’action de Mme [T] au titre de la responsabilité de M. [B].
Sur l’action directe au titre de la responsabilité de la Selarl Nahmias-[V]
Le tribunal a estimé que :
1. Mme [T] reproche à M. [V] d’avoir manqué à son obligation de conseil en ne lui indiquant pas le risque de prescription de son action dans le cadre de sa demande amiable d’indemnisation devant la société de courtage du barreau pour laquelle il l’assistait,
– mais elle ne produit aucun contrat ou document faisant référence à la saisine de l’avocat et à l’acceptation par ce dernier de sa mission concernant le litige avec M. [B],
– les factures produites soit ne concernent pas le litige en cause, soit ne précisent pas de quelle affaire il s’agit,
– le seul élément qui prouverait le mandat de représentation est un mail de M. [V] dans lequel il écrit à Mme [T] ce qu’elle doit indiquer à l’assurance du barreau concernant le dommage, le préjudice et le lien de causalité, lequel est insuffisant pour établir la preuve d’un mandat ou même d’une consultation juridique complète sur le litige concernant M. [B],
– M. [V] avait dès le début de leur collaboration exprimé qu’il n’entendait pas intervenir en ce qui concernait le litige en responsabilité professionnelle à l’encontre de son confrère, ainsi qu’il ressort des conclusions de Mme [T], et il appartenait à cette dernière de s’adresser à un autre avocat sans pouvoir reprocher à son avocat de ne pas lui avoir donné de conseils dans une affaire qu’il avait expressément refusée,
2. Mme [T] lui reproche aussi d’avoir omis d’invoquer l’effet interruptif du redressement judiciaire sur la procédure devant la cour d’appel de Paris dans l’affaire principale ayant donné lieu à l’arrêt du 12 décembre 2018 mais, à supposer qu’il ait sollicité l’interruption de la procédure pour ce motif, la cause de cette interruption aurait disparu le 4 juin 2018, date du jugement arrêtant un plan de redressement de sorte que l’omission n’a pas eu de conséquence sur la suite de la procédure et qu’aucune preuve d’une faute n’est rapportée.
Les appelants font valoir que :
– si M. [V] a effectivement refusé un mandat judiciaire pour engager une procédure contre un de ses confrères ou son assureur, il avait cependant accepté de conseiller Mme [T] dans le recours amiable qu’elle pensait suffisant pour obtenir l’indemnisation de son dommage, tant la faute de M. [B] était incontestable,
– il est établi que M. [V], sans vouloir apparaître officiellement, est intervenu, au vu du courriel du 18 janvier 2019, pour lui donner des conseils au sujet du recours amiable contre l’assureur,
– or dans les conseils donnés, M. [V] n’a pas conseillé à sa cliente de consulter un autre avocat et surtout n’a pas attiré son attention sur le risque de prescription alors même que deux éléments essentiels le justifiaient : celle-ci étant une profane du droit, il se devait de l’informer du risque de prescription de ce régime d’exception et compte tenu du fait qu’il intervenait devant la cour d’appel dans la procédure de fixation du loyer renouvelé, il en connaissait nécessairement la chronologie procédurale et l’urgence à introduire une action en justice au regard de l’ancienneté de la faute et de la fin de la mission de M. [B],
– les deux factures pour assistance juridique ou consultation établies les 9 et 16 juillet 2018 pour lesquelles les sociétés d’assurances donnent des explications contradictoires, sont en réalité indifférentes, un conseil même gratuit ne pouvant pas être inapproprié ou incomplet et engage sa responsabilité sur le fondement d’une faute quasi délictuelle.
Les intimées demandent la confirmation du jugement aux motifs que :
– la preuve de l’existence d’un mandat et de son acceptation par M. [V] n’est pas rapportée par Mme [T],
– M. [V] n’a jamais été mandaté pour agir à l’encontre de M. [B] puisqu’il a expressément refusé de le faire et son mandat était limité à la contestation du loyer du bail commercial, de sorte qu’aucun manquement à son obligation d’information ne peut être retenu à son encontre,
– le courriel du 18 janvier 2019 ne permet pas de présupposer que M. [V] était chargé du règlement amiable du différend avec M. [B],
– M. [V] n’a accompli aucun acte, n’a adressé aucun courrier de réclamation à M. [B], à la société de courtage du barreau ou à l’assureur, aucune convention d’honoraires ou lettre de mission n’ont été signées,
– les factures dont Mme [T] se prévaut ont un lien non pas avec le recours amiable contre M. [B] mais avec la procédure de redressement judiciaire et un précontentieux avec une société ayant exercé des travaux au domicile des appelants,
– il est vain de faire appel à sa responsabilité quasi délictuelle alors qu’aucune obligation de conseil n’était due par M. [V] au titre d’un recours amiable pour lequel il n’était pas mandaté.
Aux termes d’une convention signée le 26 septembre 2017 et annulant une convention précédente, M. [V] a reçu de Mme [T] mission de l’assister tout au long des procédures devant la cour d’appel de Paris et le tribunal de grande instance de Fontainebleau et au long de la procédure de redressement judiciaire.
Les parties s’accordent pour dire que M. [V] avait refusé le mandat d’intenter une action judiciaire à l’encontre de M. [B] au titre de sa responsabilité professionnelle.
Toutefois, le 18 janvier 2019, M. [V] a adressé un courriel à Mme [T] dans les termes suivants :
‘ Sur le redressement judiciaire : (…)
Sur l’assurance :
Vous devez indiquer à l’assurance du barreau concerné que :
Le dommage consiste dans l’oubli de l’avocat à soulever la péremption de l’instance avant tout autre moyen et plus spécialement avant la prescription de l’action, ce qui a rendu cette demande irrecevable (à cette fin, vous devez joindre l’ordonnance du juge de la mise en état du 4 juin 2015)
Le préjudice consiste dans l’arriéré de loyers qui vous est réclamé à la suite de la décision de
la cour d’appel de Paris alors que l’action aurait été déclarée comme étant périmée.
Le lien de causalité découle du fait que c’est le manquement de votre ancien avocat qui a causé cela.
Etant précisé que si vous formez un pourvoi en cassation, la décision ne sera ni ferme ni définitive et donc il sera plus difficile de faire accepter ce dossier par l’assurance. Je vous invite à le faire confirmer auprès d’eux.’
Ce faisant, M. [V] a accepté, en marge des affaires pour lesquelles il avait reçu un mandat, de conseiller Mme [T] dans le cadre de son recours amiable engagé depuis juin 2015 contre la société de courtage du barreau au titre de la responsabilité professionnelle de M. [B], sans apparaître officiellement.
Dès lors, il était tenu, au titre de son devoir d’information et de conseil, peu important que le conseil donné n’ait pas donné lieu à une facturation d’honoraires, de l’avertir de l’existence d’un délai de prescription pour agir en justice contre l’avocat qui l’avait précédé et surtout de l’expiration prochaine de ce délai dont il se devait d’apprécier le point de départ, au visa de l’article 2225 du code civil, puisqu’il avait connaissance de l’entière procédure et de la fin de mission de M. [B] en 2014. Il devait enfin lui conseiller de saisir en urgence un autre avocat pour ce faire.
M. [V] a manqué à son devoir d’information et de conseil et sa faute professionnelle est retenue, en infirmation du jugement.
Sur l’action directe au titre de la responsabilité de la société [A] [J].[G]
Le tribunal a jugé que :
– si dans le courriel du 26 avril 2019 que Mme [T] produit, celle-ci a évoqué le litige qui l’oppose à M. [B] et demandé à M. [G] de se manifester auprès du courtier d’assurance, il n’est pas établi que M. [G] ait accepté une mission d’assistance à ce titre ou qu’il ait facturé des honoraires en ce sens,
– mais surtout, M. [G] a exprimé dès le début de leur collaboration qu’il n’entendait pas intervenir dans le litige concernant un confrère, tel qu’il ressort des conclusions de Mme [T],
– il appartenait à Mme [T] de s’adresser à un autre conseil de sorte que M. [G] n’a pas commis de faute.
Les appelants font valoir que :
– lorsque Mme [T] a chargé M. [G] de la défense de ses intérêts, courant avril 2019, l’action n’était pas prescrite, elle l’a informé oralement du recours amiable en cours contre l’assureur et il était convenu qu’il entre en contact avec celui-ci,
– intuitivement, elle insistait dans un courriel du 26 avril 2019 sur l’importance et l’urgence de prendre contact avec la société de courtage du barreau dont elle précisait les coordonnées mais n’a pas reçu de réponse à ce mail,
– disposant également de tous les éléments du dossier et ne pouvant que constater l’expiration prochaine du délai d’action, M. [G] devait au moins attirer l’attention sur l’urgence d’un recours contre l’assureur et sur la nécessité de s’adresser d’urgence à un confrère,
– profitant de l’absence de toute correspondance de leur assuré, les intimées contestent le fait que M. [G] ait reçu mandat et l’ait accepté mais cela ne saurait le décharger de sa responsabilité car l’absence de réponse de sa part manifestant un refus clair d’accepter le mandat de recours amiable, quand les éléments du dossier en sa possession faisaient apparaître l’urgence d’une réponse en raison de l’expiration prochaine du délai d’action, a constitué une faute quasi délictuelle,
– elles affirment même en appel que M. [G] n’a jamais reçu le courriel du 26 avril 2019 dont elles n’avaient pas contesté l’existence en première instance, reprenant même dans leurs premières conclusions en appel l’analyse des premiers juges concernant ce document, ce qui constitue un aveu judiciaire.
Les intimées répondent que :
– Mme [T] ne rapporte pas la preuve qu’elle a mandaté M. [G] afin d’engager la responsabilité de M. [B] ni que celui-ci ait accepté cette mission,
– elle reconnaît, en tout état de cause, qu’il avait refusé d’engager une procédure contre son confrère ou son assureur et qu’il ne lui a pas adressé de courrier pour lui donner des conseils,
– elle ne démontre pas avoir convenu avec M. [G] qu’il l’assisterait à quelque titre que ce soit dans le cadre de ce litige et il ne peut être tenu d’une obligation d’information au titre d’un dossier qu’il avait expressément refusé, ce qu’il était libre de faire,
– il est donc erroné de soutenir que sa demande imposait au moins une réponse,
– au surplus, il n’a jamais reçu le courriel du 26 avril 2019 et elles mêmes ne se sont jamais appuyées sur cette pièce dans leur conclusions de sorte qu’aucun aveu judiciaire ne peut être retenu,
– M. [G] a, dès le 15 décembre 2021 et après lecture de l’assignation, contesté avoir reçu ce courriel,
– en tout état de cause, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir accepté le mandat en ne répondant pas à un courriel qui lui était adressé,
– plus subsidiairement, il ne peut lui être reproché aucune faute alors que l’action était prescrite depuis le 3 avril 2019.
Mme [T] ne soutient pas avoir donné mandat à M. [G] d’exercer une action en responsabilité mais lui avoir demandé d’agir amiablement auprès du courtier d’assurance et lui reproche de ne pas avoir répondu à son courriel du 26 avril 2019.
Dans ce courriel, elle lui écrivait :
‘ Avez-vous eu connaissance de la société de courtage du barreau … qui prend en compte les fautes graves professionnelles de Me [B]…Normalement je pense que c’est dans le dossier que Me [V] vous a donné sinon je vous donne les références du dossier…
Je pense qu’il faut vous manifester auprès de cet organisme d’assurance car je ne sais pas ce que Me [V] a fait et j’ai peur que le dossier soit classé si nous ne nous manifestons pas rapidement.’
Mme [T] n’établit aucunement qu’elle avait informé M. [G] de son recours amiable à l’encontre de l’assureur de M. [B] et que ce dernier avait donné son accord pour intervenir auprès du courtier d’assurance.
Le courriel précité démontre même le contraire puisqu’elle interroge son nouvel avocat sur le point de savoir s’il a eu connaissance de ce courtier d’assurance et des éléments qui devraient se trouver dans le dossier de son prédécesseur.
Dès lors, elle ne peut reprocher à M. [G] de ne pas l’avoir informée de l’urgence à effectuer un recours contentieux et sur la nécessité de s’adresser à un confrère ni même de ne pas avoir répondu à son courriel pour refuser ce mandat dont ils n’avaient pas discuté au préalable.
Le jugement est confirmé en ce qu’il a retenu que M. [G] n’avait pas commis de faute et débouté les appelants de leur demande d’indemnisation par ses assureurs.
Sur le préjudice et le lien de causalité avec la faute retenue à l’encontre de M. [V]
Les appelants font valoir que :
– si la procédure judiciaire s’était arrêtée avec l’ordonnance du juge de la mise en état du 4 juin 2015 constatant la péremption, le loyer n’aurait suivi aucune augmentation, Mme [T] aurait pu demander le renouvellement du bail avant que sa durée ne dépasse 12 années et la procédure diligentée à l’occasion du second renouvellement a montré qu’il n’y avait aucune modification notable des facteurs de commercialité de sorte que lors de ce second renouvellement, le loyer serait resté plafonné et fixé au montant initial avec indexation,
– le préjudice consiste dans l’application d’un nouveau loyer déplafonné par rapport à celui que Mme [T] aurait dû normalement payer sans déplafonnement et dans tous les frais de procédure, y compris ceux de la procédure collective supportée postérieurement à la décision du juge de la mise en état du 4 juin 2015,
– l’importance de l’augmentation de loyer, la durée de la procédure et l’importance de l’arriéré de loyer qui est résulté de ces deux causes à la suite du jugement ayant fixé le montant du nouveau loyer ont directement provoqué son état de cessation de paiement, étant relevé que le redressement judiciaire est bien antérieur à la crise sanitaire,
– la notion de perte de chance, développée par les assureurs, ne peut être sérieusement retenue, puisque la péremption et la prescription s’imposaient sans discussion possible et qu’un appel aurait été manifestement voué à l’échec, et leur conséquence n’était pas d’avantage soumise à appréciation, le loyer ancien devant être purement et simplement maintenu,
– le préjudice causé par M. [B] et celui causé par les deux conseils suivants se confondent parfaitement et il n’y a pas lieu à application d’une quelconque perte de chance dans l’appréciation du préjudice causé par la faute de M. [V], car en l’informant du délai de recours contentieux dont elle disposait, il lui aurait permis d’obtenir la réparation intégrale de son préjudice,
– les disgressions sur la perte de chance de saisir un autre avocat sont sans portée, à moins que l’on considère que la recherche d’un avocat pour engager une action en responsabilité contre un confrère ou son assureur ait été une telle épreuve qu’elle faisait perdre toute chance d’indemnisation, alors qu’elle pouvait solliciter l’intervention du bâtonnier,
– les assureurs soutiennent à tort que M. [V] ne saurait être responsable de l’application du loyer déplafonné et des frais de la procédure collective, ces préjudices n’étant en lien de causalité qu’avec la faute de M. [B],
– il est vain de la part des assureurs d’invoquer un risque de révision triennale du loyer, cette révision ne pouvant être autre que l’application des indices et n’ayant nullement lieu d’être dès lors que le bail prévoit une indexation annuelle,
– Mme [T] ne pouvait craindre le moindre déplafonnement futur en l’absence de modification notable de la commercialité à [Localité 6], lequel n’est pas intervenu depuis lors,
– ainsi la fixation d’un loyer déplafonné avec effet au 1er août 2004 a pour conséquence que de cette date jusqu’au 7 septembre 2022, le préjudice de Mme [T] portant sur la différence entre les loyers déplafonnés et les loyers qui auraient été dus sans déplafonnement s’élève à la somme de 296 020,83 euros,
– le rejet de la péremption a par ailleurs pour conséquence qu’elle a dû exercer de nombreux recours dans le cadre tant de la fixation du loyer que de la procédure collective, de sorte qu’elle a subi un préjudice du fait de la poursuite de la procédure postérieurement au 4 juin 2015,
– elle a également subi un préjudice moral du fait de ces diverses procédures,
– M. [Y] a aussi subi un préjudice moral du fait de toutes ces procédures à l’encontre de son épouse.
Les intimés répondent que :
– le seul préjudice en lien de causalité avec le manquement retenu contre M. [V] ne peut être que la perte de chance de saisir un autre avocat afin qu’il engage une action judiciaire à l’encontre de M. [B] interrompant la prescription,
– or, en l’espèce, Mme [T] après avoir dessaisi M. [V] a mandaté M. [G] courant avril 2019, date à laquelle la prescription de l’action n’était pas encore acquise,
– en conséquence, Mme [T] ne justifie d’aucune perte de chance et donc d’aucun préjudice en lien de causalité avec le manquement de M. [V] allégué,
subsidiairement,
– Mme [T] ne justifie d’aucune perte de chance au titre du préjudice résultant de la poursuite du contentieux après l’ordonnance du 4 juin 2015, ces frais étant liés à la seule intervention de M. [B] qui aurait commis une faute en ne se prévalant pas de la péremption de l’instance,
– sur le quantum du préjudice, Mme [T] ne démontre pas avoir payé quoi que ce soit au titre des loyers de sorte que le préjudice n’est pas réel et certain, d’autant plus que la procédure collective est toujours en cours,
– sur le préjudice moral, elle ne justifie de sa demande par aucun élément,
– M. [Y] ne justifie d’aucun préjudice, seule Mme [T] étant preneuse au bail et partie aux procédures judiciaires engagées.
L’avocat ne rapportant pas la preuve qu’il a rempli ses obligations est tenu de réparer le préjudice direct, certain et actuel en relation de causalité avec le manquement commis, sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil.
Le préjudice dont se prévaut une partie en raison du manquement par son avocat à son obligation d’information et de conseil ne peut consister qu’en une perte de chance.
Il lui incombe de démontrer la réalité et le sérieux de la chance perdue en établissant que la survenance de l’événement dont elle a été privée était certaine avant la survenance du fait dommageable, le caractère hypothétique d’une telle perte de chance excluant toute indemnisation.
La perte de chance de Mme [T] si elle avait été informée le 18 janvier 2019 par M. [V] de la nécessité d’intenter une action judiciaire à l’encontre de M. [B] avant l’expiration du délai de prescription de cette action le 24 juin 2019 ne peut qu’être celle de ne pas avoir pu saisir un autre avocat dans le délai de cinq mois qui restait à courir.
Or, Mme [T] a saisi M. [G] en avril 2019, de sorte qu’elle ne justifie d’aucune perte de chance en lien de causalité avec la seule faute de M. [V] qui est retenue.
En conséquence, elle doit être déboutée de sa demande d’indemnisation à l’encontre de ses assureurs, en confirmation du jugement.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions relatives aux dépens et aux frais de procédure de première instance sont confirmées.
Les dépens d’appel doivent incomber aux sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles puisqu’une faute a été retenue à l’encontre de l’un des avocats dont elles garantissent la responsabilité civile professionnelle.
L’équité ne justifie pas que soit prononcée une condamnation des sociétés d’assurances au profit de Mme [T] et M. [Y] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne la Sa MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles aux dépens d’appel,
Dit n’y avoir lieu à condamnation de la Sa MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles au profit de Mme [I] [T] et M. [U] [Y] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,