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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ORDONNANCE DU 19 MAI 2023
Contestations d’Honoraires d’Avocat
(N° /2023, 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00160 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDJPC
NOUS, Michel RISPE, Président de chambre à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l’ordonnance.
Vu le recours formé par :
Monsieur [I] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Comparant en personne,
Demandeur au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de CRETEIL dans un litige l’opposant à :
Maître [C] [G]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Comparante en personne,
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 13 Avril 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L’affaire a été mise en délibéré au 19 Mai 2023 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
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RÉSUMÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 18 mars 2021, M. [I] [Z] a formé un recours à l’encontre d’une décision du bâtonnier de l’ordre des avocats du Val-de-Marne qui, en date du 11 février 2021, a rejeté sa demande de contestation des honoraires réglés à Me [C] [G], à hauteur de six cents (600) euros.
L’affaire a été évoquée au fond à l’audience du 1er février 2023, où elle a fait l’objet d’un renvoi contradictoire.
A l’audience de renvoi du 13 avril 2023, les parties ont de nouveau comparu en personne et ont été entendues.
M. [I] [Z] a indiqué qu’il avait été reçu par l’avocat et qu’ils étaient convenus d’une action pour l’indivision de son bien immobilier, alors qu’il était en train de divorcer.
Il a précisé avoir discuté sur le coût de cette procédure et qu’ils s’étaient entendus sur la somme de 600 euros, somme réglée comme le demandait l’avocat avant d’entamer la procédure. Il a expliqué que l’avocat avait encaissé son argent sans lui envoyer de convention d’honoraire, finissant par obtenir le projet après avoir dû le lui rappeler plusieurs fois.
Selon lui, c’est en lisant le projet de convention d’honoraire, qu’il avait vu que cela n’avait plus rien à voir avec leur accord.
Il a demandé que Me [C] [G] lui rende son argent, ajoutant que son projet de requête était plein d’incohérences et ne collait pas avec ce qu’il lui avait dit. Il a encore indiqué qu’il y a du temps passé mais qu’en réalité, l’avocate n’écoutait pas et que la requête est inefficace, ses diligences n’ayant pas été utiles pour lui.
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En réponse Me [C] [G] a contesté la relation des faits de M. [I] [Z] arguant de sa particulière mauvaise foi.
Elle a expliqué que lorsque celui-ci avait contesté ses honoraires devant le bâtonnier, elle ne s’était pas défendue parce qu’elle est débordée.
Elle a précisé avoir reçu M. [I] [Z] en urgence, à 21 heures pour sortir de l’indivision avec son ex-épouse.
Elle a confirmé lui avoir demandé une première provision de 600 euros, que celui-ci avait réglée. Elle a fait valoir qu’elle avait établi deux conventions d’honoraire, dont une concernant le divorce, avec un taux horaire très raisonnable, que M. [I] [Z] avait refusé de signer.
Elle a demandé qu’au titre de ses diligences, le solde du montant de ses honoraires soit fixé à 3.079,80 euros toutes taxes comprises , M. [I] [Z] étant condamné à payer cette somme, outre 1.000 euros à titre de dommages et intérêts et 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Puis, l’affaire a été mise en délibéré pour que la décision soit rendue le 19 mai 2023.
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SUR CE
La présente décision sera rendue contradictoirement entre les parties, toutes deux comparantes à l’audience.
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En matière de contestation d’honoraires d’avocats, l’article 53, 6° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques a renvoyé au pouvoir exécutif le soin de prévoir la procédure applicable, dans le respect de l’indépendance de l’avocat, de l’autonomie des conseils de l’ordre et du caractère libéral de la profession, au moyen de décrets en Conseil d’Etat.
Cette procédure est actuellement régie par le décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, dont la section V est intitulée ‘Contestations en matière d’honoraires et débours’.
En ce domaine, regroupées dans la section V dudit décret, les dispositions des articles 174 à 179 doivent dès lors recevoir application, alors qu’elles sont d’ordre public et instituent une procédure obligatoire et exclusive (cf. Cass. 2ème Civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 10-16.381, Bull. n 124 ; 2 Civ. , 13 septembre 2012, P. pourvoi n° 10-21.144). L’article 277 de ce décret prévoit en outre qu’ ‘Il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n’est pas réglé par le présent décret.’.
Dans ce cadre, il appartient au bâtonnier de l’ordre des avocats et, en appel, au premier président, à qui une contestation d’honoraires est soumise d’apprécier, d’après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l’honoraire dû à l’avocat.
En effet, selon l’article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, applicable à l’espèce, ‘Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.’
Reste que conformément à l’article 10, alinéa 4, de la loi précitée du 31 décembre 1971, le défaut de signature d’une convention ne saurait priver l’avocat du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors fixés en tenant compte selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ( cf. Cass. 2ème Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-17.271, 2ème Civ., 29 juin 2017, pourvoi n° 16-18.459 et 2ème Civ., 14 juin 2018, pourvoi n° 17-19.709).
L’évaluation qui doit être effectuée à ce titre ne porte que sur le seul le travail réalisé et l’adéquation de celui-ci avec la nature et l’importance du dossier.
En outre, dans le cadre de cette procédure spéciale ni le bâtonnier, ni le premier président n’ont pas à connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat à l’égard de son client, qui résulterait d’un manquement à l’un quelconque de ses devoirs. Dès lors, ils ne peuvent pas être amenés à sanctionner un avocat à l’encontre duquel une faute est opposée. Ils ne peuvent pas davantage réparer un préjudice allégué par le client à raison du comportement de l’avocat.
De même, le juge de l’honoraire n’a pas le pouvoir d’apprécier le bien-fondé des diligences effectuées par l’avocat, sauf si celles-ci étaient manifestement inutiles, ce qui s’entend d’une inutilité telle qu’elle épuise tout débat, toute discussion sur les diligences en cause, viciées dès leur origine. En tout état de cause, la prétendue inutilité de diligences ne peut se déduire de ce qu’elles n’ont pas conduit à la mise en ‘uvre d’une procédure.
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Il n’est pas discuté que le recours formé par M. [I] [Z] est recevable, pour avoir été intenté dans le délai requis, soit celui d’un mois à compter de la notification de la décision du bâtonnier attaquée, conformément aux prévisions de l’article 176 du décret du 27 novembre 1991 précité.
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Saisi par M. [I] [Z] d’une demande de remboursement des honoraires versés à Me [C] [G], soit une provision de 600 euros sur un total convenu de 1000 euros toutes taxes comprises dont le reliquat de 400 euros devait être payé après l’audience, lequel faisait valoir que Me [C] [G] lui avait réclamé 600 euros supplémentaires le 18 janvier 2020, puis 300 euros le 19 janvier 2020 tout en refusant d’établir une convention d’honoraires et se plaignait de la qualité du travail fait, réclamant de ce chef 500 euros à titre de dommages et intérêts, en l’absence d’observations de la part de Me [C] [G], le bâtonnier de l’ordre des avocats du Val-de-Marne a rendu sa décision, à l’encontre de laquelle le présent recours a été formé, en retenant en particulier :
‘Il importe en premier lieu de relever que contrairement à ce qui est affirmé par Monsieur [Z], Me [G] ne semble pas avoir refusé d’établir une convention d’honoraires, puisqu’il ressort au contraire de ses mails des 18 et 19 janvier, qu’elle a bien adressé à Monsieur [Z] une convention d’honoraires que celui-ci a refusé de signer.
Il ressort également des échanges de mail qu’il y a pu y avoir un malentendu entre les parties portant sur le fait que les honoraires devaient être augmentés de la TVA, soit 20%.
Quoiqu’il en soit, il n’est pas contesté que Maître [G] a perçu une provision de 600 €.
Il ressort également des échanges produits par Monsieur [Z], que Me [G] a bien établi un projet procédural, qui ne semble pas avoir convenu à Monsieur [Z], mais qui révèle néanmoins un travail effectif.
Enfin, il ressort des échanges produits, que c’est Monsieur [Z] qui a mis un terme à la mission de Maître [G].
Il est ainsi incontestable que Maître [G] a assuré un ou plusieurs rendez-vous avec Monsieur [Z]; qu’elle a échangé des courriels avec lui et lui a proposé un projet d’écritures. Dès lors la somme de 600 € perçue ne semble pas disproportionnée au temps passé en l’espèce par un avocat de l’ancienneté de Maître [G].
Dans ces conditions, il ne semble pas inéquitable de débouter Monsieur [Z] de sa demande.
Les dépens, incluant les frais de signification éventuelle de la présente décision, seront laissés à la charge de Monsieur [I] [Z] qui succombe à ses prétentions.’.
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A hauteur d’appel, M. [I] [Z] a réitéré les prétentions qu’il avait précédemment soumises au bâtonnier de l’ordre des avocats.
Me [C] [G] qui n’avait pas fait valoir d’observations devant le bâtonnier de l’ordre des avocats a revendiqué une rémunération de 3.679,80 euros sur la base d’un taux horaire de 250 euros hors taxes et pour avoir accompli un travail pour son client détaillé comme suit :
‘ Consultation (décembre 2019) : 1: 00
‘ Ouverture du dossier + provision 600 euros (décembre 2019) : 00:10
‘ Lettre à Madame [Z] + envoi (03 janvier 2020) : 01:00
‘ Réception des pièces + scan + études des pièces (07 janvier 2020) : 01:00
‘ Succession du dossier de divorce – email à la cons’ur (07 janvier 2020) : 00:10
‘ Consultation (janvier 2020) : 01:00
‘ Projet de requête afin d’autorisation d’assigner à jour aux fins d’être autorisé à passer seul un acte – multiples relectures suivant les exigence du client (12 janvier 2020) : 04:00
‘ Échange de email – demande de pièces (12 janvier 2020) : 00:10
‘ Modification de la requête (15 janvier 2020) : 02:00
‘ Échange de email – Préparation du dépôt de la requête (18 janvier 2020): : 00:15
‘ Echange de email (19 janvier 2020) : 00:15
‘ Lettre à l’attention du client (20 janvier 2020) : 00 : 45
‘ Échange de mail avec Maître [G] (04 novembre 2020) : 00:15.
Il n’est pas contesté que M. [I] [Z] a confié la défense de ses intérêts à Me [C] [G], notamment pour entreprendre une action relative à une indivision avec son épouse, avant de la décharger sans que celle-ci ait été engagée.
La discussion des parties sur la conclusion d’une convention d’honoraires est sans portée aucune dès lors qu’il est acquis que le projet de convention établi n’a pas recueilli le consentement du client, outre que l’avocat a été dessaisi avant le terme de la mission, circonstance de nature à rendre inapplicable la convention si elle avait été conclue.
Dès lors, comme cela a été rappelé ci-avant, l’évaluation de la rémunération de l’avocat doit être effectuée au regard du travail réalisé et en fonction des diligences justifiées.
Me [C] [G], à qui il revenait à ce titre à d’avoir à justifier les diligences accomplies au bénéfice de son client, a produit les pièces suivantes :
Pièce n°1: Conventions d’honoraires relatives à la procédure de licitation et à la procédure de divorce
Pièce n°2 : Échanges de mails entre Monsieur [Z] et Maître [G] en date du 18 janvier 2020 + courrier adressé à Monsieur [Z]
Pièce n°3 : Requête afin d’autorisation d’assigner à jour fixe aux fins d’être autorisé à passer seul un acte
Pièce n°4 : Accusé de réception du courrier envoyé à Madame [Z]
Pièce n°5 : Echanges de mails entre Monsieur [Z] et Maître [G] du 12 au 15
janvier 2020
Pièce n°6 : Échanges de mails entre Maître [B] et Maître [G] en date du 21
janvier 2020
Pièce n°7: Décision de l’Ordre des Avocats du Val-de-Marne du 11 février 2021.
L’existence du rendez-vous initial dont la date précise n’est pas indiquée n’est pas contestée.
L’existence des échanges entre l’avocat et son client portant notamment sur des pièces, l’examen de ces pièces est justifié par les éléments en débat, comme l’est le projet de requête élaboré par l’avocat.
Ledit projet de requête tend à obtenir du juge aux affaires familiales l’autorisation d’assigner à jour fixe l’épouse de M. [I] [Z], afin que celui-ci puisse procéder seul à la vente du bien indivis sur le fondement de l’article 217 du code civil.
Il est revendiqué quatre heures de temps de travail pour l’élaboration de ce projet outre deux heures pour le modifier.
Cependant, les différentes versions de ce projet ne sont pas produites et les modifications apportées ne sont pas explicitées, ni justifiées par les pièces communiquées.
S’agissant de la seule version en débat, celle-ci comporte essentiellement deux pages d’exposé relatif à la situation financière du couple, détaillant divers faits qui ne font pas l’objet d’une analyse juridique particulière.
Aussi, il ne peut être raisonnablement retenu qu’un avocat spécialisé, disposant d’une ancienneté de près de vingt ans et dont le taux horaire est de 250 euros hors taxes aurait pu passer quatre heures sur le projet initial.
Le projet d’assignation qui aurait dû accompagner la requête n’a pas été produit.
Pas plus, n’est communiquée la lettre dont Mme [Z] aurait été destinataire, computée pour une heure de temps de travail. Quant à l’accusé de réception de cette lettre (pièce 4), faute d’être lisible, il ne permet pas davantage de s’assurer de l’existence de cette diligence.
Les diligences ainsi justifiées n’apparaissent pas manifestement inutiles au sens de ce qu’elles seraient viciées et vouées à être inefficaces dès l’origine, en sorte qu’il y a bien lieu de les prendre en compte, quand bien même elle sont demeurées à l’état de projet ensuite du dessaisissement de l’avocat par son client. En effet, les griefs articulés par M. [I] [Z] à l’encontre de Me [C] [G] renvoient essentiellement à une problématique de responsabilité civile dont il lui appartient le cas échéant de juge de droit commun.
De ce qui précède et en considération des pièces justificatives des diligences accomplies produites au débat, il apparaît que le montant de la rémunération implicitement retenu par le bâtonnier de l’ordre des avocats à hauteur de 600 euros est parfaitement adéquat aux circonstances de l’espèce, raisonnablement proportionné à la nature du litige et à sa complexité.
Par voie de conséquence, il convient de rejeter la demande de restitution de M. [I] [Z] ainsi que les demandes reconventionnelles de Me [C] [G], et de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, y ajoutant que la rémunération de Me [C] [G] est fixée à hauteur de 600 euros, cette somme ayant entièrement été réglée.
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Sur les demandes accessoires :
Les dépens seront mis à la charge de M. [I] [Z], qui a échoué dans son recours.
Il n’est pas contraire à l’équité, ni à la situation économique des parties que Mme [C] [G] conserve à sa charge les frais irrépétibles qu’elle a exposés.
Il y a lieu de rejeter le surplus des demandes
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en dernier ressort, par ordonnance contradictoire, prononcée par mise à disposition au greffe,
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;
y ajoutant,
Fixe la rémunération de Me [C] [G] due par M. [I] [Z] à 600 euros, cette somme ayant entièrement été réglée ;
Condamne M. [I] [Z] aux dépens ;
Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception;
Rejette toute demande plus ample ou contraire des parties.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE