Responsabilité de l’Avocat : 18 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00392

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Responsabilité de l’Avocat : 18 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00392
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 9

ORDONNANCE DU 18 AVRIL 2023

Contestations d’Honoraires d’Avocat

(N° /2023 , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00392 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEAXH

NOUS, Laurence CHAINTRON, Conseillère, à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Axelle MOYART, Greffière présente à l’audience et au prononcé de l’ordonnance.

Vu le recours formé par :

Madame [S] [O]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Comparante en personne assisté de Me Marie-Leïla DJIDERT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1097

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/033819 du 20/07/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

Demandeur au recours,

contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de [Localité 1] dans un litige l’opposant à :

SCP BLATTER SEYNAEVE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Philippe CHATELLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0441

Défendeur au recours,

Par décision contradictoire , statuant par mise à disposition au greffe,

et après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 21 Mars 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

L’affaire a été mise en délibéré au 18 Avril 2023 :

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

****

Au mois de février 2020, Mme [S] [O] a confié la défense de ses intérêts à la SCP Blatter Seynaeve dans le cadre d’un litige qui l’opposait à son voisin, M. [I], en raison de nuisances sonores.

Aucune convention d’honoraires n’a été conclue entre les parties.

Par courrier du 3 février 2021, reçu le 5 février 2021, la SCP Blatter Seynaeve a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de [Localité 1] d’une demande en fixation de ses honoraires à hauteur de la somme de 2 600 euros HT, sur laquelle une provision d’un montant de 300 euros HT avait été versée, soit un solde d’honoraires restant du d’un montant de 2 300 euros HT.

Par décision contradictoire du 22 juin 2021, le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de [Localité 1] a :

– fixé à la somme de 2 600 euros HT (deux mille six cents euros hors taxes) le montant total des honoraires dus par Mme [O] à la SCP Blatter Seynaeve ;

– constaté un règlement partiel à hauteur de la somme de 300 euros HT,

– condamné en conséquence Mme [O] à verser à la SCP Blatter Seynaeve la somme de 2 300 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision, outre la TVA au taux de 20 % ;

– débouté Mme [O] de la demande tendant à obtenir le remboursement de la provision de 300 euros HT ;

– dit que les frais d’huissier de justice, en cas de signification de la décision, seront mis à la charge de Mme [O] ;

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou complémentaires ;

– prononcé l’exécution provisoire de la décision.

La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception du 24 juin 2021 dont la SCP Blatter Seynaeve a accusé réception le 25 juin 2021 et qui a été retournée signée sans date par Mme [O].

Par lettre recommandée avec avis de réception du 15 juillet 2021, le cachet de la poste faisant foi, Mme [O] a formé un recours contre cette décision.

Les parties ont été convoquées à l’audience du 21 mars 2023 par lettres recommandées avec avis de réception du 26 décembre 2022 dont la SCP Blatter Seynaeve a accusé réception le 28 décembre 2022 et qui a été retournée signée sans date par Mme [O].

Les deux parties ont comparu à l’audience du 21 mars 2023.

A l’audience, Mme [O] a sollicité l’infirmation de la décision déférée en ce qu’elle a fixé à la somme de 2 600 euros HT le montant total des honoraires dus à la SCP Blatter Seynaeve et l’a condamnée au paiement de la somme de 2 300 euros HT.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, la SCP Blatter Seynaeve demande au délégataire du premier président de :

– confirmer la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats du 22 juin 2021 en toutes ses dispositions,

– infirmer la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats du 22 juin 2021 en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– statuant à nouveau, condamner Mme [O] aux dépens de première instance et d’appel et à lui payer la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur les honoraires

Mme [O] expose, en premier lieu, que le taux horaire de l’intimée ne figure sur aucune facture qui a lui été adressée et affirme n’avoir pas été informée du montant prévisible des honoraires. En second lieu, elle observe qu’en l’absence de convention d’honoraires régularisée, ces derniers doivent être fixés selon les critères définis à l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. Sur sa situation de fortune, elle expose qu’elle bénéficie de l’aide juridictionnelle totale. Sur la difficulté de l’affaire, elle précise que préalablement à la saisine de l’intimée, une expertise judiciaire avait été effectuée dont il ressortait une gêne sonore modérée. Enfin, Mme [O] conteste certaines des diligences revendiquées par la société d’avocats au titre de l’examen du dossier et de la rédaction d’acte, des mises en demeure adressées au propriétaire et au locataire et d’une prise de contact avec les services sociaux du [Localité 1].

En réplique, la SCP Blatter Seynaeve expose avoir adressé une convention d’honoraires à Mme [O] qui a refusé de la signer. Elle dénie un quelconque défaut d’information quant au montant prévisible de ses honoraires. Elle expose avoir consacré à ce dossier 7 heures et 45 minutes de travail. Elle précise avoir adressé à sa cliente une copie du rapport d’expertise accompagné d’une lettre explicative en date du 28 mai 2020. Elle affirme n’avoir jamais refusé d’assigner le propriétaire, mais avoir informé sa cliente du risque encouru compte tenu du caractère défavorable du rapport d’expertise. Elle conclut que le refus de paiement de ses honoraires résulte d’une mauvaise foi caractérisée de la part de Mme [O].

Le recours de Mme [O] qui a été effectué dans le délai d’un mois prévu par l’article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 est recevable.

La procédure de recours contre les décisions du bâtonnier en matière d’honoraires est une procédure spéciale régie par les articles 174 et suivants du décret précité qui ne s’applique qu’aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats.

Il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président ou son délégataire, n’ont pas à connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat à l’égard de son client résultant d’un manquement à son devoir d’information sur les conditions de sa rémunération ou, plus généralement, à son obligation de conseil.

Il s’ensuit que, dans ce cadre juridique applicable au présent litige, le défaut d’information allégué de la société d’avocats quant à la prévisibilité de ses honoraires ne peut pas conduire à une réfaction de ces derniers dans une proportion appréciée par le juge.

Selon l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

‘Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.’

En l’espèce, il est constant que Mme [O] n’a pas retourné signé le contrat de mission qui lui avait été adressé par la société d’avocats par correspondance du 24 juin 2020, de sorte qu’aucune convention d’honoraires n’ayant été conclue entre les parties, il sera fait application des critères précités définis à l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971, modifié par la loi du 6 août 2015.

La SCP Blatter Seynaeve produit une fiche de diligences dressée pour le bâtonnier le 3 mars 2021, de laquelle il ressort que:

* Me [E], avocat associé en son sein, a 21 années d’exercice et est titulaire d’un certificat de spécialisation en droit immobilier,

* le type de dossier traité concernait un contentieux judiciaire,

* la difficulté de l’affaire tenait au nombre de diligences effectuées : correspondances + mise en demeure du propriétaire de l’appartement se situant au-dessus de celui de Mme [O] ainsi que son occupant + prise de contact avec le propriétaire, l’expert, les services sociaux de la mairie du 11ème arrondissement…,

* il y a eu 7 entretiens téléphoniques pour une durée totale cumulée de 1 heure 04,

* 11 courriers ont été envoyés pour une durée totale de 1 heure 43,

* 3 rendez-vous ont eu lieu pour une durée de 1 heure 10,

* il a consacré 3 heures 43 de travail à l’examen du dossier et la rédaction d’acte et une minute à l’administration et au suivi du dossier,

* au total, il a consacré au dossier de Mme [O] 7 heures et 41 minutes de travail,

* les diligences ont été accomplies du 19 février 2020 au 12 février 2021 pour un total de 2 674,16 euros HT,

* il a facturé un montant total d’honoraires de 2 621,66 euros HT,

* la somme de 300 euros HT a été réglée au titre des honoraires, soit un solde restant du de 2 300 euros HT, soit 2 760 euros TTC.

Le taux horaire de 350 euros HT revendiqué par la société d’avocats qui figurait dans le contrat de mission adressé à sa cliente, n’apparaît pas excessif au regard de l’ancienneté de Me [E] au barreau de [Localité 1] (21 années d’exercice) et de sa spécialisation en droit immobilier.

La SCP Blatter Seynaeve produit un décompte particulièrement précis de temps passés qui mentionne la date des diligences réalisées, leur descriptif, le nom de l’intervenant et le temps passé pour chacune de ces diligences.

Elle justifie par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, être intervenue auprès de M. [I], mais également auprès de sa locataire, Mme [W] et à de multiples reprises auprès de l’avocat de M. [I], Me [C] [F].

Il résulte des correspondances adressées à sa cliente qu’elle a étudié le pré-rapport d’expertise puisqu’elle lui a indiqué, notamment, par correspondance du 31 août 2020 qu’il serait risqué d’assigner son voisin en justice.

Le temps de travail de 7 heures 30 consacré au dossier de Mme [O] n’apparaît pas excessif au regard des diligences justifiées dans la présence instance et sera donc retenu.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a fixé à la somme de 2 600 euros HT le montant total des honoraires dus par Mme [O] à la SCP Blatter Seynaeve, constaté un règlement partiel à hauteur de la somme de 300 euros HT et condamné en conséquence Mme [O] à verser à la SCP Blatter Seynaeve la somme de 2 300 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision, outre la TVA au taux de 20 %.

Sur les autres demandes

Mme [O], partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Compte tenu de la situation actuelle de Mme [O] qui bénéficie de l’aide juridictionnelle totale, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l’intimée les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager dans la présente instance pour assurer la défense de ses intérêts.

PAR CES MOTIFS

Statuant en dernier ressort, par décision contradictoire, et par mise à disposition au greffe,

Confirme la décision déférée du bâtonnier de [Localité 1] en date du 22 juin 2021 ;

Condamne Mme [S] [O] aux entiers dépens ;

Rejette toute autre demande ;

Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l’ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec avis de réception.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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