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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ORDONNANCE DU 16 JANVIER 2023
Contestations d’Honoraires d’Avocat
(N° 28 /2023 , 6pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00085 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDC35
NOUS, Michel RISPE, Président de chambre, à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l’ordonnance.
Vu le recours formé par :
Maître [C] [A]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Comparante en personne
Demandeur au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :
Madame [U] [J]
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentée par Me Leila LEBBAD MEGHAR, avocat au barreau de PARIS, toque : E1139
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au Greffe,après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 09 Décembre 2022 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L’affaire a été mise en délibéré au 16 Janvier 2023 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
*****
RÉSUMÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Mme [U] [J], de nationalité française, sans profession, demeurant à [Adresse 8], mariée à M. [N] [Z] [M] à la mairie de [Localité 5] le [Date mariage 2] 2008, sous le régime de la communauté réduite aux acquêts à défaut de contrat de mariage préalable à leur union, dont est issue l’enfant [F] [M] née le [Date naissance 3] 2015 à [Localité 9] (92), a chargé, courant septembre 2017, Me [C] [S] d’une procédure de divorce.
Ce mariage a été dissous par une convention de divorce en date du 09 janvier 2018 déposée au rang des minutes de Me [D] [H] notaire à [Localité 5].
Par jugement du 26 juin 2018, le tribunal d’Oran a rejeté la requête présentée le 04 avril 2018 par Mme [U] [J] qui sollicitait que soit conférée à la convention de divorce précitée la force exécutoire, au motif que cet acte était contraire à l’ordre public et aux lois algériennes.
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Par courrier adressé le 24 juin 2020 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris, Mme [U] [J] a contesté le montant des honoraires réglés à Me [C] [S] à hauteur de 3.000 euros dans le cadre dudit divorce au motif qu’en Algérie la convention de divorce n’était pas exequaturable et qu’elle n’avait pas le statut de divorcée.
A l’appui de sa réclamation, Mme [U] [J] a exposé les griefs suivants :
‘1. Ainsi, je me suis retrouvée porteuse d’une convention inexploitable et non exécutoire car non reconnue en Algérie, pays dont j’ai la nationalité en qualité de binationale. (Sous réserve de tous mes droits relativement à une loi inadaptée pour certains binationaux).
2. Ainsi je me suis retrouvée avec une convention aux closes léonines aux bénéfices de mon mari Monsieur [M] [N] [Z] (considérant qu’en Algérie la convention n’étant pas exequaturable je n’ai pas le statut de divorcé).
3.J’ai dû faire vendre à ma mère dans la précipitation sans conseil aucun, un bien afin de pouvoir racheter au prix fort la quote-part de Monsieur.
4.Mais à aucun moment l’étendue du patrimoine de Monsieur autre que ce bien commun n’a été évoquée.
5.A aucun moment en présence de mon conseil en l’étude notariale de la SCP [H] – [P] [K] – [T] [L] et [G] [W], Notaires associés [Adresse 1], rédacteur du divorce je n’ai pu m’exprimer, être éclairée ou entendre mon conseil exprimer une réserve ou autre dans mon intérêt.’
Le Bâtonnier a accusé réception de la réclamation et conformément aux dispositions de l’article 175 du Décret du 27 novembre 1991, par lettres recommandées avec avis de réception en date du 17 septembre 2020, a convoqué les parties devant Mme [X] [I], désignée comme rapporteur, pour le 19 novembre 2020.
A cette audience, Mme [U] [J] n’était pas présente tandis que Me [C] [A] a comparu.
Ensuite d’une première décision de prolongation rendue le 23 octobre 2020, par une décision contradictoire en date du 03 février 2021, le délégataire du bâtonnier de l’ordre des avocats a:
‘ dit qu’il n’y a lieu à honoraires ;
‘ constaté le versement de la somme de 2.500 euros hors taxes soit 3.000 euros toutes taxes comprises par Mme [U] [J] à Me [C] [S] ;
‘ condamné Me [C] [S] à restituer à Mme [U] [J] la somme de 2.500 euros hors taxes soit 3.000 euros toutes taxes comprises;
‘ dit que les frais de signification de la présente décision seront à la charge de Me [C] [S];
‘ prononcé l’exécution provisoire de la présente décision;
‘ rejeté toutes autres demandes, plus amples ou complémentaires.
Cette décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées en date du 03 février 2021, et remise le 08 février suivant à Me [C] [A].
Par courrier recommandé daté du 10 février 2021, Me [C] [S] a formé un recours contre ladite décision du bâtonnier. Elle exposait que l’objet du recours était de contester le caractère d’inutilité du divorce prononcé en France dès lors que Mme [U] [J] :
‘ est née en France
‘ est de nationalité française avant algérienne
‘ s’est mariée en France
‘ a accouché de son enfant en France
‘ est résidente Français
‘ est propriétaire d’un appartement en France, dont elle obtenu l’attribution préférentielle ainsi qu’elle le souhaitait
‘ a fait état de sa nationalité française pour obtenir un divorce par consentement mutuel en France dans des délais le plus court possible, excluant d’évoquer les intérêts qu’elle pourrait avoir en Algérie et dont je n’ai pas eu connaissance
‘ a pu obtenir un divorce effectif en France avec l’attribution de la résidence principale de sa fille [F] chez elle à [Localité 7], et une pension alimentaire à la charge de son époux qui l’a versée.
Par lettres recommandées en date du 28 octobre 2022, avec demandes d’avis de réception, les parties ont été convoquées par le greffe de la cour à l’audience du 9 décembre 2022.
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Lors de cette audience, Me [C] [S] a précisé avoir fait appel de la décision dont elle était très étonnée alors que sa cliente ne s’était pas présentée devant le bâtonnier et qu’elle devait lui restituer l’intégralité des honoraires payés après la totalité des diligences, effectuées de décembre à septembre, accomplies, facturées et payées.
Elle a expliqué que Mme [U] [J] avait voulu divorcer très vite et à l’amiable, qu’elle voulait un divorce en France et elle l’a eu, le divorce étant transcrit sur l’Etat civil. Elle ajoutait que celle-ci l’avait réglée en souriant. Elle a considéré que compte tenu des arguments adverses, essentiellement quant à l’impossibilité de faire transcrire le jugement en Algérie, c’est une procédure de responsabilité qui aurait dû être initiée.
Elle a indiqué qu’on lui aurait demandé une procédure en Algérie, elle aurait pu dire qu’elle n’étais pas compétente.
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En réponse, le conseil de Mme [U] [J], qui la représentait, a fait valoir que sa cliente était gravement malade et attendait une transplantation rénale, ce qui expliquait son absence à l’audience devant le bâtonnier.
Elle a expliqué que les deux conjoints avaient la bi-nationalité et que l’élément d’extranéité aurait dû faire qu’on mettait de côté le divorce sans juge, alors que le code de la famille algérien ne change pas et est immuable dans un pays musulman.
Elle a précisé que la cliente ignorait la loi, a demandé à son conseil de divorcer, sans que l’avocate ne puisse s’abriter derrière la turpitude de la cliente, alors qu’il lui appartenait de conseiller sa cliente et de l’orienter en fonction du droit international.
Elle a soutenu que le résultat visé n’était pas atteint alors que Mme [U] [J] ne pouvait pas aller vivre là où elle voulait, qu’elle avait demandé un divorce exequaturable, comme la situation de fait l’exigeait. Elle a ajouté que les signatures avaient été données sans bon conseil en amont, précisant encore que cela l’empêchait de voyager avec sa fille et cela amputait sa vie personnelle.
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Les parties comparantes ayant été entendues, l’affaire a été mise en délibéré pour prononcé de la décision par mise à disposition au greffe, dès le 16 janvier 2023.
SUR CE
La présente ordonnance sera rendue contradictoirement entre les parties.
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Il n’est pas discuté ni discutable que le recours interjeté par Mme [V] [O] est recevable, pour avoir été formé dans le délai requis, soit d’un mois, conformément aux prévisions de l’article 176 du décret du 27 novembre 1991 précité.
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Le magistrat délégataire du Premier président de la cour d’appel de Paris rappelle qu’en matière de contestations relatives à la fixation et au recouvrement des honoraires des avocats, les règles prévues par les articles 174 à 179 du décret n° 91-1197 du 27 novembre1991 organisant la profession d’avocat doivent recevoir application, alors qu’elles sont d’ordre public et instituent une procédure obligatoire et exclusive (cf. Cass. 2ème Civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 10-16.381, Bull. n 124 ; 2 Civ. , 13 septembre 2012, P. pourvoi n° 10-21.144).
Dans ce cadre, il appartient au bâtonnier de l’ordre des avocats et, en appel, au premier président, à qui une contestation d’honoraires est soumise d’apprécier, d’après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l’honoraire dû à l’avocat.
Le juge de l’honoraire ne peut pas le réduire dès lors que le principe et le montant de l’honoraire ont été acceptés par le client après service rendu, que celui-ci ait ou non été précédé d’une convention, dès lors que le paiement est intervenu librement et en toute connaissance de cause.
De plus, ni le bâtonnier ni, en appel, le premier président n’ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat au titre d’un éventuel manquement imputé à ce dernier.
Reste que si le juge de l’honoraire n’a pas le pouvoir d’apprécier d’éventuelles fautes commises par l’avocat ni de statuer sur le bien-fondé des diligences effectuées par celui-ci, il peut refuser de prendre en compte les diligences manifestement inutiles de l’avocat (cf. Cass. 2e Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n° 14-10.787, Bull. 2016, II, n° 10 ; 2e Civ., 3 mai 2018, pourvoi n° 16-23.508 ; 2e Civ., 3 mai 2018, pourvoi n° 17-16.131).
En l’espèce, le bâtonnier de l’ordre des avocats a retenu dans sa décision que : ‘Il est rappelé qu’il entre dans les pouvoirs du juge de l’honoraire de refuser de prendre en compte les diligences manifestement inutiles de l’avocat. (Civ 2 14 janvier 2016).
Madame [U] [J] a réglé un montant de 2.500 euros HT pour les ” diligences effectuées dans le cadre de la procédure de divorce par consentement mutuel (rédaction de la convention, discussions avec le Notaire, notification par LRAR, rendez-vous de signature) “.
Madame [U] [J] demande le remboursement de cette somme arguant que que la convention de divorce par consentement mutuel par acte d’avocats n’est pas reconnue dans son pays.
Il apparaît en effet que Mme [J] est de nationalité algérienne, et que le divorce par acte d’avocat n’est pas reconnu par son pays donc n’a aucune utilité.
Cette inutilité n’est pas contestée par l’avocat qui a proposé en réponse de diligenter gratuitement la procédure utile.
Cependant, Mme [J] qui doit pouvoir garder le libre choix de son avocat, n’a pas accepté.
Ainsi, il apparaît incontestablement que la procédure de divorce qui a été initiée est manifestement inutile pour Madame [U] [J], ainsi que toutes les diligences accomplies dans ce cadre.
Il convient de fixer le montant total des honoraires à la somme de zéro euro et de condamner Maître [C] [S] à restituer la somme de 2500,00 euros HT qu’elle a perçue.
Il y aura lieu de prononcer l’exécution provisoire de la présente décision.
Les circonstances de l’affaire ne commandent pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile.’.
Toutefois, si le bâtonnier de l’ordre des avocats a considéré que la procédure de divorce menée jusqu’à son terme n’avait pas d’utilité pour Mme [U] [J] alors qu’elle était de nationalité algérienne et que le divorce par acte d’avocat n’était pas reconnu par son pays, il a fait abstraction ce faisant de l’efficacité de la procédure ainsi engagée au regard du droit français.
Pourtant, il n’est pas sérieusement contesté que cette procédure a bien aboutit à l’adoption d’un acte juridique qui a produit son plein effet tant au plan patrimonial qu’au plan personnel, alors que le divorce a bien été transcrit à l’état-civil de Mme [U] [J] qui est aussi ressortissante française et est domiciliée en France, que cette décision régit les conditions d’exercice de l’autorité parentale sur l’enfant commun mineur qui est aussi français ainsi que la contribution du père à l’entretien de celui-ci et qu’elle a permis de liquider les intérêts patrimoniaux des époux.
Aussi, s’il apparaît que l’efficacité internationale de cette procédure de divorce sur le sol algérien a été déniée par une juridiction de l’Etat algérien, il n’est pas douteux que cette procédure ne saurait être regardée comme manifestement inutile dès lors qu’elle a produit effet en France et dans l’espace de l’Union européenne.
En outre, les griefs nourris par Mme [U] [J] à l’encontre de Me [C] [S] ne peuvent relever que d’une appréciation du juge du droit commun, à les supposer susceptibles d’engager la responsabilité civile professionnelle de cette avocate, notamment au titre du manquement au devoir de conseil qui lui est imputé.
Dans ces conditions, la décision du bâtonnier sera infirmée en toutes ses dispositions et la demande de restitution des honoraires versés à hauteur de 3.000 euros par Mme [U] [J] à Me [C] [S] sera rejetée.
Les dépens d’appel seront mis à la charge de Mme [U] [J], partie perdante.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement en dernier ressort, par ordonnance contradictoire prononcée par mise à disposition au greffe,
Infirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Rejette la demande de restitution des honoraires versés à hauteur de 3.000 euros toutes taxes comprises par Mme [U] [J] à Me [C] [S];
Condamne Mme [U] [J] aux dépens ;
Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception;
Rejette toute demande plus ample ou contraires des parties.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE