Responsabilité de l’Avocat : 15 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 18/00456

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Responsabilité de l’Avocat : 15 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 18/00456
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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 9

ORDONNANCE DU 25 OCTOBRE 2022

Contestations d’Honoraires d’Avocat

(N° /2022, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/00456 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B54AL

NOUS, Laurence CHAINTRON, Conseillère à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l’ordonnance.

Vu le recours formé par :

Monsieur [V] [X]

Centre de semi-liberté

[Adresse 4]

[Localité 3]

Comparant en personne, assisté de Me Laurent SIDOBRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0514 désigné au titre de l’aide juridictionnelle, selon la décision du 19 novembre 2021.

Demandeur au recours,

contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :

Maître [N] [H] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Marie-cécile NATHAN, avocat au barreau de PARIS

Défendeur au recours,

Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 15 Septembre 2022 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

L’affaire a été mise en délibéré au 25 Octobre 2022 :

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

****

Au mois de mars 2014, M. [V] [X] a confié à Me [N] [H] [O] la défense de ses intérêts dans le cadre d’une affaire où il avait été mis en examen de différents chefs criminels d’assassinat et vol avec arme qui était instruite par un juge d’instruction du tribunal de grande instance de Senlis. Me [H] [O] succédait ainsi à Me [U].

Aucune convention d’honoraires n’a été signée entre les parties.

Par courrier du 6 février 2018 reçu le 14 février 2018, M. [X] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris d’une demande de remboursement des honoraires versés à son avocat pour un montant total de 10 000 euros TTC.

Par décision contradictoire du 1er juin 2018, la déléguée du bâtonnier a :

– fixé à la somme de 10 000 euros TTC le montant des honoraires dus par M. [V] [X] à Me [N] [H] [O] ;

– constaté le versement d’ores et déjà intervenu de cette somme ;

– rejeté la demande de M. [V] [X] ;

– dit n’y a avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit que la signification de la décision sera à la charge de M. [V] [X] s’il se révélait nécessaire d’y procéder.

La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception en date du 1er juin 2018 dont elles ont accusé réception le 4 juin 2018.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 13 juin 2018, le cachet de la poste faisant foi, M. [X] a formé un recours contre la décision précitée.

Les parties ont été convoquées à l’audience du 8 mars 2021 par lettres recommandées avec avis de réception en date du 19 février 2021 dont Me [H] [O] a signé l’AR le 23 février 2021.

A cette audience, l’affaire a été renvoyée au 5 juillet 2021, puis au 8 septembre 2021 compte tenu du dépôt par M. [X] d’un dossier d’aide juridictionnelle.

A cette audience, l’affaire a été contradictoirement renvoyée au 3 novembre 2021.

A cette audience, l’affaire a été contradictoirement renvoyée au 2 février 2022. M. [X] a été convoqué à cette audience par lettre recommandée avec avis de réception en date du 3 novembre 2021 dont il a accusé réception le 5 novembre 2021.

A cette audience, l’affaire a été contradictoirement renvoyée au 1er juin 2022. Les parties ont été convoquées à cette audience par lettres recommandées avec avis de réception en date du 2 février 2022 dont Me Sidobre conseil de M. [X] a signé l’AR le 7 février 2022 et qui est revenue avec la mention ‘NPAI’ pour M. [X].

A cette audience, l’affaire a été contradictoirement renvoyée au 15 septembre 2022.

M. [X] a comparu à cette audience assisté de Me Sidobre. Me [H] [O] était représenté à cette audience.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, M. [X] demande de :

– le recevoir en son appel,

– le dire bien fondé,

– infirmer la décision du bâtonnier en date du 1er juin 2018,

Et statuant à nouveau,

– limiter les honoraires de Me [H] [O] à la somme de 5 000 euros TTC compte tenu des diligences accomplies en l’espèce,

– condamner Me [H] [O] à lui restituer la somme de 5 000 euros TTC,

– le condamner également aux entiers dépens de l’instance.

Me [H] [O] a sollicité la confirmation de la décision déférée.

SUR CE

Sur les honoraires :

M. [X] soutient qu’en l’absence de convention d’honoraires, ces derniers doivent être fixés en application de l’article 11.2 du règlement intérieur national. Il affirme qu’alors qu’il avait sollicité personnellement Me [H] [O], celui-ci ne s’est que rarement déplacé pour des audiences ou des réunions en maison d’arrêt. Il allègue que les honoraires convenus d’un montant de 10 000 euros TTC couvraient toute la procédure d’instruction, mais également les plaidoiries devant la cour d’assises. Il reproche à Me [H] [O] de ne pas l’avoir défendu, ni en commission de discipline, ni devant la cour d’assises. Il conteste avoir dessaisi Me [H] [O] avant l’audience de la cour d’assises et en veut pour preuve le fait qu’il lui avait versé à l’avance ses honoraires pour cette procédure. Il précise qu’il souhaitait que Me [F], qu’il avait saisi en parallèle, assure sa co-défense avec Me [H] [O]. Il estime, en conséquence, que les honoraires ne sont pas justifiés. Il relève qu’il a lui-même déposé des plaintes en 2015 et 2018 à la suite d’articles de presse qui lui étaient défavorables. Il affirme que Me [H] [O] ou ses collaborateurs l’ont assisté lors de ses comparutions devant le juge des libertés et de la détention, en dépit de son opposition, car il n’avait aucune chance de libération dès lors qu’il avait reconnu les faits. Il reconnaît que Me [H] [O] lui a rendu visite à 5 reprises entre 2014 et 2016 au centre de détention de [Localité 6]. Il allègue que l’avocat a interjeté appel de l’ordonnance de mise en accusation devant la Cour d’assises de l’Oise rendue le 22 novembre 2016, sans l’avoir consulté. Il estime que Me [H] [O] ne justifie pas du temps passé dans son dossier. Il souligne que 2 factures n° 2017/074 ont été émises par Me [H] [O] à la même date pour des diligences identiques. Enfin, il reproche à l’intimé de ne pas l’avoir informé de l’évolution de la procédure et de l’avoir mal conseillé.

En réplique, Me [H] [O] soutient que dès sa saisine, il a précisé à la famille de M. [X] que ses honoraires étaient de 10 000 euros TTC pour l’ensemble de l’instruction de l’affaire. Il affirme avoir mené cette instruction jusqu’à son terme et accompli toutes les diligences nécessaires dans l’intérêt de son client de mars 2014 à novembre 2017. Il précise avoir rendu visite à son client à de nombreuses reprises au parloir, l’avoir assisté lors de ses auditions devant le juge d’instruction, de la reconstitution et des débats devant le juge des libertés et de la détention qui s’inscrivaient dans une stratégie de défense et avoir interjeté appel de l’ordonnance de mise en accusation. Il soutient avoir assisté son client lui-même et s’être toujours fait représenter lorsque cela était nécessaire par un membre de son cabinet compétent. Il allègue avoir effectué de nombreuses diligences annexes au profit de son client pour qu’il puisse bénéficier d’un accompagnement téléphonique et médical. Il soutient avoir déposé une plainte pour violation du secret de l’instruction. Il affirme avoir été dessaisi par M. [X] avant l’audience devant la cour d’assises et avoir été informé par un confrère qu’il lui succédait. Enfin, il expose qu’il avait à l’époque des faits 40 ans d’exercice professionnel, 10 ans d’enseignement à la faculté de [Localité 7] et qu’il enseigne à l’école nationale de la magistrature.

Le recours de M. [X] qui a été effectué dans le délai d’un mois prévu par l’article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 est recevable.

Les pièces communiquées par les parties établissent que Me [H] [O] est intervenu pour le compte de M. [X] entre les mois de mars 2014 et novembre 2017 afin d’assurer sa défense.

Il convient en premier lieu de rappeler que les griefs de M. [X] qui renvoient à la responsabilité de l’avocat dans l’accomplissement de sa mission, tenant notamment au manquement à son devoir d’information sur la prévisibilité de ses honoraires ou au fait qu’il n’aurait pas correctement assuré sa défense, ne relèvent pas de l’appréciation du bâtonnier, ni du premier président statuant dans le cadre de l’article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.

Pour connaître les conditions financières de l’intervention de Me [H] [O] pour le compte de M. [X], et les diligences que l’avocat revendique, il y a lieu de se reporter aux documents suivants :

– une facture n° 2017/074 ‘INSTRUCTION’ en date du 24 avril 2017 d’un montant total de 7 500 euros HT, soit 9 000 euros TTC, soit un total restant dû de 167 euros après déduction des acomptes versés d’un montant total de 8 833 euros (3 000 euros + 1 667 euros + 4 167 euros), se décomposant comme suit :

‘ Ouverture du dossier : 1 666,66 euros HT,

‘ Assistance débat JLD à Senlis (x4) : 1 666, 66 euros HT,

‘ Assistance audience CDI [Localité 5] : 833,33 euros HT,

‘ Assistance interrogatoire / confrontation à [Localité 8] (x 3) : 833,33 euros HT,

‘ Visites maison d’arrêt : 416,67 euros HT,

‘ Rendez-vous cabinet famille : 416,67 euros HT,

‘ Consultation dossier : 833,33 euros HT,

‘ Rédaction des mémoires et notes : 833,33 euros HT,

– une fiche de diligences dressée pour le bâtonnier, le 2 avril 2018, dans laquelle Me [H] [O] a notamment indiqué que :

* il a 40 années d’exercice en qualité d’avocat pénaliste,

* l’affaire consistait dans une information criminelle et le dossier était très complexe,

* le montant du litige est de 10 000 euros,

* il a eu une quinzaine de rendez-vous avec les proches entre 2014 et 2017 (15×30/40 minutes) et il effectué environ une dizaine de visites au parloir du centre de détention de [Localité 6],

* il a eu entre 60 et 70 entretiens téléphoniques (harcèlement téléphonique jusqu’à 3 appels par jour),

* il a reçu 10 courriers de son client et en a adressé 19,

* la procédure criminelle était extrêmement complexe (4 ans d’instruction), qualification criminelle, tentative d’assassinat, vol à main armée et subornation de témoins,

* il a rédigé une plainte pour violation du secret de l’instruction, un mémoire devant la chambre de l’instruction, il a assisté à 4 interrogatoires et confrontations et à une reconstitution,

* il a rendu visite au juge d’instruction du tribunal de grande instance de Senlis et consulté le dossier,

* il a assisté son client dans diverses démarches auprès de l’administration pénitentiaire (demande de transfert),

* il a consacré à ce dossier entre 300 et 400 heures de travail,

* les diligences ont été accomplies entre mars 2014 et novembre 2017,

* le montant total des honoraires facturés est de 8 333 euros HT, soit 10 000 euros TTC.

A titre liminaire, il y a lieu de relever que M. [X] ne justifie pas que les parties seraient convenues d’un honoraire forfaitaire de 10 000 euros TTC pour l’ensemble de la procédure criminelle incluant l’instruction et l’audience de plaidoiries devant la cour d’assises.

Il ne justifie pas davantage que Me [H] [O] lui aurait facturé deux fois les mêmes diligences.

En tout état de cause, il est constant que M. [X] a réglé à Me [H] [O] la somme totale de 10 000 euros TTC et que l’avocat n’a pas assisté son client lors de l’audience de plaidoirie devant la cour d’assises de l’Oise.

Me [H] [O] ne produit aucun document démontrant que M. [X] ait accepté les conditions financières de son intervention, de sorte qu’il est retenu qu’aucune convention d’honoraires n’a été signée, ni conclue par les parties.

Ainsi, à défaut d’une telle convention d’honoraires, il convient pour fixer les honoraires dus à Me [H] [O] à compter du début du mois de mars 2014 jusqu’au mois de novembre 2017, de faire application des dispositions de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifié par l’article 14 de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011, qui dispose notamment que : ‘ A défaut de convention entre l’avocat et son client, l’honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.’

Force est de constater que l’application littérale de l’article 10 de la loi précitée dans ce dossier présente des difficultés dès lors que l’avocat ne justifie pas avoir communiqué à son client son taux horaire HT habituel, n’a pas porté à notre connaissance le temps passé pour chaque type de diligences réalisées et n’a communiqué aucune information sur la situation de fortune de son client.

Pour ces motifs, nous fixerons les honoraires, en ne tenant compte que des diligences que Me [H] [O] justifie dans la présente instance.

Me [H] [O] a nécessairement dû examiner les nombreux rapports d’enquête, documents et procès-verbaux d’audition de M. [X] devant les services de police, dont une partie est versée aux débats.

M. [X] admet que Me [H] [O] :

– lui a rendu visite à 5 reprises au centre de détention de [Localité 6] entre 2014 et 2016,

– l’a assisté aux interrogatoires devant le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Senlis (4) et à une reconstitution,

– a assuré sa défense lors des audiences du juge des libertés et de la détention, même s’il prétend qu’il n’avait pas sollicité l’assistance de son avocat,

– a interjeté appel de l’ordonnance de mise en accusation devant la cour d’assises de l’Oise rendue le 22 novembre 2016 (pièce de l’intimé n°2),

– a eu plusieurs entretiens téléphoniques avec lui-même ou des membres de sa famille.

Me [H] [O] justifie avoir rédigé un mémoire de 13 pages à l’attention de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Amiens (pièce n° 7) et suivi le pourvoi formé par M. [X] à l’encontre de l’arrêt rendu par cette cour le 28 février 2017.

Il ressort des procès verbaux de comparution devant la commission de discipline versés aux débats par M. [X], que contrairement à ce qu’il prétend, il a été assisté à plusieurs reprises devant cette commission par des collaborateurs de Me [H] [O].

De même, M. [X] ne justifie pas qu’il aurait déposé lui-même plainte près le procureur de la République de Beauvais pour violation du secret de l’instruction et recel de violation du secret de l’instruction, alors qu’il ressort de la plainte déposée le 4 septembre 2015 versée aux débats par l’intimé que le requérant avait pour avocat Me [H] [O] (pièce de l’intimé n° 3).

Me [H] [O] justifie également avoir adressé plus d’une quinzaine de courriers à son client.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la mission confiée à Me [H] [O] présentait des difficultés juridiques réelles, s’agissant de faits de nature criminelle.

Me [H] [O] a 40 années d’exercice professionnel en matière pénale.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il est justifié de fixer à la somme de 10 000 euros TTC le montant des honoraires dus par M. [X] à Me [H] [O] au titre des diligences effectuées, étant rappelé que Me [H] [O] ne conteste pas que cette somme lui a été déjà été réglée. La décision déférée est donc confirmée de ce chef et M. [X] est donc débouté par voie de conséquence de sa demande tendant à obtenir la restitution de la somme de 5 000 euros TTC.

Sur les autres demandes :

M. [X], partie perdante, sera condamné aux dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en dernier ressort, par ordonnance contradictoire, et par mise à disposition de la décision par le greffe,

Confirmons la décision déférée rendue par la déléguée du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris du 1er juin 2018 ;

Condamnons M. [V] [X] aux dépens de la présente instance ;

Disons qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l’ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE

 


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