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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ORDONNANCE DU 15 DECEMBRE 2022
Contestations d’Honoraires d’Avocat
(N° /2022, 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00104 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQJL
NOUS, Michèle CHOPIN, Conseillère à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que lors de la mise à disposition de l’ordonnance.
Vu le recours formé par :
Association ATMP 53 ASSOCIATION TUTELAIRE DES MAJEURS PROTEGES DE LA MAYENNE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Monsieur [U] [N]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentés tous les deux par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090, substituée à l’audience
Demandeurs au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :
Maître [E] [V]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Aude DU PARC, avocat au barreau de PARIS, toque : D907, substituée à l’audience
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 07 Juin 2022 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L’affaire a été mise en délibéré au 04 Octobre 2022, puis le délibéré a été prorogé deux fois pour être rendu le 15 décembre 2022 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
****
Au cours de l’année 2006, Me [E] [V] a succédé à sa mère, Me [B] [V], dans un dossier confié par les parents de M. [U] [N] afin d’obtenir réparation des préjudices subis par leur enfant qui avait été victime, au cours de l’année 2001, d’un grave accident de la circulation, alors qu’il était âgé de 13 ans.
Plusieurs conventions d’honoraires ont été signées avec les curateurs de M. [U] [N] qui prévoyaient des honoraires de diligences et de résultat, à hauteur dans le dernier état de 10% des sommes allouées à M. [U] [N].
Par courrier recommandé avec avis de réception du 29 mars 2019 reçu le 02 mai 2019, Me [V] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris d’une demande de fixation de ses honoraires à l’encontre de M. [U] [N], de l’association ATMP 93 et de Mme [M] [N] d’un montant total de 124 936,40 euros HT.
Par décision contradictoire en date du 02 décembre 2019, la déléguée du bâtonnier a :
– fixé à la somme de 55 958 euros HT le montant des honoraires dus par M. [U] [N] à Me [E] [V] ;
– constaté le versement d’ores et déjà effectué de la somme de 9 345,66 euros HT ;
– dit que la somme de 46 612,34 euros HT majorée de la TVA au taux de 20 % sera versée à Me [E] [V] par M. [U] [N] ou par toute personne habilitée à se substituer à lui dans un acte de disposition ;
– rejeté toute demande plus ample ou contraire ;
– dit que la signification de la décision sera à la charge de celle des parties qui jugerait nécessaire d’y procéder.
La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 03 décembre 2019 dont Mme [M] [N], M. [U] [N] et l’association ATMP 53 ont accusé réception le 05 décembre suivant et Me [V] le 06 décembre 2019.
Par déclaration déposée au greffe de cette cour le 26 février 2020, M. [U] [N] et l’association ATMP 53 ont formé un recours contre la décision du bâtonnier.
Les parties ont été convoquées à l’audience du 07 juin 2022 devant la déléguée du premier président par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 21 février 2022 dont l’association ATMP 53 a signé l’accusé de réception le 22 février 2022, M. [U] [N] le 23 février 2022, et Me [V] le 24 février suivant.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, M. [U] [N] et l’association tutélaire des majeurs protégés de la Mayenne, ATMP 53, demandent, au visa des articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991, de l’article 2 du décret n° 2002-1484 du 22 décembre 2008, des articles 465 et 496 du code civil et de l’article 10 du décret du 31 décembre 1971 de :
À titre principal :
– confirmer la décision rendue par le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris en ce qu’elle a prononcé la nullité de plein droit de la convention d’honoraires en date du 19 décembre 2011,
– confirmer la décision rendue par le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris en ce qu’elle a retenu, à tout le moins, une caducité de cette convention d’honoraires par le dessaisissement de Me [V] avant le terme de sa mission,
En conséquence
– dire que Me [V] ne peut se prévaloir d’un honoraire de résultat à l’égard de M. [U] [N],
– prononcer la nullité des paiements effectués en exécution de la convention,
– ordonner le remboursement des sommes versées en exécution de la convention,
– infirmer la décision rendue par le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris en ce qu’elle a fixé les honoraires dus par M. [U] [N] à Me [V] à la somme de 55 958 euros HT,
– dire et juger que cette somme est excessive et sans commune mesure avec les diligences effectuées par Me [V] pour le compte de M. [U] [N],
– fixer les honoraires de Me [V] selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci et au regard de l’ensemble des observations subséquentes et ordonner la restitution du trop versé,
– constater le versement d’ores et déjà effectué de la somme de 9 345,66 euros HT,
À titre subsidiaire et en tout état de cause :
– constater le mal fondé de la demande de taxation initialement présentée par Me [V],
– débouter Me [V] de sa demande de taxation d’honoraires à hauteur de 139 309,08 euros,
– fixer les honoraires de Me [V] selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci et au regard de l’ensemble des observations subséquentes et ordonner la restitution du trop versé,
– débouter Me [V] de sa demande de dommages-intérêts présentée à l’encontre de M. [N],
– débouter Me [V] de l’ensemble de ses plus amples demandes, fins et prétentions dirigées à l’encontre de M. [N],
– condamné Me [V] au paiement d’une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, Me [V] demande au visa des articles 10 de la loi du 31 décembre 1971 et du décret du 12 juillet 2005, des articles 1240 et 1182 du code civil, de la convention d’honoraires du 19 décembre 2011 et des pièces versées aux débats, de :
À titre principal :
– réformer la décision rendue le 2 décembre 2019 par le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Paris en ce que :
* elle l’a débouté de sa demande de paiement de l’honoraire de résultat,
* elle a constaté que M. [N] lui avait déjà versé la somme de 9 345,66 euros HT au titre de ses honoraires,
– condamner M. [N] à lui payer la somme de 116 090,90 euros HT, soit 139 309,08 euros TTC (provisions de 1 161,60 euros TTC et 9 000 euros TTC déduites) au titre de l’honoraire de résultat conformément à la convention d’honoraires du 19 décembre 2011,
À titre subsidiaire :
– confirmer la décision rendue le 2 décembre 2019 par le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Paris en ce qu’elle a fixé à 55 958 euros HT le montant des honoraires dus par M. [N] sur la base des articles 10 de la loi du 31 décembre 1971 et du décret du 12 juillet 2005,
– réformer la décision rendue le 2 décembre 2019 par le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Paris en ce qu’elle a constaté que M. [N] lui avait déjà versé la somme de 9 345,66 euros HT au titre de ses honoraires,
– condamner M. [N] à lui payer la somme de 55 958 euros HT, dont provisions à déduire à hauteur de 8 850 euros HT, conformément aux dispositions des articles 10 de la loi du 31 décembre 1971 et du décret du 12 juillet 2005,
En tout état de cause :
– condamner M. [N] à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de la résistance abusive,
– condamner M. [N] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
– débouter M. [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
SUR CE
Sur la demande de nullité de la convention d’honoraires du 19 décembre 2011 :
Les requérants sollicitent la confirmation de la décision déférée en ce qu’elle a constaté la nullité de plein droit de la convention d’honoraires en date du 19 décembre 2011. Ils rappellent qu’il est de jurisprudence constante que la convention d’honoraires proportionnels en tout ou partie à un résultat, indéterminés ou aléatoires, constitue un acte de disposition et que, selon l’article 465 4° du code civil lorsqu’un majeur est soumis au régime de la curatelle, les actes concernés doivent impérativement comporter, à peine de nullité, les signatures de la personne protégée et de son curateur.
Ils relèvent qu’en l’espèce, la convention d’honoraires du 19 décembre 2011 a été signée par Mme [G], représentante de l’UDAF, en qualité de tuteur légal de M. [U] [N], alors qu’à cette date celui-ci était placé sous curatelle renforcée et non sous tutelle. Ils soutiennent en conséquence que la nullité de la convention d’honoraires litigieuse résulte, non comme l’a jugé le bâtonnier, de l’absence d’autorisation du juge des tutelles, mais de l’absence de signature du majeur protégé, en présence d’un acte de disposition. Ils exposent qu’il appartenait à Me [V] de s’enquérir de la situation de son client et de solliciter la signature du curateur et du majeur protégé. Ils sollicitent également la nullité des paiements effectués en exécution de cette convention et le remboursement des sommes perçues sur cette base.
En réplique, Me [V] soutient que la convention d’honoraires est parfaitement valable et qu’il est par conséquent en droit de réclamer l’honoraire de résultat prévu à cette convention. Il allègue, en premier lieu, que le dossier confié était très complexe au regard des changements réguliers de mesures de protection. Il soutient que la décision du bâtonnier est entachée d’une erreur de droit en ce qu’elle a retenu que la convention d’honoraires aurait dû être soumise à l’autorisation du juge des tutelles, alors que M. [N] n’a jamais été sous tutelle et qu’il était l’objet d’une mesure de curatelle renforcée lors de la signature de la convention. En second lieu, il estime que l’absence de convention régularisée ne fait pas obstacle à l’application de l’honoraire de résultat dès lors que les parties se sont accordées sur cet honoraire de résultat. En troisième lieu, il rappelle que la convention d’honoraires a été acceptée par M. [N] et son curateur, l’UDAF 53, à qui a succédé Mme [N], dès lors qu’elle a été exécutée volontairement. Il relève que M. [N] a eu connaissance du vice entachant le contrat au plus tard le 19 mai 2015 alors qu’il n’était plus sous mesure de protection. En troisième lieu, il souligne que cette convention prévoit une clause de dessaisissement aux termes de laquelle l’honoraire de résultat est dû, même en cas de changement de conseil. Il souligne la mauvaise foi de M. [N] qui n’hésite pas à conclure qu’il n’a jamais touché les sommes contenues dans l’offre d’indemnisation de l’assureur à hauteur de la somme d’un million d’euros.
Les parties admettent qu’à la date de la signature de la convention d’honoraires du 19 décembre 2011, M. [N] était placé sous curatelle renforcée ainsi que cela résulte du jugement du juge des tutelles du tribunal d’instance de Laval du 29 avril 2010 qui a désigné l’UDAF en qualité de mandataire pour l’assister et le contrôler dans la gestion de ses biens et de sa personne (pièce des requérants n° 2).
Il résulte de l’article 465 4° du code civil que : ‘Si le tuteur ou le curateur a accompli seul un acte qui aurait dû être fait par la personne protégée soit seule, soit avec son assistance ou qui ne pouvait être accompli qu’avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué, l’acte est nul de plein droit sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un préjudice.’
Selon l’annexe 1 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008, relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes en curatelle ou en tutelle, constitue un acte de disposition ‘la convention d’honoraires d’avocat proportionnels en tout ou partie à un résultat, indéterminés ou aléatoires’.
Il en résulte que, comme le soutiennent pertinemment les requérants, la convention d’honoraires du 19 décembre 2011 qui prévoyait un honoraire de résultat de ’10 % HT des sommes allouées par la ou les juridictions statuant en référé ou au fond ou par voie transactionnelle’ et constituait donc un acte de disposition, est nulle de plein droit pour avoir été signée uniquement par l’UDAF, alors qu’elle aurait dû être signée également par M. [N].
Les moyens soulevés par l’intimé relevant du droit commun des contrats, tendant, notamment, à démontrer que M. [N] aurait eu connaissance de cette convention par l’UDAF au mois de mai 2015 et en aurait accepté les termes, au motif, notamment, qu’il se serait acquitté des sommes afférentes à la facture n° 2817 du 28 juin 2016 mentionnant un honoraire forfaitaire et un honoraire complémentaire de résultat (pièce des requérants n° 10) sont donc inopérants.
Du reste, il appartenait à Me [V], en sa qualité de professionnel du droit de s’enquérir de la situation juridique de son client lors de la signature de la convention d’honoraires et il ne saurait se prévaloir de sa propre négligence en prétendant que M. [N] aurait eu connaissance du ‘vice apparent’ entachant la convention au motif qu’elle mentionne ‘par erreur une mesure de tutelle qui n’a jamais eu lieu.’
C’est donc à juste titre que le bâtonnier de Paris a retenu dans la motivation de la décision déférée que la convention d’honoraires était nulle de plein droit.
Sur l’honoraire de résultat :
En application des dispositions de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dans sa version issue de l’article 4 de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, applicable à l’espèce, l’honoraire de résultat n’est dû que, s’il a été expressément stipulé dans une convention préalablement conclue entre l’avocat et son client, et lorsqu’il a été mis fin à l’instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable. Il est par ailleurs de principe que le dessaisissement de l’avocat avant la fin de la procédure emporte la caducité de la convention d’honoraires dans toute son étendue.
Il résulte des développements qui précédent que la convention d’honoraires signée par l’UDAF le 19 décembre 2011, est nulle et de nul effet, de sorte que Me [V] ne saurait prétendre à un honoraire de résultat. Cette nullité entraîne celle de la clause de dessaisissement prévue à la convention qui stipule que : ‘L’honoraire de résultat est dû en cas de fin de mission à l’issue d’une décision de première instance, au prononcé d’une décision exécutoire ou définitive, à la signature d’un protocole d’accord ou en cas de changement de conseil.’
C’est donc à juste titre que le bâtonnier de Paris a retenu dans la motivation de la décision déférée que : ‘Aucun honoraire de résultat ne peut être alloué en l’absence d’une convention d’honoraires applicable.’
Sur les honoraires de diligences :
Les requérants conviennent qu’en l’absence de convention d’honoraires, ceux-ci doivent être fixés selon les critères légaux prévus à l’article 10 de la loi du 10 juillet 1971. Ils soulignent que la nullité de la convention d’honoraires prévoyant un honoraire de résultat ne donne pas de facto droit à un honoraire fixe complémentaire et compensatoire et que le temps passé dans un dossier ne se déduit pas automatiquement de la durée de suivi et d’accompagnement d’un client.
Ils estiment que le nombre d’heures facturées dans ce dossier de près de 250 heures est excessif au regard des diligences effectuées. Ils relèvent que la procédure en elle-même n’a occasionné que peu d’actes de procédure, de plaidoirie ou de conclusions, aucune réelle difficulté de nature juridique n’a été soulevée, la compagnie d’assurances a formulé spontanément des offres sur des chefs de préjudice fixés par les experts, le fait que des rapports d’expertise aient effectivement été rédigés ne suffit pas à rapporter la preuve de la présence de Me [V] aux réunions d’expertise et en réalité sous le couvert d’une demande de taxation au temps passé, l’intimé cherche à obtenir compensation d’un l’honoraire de résultat qui ne peut être valablement obtenu au regard de l’irrégularité de la convention.
En second lieu, les requérants contestent le taux horaire de 250 euros HT revendiqué par l’avocat qu’ils estiment excessif en l’absence de certificat de spécialisation, de la difficulté relative de l’affaire et des frais exposés minimes.
Enfin, les requérants rappellent que Me [V] a d’ores et déjà perçu la somme de 9 345,66 euros HT, soit 11 214,60 euros TTC qui doit être déduite des honoraires dus à l’avocat.
En réplique, Me [V] soutient que son taux horaire de 250 euros HT est raisonnable au regard de son ancienneté (inscription au tableau en 2001) et de son champ de compétence, à savoir le droit de la réparation du dommage corporel. S’agissant de la situation de fortune du client, il relève que M. [N] a récemment reçu une provision d’un million d’euros. Il souligne la durée du dossier (plus de 10 ans) et sa complexité au regard du traumatisme crânien sévère de M. [N]. Il estime avoir réalisé un important travail et avoir obtenu dans le cadre du dernier rapport d’expertise la reconnaissance de l’absence d’état antérieur. Il rappelle que l’appréciation de la qualité de son travail ne relève pas de la compétence du bâtonnier ou de la juridiction d’appel statuant en matière de contestation d’honoraires. Il indique avoir consacré au dossier de M. [N] un temps total de travail de 250 heures qu’il estime justifié au regard des diligences accomplies. Il reconnaît avoir reçu en règlement de ses prestations la somme totale de 8 850 euros HT, mais soutient que la facture n° 2621 du 03 juin 2015 d’un montant de 500 euros HT correspond aux diligences effectuées au bénéfice des parents de M. [N] et qu’en conséquence, cette somme n’a pas à venir en déduction de ses honoraires dans le présent litige.
Le recours exercé par M. [U] [N] et l’association ATMP 53 selon les formes et délai prévus par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, est recevable.
A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la procédure de recours contre les décisions du bâtonnier en matière d’honoraires est une procédure spéciale régie par les articles 174 et suivants du décret précité qui ne s’applique qu’aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats.
Il s’en induit que le bâtonnier et, sur recours, le premier président ou son délégataire, n’ont pas à connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat à l’égard de son client résultant du défaut de qualité allégué de ses prestations ou de son absence à des réunions d’expertise, qui relève de la compétence du juge de droit commun.
Il résulte de l’alinéa 2 de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa version applicable au litige, que :
‘A défaut de convention entre l’avocat et son client, l’honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.’
Les parties admettent que Me [V] a assuré la défense des intérêts de M. [N] durant dix années.
Le taux horaire revendiqué par l’avocat de 250 euros HT apparaît raisonnable au regard de l’ancienneté de Me [V] au barreau de Paris de 21 ans et de la difficulté de l’affaire s’agissant de la réparation des nombreux préjudices subis par M. [N] engendrés par le grave accident de la circulation dont il avait été victime à l’âge de 13 ans.
Ce taux horaire de 250 euros HT sera par conséquent retenu.
Me [V] soutient avoir consacré au dossier de M. [N] 250 heures de travail se décomposant comme suit :
– 50 heures pour l’étude du dossier,
– 25 heures pour les diligences judiciaires,
– 60 heures pour l’assistance aux rendez-vous médicaux,
– 33 heures au titre des rendez-vous clients,
– 44 heures au titre des entretiens téléphoniques,
– 32 heures au titre des échanges de courriers, mails et télécopies,
– 5 heures au titre de la négociation des offres d’indemnisation.
Les requérants ne contestent pas le nombre d’heures consacrées par l’avocat à l’étude du dossier et aux recherches effectuées en matière de littérature médicale, soit 50 heures.
Le montant des honoraires dus à ce titre sera donc fixé à la somme de 12 500 euros HT (50 heures x 250 euros HT).
Comme le relèvent à juste titre les requérants, le temps de travail de 25 heures revendiqué par l’avocat au titre de ses diligences judiciaires apparaît excessif au regard du nombre limité d’actes de procédure rédigés par l’avocat (rédaction d’une assignation en référé provision devant le président du tribunal de grande instance de Laval et de conclusions en réponse dans le cadre de l’instance en référé expertise) et de l’unique audience de plaidoiries en référé devant le tribunal de grande instance de Laval du 8 avril 2015.
Le nombre d’heures consacrées à ces diligences sera donc ramené à 15 heures, soit un honoraire dû à ce titre de 3 750 euros HT (15 heures x 250 euros HT).
S’agissant des rendez-vous médicaux, comme le relèvent les requérants, il n’est pas précisé, notamment, dans les rapports d’expertise de Mme [I] du 12 avril 2013 et du docteur [S] également du 12 avril 2013, versés aux débats par l’intimé, qu’il ait assisté à ces deux réunions d’expertise. Il n’est pas davantage justifié de la tenue de rendez-vous préalables aux expertises qui est contestée par les requérants.
Le temps de travail consacré à ces diligences sera donc ramené de 60 heures à 40 heures, soit un montant d’honoraires dû à ce titre de 10 000 euros HT (40 heures x 250 euros HT).
Me [V] allègue, sans en rapporter la preuve, que deux à quatre rendez-vous client se seraient tenus chaque année, durant la période considérée, soit en moyenne trois rendez-vous annuels, alors que les requérants soutiennent qu’un seul rendez-vous a eu lieu le 05 février 2003.
Le temps de travail revendiqué à ce titre sera donc ramené à une heure, soit un honoraire de 250 euros HT.
En ce qui concerne les entretiens téléphoniques, le nombre d’heures revendiquées à ce titre, soit 44 heures, apparaît excessif même si Me [V] a effectivement dû s’entretenir au téléphone avec les différents acteurs de ce dossier : la famille [N], l’UDAF 53, la compagnie d’assurance ou son conseil, ainsi que la MSA.
Le temps de travail consacré à ces diligences sera donc ramené de 44 heures à 20 heures, soit un honoraire retenu à ce titre de 5 000 euros HT (20 heures x 250 euros HT).
Le temps de travail de 32 heures facturé par l’avocat au titre des échanges de courriers, mails et télécopies n’est pas contesté par les requérants et apparaît justifié au regard des pièces versées aux débats par l’intimé.
Les honoraires dus à l’avocat à ce titre seront donc fixés à la somme de 8 000 euros HT (32 heures x 250 euros HT).
De la même manière, les requérants ne contestent pas le temps de travail revendiqué par l’avocat au titre de la négociation des offres d’indemnisation, soit cinq heures de travail.
Les honoraires dus à l’avocat à ce titre seront donc fixés à la somme de 1 250 euros HT (5 heures fois x 250 euros HT).
Au total, il sera donc retenu un nombre d’heures consacrées au dossier de M. [N] au regard des diligences justifiées dans la présente instance de 163 heures (50 heures + 15 heures + 40 heures + 1 heure + 20 heures + 32 heures + 5 heures), soit un montant d’honoraires dû par M. [N] à Me [V] de 40 750 euros HT sur la base du taux horaire retenu de 250 euros HT.
La décision déférée sera donc infirmée en ce qu’elle a fixé le montant des honoraires dus par M. [N] à Me [V] à la somme de 55 958 euros HT.
L’intimé ne conteste pas le règlement par M. [N] de la somme de 8 850 euros HT au titre des factures n° 1362 du 1er octobre 2008 d’un montant de 1 350 euros HT et n° 2817 du 28 juin 2016 d’un montant de 7 500 euros HT (pièces des requérants n° 7 et 10).
En revanche, comme le relève à juste titre Me [V], la facture n° 2621 du 3 juin 2015 d’un montant de 500 euros HT (pièce des requérants n° 8) a été émise à l’ordre des parents de M. [U] [N], M. et Mme [N], et non à l’ordre de leur fils et Me [V] expose que cette facture était afférente au préjudice qu’ils avaient personnellement subi à la suite de l’accident de la circulation de leur fils.
Ce règlement qui ne concerne pas les honoraires afférents au dossier de M. [U] [N], objets de la présente procédure, ne sera donc pas retenu. La décision déférée sera donc infirmée en ce qu’elle a constaté que M. [N] avait d’ores et déjà réglé la somme de 9 345,66 euros HT.
Eu égard au règlement par M. [N] de la somme de 8 850 euros HT, celui-ci sera donc condamné à payer à Me [V] la somme de 31 900 euros HT, soit 38 280 euros TTC, (40 750 euros HT – 8 850 euros HT), la décision déférée étant infirmée de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :
Eu égard au sens de la présente décision, la demande de dommages et intérêts formée par l’avocat à l’encontre de M. [U] [N] pour résistance abusive à paiement sera rejetée.
Sur les autres demandes :
M. [U] [N], partie perdante, sera condamné aux dépens.
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner M. [U] [N] à payer à Me [V] la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en dernier ressort, par décision contradictoire, et par mise à disposition de la décision au greffe,
Infirme la décision déférée du bâtonnier de Paris du 2 décembre 2019 ;
Statuant à nouveau,
Déclare nulle et de nul effet la convention d’honoraires du 19 décembre 2011 ;
Fixe le montant des honoraires dus par M. [U] [N] à Me [E] [V] à la somme de 40 750 euros HT au titre des honoraires de diligences ;
Constatant que M. [U] [N] a déjà payé à Me [E] [V] la somme de 8 850 euros HT,
Condamne M. [U] [N] à payer à Me [E] [V] la somme de 31 900 euros HT, soit 38 280 euros TTC ;
Condamne M. [U] [N] à payer à Me [E] [V] la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;
Condamne M. [U] [N] aux dépens de la présente instance ;
Rejette toute autre demande ;
Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l’ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE