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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/01428 – N°Portalis DBVH-V-B7G-INGN
SL-AB
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D’AVIGNON
04 avril 2022 RG:21/02197
[I]
C/
[B]
[G]
Grosse délivrée
le 15/12/2022
à Me Georges POMIES RICHAUD
à Me Franck LENZI
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’AVIGNON en date du 04 Avril 2022, N°21/02197
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Séverine LEGER, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère
Mme Séverine LEGER, Conseillère
GREFFIER :
Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 03 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 15 Décembre 2022.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANT :
Monsieur [N] [Z], [D] [I]
né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 10]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Thierry BERGER, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉS :
Monsieur [Y] [B]
né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 8] (84)
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Me Franck LENZI de la SELARL FRANCK LENZI ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON
Représenté par Me Angélique CREPIN de la SCP CREPIN-HERTAULT, Plaidant, avocat au barreau D’AMIENS
Madame [C] [G] épouse [B]
née le [Date naissance 3] 1968 à [Localité 9] (84)
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Franck LENZI de la SELARL FRANCK LENZI ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON
Représentée par Me Angélique CREPIN de la SCP CREPIN-HERTAULT, Plaidant, avocat au barreau D’AMIENS
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 15 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte d’huissier délivré le 25 mars 2019, M. [Y] [B] et son épouse, Mme [C] [G] ont fait assigner Maître Siegfried Bielle, avocat au barreau de Carpentras auquel ils avaient confié la défense de leurs intérêts concernant un contentieux relatif à l’indemnisation d’un sinistre automobile sur leur véhicule Peugeot 807 qui aurait été négligent au point de laisser prescrire l’action contre l’assureur, aux fins d’obtenir la condamnation de ce dernier au paiement de la somme de 19 500 euros en réparation de leur préjudice, outre la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 30 avril 2020, les époux [B] étendaient leur demande de condamnation de Maître [I] au paiement d’une somme supplémentaire de 22 894,20 euros pour leur avoir fait perdre au titre du préjudice de jouissance de l’immeuble subi du fait de son effondrement une période d’indemnisation de 21 mois comprise entre le 8 mars 2012 (radiation de l’affaire du rôle) et le 10 décembre 2013 (réinscription tardive de l’affaire) dans la procédure contre leur assureur relative à l’indemnisation de cet autre sinistre, ainsi qu’il résulte des jugement et arrêt respectivement rendus par le tribunal de grande instance de Carpentras et la cour d’appel de Nîmes le 20 septembre 2018.
Saisi par Maître [I], le juge de la mise en état, par ordonnance du 1er mars 2021, déclarait irrecevable comme étant sans lien suffisant avec la demande originaire en responsabilité concernant le sinistre automobile, la demande additionnelle des consorts [B] formée le 30 avril 2020 quant à la responsabilité professionnelle de l’avocat dans l’instance concernant l’effondrement de leur immeuble.
Par acte d’huissier délivré le 30 avril 2021, les époux [B] introduisaient une nouvelle instance au fond en responsabilité à l’encontre de Maître [I] en paiement de cette somme de 22 894,20 euros réclamée au titre de la perte de dommages-intérêts de préjudice de jouissance, outre celle de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par conclusions du 2 février 2022, Maître [I] a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription et demandé au juge de la mise en état de déclarer l’action introduite à son encontre irrecevable et de condamner les demandeurs à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par ordonnance du 4 avril 2022, le juge de la mise en état a :
– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Maître [I] ;
– déclaré les consorts [B] recevables en leur action au fond ;
– dit que les dépens de l’incident suivront le sort de ceux de l’instance au fond.
Le juge de la mise en état a retenu que les époux [B] ne pouvaient pas agir à l’encontre de leur avocat avant d’avoir vu ruiner leurs espoirs d’obtenir l’indemnisation de la totalité de leur préjudice de jouissance du fait de la période d’inertie de leur avocat, ce qui s’était révélé à la lecture du jugement du tribunal de grande instance de Carpentras du 6 septembre 2016 de sorte que l’action n’était pas prescrite en application des dispositions de l’article 2225 du code civil.
Par déclaration du 20 avril 2022, Maître [I] a interjeté appel de cette décision.
L’affaire a été fixée à bref délai à l’audience du 3 novembre 2022 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 15 décembre 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 septembre 2022, l’appelant demande à la cour d’infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance déférée et de :
– déclarer irrecevables comme étant prescrites les demandes formulées par les consorts [B] aux termes de leur assignation délivrée le 30 avril 2021 ;
– débouter les consorts [B] de l’ensemble de leurs demandes ;
– condamner les consorts [B] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Il reproche au premier juge d’avoir procédé à une confusion entre la responsabilité de l’avocat en matière de rédaction d’acte régie par les dispositions de l’article 2224 du code civil et en matière d’assistance et de représentation en justice pour laquelle le point de départ de la prescription doit être fixé à la date de fin de mission de l’avocat en application de l’article 2225 du code civil. Il soutient que sa mission a en l’espèce pris fin dans le mandat ad litem qui lui avait été confié dans le cadre d’une procédure avec représentation obligatoire à la date du 15 avril 2015 à laquelle un nouveau conseil s’était constitué en ses lieux et place à la demande de ses clients.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 juin 2022, les intimés demandent à la cour de :
– confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Maître [I] ;
– rectifier l’ordonnance et condamner Maître [I] au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Maître [I] au paiement d’une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’incident dont distraction au profit de Maître Franck Lenzi.
Ils font valoir que la mission de Maître [I] ne s’achevait qu’à l’issue de la procédure judiciaire qui lui avait été confiée et qu’il leur avait été impossible d’apprécier la qualité de son travail a minima avant le 6 septembre 2016 en l’absence de connaissance avant cette date de la faute de l’avocat de sorte qu’aucune action ne pouvait antérieurement être initiée à son encontre.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :
Aux termes des dispositions de l’article 2225 du code civil, l’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission.
Pour fixer la date du point de départ de la prescription au 6 septembre 2016, date du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Carpentras, le premier juge a retenu que le point de départ de la prescription de l’action mobilière à l’encontre de l’avocat pouvait être déplacé à la date à laquelle était rendue la décision ruinant les espoirs de son client.
L’appelant oppose que le juge de la mise en état a opéré une confusion entre le régime prévu par les dispositions de l’article 2224 du code civil selon lequel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer et les dispositions spécifiques de l’article 2225 de ce même code, seules applicables dans le cadre d’un mandat de représentation en justice, selon lesquelles le point de départ de la prescription doit être fixé à la date de fin de mission de l’avocat.
Le premier juge a fixé le point de départ de la prescription à la date du jugement du 6 septembre 2016 à laquelle la faute de l’avocat avait été révélée à ses clients.
Or, le critère à prendre en considération pour la fixation du point de départ de la prescription de l’action en responsabilité civile de l’avocat chargé d’une mission de représentation en justice n’est pas celui de la révélation de la faute imputée à l’avocat mais de la date de la fin de mission.
La détermination de la date de fin de mission de l’avocat dépend de la nature de la mission qui lui a été confiée par ses clients.
Les intimés ne peuvent cependant se prévaloir d’un achèvement de la mission à l’issue de la procédure judiciaire qui avait été confiée à Maître [I] dans la mesure où il est en l’espèce établi que la mission de ce dernier avait pris fin à la date certaine du 15 avril 2015, date à laquelle un nouveau conseil s’était constitué en ses lieux et place dans le cadre de la procédure avec représentation obligatoire qu’il avait été chargé de diligenter.
Le point de départ de la prescription doit par conséquent être fixé à la date du 15 avril 2015 et l’action introduite par les époux [B] à l’encontre de Maître [I] sera déclarée irrecevable par voie d’infirmation de la décision déférée.
Sur les autres demandes :
Succombant à l’instance, M. et Mme [B] seront condamnés à en régler les entiers dépens, de première instance et d’appel, en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
L’équité commande de les condamner au paiement de la somme de 2 000 euros à Maître [I] au titre des frais irrépétibles exposés par celui-ci sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Les intimés seront déboutés de leur prétention du même chef en ce qu’ils succombent.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l’ordonnance entreprise dans l’intégralité de ses dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare irrecevables comme prescrites les demandes formulées par M.et Mme [B] à l’encontre de Maître [I] dans leur assignation délivrée le 30 avril 2021 ;
Déboute M. et Mme [B] de leur prétention au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. et Mme [B] aux entiers dépens, de première instance et d’appel ;
Condamne M. et Mme [B] à payer à Maître [I] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,