Responsabilité de l’Avocat : 13 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/16526

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Responsabilité de l’Avocat : 13 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/16526
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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 13

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/16526 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CASCL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juillet 2019 -Tribunal de Grande Instance de Paris – RG n° 18/08312

APPELANT

Monsieur [Z] [H]

Né le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 6] (Cameroun)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté et assisté de Me Béatrice DE PUYBAUDET, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

Monsieur [P] [N], avocat

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Ayant pour avocat plaidant Me Delphine MABEAU substituant Me Dorothée LOURS de la SCP RAFFIN et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P133

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Estelle MOREAU, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON-MIRAMON, Présidente de chambre

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Mme Claire DAVID, Magistrat honoraire juridictionnel

Greffier, lors des débats : Mme Séphora LOUIS-FERDINAND

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON-MIRAMON, Présidente de chambre, et par Florence GREGORI Greffière, présente lors de la mise à disposition.

* * * * *

Par jugement du 2 février 2016, le tribunal d’instance d’Asnières a condamné M. [Z] [H], comparant en personne, à payer à la société CA consumer finance la somme de 5 452,61 euros, augmentée des intérêts légaux au titre de la déchéance d’un prêt personnel consenti le 25 juin 2012, ainsi qu’une indemnité de procédure de 400 euros.

Souhaitant interjeter appel de cette décision, M. [Z] [H] a contacté son assurance protection juridique, la société Bpce assurances, et M. [P] [N], avocat, l’ayant assisté à l’occasion d’un litige au titre de son permis de conduire, lequel a adressé un courriel à l’assureur de M. [H] le 4 avril 2016. Par courrier du 6 avril 2016, la société Bpce assurances a invité M. [H] à renoncer à l’exercice du recours en l’absence de nouveaux éléments de preuve et lui a refusé sa garantie.

Considérant que M. [N] avait failli à ses obligations en n’interjetant pas appel, M. [Z] [H] l’a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris en responsabilité professionnelle, par acte du 4 juillet 2018.

Par jugement du 10 juillet 2019, le tribunal a :

– débouté M. [Z] [H] de ses demandes,

– l’a condamné à verser à M. [P] [N] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui pourront être recouvrés selon les modalités prévues à l’article 699 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution par provision du présent jugement.

Par déclaration du 8 août 2019, M. [H] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 22 avril 2022, M. [Z] [H] demande à la cour de :

– le déclarer recevable et bien fondé en son appel, ainsi qu’en toutes ses demandes, fins et conclusions,

– réformer le jugement entrepris,

– dire et juger que M. [P] [N] avait reçu mandat de sa part de relever appel,

– dire et juger que M. [P] [N] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, qui lui a causé un préjudice certain, dont il est en droit de demander réparation,

– condamner M. [P] [N] à lui payer une somme de 22 540 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance de gagner son action contre la société Consumer finance, en cause d’appel,

– condamner M. [P] [N] à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,

– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel (sic).

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 12 mai 2022, M. [P] [N] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions qui lui sont favorables,

et, y ajoutant :

– juger qu’il n’a pas été mandaté pour interjeter appel du jugement du 2 février 2016,

– juger que M. [H] ne lui a réglé aucun honoraire au titre d’une éventuelle procédure d’appel,

– juger que M. [H] ne démontre pas que la faute alléguée à son encontre l’a privé d’une chance raisonnable d’obtenir un jugement favorable,

– juger qu’il n’existe aucun lien de causalité entre la vente forcée du véhicule de M. [H] et une éventuelle procédure d’appel à l’encontre du jugement du 2 février 2016,

– juger qu’il n’existe aucun lien de causalité entre la rupture de la période d’essai de M. [H] et une éventuelle procédure d’appel à l’encontre du jugement du 2 février 2016,

– juger que la vente forcée du véhicule de M. [H] a permis de régler la dette que ce dernier reconnaissait devoir régler à la société Consumer finance et que le reliquat du prix de la vente lui a été restitué,

– dire et juger que M. [H] ne justifie pas avoir subi un préjudice à hauteur de 22 540 euros et qu’en outre le lien de causalité entre ce préjudice et la faute de l’avocat est totalement inexistant,

En conséquence,

– débouter M. [H] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner M. [H] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [H] aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Mme [M] [X] en application de l’article 699 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur la preuve de l’existence d’un mandat :

Le tribunal a retenu que :

– il n’existe pas de mandat écrit mais la preuve du mandat tacite est possible car la circonstance qu’il porterait sur une valeur excédant 1 500 euros n’est pas établie,

– s’il était démontré que M. [N] a accompli une démarche pour le compte de M. [H], relativement à l’opportunité d’un recours, par l’envoi du courrier à la compagnie d’assurance, cette démarche n’était qu’exploratoire et en particulier destinée à connaître les conditions de prise en charge de ses honoraires au titre de la garantie,

– ce courrier ne permet pas à lui seul d’établir que l’avocat a accepté de représenter M. [H] pour l’exercice du recours, alors que la question du montant et de la charge de ses honoraires n’était pas encore réglée,

– à défaut d’autre élément, la preuve d’un mandat liant les parties n’est pas rapportée.

M. [H] considère rapporter la preuve de l’existence d’un mandat tacite confié à M. [N] afin d’interjeter appel du jugement du tribunal d’instance d’Asnières du 2 février 2016 en faisant valoir que :

– un tel mandat résulte du suivi et de la prise en charge par M. [N] de ses différents contentieux et dossiers, ce dernier l’ayant représenté dans trois autres affaires, dont une était encore en cours au moment des faits, sans qu’il y ait d’autres formes de mandat, et que ce faisant, il ne peut prétendre qu’il n’était pas mandaté pour défendre ses intérêts,

-le courriel du 31 mars 2016 qu’il a adressé à M. [N] confirme l’existence d’un mandat confié à l’avocat,

– le 4 avril 2016, M. [N] est intervenu auprès de l’assureur, en faisant valoir que l’appel semblait mériter d’être tenté et en exposant des arguments à développer,

– le fait que l’assurance de protection n’ait pas pris en charge ce dossier sur un aspect purement financier est totalement indépendant du mandat confié à M. [N],

– en indiquant, par lettre du 27 avril 2017, qu’il ne souhaitait plus continuer à l’assister, M. [N] a démontré qu’il était en charge de la défense de ses intérêts et qu’il a entendu mettre fin à son mandat,

– l’appel de M. [N] n’était pas conditionné au paiement de ses honoraires.

M. [N] soutient qu’il n’a pas été mandaté en ce que :

– il devait être mandaté par l’intermédiaire de l’assureur ‘protection juridique’ de M. [H] qui ne lui a jamais confirmé son mandat, ni davantage M. [H] qui ne communique aux débats aucune pièce justifiant sa demande de maintien du recours contre le jugement prononcé par le tribunal d’instance d’Asnières,

– l’assureur de protection juridique a refusé la prise en charge et M. [H] n’a pas souhaité régler lui-même les honoraires d’avocat,

– dans un courrier du 21 mars 2016, il a confirmé à M. [H] qu’il n’avait pas été mandaté au titre de la procédure d’appel litigieuse,

-le courriel du 31 mars 2016 n’établit pas qu’un mandat lui ait été confié,

– son intervention dans une autre procédure ne justifie pas l’existence d’un mandat qu’il aurait accepté au titre de la procédure d’appel litigieuse,

– M. [H] ne peut soutenir que l’appel n’était pas conditionné au paiement de ses honoraires alors que dans le courrier qu’il a adressé à la BPCE, il sollicite des précisions sur leur montant et les modalités de leur réglement.

La circonstance que M. [N] ait représenté M. [H] dans d’autres dossiers est inopérante à établir l’existence d’un mandat tacite aux fins d’interjeter appel du jugement rendu dans une instance dans laquelle M. [H] n’était pas assisté de cet avocat.

Le courriel qu’il a adressé à M. [N] le 31 mars 2016, lui faisant part des éléments de son dossier qu’il lui paraissait utile de faire valoir, n’établit pas que l’avocat aurait accepté d’assurer la défense de ses intérêts, lequel lui a d’ailleurs indiqué par courriel du 22 mars précédent ‘je trouve un petit peu violent que vous ayez répondu à votre assureur que je suis l’avocat de votre dossier devant la cour d’appel alors même que je ne vous ai pas encore fait part de ma décision’.

Il en est de même du courriel de M. [N] du 4 avril 2016 à la compagnie d’assurance de M. [H] et au soutien de la démarche de celui-ci, dès lors qu’il sollicite que lui soient indiqués le montant et les modalités d’indemnisation au titre de l’assurance de protection juridique.

La preuve d’un mandat tacite n’est pas davantage rapportée par le courrier de M. [N] à M. [H] du 27 avril 2017 mentionnant qu’il n’entend plus ‘s’occuper de [lui] devant le tribunal administratif de Versailles ni d’ailleurs devant quelque juridiction que ce soit’.

C’est donc par une exacte appréciation des pièces produites aux débats que les juges ont retenu l’absence de mandat confié à M. [N] aux fins d’interjeter appel du jugement du tribunal d’instance d’Asnières.

Sur la responsabilité de l’avocat :

M. [H] estime qu’il était du devoir de M. [N] de relever appel, ne serait-ce qu’à titre conservatoire, afin de ne pas lui faire perdre une voie de recours et qu’en ne le faisant pas, il a commis une abstention fautive.

M. [N] répond avec pertinence qu’il n’avait aucune obligation d’exercer à titre ‘conservatoire’ appel, faute de mandat dûment accepté.

Aucune faute de M. [N] n’étant caractérisée, M. [H] doit être débouté de l’ensemble de ses demandes, en confirmation du jugement.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile sont confirmées. M. [H] échouant en ses prétentions doit être condamné aux dépens exposés en cause d’appel, avec les modalités de recouvrement prévues à l’article 699 du même code, et à payer à M. [N] une indemnité de procédure qui doit être fixée, en équité, à la somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

CONDAMNE M. [Z] [H] à payer à M. [P] [N] une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [Z] [H] aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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