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N° R.G. Cour : N° RG 22/06131 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OP5F
COUR D’APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT
ORDONNANCE DU 13 Décembre 2022
contestations
d’honoraires
DEMANDEUR :
M. [O] [W]
[Adresse 3]
[Localité 4]
comparant
DEFENDEUR :
Me [M] [C]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Maître DA SILVA, avocat au barreau de LYON
Audience de plaidoiries du 08 Novembre 2022
DEBATS : audience publique du 08 Novembre 2022 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d’appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 1er Septembre 2022, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.
ORDONNANCE : contradictoire
prononcée publiquement le 13 Décembre 2022 par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;
signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
””
EXPOSE DU LITIGE
M. [O] [W] a pris attache avec Me [M] [C] dans le cadre d’une procédure de divorce.
Une convention d’honoraires a été régularisée entre les parties le 4 octobre 2016.
Le 12 avril 2022, Me [C] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de l’Ain d’une demande de fixation d’honoraires. M. [W] avait pour sa part saisi ce bâtonnier par courrier du 20 janvier 2022 en invoquant des manquements de l’avocat à ses obligations professionnelles.
Celui-ci a statué sur la saisine opérée par Me [C] dans sa décision du 4 août 2022, en ordonnant l’exécution provisoire à hauteur de 1 373,75 € TTC, et a notamment :
– fixé les honoraires dus à Me [C] par M. [W] à la somme de 4 408 € TTC outre les frais et dépens de la procédure de taxation,
– dit en conséquence que M. [W] doit à Me [C] la somme de 1 373,75 € TTC, outre les frais et dépens de la procédure de taxation.
Cette décision a été notifiée à M. [W] et à Me [C] le 10 août 2022.
Par courrier recommandé du 31 août 2022, M. [W] a formé un recours contre cette décision.
A l’audience du 8 novembre 2022 devant le délégué du premier président, les parties s’en sont remises partiellement à leurs écritures, qu’elles ont soutenues oralement.
Dans son courrier du 31 août 2022, M. [W] a demandé au délégué du premier président de :
– rejeter la demande de Me [C], pour défaut de conseil et de diligence dans le recouvrement des créances et la dissolution du régime matrimonial,
– reconnaître l’existence d’un préjudice causé par le recours à un autre avocat et au retard pris dans le recouvrement des créances,
– chiffrer le préjudice aux frais engagés pour l’action d’un nouveau conseil, soit 1 400 €,
– reconnaître un préjudice moral lié aux nombreuses démarches engagées pour faire valoir ses droits, dont le montant est laissé à l’appréciation du premier président,
– à titre subsidiaire, fixer les honoraires en fonction du tarif initial prévu dans la convention d’honoraires.
Il reproche à Me [C] un défaut de conseil et de diligence. Il affirme qu’aucun acte, permettant de recouvrer ses créances, n’a été entrepris par Me [C].
Il prétend que la seule explication donnée par Me [C] était la nécessité d’attendre que le jugement de divorce définitif soit rendu, ce dernier n’ayant finalement pas fait droit à ses demandes.
Il fait état d’un préjudice certain lié notamment à la nécessité de se tourner vers un nouvel avocat.
Il indique avoir proposé à Me [C] de ne régler que la somme de 3 000 € au titre des honoraires de résultat et de ne pas prendre en compte le reliquat.
Il reproche également à Me [C] d’avoir procédé à une augmentation des honoraires, en sollicitant une nouvelle provision de 700 €, sans lui en avoir fait part au préalable.
Dans son mémoire déposé lors de l’audience, Me [C] sollicite la confirmation de la décision du bâtonnier et le rejet des demandes de M. [W] qui sont dites comme visant à baisser le montant de sa facture.
Elle relève que le délégué du premier président ne peut trancher la question du défaut de conseil et de diligences soulevée par M. [W], comme pour statuer sur les demandes de dommages et intérêts. Elle conteste avoir failli dans ses obligations professionnelles.
Elle affirme n’avoir pas augmenté ses tarifs en expliquant que ses demandes de provision n’impactaient aucunement le montant définitif de ses honoraires et souligne avoir appliqué le taux horaire de 200 € HT prévu dans la convention d’honoraires.
Lors de l’audience, il a été relevé que la décision du bâtonnier n’avait statué que sur le montant des honoraires sans répondre directement au courrier du 20 janvier 2022 de M. [W] qui concernait la discipline des avocats ou la responsabilité éventuelle de Me [C] et surtout il a été rappelé le défaut de pouvoir juridictionnel des juges de l’honoraire que sont le bâtonnier saisi d’une demande de fixation et du premier président statuant sur recours de sa décision pour examiner les demandes indemnitaires présentées par M. [W].
M. [W] a alors précisé qu’il renonçait à ses demandes fondées sur la responsabilité de l’avocat et celles en indemnisation de préjudice et qu’il ne maintenait que sa contestation du montant des honoraires à raison d’une augmentation des tarifs pratiquée par Me [C] dans sa demande de provision de 700 € faite le 21 mai 2021. Il sollicite que les honoraires de Me [C] soient calculés sur la base de l’ancien tarif prévu par la convention d’honoraires. Il ajoute qu’il considère que la facturation de Me [C] n’est pas claire sur les diligences effectuées.
Pour satisfaire aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux mémoires régulièrement déposés et ci-dessus visés.
MOTIFS
Attendu que la recevabilité du recours formé par M. [W] n’est pas discutée et les dates de notification et de recours ne peuvent y conduire ;
Attendu qu’à titre liminaire et explicatif, il convient de rappeler que le juge de l’honoraire ne peut pas se prononcer directement ou indirectement sur la responsabilité de l’avocat ou le respect de ses obligations déontologiques concernant tant les obligations de conseil, de diligence et d’information ; qu’il ne lui appartient pas davantage de déterminer les éventuelles fautes disciplinaires invoquées par son client ;
Que le premier président ou son délégué saisi d’un recours contre sa décision, exerçant alors comme le bâtonnier les pouvoirs du juge de l’honoraire déterminés par l’article 174 du décret du 27 novembre 1971, ne dispose pas plus de pouvoir juridictionnel que le bâtonnier pour statuer sur des allégations concernant le respect par l’avocat de ses obligations ;
Attendu que les reproches faits par M. [W] à Me [C] auraient été insusceptibles de conduire à une quelconque réfaction des honoraires correspondant aux diligences engagées, réfaction qui aurait révélé en réalité une demande indemnitaire ; que le bâtonnier relate dans sa décision qu’il a été par ailleurs répondu le 22 juillet 2022 au courrier de M. [W] du 20 janvier 2022 ;
Attendu que M. [W] ne pouvait ainsi reprocher au bâtonnier de n’avoir statué dans sa décision du 4 août 2022 que sur la demande de taxation faite par Me [C] sans examiner la responsabilité de l’avocat ou le respect des obligations déontologiques, car il était dépourvu en cette qualité de tout pouvoir juridictionnel, sa tâche étant limitée à la détermination des honoraires en application de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, et de la convention d’honoraires signée le 4 octobre 2016 ;
Attendu que M. [W] ne discute pas l’ampleur des diligences engagées par Me [C] mais soutient qu’elle en a majoré le coût à compter de la demande de provision du 21 mai 2021 tout en sollicitant une refacturation conforme à la convention d’honoraires ;
Attendu que M. [W] a signé le 4 octobre 2016 la convention d’honoraires prévoyant la rémunération de Me [C] de la manière suivante :
– des honoraires de base calculés suivant un taux horaire de 200 € HT pour les interventions de l’avocat,
– l’émission d’une facture récapitulative à la fin de la mission de l’avocat, faisant apparaître l’ensemble des honoraires versés et le solde dû,
– le maintien du calcul des honoraires suivant les stipulations de la convention en cas de dessaisissement ;
Attendu qu’il ressort des pièces du débat que Me [C] a émis successivement les factures suivantes :
– demande de provision sur honoraires N° 1 du 27 février 2017 d’un montant de 600 € TTC,
– demande de provision sur honoraires N° 2 du 12 juin 2017 d’un montant de 600 € TTC,
– demande de provision sur honoraires N° 3 du 15 novembre 2017 d’un montant de 600 € TTC,
– demande de provision sur honoraires N° 4 du 5 septembre 2018 d’un montant de 600 € TTC,
– demande de provision sur honoraires N° 5 du 18 mars 2019 d’un montant de 660 € TTC,
– demande de provision sur honoraires N° 6 du 21 mai 2021 d’un montant de 700 € TTC,
– facture d’honoraires intermédiaire et provisoire du 17 août 2021 d’un montant de 4 391,98 € TTC,
– facture d’honoraires récapitulative et définitive du 28 décembre 2021 d’un montant de 4 408 € TTC ;
Attendu que les demandes de provisions faites par Me [C] ont toutes été couvertes sauf celle du 21 mai 2021, ces factures ne pouvant se voir reprocher d’être insuffisamment précises en ce que leurs montants n’étaient pas nécessairement affectés à des diligences particulières ; que la convention d’honoraires a clairement précisé que la facture définitive devait comprendre un tel détail ;
Qu’il ne ressort pas des pièces produites que M. [W] ait manifesté son incompréhension sur les provisions sollicitées avant son courriel du 5 août 2021 et il est difficile de comprendre la raison qui le conduit à analyser la demande de provision du 21 mai 2021 comme manifestant une augmentation de la tarification alors qu’il avait finalement payé celle du 18 mars 2019 portée de 600 à 660 € ;
Attendu que la détermination du montant total des honoraires ne dépend en effet pas du montant des provisions réclamées mais de l’appréciation du temps passé par l’avocat pour exécuter les différentes diligences avec application, comme l’a soutenu M. [W] sans être discuté par Me [C], du taux horaire de 200 € HT prévu dans la convention d’honoraire ;
Qu’au surplus l’avocat, sous la réserve d’expliciter à son client les raisons d’un montant inhabituel de la provision, demeure libre d’en déterminer le montant en fonction des diligences engagées ou à engager, à charge pour le client de l’accepter ;
Attendu que Me [C] a d’ailleurs fourni dans sa facture du 17 août 2021, un détail des honoraires facturés répondant ainsi, au moins formellement, au courriel de son client du 5 août 2021 dans lequel M. [W] déplorait n’avoir pas eu d’explications sur le temps passé sur son dossier de nature à motiver la nouvelle demande de provision et faisait état d’une augmentation de la tarification ;
Que d’ailleurs, il n’est pas justifié d’une réaction particulière de M. [W] postérieurement à la réception de cette facture, à défaut d’une décision de saisir un autre avocat à la suite de la décision de divorce rendue le 8 octobre 2021 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse ;
Attendu que ce dessaisissement est intervenu au moment de l’intervention de ce jugement dont il n’apparaît pas discuté qu’il n’a pas fait l’objet d’un appel et en tout état de cause la clause de la convention d’honoraire prévoyant ce dessaisissement conduit à appliquer le taux horaire de 200 € HT ;
Attendu qu’il ne peut ainsi être retenu que Me [C] avait changé sa tarification de ses honoraires en réclamant une provision de 700 € même s’il semble que le travail d’explication de cette dernière demande financière n’ait pas été suffisant ;
Attendu que le rôle du juge de l’honoraire, en application déjà rappelée de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et de la convention d’honoraires, et non pas de l’article 11.2 du règlement intérieur national visé par le bâtonnier qui ne peut constituer qu’un guide d’interprétation de ces texte et contrat, est en l’espèce de déterminer l’amplitude horaire nécessaire pour accomplir les diligences facturées ;
Attendu que M. [W], comme l’a souligné le bâtonnier, n’a pas discuté l’existence des diligences facturées ni même d’ailleurs le temps que Me [C] a indiqué y avoir consacré, sa discussion concernant alors en réalité la qualité des conseils prodigués et son appréciation du résultat obtenu ;
Attendu que la facture définitive de Me [C] comprend les précisions suivantes sur les diligences facturées :
– Rendez-vous cabinet : 3/10/2016-24/04/2017-16/01/2018 (2 heures)
– Ouverture du dossier (4 minutes)
– Etude du dossier (3 heures) – Rédaction d’une convention d’honoraires (5 minutes)
– Rédaction d’une requête en divorce (30 minutes)
– Audience de conciliation du 12/10/2017 (1 heure)
– Rédaction d’une assignation en divorce (1 heure)
– Délivrance assignation à partie par huissier (5 minutes)
– Mise au rôle de l’assignation (5 minutes)
– Rédaction de conclusions (2) (1 heure 30)
– Rédaction de bordereaux de pièces (5) (50 minutes)
– Audiences de mise en état (11) (11 minutes)
– Audiences d’incident JME (5) (1 heure 30)
– Rédaction de deux actes d’acquiescement (10 minutes)
– Rédaction d’une sommation de communiquer (5 minutes)
– Audience de plaidoirie du 11/06/2021 (30 minutes)
– Copies (410) (20 minutes)
– Courriers (82) (4 heures 10)
– Mails (37) (37 minutes)
– Téléphone (3) (3 minutes)
– Archivage du dossier (4 minutes)
la somme facturée hors taxe étant équivalente à environ 18 heures et 20 minutes, durée plus que raisonnable et proportionnée compte tenu des différentes diligences engagées et qui sont justifiées, le temps dit consacré notamment à la rédaction des actes de procédure (assignation en divorce et conclusions) étant en partie sous évalué ;
Attendu qu’en faisant application du taux horaire applicable la facturation à hauteur de 3 673,33 € correspondant à cette durée totale, le bâtonnier a pu retenir à juste titre qu’elle correspondait au travail effectué par l’avocat et à l’application stricte de la convention d’honoraire ;
Attendu qu’en conséquence, le recours de M. [W] est rejeté en ce qu’il tendait d’ailleurs à tort de nous saisir d’une question insusceptible d’être examinée par le juge de l’honoraire ;
Que M. [W] doit supporter les dépens inhérents à son recours et ceux éventuellement engagés dans le cadre d’un recouvrement forcé ;
PAR CES MOTIFS
Le délégué du premier président, statuant publiquement et par ordonnance contradictoire,
Rejetons le recours formé par M. [O] [W] à l’encontre de la décision rendue le 4 août 2022 par le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de l’Ain ayant statué sur la demande de fixation des honoraires présentée par Me [M] [C],
Condamnons M. [O] [W] aux dépens de cette instance.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE