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COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 13 AVRIL 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 18/02941 – N° Portalis DBVK-V-B7C-NWDP
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 02 MAI 2018
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 16/ 07348
APPELANTS :
Madame [A] [D]
née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 17] (MAROC)
de nationalité Française
[Adresse 16]
[Localité 7]
et
Madame [Y] [D]
née le [Date naissance 4] 1965 à [Localité 17] (MAROC)
[Adresse 15]
[Adresse 15]
[Localité 6]
et
Monsieur [C] [U] [D]
né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 19] (MAROC)
[Adresse 16]
[Localité 7]
et
Madame [P] [D]
née le [Date naissance 5] 1960 à [Localité 14] (MAROC)
[Adresse 13]
[Localité 6]
Représentés par Me Gilles BERTRAND de la SCP ROZE, SALLELES, PUECH, GERIGNY, DELL’OVA, BERTRAND, AUSSEDAT , SMALLWOOD, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur [G] [L]
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 8]
Représenté par Me Séverine VALLET de la SCP D’AVOCATS COSTE, DAUDE, VALLET, LAMBERT, avocat au barreau de MONTPELLIER
Maître [H] [F]
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Localité 18]
Représenté par Me Gilles LASRY de la SCP D’AVOCATS BRUGUES – LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER
Compagnie d’assurances ALLIANZ IARD SA immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 542 110 291 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 12]
Représentée par Me Séverine VALLET de la SCP D’AVOCATS COSTE, DAUDE, VALLET, LAMBERT, avocat au barreau de MONTPELLIER
SCP [F] [F] [S] [K] [J] [B]
[Adresse 10]
[Localité 18]
Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP D’AVOCATS BRUGUES – LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 24 Janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 février 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Thierry CARLIER, conseiller
Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL
ARRET :
– contradictoire,
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
[C] [D], exploitant agricole, détenait 250 des 500 parts composant le capital social de l’entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) « le Sebou », dont le siège est au [Adresse 16] (Hérault), ainsi que les 35 489 des 35 500 parts représentant le capital social de la société civile d’exploitation agricole (SCEA) « la Pommeraie », domiciliée au même lieu.
Il est décédé le [Date décès 9] 2010, laissant pour lui succéder :
– son épouse séparée de biens, [N] [R], qui a déclaré opter pour l’usufruit de la totalité des biens de la succession aux termes d’un acte notarié du 19 mars 2012 ;
– et leurs 4 enfants : [P] [D], [A] [D], [Y] [D] et [C] [D].
Déclarant vouloir bénéficier des dispositions de l’article 787 B du Code général des impôts, les héritiers de M. [D] ont pris un engagement collectif de conserver les titres susvisés dépendant de sa succession pendant une durée minimale de 2 années, par deux actes authentiques reçus le 21 janvier 2011 par Me [H] [F], notaire associé à [Localité 18].
Aux termes d’un nouvel acte authentique, dressé le 19 juin 2012 par ce même notaire, Mme [R], veuve [D] et son fils [C] [D], ont pris également l’engagement de conserver pendant 2 ans au moins les titres leur appartenant en propre dans l’EARL « Le Sébou » à concurrence de 200 parts pour madame et de 50 parts pour monsieur, ce dernier en ayant fait l’acquisition auprès de sa mère par acte sous-seing privé du 1er avril 1999.
Le même jour, Mme [R] a réalisé une donation partage au profit de ses enfants, aux termes de laquelle, notamment, [C] [D] a reçu la nue-propriété des 35 500 parts sociales de la SCEA « La Pommeraie » et des 450 parts sociales de l’EARL « Le Sébou ».
Le 10 septembre 2012, Me [F] a reçu l’acte par lequel Mme [R] a souhaité convertir l’usufruit qu’elle détenait sur les 35 500 parts sociales de la SCEA « La Pommeraie » et les 450 parts sociales de l’EARL « Le Sébou », en une rente annuelle viagère d’un montant de 30 000 euros, à la charge de [C] [D], devenu ainsi seul et unique associé des 2 sociétés.
Par acte sous-seing privé du 30 octobre 2012, [C] [D] a fait apport à la SAS en formation « Pomholding » de la totalité de ses titres dans la SCEA « La Pommeraie » (35 000 parts) et dans l’EARL « Le Sebou » (500 parts).
L’administration fiscale a alors considéré que cet apport emportait les conséquences d’une cession, consentie en méconnaissance des actes collectifs de conservation de titres précités, et que, par suite, elle entraînait la déchéance du régime d’exonération partielle des droits de succession prévu par l’article 787 B du code général des impôts.
En conséquence, elle a notifié aux héritiers, par courriers du 7 avril 2014, des propositions de rectification (portant respectivement sur les sommes de 25 916 euros à la charge de [P] [D] et de 24 739 euros pour chacun des 3 autres successibles), confirmées en totalité par un courrier du 29 septembre 2014 qui a rejeté leurs observations formées le 6 juin 2014.
L’administration fiscale a procédé au recouvrement de la somme totale de 100 133 euros par un avis du 15 décembre 2014, réglée en totalité par [C] [D].
Estimant que ce redressement fiscal résultait de l’acte d’apport qui lui avait été conseillé par Me [L], avocat, les consorts [D] l’ont fait assigner en référé, ainsi que son assureur, la compagnie Allianz IARD, par assignation du 19 novembre 2015. Les défendeurs ont appelé à leur tour en garantie Me [F] et sa S.C.P d’exercice, en considérant que ces derniers devaient participer à l’indemnisation des demandeurs.
Par une ordonnance du 26 avril 2016, le président du tribunal de grande instance de Montpellier a jugé que la compétence du juge des référés se heurtait à plusieurs difficultés sérieuses, relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond, et en conséquence, a débouté les requérants de leurs entières demandes.
C’est ainsi que ces derniers ont fait attraire devant le tribunal de grande instance de Montpellier Me [L] et la SA Allianz IARD par exploits d’huissier signifiés le 25 novembre 2016.
A l’instar de la procédure de référé, ces derniers ont appelé à leur tour en intervention forcée Me [F] et la S.C.P de notaires « [F], [F] [S], [K], [J], [B] », aux termes d’assignations délivrées le 10 janvier 2017. Cette affaire a été jointe au dossier principal, par mention notifiée aux parties le 28 mars 2017.
Par jugement contradictoire du 2 mai 2018, le tribunal de grande instance de Montpellier a :
– jugé [A] [D], [Y] [D] et [P] [D] irrecevables en leurs demandes pour défaut d’intérêt à agir ;
– jugé que Maître [G] [L] a commis une faute dans l’exécution de sa mission contractuelle au profit de Monsieur [C] [D] ;
– condamné Me [L] en conséquence, in solidum avec son assureur, la SA Allianz IARD, à verser à Monsieur [D], en réparation de la perte de chance causée par sa faute, la somme de 50 067 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
– débouté [C] [D] du surplus de ses demandes ;
– dit en revanche que Maître [H] [F], notaire associé de la S.C.P « [F], [F] [S], [K], [J], [B] », n’a commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité civile professionnelle, ainsi que celle de sa société d’exercice ;
– débouté en conséquence Maître [G] [L] et la société Allianz IARD de leur demande subsidiaire, tendant à être relevés et garantis de l’intégralité des condamnations pouvant être prononcées à leur encontre par Maître [F] et sa S.C.P précitée ;
– débouté Maître [H] [F] et la S.C.P « [F], [F] [S], [K], [J], [B] » de leur demande reconventionnelles en dommages-intérêts à l’encontre des consorts [D] ;
– condamné in solidum Maître [G] [L] et la SA Allianz IARD à verser, au titre des dispositions de l’article 700 du CPC :
– à monsieur [C] [D], la somme de 2 500 euros ;
– et à Maître [H] [F] et la S.C.P « [F], [F] [S], [K], [J], [B] », la somme de 2 500 euros ;
– condamné in solidum Maître [G] [L] et la SA Allianz IARD aux entiers dépens de l’instance.
Le 6 juin 2018, les consorts [D] ont interjeté appel de ce jugement à l’encontre de Me [G] [L], Me [H] [F], la SA Allianz IARD et la S.C.P « [F], [F] [S], [K], [J], [B] », l’acte d’appel précisant les chefs de jugement critiqués .
Vu les dernières conclusions des consorts [D] remises au greffe le 6 février 2019 ; au terme desquelles ils sollicitent la réformation du jugement et la réservation des droits de recours contre les parties défenderesses concernant tout éventuel redressement fiscal complémentaire.
En conséquence, ils demandent à titre principal de condamner solidairement Me [L], la SA Allianz IARD, Me [F] et la SCP de notaires au paiement de la somme de 25 916 euros à Mme [P] [D] et de la somme de 24 739 euros aux trois autres successibles ainsi que de condamner solidairement Me [L] et la SA Allianz IARD au paiement des intérêts au taux légal sur lesdites sommes à compter de l’acte introductif d’instance.
Subsidiairement, ils sollicitent la condamnation solidaire de Me [L], la SA Allianz IARD, Me [F] et la SCP au paiement de la somme de 100 133 euros à M. [D] et la condamnation solidaire de Me [L] et de la SA Allianz IARD au paiement des intérêts au taux légal sur ladite somme à compter de l’acte introductif d’instance.
En toute état de cause, ils sollicitent la condamnation solidaire de Me [L], la SA Allianz IARD, Me [F] et la SCP au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice moral ainsi que la condamnation solidaire Me [L] et la SA Allianz IARD au paiement des intérêts au taux légal sur lesdites sommes à compter de l’acte introductif d’instance. Enfin, ils demandent la condamnation solidaire de Me [L], la SA Allianz IARD, Me [F] et la SCP au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions de Me [L] et de la SA Allianz IARD remises au greffe le 12 novembre 2018 ; au terme desquelles ils sollicitent la confirmation du jugement en ce qu’il a dit et jugé irrecevable l’action introduite par Mesdames [D] et l’infirmation du jugement quant au surplus.
Subsidiairement, ils demandent la condamnation de Me [F] et de la SCP à relever et garantir Me [L] et Allianz de toutes condamnations pouvant être prononcées à leur encontre au principal pour le tout et au subsidiaire pour moitié.
Plus subsidiairement encore, ils demandent la confirmation du jugement en ce qu’il retient une perte de chance à hauteur de 50%.
En toute hypothèse, ils sollicitent la condamnation de tout succombant, au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions de Me [F] et de la S.C.P « [F], [F] [S], [K], [J], [B] » remises au greffe le 6 novembre 2018 ; au terme desquelles ils sollicitent la confirmation du jugement et la condamnation des consorts [D] au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts et la condamnation de tout succombant au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée le 24 janvier 2023.
MOTIFS
La qualité pour agir de Mesdames [D]
S’il apparaît que l ‘acte d’apport réalisé par [C] [D] a entraîné la remise en cause du régime de faveur en matière de droits de succession dont avaient bénéficié l’ensemble des héritiers [D], l’administration fiscale ayant adressé à chacun d’eux une proposition de rectification, en réalité les redressements correspondants ont été acquittés par le seul Monsieur [D], c’est dans ce sens que le premier juge a estimé que Mesdames [D] étaient irrecevables à agir, [C] [D] se trouverait, dès lors subrogé dans leur droit à réparation,
Il s’avère que seul [C] [D] a sollicité Maître [L] afin de réaliser l’opération d’apport litigieuse portant sur les titres dont il avait acquis la pleine propriété, il est donc fondé à rechercher l’éventuelle responsabilité contractuelle de Maître [L] mais un tiers peut aussi invoquer un manquement contractuel lorsque ce dernier lui cause un préjudice personnel.
Mesdames [D] produisent en pièce 29 de leur bordereau de communication de pièces un relevé de comptes du 5 juin 2015 qui démontre des versements de sommes et encaissement de chèque sur un compte bancaire Crédit Agricole N°24807524000, toutefois ces opérations bancaires indéterminées ne fondent pas une subrogation quelconque de leur part dans les droits de M. [C] [D], ni un préjudice personnel de Mme [A] [D], Mme [Y] [D], Mme [P] [D] alors même qu’il est établi que le règlement à l’administration fiscale a été réalisé par M. [C] [D], seul,
La fin de non recevoir prononcée à l’encontre de celles-ci par le premier juge sera confirmée.
La faute de Maître [L]
Le jugement de première instance a estimé que la responsabilité civile et professionnelle de Maître [L] était fondée du fait d’un manquement à son obligation de conseil, cette responsabilité de l’avocat s’établissant à hauteur de 50 % des sommes redressées, ce au titre de la perte de chance de M. [D] de bénéficier d’une autre opération plus adaptée, voire de différer de quelques mois l’apport de la totalité des titres qu’il détenait en pleine propriété dans la SCEA ‘La Pommeraie’ et dans l’EARL ‘Le Sébou’ à la holding SAS ‘Pomholding’.
Au moment de l’élaboration du sous-seing privé du 30 octobre 2012 par lequel M. [C] [D] a fait apport à la SAS en formation ‘ Pomholding’, Maître [L] ne conteste pas , dans ses dernières écritures, avoir eu connaissance de l’acte de donation-partage du 19 juin 2012 et de l’acte de conversion d’usufruit en rente viagère du 10 septembre 2012, Maître [L] expliquant n’avoir ‘jamais discuté la production de ces pièces’.
Or son attention aurait dû être aiguisée par la lecture de la page 2 de l’acte de donation du 19 juin 2012 où il est clairement mentionné: ‘ les 250 parts qui lui appartenaient ( à M. [D]) ont fait l’objet d’un engagement collectif de conservation d’une durée de deux ans par chacun de ses ayants droit au terme d’un acte reçu par Maître [F], notaire soussigné le 21 janvier 2011″, et le redressement de l’administration est précisément motivé sur l’engagement de conservation du 21 janvier 2011,
Il s’infère de ce constat que Maître [L] a méconnu son obligation de diligence et de conseil, il lui incombait de se renseigner auprès du notaire qu’il avait rencontré afin de s’assurer de l’efficacité et la validité de l’acte qu’il avait pour misssion de mettre en forme dans l’intérêt de son client.
Dès lors à la lecture de cet exposé contenu dans l’acte de donation du 19 juin 2012, il appartenait à Maître [L] de se renseigner sur l’étendue et les conséquences de l’engagement, cette négligence fautive est directement en lien avec le redressement fiscal intervenu.
Sur la faute de Maître [F] et la SCP [F], [F] [S], [K], [J], Perez
Il est constant que Maître [F] n’est pas le rédacteur de l’acte d’apport du 30 octobre 2012 ayant conduit au redressement fiscal. Les consorts [D] ont fait appel, en la personne de Maître [L], à un avocat spécialisé en droit des sociétés pour rédiger les statuts de la société et l’acte d’apport de titres à cette société.
Il est tout aussi avéré que Maître [F] a communiqué à Maître [L] les actes authentiques du 19 juin 2012 (donation-partage) et 10 septembre 2012 (conversion d’usufruit en rente viagère) par courrier du 8 octobre 2012, dont l’avocat spécialisé aurait dû faire l’analyse précise alors même que de toute part il lui était signalé l’importance que revêtait l’acte du 19 juin 2012 ( cf page 1 du rapport du commissaire aux apports).
Dès lors, Maître [F] n’a participé aucunement à l’acte litigieux et a donné tous les élements d’information au rédacteur de l’acte, aucune faute n’est caractérisée à son égard, bien au contraire le notaire avait permis aux consorts [L] de diminuer les droits de mutation sur les titres et ultérieurement les héritiers n’ont sollicité aucun conseil à ce titre auprès de Maître [F].
Enfin la clause d’engagement de conservation des titres aux termes de laquelle l’exonération des droits de succession était suffisamment claire pour que les consorts [D] bénéficient de l’éxonération fiscale associée, et c’est la volonté des héritiers de mettre en place une opération d’apport à la holding au profit d’un seul des signataires des actes d’engagement collectifs initiaux qui a déclenché le redressement fiscal.
En l’absence de faute de Maître [F], le dispositif du premier jugement sera confirmé en soulignant que Maître [H] [F] notaire associé de la S.C.P [F], [F] [S], [K], [J] , [B] n’ont commis aucune faute susceptible d’engager leur responsabilité civile professionnelle, Maître [G] [L] et la société Allianz IARD seront débouté de leur appel en garantie à l’encontre du notaire.
Sur le préjudice de M. [C] [D],
Contrairement aux conclusions du premier juge, il s’avère que le défaut de conseil et l’erreur fautive d’analyse de Maître [L] de l’incompatibilité entre son acte d’apport du 30 octobre 2012 et les engagements collectifs de conservation des
titres pris par les consorts [D] les 21 janvier 2011 et 19 juin 2012 est la cause la plus évidente et directe du redressement fiscal subi par ces derniers.
En effet, informés de cette conséquence fiscale, les consorts [D] pouvaient différer l’apport de trois mois et ainsi obtenir l’intégralité du bénéfice du pacte Duteuil sans redressement fiscal, soit 100 000 euros, l’administration n’ayant pas prononcé de pénalités en estimant que les consorts [D] étaient de bonne foi.
Ainsi les consorts [D] ont donc perdu la chance de bénéficier de l’intégralité de cette franchise fiscale et il n’est pas démontré qu’ils aient beneficié, sur cette période, d’autres avantages fiscaux ou tiré un bénéfice pécuniaire plus important qui les auraient conduit à renoncer explicitement ou implicitement au bénéfice de l’engagement collectif de conservation des titres.
L’éventualité d’une recherche d’autres avantages fiscaux qui serait la raison de la décision des consorts [D] n’est pas rapportée; après sa constitution, la société Pomholding n’a d’ailleurs pas opté pour le régime fiscal mère/fille lui permettant de limiter les impacts fiscaux en 2011, 2012 ou 2013, elle n’optera pour ce régime qu’en 2014 comme le relève l’expert comptable [X] [W].
En conséquence, le préjudice financier résultant de la perte de chance est constituée par la somme de 100 000 euros, montant du redressement, dont M. [D] établi avoir payé l’intégralité, le choix de ce redressement ayant relevé in fine de l’administration fiscale ce sera 80 % de cette somme qui sera accordée à M. [C] [D], soit 80 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance valant mise en demeure.
Sur les dommages et intérêts
sur la somme de 30 000 euros pour préjudice moral
Tenant le défaut de qualité pour agir de mesdames [D], leurs demandes à ce titre ne saurait prospérer.
Par contre, il apparaît que ce redressement fiscal concernant l’ensemble d’une fratrie suite à une opération effectuée par un seul de ses membres, M. [C] [D] a pu perturber les relations familiales qui se confondent, ici, avec l’affectio societatis alors que M. [D] en s’adressant à un professionnel de droit pensait avoir sécurisé sa démarche et n’avoir porté préjudice à aucune de ses soeurs, son préjudice moral sera évalué à 4000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance valant mise en demeure.
Sur la somme de 5000 euros sollicitée par Maître [F] et la SCP Notariale,
En l’absence d’élements probants caractérisant un abus de droit, cette demande fera l’objet d’un débouté.
Sur la réserve des droits
Les consorts [D] souhaitent voir réservés leurs droits de recours contre les parties défenderesses concernant tout éventuel redressement fiscal complémentaire futur qui pourrait être généré par rapport à la société ‘Pomholding’ des parts de la SCEA ‘La Pommeraie’ et de l’ EARL ‘Le Sébou’.
Comme l’a justement analysé le premier juge, cette demande concernant un évènement futur et éventuel ne constitue pas un point de contestation qu’il appartient de trancher, pour ces mêmes motifs, il n’y a pas lieu de faire droit à ce chef de demande.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Maître [L] et son assureur la SA Allianz IARD, succombants, seront condamnés in solidum, en cause d’appel, à payer les entiers dépens et, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, les sommes suivantes :
– 3000 euros à Maître [H] [F] et la SCP [F], [F] [S], [K], [J], [B]
– 4000 euros à M. [C] [D]
PAR CES MOTIFS
La Cour
Infirme partiellement le jugement du 2 mai 2018 du Tribunal de Grande Instance de Montpellier
Statuant sur les chefs du jugement infirmés:
Condamne in solidum Maître [G] [L] et la SA Allianz IARD à payer à M. [C] [D] les sommes de :
– 80 000 euros au titre de la perte de chance
– 4 000 euros au titre du préjudice moral
Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance valant mise en demeure,
Confirme le jugement pour le surplus,
Condamne in solidum, en cause d’appel, Maître [G] [L] et la SA Allianz IARD à payer à M. [C] [D] la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum, en cause d’appel, Maître [G] [L] et la SA Allianz IARD à payer à Maître [H] [F] et la SCP [F], [F] [S], [K], [J] , Perez la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum, en cause d’appel, Maître [G] [L] et la SA Allianz IARD aux entiers dépens.
Le greffier, Le président,