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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/00920 –
N° Portalis DBVH-V-B7G-ILZF
SL -AB
JUGE DE LA MISE EN ETAT DE NIMES
17 février 2022
RG:21/00134
CRCAM DU LANGUEDOC
C/
SCP GERARD BOUISSINET-LIONEL SERRES
Grosse délivrée
le 12/01/2023
à Me Stéphane GOUIN
à Me Georges POMIES RICHAUD
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 12 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge de la mise en état de Nîmes en date du 17 Février 2022, N°21/00134
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,
Mme Séverine LEGER, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 15 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 12 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC,
Société coopérative à capital et personnel variables, régie par les articles L 512-20 à L 512-54 du Code Monétaire et Financier et par l’ancien Livre V du Code Rural, inscrite au RCS de MONTPELLIER sous le n° 492 826 417, dont le siège social est [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualité audit siège.
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Stéphane GOUIN de la SCP LOBIER & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
SCP GERARD BOUISSINET-LIONEL SERRES
inscrite au RCS de Carcassonne sous le N°404 327 181 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es-qualité au siège social sis
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Thierry BERGER, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 12 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc (ci-après CRCAM) recherche la responsabilité contractuelle de la SCP Gérard Bouissinet-LionelSerres, avocats, au titre de la faute qu’elle aurait commise dans le cadre d’une action contre son débiteur, Mme [W], caution solidaire de la société Print Medias.
Par acte du 7 janvier 2021, la CRCAM a assigné la SCP Gérard Bouissinet-Lionel Serres devant le tribunal judiciaire de Nîmes sur le fondement de l’article 1147 du code civil afin de voir engager sa responsabilité contractuelle pour avoir agi au-delà du délai de prescription et la voir condamner à réparer son préjudice, outre la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par écritures du 15 septembre 2021, la SCP Gérard Bouissinet-Lionel Serres a saisi le juge de la mise en état sur le fondement de l’article 122 du code de procédure civile et de l’article 2225 du code civil afin de voir déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de la CRCAM.
Par ordonnance contradictoire du 17 février 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nîmes a :
– déclaré irrecevable l’action de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc à l’encontre de la SCP Gérard Bouissinet-Lionel Serres car prescrite ;
– condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc à verser à la SCP Gérard Bouissinet-LionelSerres la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc aux dépens.
Le juge de la mise en état a considéré qu’en l’absence de preuve d’une prolongation de la mission confiée à la SCP Gérard Bouissinet-Lionel Serres, le délai de prescription quinquennal de l’article 2225 du code civil applicable en l’espèce, avait commencé à courir le 15 décembre 2015, jour du prononcé du jugement de première instance ayant déclaré l’action introduite par la banque irrecevable.
Par déclaration du 8 mars 2022, la CRCAM a interjeté appel de cette décision.
Par avis de fixation à bref délai du 27 juin 2022, la procédure a été clôturée le 8 novembre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 15 novembre 2022 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 12 janvier 2023.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 mars 2022, l’appelante demande à la cour de réformer en toutes ses dispositions l’ordonnance déférée et statuant à nouveau, de :
– juger non prescrite son action en responsabilité engagée par assignation du 7 janvier 2021,
– débouter la SCP Gérard Bouissinet-Lionel Serres de sa demande d’irrecevabilité de l’action pour prescription,
– débouter la SCP Gérard Bouissinet-Lionel Serres de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la SCP Gérard Bouissinet-Lionel Serres à lui porter et payer la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L’appelante fait essentiellement valoir que son action n’est pas prescrite au regard des dispositions de l’article 2225 du code civil puisque la mission de son avocat s’est en l’espèce prolongée a minima jusqu’au 11 janvier 2016 et jusqu’au 14 mars 2016, période au cours de laquelle des correspondances ont précisément été adressées par l’avocat à sa cliente de sorte que l’assignation délivrée le 7 janvier 2021 est intervenue avant l’expiration du délai quinquennal.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 mars 2022, la SCP Gérard Bouissinet-Lionel Serres demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
– déclarer irrecevables pour cause de prescription les demandes formulées par la CRCAM,
– débouter la CRCAM de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la CRCAM à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
L’intimée se prévaut de la prescription de l’action engagée à son encontre depuis le 14 décembre 2020 au regard du délai prévu à l’article 2225 du code civil qui a commencé à courir à compter du jugement de première instance rendu le 14 décembre 2015 et qui a mis fin à son mandat ad litem, l’existence de correspondances sur un éventuel appel non interjeté et sur l’exécution du jugement prononcé n’étant pas de nature à prolonger la mission confiée à l’avocat.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :
Aux termes des dispositions de l’article 2225 du code civil, l’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission.
Les parties s’accordent sur l’application des dispositions de l’article 2225 du code civil régissant la prescription d’une action en responsabilité civile professionnelle de l’avocat dans le cadre d’un mandat ad litem le liant à son client.
Elles sont cependant en désaccord sur la date à retenir en l’espèce pour la détermination de la fin de mission de l’avocat que l’intimée demande à la cour de fixer à la date du jugement de première instance ayant déclaré l’action irrecevable telle que retenue par le premier juge et que l’appelant entend voir fixer à une date postérieure compte tenu des correspondances adressées par l’avocat à sa cliente.
La question qui se pose à la cour est de savoir si les correspondances du 11 janvier 2016 et du 14 mars 2016 sont de nature à reporter la date de la fin de mission de l’avocat saisi par son client d’un mandat ad litem alors que la décision d’irrecevabilité de l’action a été rendue par jugement du 15 décembre 2015.
Le premier juge a considéré que le courrier du 11 janvier 2016 dans lequel l’avocat transmettait à sa cliente le jugement rendu par le tribunal de commerce de Carcassonne et l’interrogeait sur les suites à réserver à l’affaire ne caractérisait pas une prolongation de la mission initialement confiée à l’avocat.
Il ressort des termes de cette lettre que l’avocat a non seulement communiqué la décision rendue par la juridiction du fond dans le cadre de l’action introduite pour le compte de sa cliente, qu’il a procédé à l’analyse juridique de cette décision et a également exécuté son obligation de conseil en ayant fait part des éléments suivants :
‘Le tribunal de commerce s’appuie sur un arrêt (qui n’existait pas au jour où l’action a été engagée) relativement récent de la Cour de cassation.
Compte tenu de cet arrêt de la chambre commerciale de la cour d’appel, je reste assez sceptique quant à un appel mais nous pouvons l’envisager’.
La CRCAM du Languedoc a d’ailleurs répondu à son conseil par missive du 15 janvier 2016 dans laquelle elle lui indiquait ne pas souhaiter relever appel du jugement compte tenu de la position de la Cour de cassation dont l’avocat avait précisément fait part à la banque.
Ces échanges attestent de ce que la mission de l’avocat, saisi dans le cadre d’un mandat ad litem, s’est poursuivie après le prononcé du jugement de première instance à propos duquel l’avocat a expressément exécuté son obligation de conseil concernant l’opportunité d’en relever appel.
Si l’avocat n’a finalement pas été mandaté pour introduire une voie de recours à l’encontre du jugement rendu, la mission de l’avocat a cessé à une date certaine que les pièces versées aux débats permettent de fixer postérieurement à la décision et ce, à la date du 15 janvier 2016, à laquelle sa cliente lui a fait part de son positionnement suite aux conseils qui lui ont été délivrés par son avocat.
L’avocat ayant été déchargé de sa mission par sa cliente le 15 janvier 2016, l’action en responsabilité de l’avocat engagée par assignation délivrée le 7 janvier 2021, sera déclarée recevable par voie d’infirmation de l’ordonnance déférée.
Sur les autres demandes :
Succombant à l’instance, la SCP Gérard Bouissinet-Lionel Serres sera condamnée à en régler les entiers dépens, de première instance et d’appel, en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
L’équité commande par ailleurs de la condamner à payer à la CRCAM du Languedoc la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par celle-ci sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La demande du même chef présentée par l’intimée sera rejetée en ce qu’elle succombe.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions soumises à la cour;
Statuant à nouveau,
Déclare recevable l’action en responsabilité civile professionnelle engagée par la CRCAM du Languedoc à l’encontre de la SCP Gérard Bouissinet – Lionel Serres par assignation du 7 janvier 2021 ;
Condamne la SCP Gérard Bouissinet – Lionel Serres aux entiers dépens, de première instance et d’appel ;
Condamne la SCP Gérard Bouissinet – Lionel Serres à payer à la CRCAM du Languedoc la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,