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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ORDONNANCE DU 11 MAI 2023
Contestations d’Honoraires d’Avocat
(N° /2023, 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00407 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEBYP
NOUS, Michel RISPE, Président de chambre, à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Axelle MOYART, Greffière présente à l’audience et de Eléa DESPRETZ Greffière présente au prononcé de l’ordonnance.
Vu le recours formé par :
Monsieur [S] [X] [L]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Comparant en personne,
Demandeur au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de VAL DE MARNE dans un litige l’opposant à :
Mme [P] [T] , anciennement avocat au barreau du Val de Marne ayant cessé d’exercer la profession d’avocat au 1er janvier 2020,
Non comparante,
Ayant pour administrateur de son cabinet ,
Maître [Z] [J]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Anne-Laure BONNE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1998
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au greffe,
et après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 28 Mars 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L’affaire a été mise en délibéré au 11 Mai 2023 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
****
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception datée du 20 mai 2019, reçue le 21 mai 2019, M. [S] [X] [L] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats de Créteil d’un différend l’opposant à son avocate Me [P] [T], qu’il avait chargée en octobre 2017 de traiter deux dossiers, l’un concernant son fils [W], l’autre au sujet de son épouse divorcée.
Il précisait avoir accepté deux propositions de l’avocate formulées par courriel daté du 3 novembre 2017 et avoir réglé à celle-ci deux provisions respectivement de 400 euros pour chacune de ces affaires.
Reprochant à son avocate son inertie, il a demandé au bâtonnier de l’ordre des avocats d’intervenir afin qu’il puisse, d’une part, obtenir des dommages et intérêts, d’autre part, qu’un autre avocat soit désigné et que les honoraires restent inchangés.
Le bâtonnier de l’ordre des avocats du Val-de-Marne a accusé réception de cette demande par courrier daté du 12 juin 2019 et a informé M. [S] [X] [L] de ce qu’il interrogeait l’avocate.
Par courrier daté du 16 juillet 2019, M. [S] [X] [L] a rappelé sa demande restée sans réponse, précisant avoir aussi sollicité la restitution de toutes ses pièces auprès de l’avocate.
Par courrier daté du 28 janvier 2020, M. [S] [X] [L] a encore interpellé le bâtonnier de l’ordre des avocats de Créteil sur le sort de sa demande, non traitée depuis huit mois, précisant que Me [P] [T] ne lui avait toujours pas restitué ses pièces.
Par un courriel 5 novembre 2020, M. [S] [X] [L] a rappelé au bâtonnier de l’ordre des avocats de Créteil sa demande, indiquant qu’il restait sans nouvelles depuis un an et demi du barreau.
Par courrier daté du 20 novembre 2020, en réponse à un courrier du bâtonnier de l’ordre des avocats du 12 novembre 2020, M. [S] [X] [L] a rappelé sa saisine du 20 mai 2019 et son objet, renseignant également un formulaire de contestation d’honoraires aux termes duquel il réclamait le remboursement de 800 euros outre 2.000 euros de dommages et intérêts.
Après avoir recueilli les observations des parties et après une décision de prorogation du 3 mars 2021, par décision rendue le 5 juillet 2021, le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau du Val-de-Marne a :
‘ fixé à la somme de 840 euros toutes taxes comprises, le montant total des honoraires dus à Me [P] [T] représentée par Me [J], par M. [S] [X] [L],
‘ constaté le règlement par celui-ci d’un montant total de 800 euros toutes taxes comprises,
‘ condamné en conséquence M. [S] [X] [L] à payer à Me [P] [T] représentée par Me [J], la somme de 40 euros toutes taxes comprises ainsi que des frais éventuels de signification de la présente décision si elle s’avérait nécessaire,
‘ débouté les parties de toutes autres demandes, plus amples complémentaires.
Cette décision a été notifié par lettre recommandée à M. [S] [X] [L] dont il a signé l’accusé de réception en date du 21 juillet 2021.
Suivant lettre recommandée avec demande d’avis de réception, datée du 20 juillet 2021 et postée le 22 juillet 2021, M. [S] [X] [L] a formé un recours à l’encontre de ladite décision, auprès du Premier président de cette cour.
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Des convocations ont été adressées le 27 décembre 2022 aux parties par le greffe en vue de l’audience du 28 mars 2023, date à laquelle elles ont comparu
Lors de ladite audience, Me [P] [T] représentée par Me [J] a soulevé l’irrecevabilité du recours de M. [S] [X] [L], effectué au motif de l’absence de décision du bâtonnier, ce qui n’était pas le cas.
M. [S] [X] [L] a exposé avoir saisi initialement le 20 mai 2019 le bâtonnier du Val de Marne par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Il a précisé avoir reçu le courrier de notification de la décision du bâtonnier le 21 juillet 2021. Il a indiqué qu’il n’avait pas été informé par le bâtonnier de l’ordre des avocats qu’après un délai de 4 mois, il fallait saisir le 1er président et qu’il l’avait finalement saisi car il avait reçu la décision du bâtonnier le 21 juillet 2021.
Sur le fond, il a expliqué que Me [J] faisait une confusion entre les dossiers, lesquels n’avaient pas de rapport avec le litige prud’homal.
Il a ajouté qu’il contestait le travail de son avocate dans les deux dossiers alors que concernant son fils, elle avait juste envoyé une lettre recommandée au bout de neuf mois après de multiples relances. Quant au dossier l’opposant à son ex épouse, il a soutenu que son avocate n’avait effectué aucune diligence. Il a indiqué encore que l’unique rendez-vous pour évoquer les deux dossiers avait duré 20 mn.
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En réponse sur le fond, lors de la même audience, le conseil représentant Me [P] [T] a demande la confirmation de la décision du bâtonnier et sa condamnation au paiement de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Me [P] [T] a fait valoir qu’elle ne disposait pas de relevé des diligences ni de justificatifs mais que M. [S] [X] [L] reconnaissait certaines choses.
Elle a estimé le temps passé à 5 heures, indiquant que Me [P] [T] avait 15 ans d’ancienneté et n’avait pas de certificat de spécialisation, son taux horaire étant de 140 euros hors taxes.
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Puis, l’affaire a été mise en délibéré au 11 mai 2023.
SUR CE
La présente décision sera rendue contradictoirement entre les parties, toutes deux comparantes à l’audience.
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En matière de contestation d’honoraires d’avocats, l’article 53, 6° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques a renvoyé au pouvoir exécutif le soin de prévoir la procédure applicable, dans le respect de l’indépendance de l’avocat, de l’autonomie des conseils de l’ordre et du caractère libéral de la profession, au moyen de décrets en Conseil d’Etat.
Cette procédure est actuellement régie par le décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, dont la section V est intitulée ‘Contestations en matière d’honoraires et débours’.
En cette matière, regroupées dans la section V dudit décret, les dispositions des articles 174 à 179 doivent dès lors recevoir application, alors qu’elles sont d’ordre public et instituent une procédure obligatoire et exclusive (cf. Cass. 2ème Civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 10-16.381, Bull. n 124 ; 2 Civ. , 13 septembre 2012, P. pourvoi n° 10-21.144). L’article 277 de ce décret prévoit en outre qu’ ‘Il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n’est pas réglé par le présent décret.’.
Dans ce cadre, il appartient au bâtonnier de l’ordre des avocats et, en appel, au premier président, à qui une contestation d’honoraires est soumise d’apprécier, d’après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l’honoraire dû à l’avocat.
Reste que le défaut de signature d’une convention ne prive pas l’avocat du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors fixés en tenant compte selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
En outre, dans le cadre de cette procédure spéciale, le bâtonnier et, sur recours, le premier président ou son délégataire, n’ont pas à connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat à l’égard de son client, qui résulterait d’un manquement à l’un quelconque de ses devoirs.
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S’agissant de la prétendue irrecevabilité du recours formé par M. [S] [X] [L]
Selon l’article 176 du décret précité du 27 novembre 1991, la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d’appel, dans le délai d’un mois. En outre, lorsque le bâtonnier n’a pas pris de décision dans les délais prévus à l’article 175 ‘ à savoir quatre mois à compter de la réception de la réclamation, susceptible de prorogation d’une nouvelle période de quatre mois par décision motivée du bâtonnier’ le premier président doit être saisi dans le mois qui suit.
Au cas présent, il résulte des pièces de la procédure qu’après le dépôt de sa réclamation, le 21 mai 2019, M. [S] [X] [L] n’a été informé pour la première fois de sa faculté de saisir le Premier président de la cour d’appel de Paris en l’absence de décision rendue, que suivant un courrier daté du 3 mars 2021, précisant que si aucune décision n’avait été rendue d’ici le 6 juillet 2021, il pourrait exercer un tel recours dans le délai d’un mois.
Il apparaît que la décision du bâtonnier a été rendue en date du 5 juillet 2021 et a été notifiée à M. [S] [X] [L] le 21 juillet suivant soit un jour avant que ne soit formé par lui le recours ayant saisi cette juridiction.
M. [S] [X] [L] a fait état dans son recours de l’absence de décision du bâtonnier intervenue dans les délais en indiquant que celui-ci, par courrier du 3 mars 2021, avait souhaité proroger de quatre mois le délai pour rendre sa décision au sujet du différend qui l’opposait à Me [P] [T], ce délai du 6 juillet ayant été largement expiré.
Pour autant, force est constater que le recours a été interjeté dans le mois qui a commencé à courir après la notification de la décision du bâtonnier, en sorte qu’il est parfaitement recevable.
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Sur l’annulation de la décision du bâtonnier
Les parties ont été invitées à s’expliquer sur la tardiveté de la survenance de la décision du bâtonnier, saisi depuis le 21 mai 2019, dans les formes requises par M. [S] [X] [L], soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, et qui a rendu sa décision le 5 juillet 2021, ainsi que sur la nullité encourue de ce chef de cette décision.
En effet, en application de l’article 175 du décret précité, il appartient au bâtonnier de l’ordre des avocats de prendre sa décision dans les quatre mois de la saisine, sous réserve de la prorogation possible de ce délai dans la limite de quatre mois et par une décision motivée du bâtonnier.
En l’absence de décision du bâtonnier intervenue dans le délai qui lui est imparti, il se trouve dessaisi. Ce dessaisissement intervient même si aucune des parties n’a porté la réclamation devant le premier président dans le délai d’un mois ayant suivi l’expiration de ce délai, comme elles en ont la faculté aux termes de l’alinéa 2 de l’article 176 dudit décret (cf. Cass. 1ère Civ., 17 juillet 1996, pourvoi n° 94-18.528, Bull. 1996, I, n°322).
Et si la décision du bâtonnier a été rendue hors délai, elle encourt pour ce motif l’annulation de plein droit.
Saisi en réalité par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception reçue le 21 mai 2019, le bâtonnier de l’ordre des avocats ne pouvait retenir un simple courriel de relance daté du 5 novembre 2020 comme point de départ de sa saisine.
Il aurait dû rendre sa décision, en cas de prorogation du délai initial de quatre mois, au plus tard le 21 janvier 2021.
Aussi, au regard des délais écoulés entre la saisine du 21 mai 2019 et la date de la décision du bâtonnier rendue le 5 juillet 2021, cette décision du bâtonnier encourt l’annulation de plein droit.
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Sur la demande de demande de fixation d’honoraires
Pour voir fixer à hauteur de 840 euros toutes taxes comprises le montant de ses honoraires, Me [P] [T] représentée par Me [J] a fait valoir qu’avait été retrouvé un petit dossier ne contenant aucune correspondance, ni celles du client ni celles de l’avocat, mais qu’il était évident que ces derniers avaient échangé, semble-t-il par courriels ou en personne, et surtout par téléphone.
Concernant le dossier du fils de M. [L], Me [P] [T] représentée par Me [J] a indiqué avoir trouvé la preuve d’envoi de lettres recommandés, soit une première lettre recommandée qui n’a pas été réceptionnée, puis une seconde lettre réceptionnée par [W] [L], à laquelle ce dernier n’a pas donné suite.
Néanmoins, elle a fait valoir qu’elle avait nécessairement reçu M. [S] [X] [L], puis avait examiné les dossiers, puis avait échangé avec lui à plusieurs reprises par téléphone et par écrit.
Elle a encore précisé que la convention d’honoraires relative à un autre dossier concernant M. [S] [X] [L] et la banque BNP, il était indiqué un taux horaire de 140 euros HT soit 168 euros TTC .
M. [S] [X] [L] admet avoir rencontré Me [P] [T] en rendez-vous et ne conteste pas la réalité de l’envoi des lettres recommandées avec demande d’avis de réception susvisées.
Il n’est produit aucun relevé de diligences et la seule pièce justificative versée par Me [P] [T] représentée par Me [J] pour justifier de ses diligences est un courrier daté du 26 juin 2018, comportant 22 lignes sur deux pages, adressé par cette avocate à M. [W] [L], l’informant in fine du souhait de son père de parvenir à un règlement amiable de la situation consécutive à prêt de 30.000 euros qu’il lui a consenti.
Compte tenu des élements en débat, il apparaît raisonnable de fixer le montant des honoraires dus au titre des diligences justifiées et non sérieusement contestables, par M. [S] [X] [L] à Me [P] [T] représentée par Me [J] à hauteur de 450 euros toutes taxes comprises. Il reviendra, par voie de conséquence, à Me [P] [T] représentée par Me [J] de restituer une somme de 350 euros à M. [S] [X] [L].
Il n’est pas de la compétence de cette juridiction d’accorder des dommages et intérêts à M. [S] [X] [L] en réparation du préjudice résultant des fautes reprochées par ce dernier à Me [P] [T].
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Sur les demandes accessoires
Les dépens seront mis à la charge de Me [P] [T] représentée par Me [J].
En équité et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, il n’est pas justifié d’allouer d’indemnité au titre des frais irrépétibles.
Il y a lieu de rejeter le surplus des demandes.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en dernier ressort, par ordonnance contradictoire, prononcée par mise à disposition au greffe,
‘ Annule la décision déférée;
‘ Fixe à 450 euros le montant des honoraires dus par M. [S] [X] [L] à Me [P] [T] représentée par Me [J] ;
‘ Condamne Me [P] [T] représentée par Me [J] à restituer à M. [S] [X] [L] la somme de 350 euros toutes taxes comprises;
‘ Condamne Me [P] [T] représentée par Me [J] aux dépens ;
‘ Rejette toute demande plus ample ou contraire des parties.
‘ Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception;
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE