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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ARRET DU 11 AVRIL 2023
(N° /2023, 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00572 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CC2YD
Décision déférée à la Cour : Décision du 07 Décembre 2020 -Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS – RG n° 211/30864
APPELANT
Monsieur [P] [C]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Yasmina BEN ECHEYKH, avocat au barreau de PARIS
INTIME
Maître [D] [I]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Comparante en personne, assistée de Me Valérie SCHNEIDER MACOU, avocat au barreau de PARIS, toque : G0040
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 10 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Laurence CHAINTRON, Conseillère à la cour d’appel de Paris, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M Michel RISPE, Président de chambre
Mme Laurence CHAINTRON, Conseillère
Mme Sylvie FETIZON, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Eléa DESPRETZ
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Michel RISPE, Président de chambre et par Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors du prononcé.
****
A compter de l’année 2016, Me [D] [I] a été le conseil régulier de M. [W] [C], tant à titre personnel, qu’à titre professionnel en sa qualité de dirigeant de plusieurs sociétés.
Me [I] était également le conseil de Mme [T] [B], sa conjointe, et de M. [P] [C], son fils, dans le cadre de la gestion de leurs différentes société familiales, notamment, la société CPC, la SCI [Adresse 5] et la société Samplus.
Dans le cadre de la gestion de ces dossiers, l’avocate avait mis en place un document google drive qui permettait à ses clients de suivre leurs dossiers, et notamment, les diligences accomplies, l’état des procédures en cours et le montant des honoraires facturés.
Au mois de janvier 2020, les consorts [C] et leurs diverses sociétés ont dessaisi Me [I] de l’ensemble des dossiers confiés.
Dans le présent litige qui concerne uniquement M. [P] [C], aucune convention d’honoraires n’a été signée entre les parties.
Par courrier recommandé avec avis de réception du 07 avril 2020, Me [I] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris d’une demande en fixation de la totalité de ses honoraires à hauteur de la somme de 3 000 euros HT.
Par décision contradictoire rendue le 07 décembre 2020, le délégué du bâtonnier a :
– fixé à la somme de 3 000 euros HT (trois mille euros hors taxes) le montant total des honoraires dus à Me [I] par M. [P] [C] ;
– condamné en conséquence M. [P] [C] à verser à Me [I] la somme de 3 000 euros HT (trois mille euros hors taxes) avec intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure du 30 janvier 2020, outre la TVA au taux de 20 %, ainsi que les frais d’huissier de justice, en cas de signification de la décision ;
– débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou complémentaires ;
– prononcé l’exécution provisoire de la décision.
La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception en date du 08 décembre 2020.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 24 décembre 2020, le cachet de la poste faisant foi, M. [C] a formé un recours contre la décision précitée.
Les parties ont été convoquées à l’audience du 02 décembre 2022 par lettres recommandées avec avis de réception en date du 27 octobre 2022 dont elles ont accusé réception le 28 octobre 2022.
A l’audience du 02 décembre 2022 à laquelle a comparu l’intimée, l’affaire a été renvoyée au 10 mars 2023.
M. [C] a été convoqué à l’audience du 10 mars 2023 par lettre recommandée avec avis de réception en date du 02 décembre 2022 dont il a accusé réception le 07 décembre 2022.
M. [C], représenté à l’audience du 10 mars 2023, a sollicité l’infirmation de la décision du bâtonnier en ce qu’elle a fixé les honoraires de diligences dus dans ce dossier à la somme de 3 000 euros HT.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, Me [I] demande au délégataire du premier président de :
– confirmer la décision du 07 décembre 2020 en toutes ses dispositions,
– condamner M. [C] à lui verser une somme de 3 000 euros HT, soit 3 600 euros TTC, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2020, date de la mise en demeure,
– condamner M. [C] à lui verser une somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts,
– condamner M. [C] à l’amende civile prévue à l’article 559 du code de procédure civile,
– condamner M. [C] à lui verser une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
SUR CE
Sur les honoraires :
M. [C] sollicite l’infirmation de la décision déférée sur la fixation des honoraires de diligences de Me [I]. Il reproche à l’avocate, un manquement à son obligation de loyauté, un manque de prévisibilité des factures émises et un défaut de compétence et de célérité. Il estime enfin que les diligences accomplies par l’intimée étaient inutiles dès lors que son action était prescrite.
En réplique, Me [I] sollicite la confirmation de la décision déférée. Elle expose être intervenue dans l’intérêt de M. [C] dans le cadre d’une procédure engagée à l’encontre de la société FR Gestion devant le conseil de prud’hommes de Montmorency afin d’obtenir la requalification d’un contrat de professionnalisation en contrat à durée indéterminée. Elle soutient avoir consacré à ce dossier 30 heures de travail et justifier de l’ensemble de ses diligences. Elle affirme qu’il a été convenu entre les parties une facturation au temps passé sur la base d’un taux horaire réduit de 250 euros HT.
Le recours de M. [C] qui a été effectué dans le délai d’un mois prévu par l’article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 est recevable.
La procédure de recours contre les décisions du bâtonnier en matière d’honoraires est une procédure spéciale régie par les articles 174 et suivants du décret précité qui ne s’applique qu’aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats.
Il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président ou son délégataire, n’ont pas à connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat à l’égard de son client résultant d’un manquement à son devoir d’information sur les conditions de sa rémunération ou, plus généralement, à son obligation de conseil.
Il s’ensuit que, dans ce cadre juridique applicable au présent litige, le défaut de compétence et le manquement allégué de l’avocate à son obligation de loyauté comme d’information quant à la prévisibilité de ses honoraires ne peut pas conduire à une réfaction de ces derniers dans une proportion appréciée par le juge.
Les parties s’accordent sur l’absence de signature d’une convention d’honoraires.
Ainsi, à défaut d’une telle convention d’honoraires, il convient pour fixer les honoraires dus à Me [I], de faire application des dispositions de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifié par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 qui dispose notamment que : ‘ Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.’
A titre liminaire, il y a lieu de relever que le taux horaire de 250 euros HT revendiqué par l’avocate apparaît raisonnable et sera retenu.
Me [I] verse aux débats une note d’honoraires n° 191/2019 en date du 5 novembre 2019 d’un montant de 3 000 euros HT, soit 3 600 euros TTC, qui mentionne un taux horaire de 300 euros HT (ramené à titre exceptionnel à 250 euros HT) et les diligences suivantes :
‘- Analyse et étude du dossier,
– Réclamation auprès de l’employeur en date du 4 juillet 2018,
– Saisine par requête du conseil de prud’hommes,
– Audience du bureau de conciliation et d’orientation,
– Rédaction de conclusions et communication des pièces,
– Analyse et transmission des conclusions adverses,
– Rédaction de conclusions en réplique n° 1 et communication de pièces,
– Analyse et transmission des conclusions adverses en réponse,
– Rédaction de conclusions en réplique n° 2 et communication de pièces,
– Établissement du dossier de plaidoirie,
– Audience de plaidoirie du 4 novembre 2019,
– Compte rendu au client.’ (Pièce de l’intimée n° 12).
M. [C] ne conteste pas la réalisation des diligences visées dans cette note d’honoraires et revendiquées par l’avocate dans ses écritures, pour un temps total de travail de 30 heures.
Me [I] justifie de l’ensemble de ses diligences par la production, notamment, d’un courrier adressé le 4 juillet 2018 à la société FR Gestion afin de tenter de trouver une issue amiable (pièce n° 3), d’une requête afin de saisine du conseil de prud’hommes datée du 20 mars 2019 (pièce n° 9), des conclusions adverses n° 1 et n° 2 (pièce n° 4), de trois jeux de conclusions récapitulatives n° 1, 2 et 3 établies par ses soins de plus de 20 pages chacun auxquels sont annexés des bordereaux de communication d’une vingtaine de pièces (pièces n° 5, 6 et 7) et enfin d’échanges de courriers avec son client.
Toutefois, la contestation par le requérant du caractère manifestement inutile de ces diligences doit être examinée.
Il résulte en effet de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et de l’article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qu’il rentre dans le pouvoir du bâtonnier, et sur recours, du premier président, saisi d’une demande de fixation des honoraires, de refuser de prendre en compte les diligences manifestement inutiles de l’avocat.
Il appartient donc à M. [C] de démontrer l’inutilité des diligences de l’avocate qui s’entend d’une inutilité manifeste telle qu’elle épuise tout débat, toute discussion sur les diligences en cause, viciées dès leur origine.
En l’espèce, l’inutilité des diligences de Me [I] ne saurait résulter du fait, comme le soutient M. [C] que par jugement de départage du 5 février 2021 le conseil de prud’hommes de Montmorency a déclaré irrecevable comme prescrite son action relative à la rupture du contrat de professionnalisation intervenue le 23 mars 2018 et à l’exécution de ce contrat daté du 11 octobre 2016, alors que M. [C] avait dessaisi son avocate de ce dossier dès le 20 janvier 2020, soit plus d’un an avant le prononcé de cette décision et avait fait le choix de comparaître seul à l’audience du conseil de prud’hommes.
Ce moyen sera donc rejeté.
La décision déférée sera par conséquent confirmée en ce qu’elle a fixé à la somme de 3 000 euros HT le montant total des honoraires dus à Me [I] par M. [P] [C] et condamné ce dernier au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure du 30 janvier 2020, outre la TVA au taux de 20 %.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et d’amende civile :
Il n’est pas établi que l’usage par M. [C] d’une voie de recours soit constitutif d’un abus.
Il n’y a donc pas lieu de le condamner au paiement de dommages-intérêts sur ce fondement.
La preuve n’étant pas rapportée que M. [C] a agi en justice de manière dilatoire ou abusive, il n’y a pas lieu de le condamner à payer une amende civile.
Les demandes formées de ces chefs par Me [I] seront par conséquent rejetées.
Sur les autres demandes :
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner M. [C] à payer à Me [I] la somme de 500 euros à ce titre.
Enfin, M. [C] partie perdante, sera condamné aux dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire, et par mise à disposition de la décision au greffe,
Confirme la décision du bâtonnier du 07 décembre 2020 ;
Condamne M. [P] [C] à payer à Me [D] [I] la somme de 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;
Condamne M.[P] [C] aux dépens ;
Rejette toute autre demande ;
Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT