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COUR D’APPEL
DE VERSAILLES
Code nac : 97J
N°
N° RG 22/04912 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VK2M
Du 10 MAI 2023
Copies exécutoires
délivrées le :
à :
Mme [Y] [F]
Me [J]
Me PEREZ
ORDONNANCE
LE DIX MAI DEUX MILLE VINGT TROIS
prononcé par mise à disposition au greffe,
Nous, Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, Première présidente de chambre à la cour d’appel de VERSAILLES, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président pour statuer en matière de contestations d’honoraires et de débours relatifs à la profession d’avocat ; vu les articles 176 et 178 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, assistée de Rosanna VALETTE, Greffier, avons rendu l’ordonnance suivante :
ENTRE :
Madame [Y] [F]
[Adresse 1]
[Localité 4]
comparante
DEMANDERESSE
ET :
Maître [Z] [J]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Anna PEREZ, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 217
DEFENDEUR
à l’audience publique du 08 Mars 2023 où nous étions Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, Première présidente de chambre assistée de Mohamed EL GOUZI, Greffier, avons indiqué que notre ordonnance serait rendue ce jour ;
Mme [Y] [F] a confié à Mme [Z] [J], avocate au barreau des Hauts-de-Seine, la défense de ses intérêts dans le cadre d’une procédure prud’homale, en janvier 2020.
Elle a saisi le bâtonnier du barreau de Hauts-de-Seine d’une demande de contestation des honoraires de Mme [Z] [J] le 4 octobre 2021.
Par ordonnance du 3 juin 2022, le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine a fixé les honoraires dus par Mme [Y] [F] à Mme [Z] [J], avocate de ce barreau, à la somme de 3200€ HT, soit 3500€ TTC avec exécution provisoire à hauteur de 1500€ conformément à l’article 175-1 du décret du 27 novembre 1991.
Cette décision a été notifiée à Mme [Y] [F] par lettre recommandée avec avis de réception reçu le 17 juin 2022.
Mme [Y] [F] a formé un recours contre cette ordonnance par lettre recommandée avec accusé de réception, expédiée le 18 juillet 2022.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 8 mars 2023.
À l’appui de son recours, Mme [Y] [F] demande que Mme [Z] [J], avocate, soit déboutée de l’intégralité de ses demandes et de la condamner à lui rembourser 600 euros d’honoraires sur les prestations non effectuées, à lui payer 5000 euros « en conséquence de refus de la conciliation à la partie adverse » et à lui payer 5000 euros pour le préjudice moral et psychologique. Elle soutient que la clause de dessaisissement contenue dans la convention d’honoraires est abusive. Elle demande donc que la facture n° 20210181 au temps passé d’un montant de 5147,04 euros HT soit entièrement annulée et que le montant forfaitaire soit pris en compte. Elle demande également à Mme [J] de lui rembourser le montant de 600 euros correspondant au non accomplissement de ses engagements. Elle déplore un manque-à-gagner de 5000 € en raison de l’absence de conciliation et soutient avoir subi un préjudice moral et psychologique à hauteur de 5000 €. Elle conteste la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [Z] [J] demande la confirmation de l’ordonnance sauf quant au quantum des honoraires taxés et demande de fixer à 30h08 le temps de travail effectué dans le dossier de Mme [F] et de taxer les honoraires dus à la somme de 3239,54 euros HT soit 3887,45 euros TTC. Elle sollicite en conséquence la condamnation de Mme [F] à lui régler la somme de 3239.54 euros HT soit 3887.45 euros TTC outre 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux dépens. Elle explique que les clauses de la convention d’honoraires étaient claires sur le montant forfaitaire, le montant hors forfait et les conséquences du dessaisissement, le modèle de convention étant celui du Conseil National des Barreaux (CNB). Elle souligne les diligences effectuées dont elle soutient justifier.
SUR CE,
Sur la recevabilité du recours
L’article 176 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 prévoit que la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d’appel, qui est saisi par l’avocat ou la partie, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le délai de recours est d’un mois.
En l’espèce, l’ordonnance rendue le 3 juin 2022 par le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine a été notifiée à Mme [Y] [F] par lettre recommandée avec avis de réception reçu le 17 juin 2022. Elle a formé un recours contre cette ordonnance par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 18 juillet 2022.
Le recours a été formé dans le délai d’un mois.
En outre, en matière de procédure sans représentation obligatoire, y compris lorsque les parties ont choisi d’être assistées ou représentées par un avocat, la déclaration d’appel qui mentionne que l’appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d’appel, en omettant d’indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s’entendre comme déférant à la connaissance de la cour d’appel l’ensemble des chefs de ce jugement. Il doit en être de même lorsque la déclaration d’appel, qui omet de mentionner les chefs de dispositif critiqués, ne précise pas si l’appel tend à l’annulation ou à la réformation du jugement.
En conséquence, le recours de Mme [Y] [F] est déclaré recevable.
Sur le fond
Il est rappelé que la procédure spécifique de contestation des honoraires est limitée à la fixation des honoraires.
Les honoraires de l’avocat sont librement discutés avec son client (Loi n°71-1130 du 31 déc. 1971, art. 10, al. 1er, mod. L. no 91-647, 10 juill. 1991, art. 72) et ils peuvent éventuellement faire l’objet d’une convention d’honoraires qui, en vertu de l’article 1134 du code civil, est revêtue de la force obligatoire attachée à tout acte juridique.
En l’espèce, une convention d’honoraires a été régularisée le 31 janvier 2020.
Cette convention d’honoraires prévoit un honoraire de base égal à une somme forfaitaire de 1500 euros HT soit 1800 euros TTC pour certaines diligences (rendez-vous, courriers, requête, conclusions etc.) et l’article 2-3 précise qu’un honoraire de résultat de 14% HT sera perçu en fonction des gains obtenus et/ou de l’économie réalisée.
La convention d’honoraires prévoit également dans son article 3 que « Dans l’hypothèse où Mme [F] souhaiterait dessaisir Maître [J], les diligences déjà effectuées seront rémunérées au temps passé. »
Sur le caractère abusif de la clause de dessaisissement
Mme [F] prétend que cette clause est abusive en l’absence de réciprocité et d’équilibre.
Il est constant que la convention d’honoraires de l’avocat est un contrat entre un professionnel, l’avocat, et un consommateur, le client, et qu’à ce titre elle est soumise aux dispositions du code de la consommation. Aux termes de l’article L212-1 du code de la consommation « sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
En l’espèce, la clause de dessaisissement critiquée prévoit, contrairement aux allégations de l’appelante, l’hypothèse du dessaisissement par Mme [F] et l’hypothèse du dessaisissement par Mme [J]. Les conséquences de ce dessaisissement sont les mêmes à savoir que « les diligences déjà effectuées seront rémunérées au temps passé’ ». Mme [F] critique l’absence de précision concernant la condition posée pour le dessaisissement par l’avocate, à savoir : « toutes les fois où [le client] aurait un comportement inapproprié », alors qu’il n’y a aucune condition au dessaisissement par la cliente, ce qui lui est favorable.
En conséquence, la preuve d’un déséquilibre n’étant pas rapportée et l’absence de réciprocité n’étant pas établie, la clause de dessaisissement n’est pas abusive.
Sur les honoraires
L’existence d’une convention entre l’avocat et son client ne fait pas obstacle au pouvoir du juge, statuant sur une contestation en matière d’honoraires, de réduire les honoraires convenus lorsque ceux-ci apparaissent exagérés au regard du service rendu.
Il ressort des débats et des pièces versées au dossier, et notamment les notes d’honoraires rappelant les prestations de Mme [Z] [J], avocate, que cette dernière a accompli de nombreuses diligences pour sa cliente, Mme [Y] [F], dans ce dossier.
En particulier, Mme [J] verse aux débats un « tableau des temps passés » du 7 janvier 2020 au 15 juin 2021 qui vise, par colonnes, la date de la diligence, le dossier concerné, la diligence réalisée, la personne responsable de la diligence, la personne ayant réalisé la diligence, la durée de la diligence, le montant engagé (résultat de la durée et du taux horaire pratiqué pour le responsable concerné) et le montant facturé. Les diligences retenues sont les correspondances établies, la rédaction, l’entretien téléphonique client, l’étude de dossier, mail, audience etc. Les temps cumulés pour ces diligences, qui ont été communiqués à l’appelante qui ne les a pas contestés, s’élèvent à 30H06. Les temps les plus longs, rédaction et audiences sont justifiés, notamment s’agissant de la requête aux fins de saisine du conseil des prud’hommes et des conclusions de 40 pages.
La convention d’honoraires prévoit le taux horaire de Me [J] d’une part et de ses deux collaboratrices d’autre part. Les diligences comprises dans le forfait sont précisées, avec une indication horaire pour les échanges de courriels et la rédaction des conclusions. En fin de convention, Mme [F] a écrit à la main avoir pris connaissance et accepté l’ensemble des éléments donnant lieu à facturation au titre du forfait de base et hors forfait de sorte qu’elle ne peut ensuite affirmée avoir découvert tardivement, en juin 2021 que toutes les diligences n’étaient pas comprises dans le forfait de base.
Les diligences étant justifiées et le taux horaire connu, il n’y a pas lieu à réduire les honoraires convenus, contrairement à la motivation retenue par le bâtonnier qui ne justifie pas du montant de la réduction pratiquée.
Il y a donc lieu de confirmer la décision du bâtonnier sauf en ce qui concerne la fixation des honoraires dus qui s’élèvent à la somme de 5143.04€ HT, dont à déduire les provisions versées pour un montant de 1907.50€ HT soit un solde restant dû de 3235.54 € HT soit 3882.67 euros TTC.
Sur le manque à gagner
Mme [F] se contente d’affirmer avoir subi un manque à gagner de 5000 euros lors de la conciliation sans en justifier.
Elle ne peut qu’être déboutée de cette demande.
Sur le préjudice moral et psychologique
Mme [F] n’apporte la preuve ni d’une faute, ni d’un préjudice ni d’un lien de causalité susceptible d’engager la responsabilité de Mme [J], étant rappelé que le juge des honoraires n’est pas le juge de la responsabilité de l’avocat.
En conséquence, la demande de Mme [F] ne peut qu’être rejetée.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [J] la part des frais non compris dans les dépens.
Mme [F] sera condamnée à lui verser la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par mise à disposition au greffe et par ordonnance contradictoire,
Le magistrat délégué par le premier président,
-Déclare Mme [Y] [F] recevable en son recours
-Confirme l’ordonnance du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine sauf pour ce qui concerne le montant des honoraires taxés
-Fixe les honoraires restant dus à Mme [Z] [J], avocat au barreau de Hauts-de-Seine,à la somme de 3235.54 € HT soit 3882.67 euros TTC
-Condamne Mme [Y] [F] à payer à Mme [Z] [J] la somme de 3882.67 € TTC
-Condamne Mme [Y] [F] au paiement de la somme de 1000€ au titre de l’article 700 du CPC
-Rejette le surplus des demandes.
– Dit que les dépens de la présente procédure seront supportés par Mme [Y] [F].
– Dit qu’en application de l’article 177 du décret du 27 novembre 1991, la présente décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour par lettre recommandée avec avis de réception.
Prononcé par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Et ont signé la présente ordonnance :
Le Greffier, Le Première présidente de chambre,
Rosanna VALETTE Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK