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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ORDONNANCE DU 06 OCTOBRE 2022
Contestations d’Honoraires d’Avocat
(N° /2022, 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00463 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCRWZ
NOUS, Laurence CHAINTRON, Conseillère à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l’ordonnance.
Vu le recours formé par :
Madame [V] [R]
[Adresse 5]
[Localité 7]
Comparante en personne, assistée de Me Alexis TORDO, avocat au barreau de PARIS
Demanderesse au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :
Maître [T] [D]
[Adresse 6]
[Localité 7]
Comparant en personne,
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 01 Septembre 2022 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L’affaire a été mise en délibéré au 06 Octobre 2022 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
****
Au mois d’octobre 2019, Mme [V] [R] a confié la défense de ses intérêts à Me [T] [D] dans le cadre du règlement de la succession de sa mère décédée le [Date décès 2] 2019, [K] [R], née [L].
Trois conventions d’honoraires ont été signées entre les parties les 7, 8 et 11 octobre 2019.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 4 février 2020, Mme [R] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris d’une contestation des honoraires de Me [D] d’un montant de 3 000 euros HT, soit 3 600 euros TTC.
Par décision réputée contradictoire en date du 7 octobre 2020, le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris a :
– fixé le montant des honoraires dus à Me [D] par Mme [R] à la somme de 2 375 euros HT, soit 2 850 euros TTC ;
– constaté que Mme [R] a réglé à valoir sur ces honoraires la somme de 3 600 euros TTC;
En conséquence,
– condamné Me [D] à payer à Mme [R] la somme de 750 euros TTC augmentée des intérêts de droit à compter de la décision ;
– débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou complémentaires ;
– dit que les frais d’huissier éventuellement engagés pour la signification de la décision seront à la charge de Me [D].
La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 8 octobre 2020 dont Mme [R] a signé l’AR le 10 octobre 2020 et Me [D] le 12 octobre 2020.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 octobre 2020, le cachet de la poste faisant foi, Mme [R] a formé un recours contre la décision précitée. L’affaire a été distribuée sous le numéro RG 20/00463.
Les parties ont été convoquées à l’audience du 1er septembre 2022 par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 27 juin 2022 dont elles ont signé les AR le 28 juin 2022.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 février 2021, le cachet de la poste faisant foi, Mme [R] a formé un second recours contre la même décision. L’affaire a été distribuée sous le numéro RG 21/00092.
Les parties ont été convoquées à l’audience du 1er septembre 2022 par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 27 juin 2022 dont elles ont signé les AR le 28 juin 2022.
A l’audience du 1er septembre 2022, l’affaire distribuée sous le numéro RG 21/00092 a été jointe à l’affaire distribuée sous le numéro RG 20/00463.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, Mme [R] demande, au visa des articles 223-15-2 du code pénal, 1231-1 du code civil et 700 du code de procédure civile, de :
– la recevoir en ses demandes et la déclarer bien fondée,
– ordonner la condamnation de Me [D] à lui payer 3 600 euros au titre du remboursement des frais de conventions d’honoraires,
– ordonner la condamnation de Me [D] à lui payer 3 000 euros de dommages et intérêts,
– ordonner la condamnation de Me [D] à lui payer 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et des dépens,
– infirmer le jugement du bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris en date du 7 octobre 2020.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, Me [D] demande, au visa des articles 1128 et 1367 du code civil, de :
– débouter purement et simplement Mme [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
– infirmer la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris en ce qu’il l’a condamné à rembourser à Mme [R] la somme de 750 euros HT,
– réserver les dépens.
SUR CE
Sur les honoraires :
Mme [R] sollicite l’infirmation de la décision déférée en ce qu’elle a condamné Me [D] à lui rembourser la somme de 750 euros TTC et entend obtenir le remboursement de la totalité des honoraires versés à son avocat, soit 3 600 euros TTC. En premier lieu, elle soutient au visa de l’article 223-15-2 du code pénal que Me [D] aurait abusé de sa faiblesse. Elle expose qu’elle est atteinte d’un handicap physique (mobilité réduite) et psychique (troubles bipolaires) pour lequel elle est médicalement suivie depuis 2016 et qu’à raison de sa vulnérabilité, elle s’est sentie contrainte psychologiquement de signer les conventions d’honoraires proposées par son avocat. En second lieu, Mme [R] reproche à Me [D] des manquements déontologiques tenant, d’une part, au non respect à son devoir de conseil et d’information et d’autre part, à son refus de ‘revenir’ sur sa facturation, de sorte qu’il n’aurait pas exercé ses fonctions ‘avec conscience, probité et humanité’. En troisième lieu, elle conteste le montant des honoraires facturés au motif que Me [D] lui avait proposé lors du premier rendez-vous un honoraire forfaitaire ‘sans limite de temps’ d’un montant de 1 200 euros, alors qu’aucun forfait ou aucune mission n’a abouti et aucun compte rendu ni écrit, ni oral ne lui a été adressé. Enfin, Mme [R] estime avoir subi un préjudice matériel lié à la perte de 3 600 euros alors qu’elle perçoit une pension d’invalidité mensuelle d’un montant de 813,59 euros ainsi qu’un préjudice moral à raison de sa tentative de suicide à la suite du refus de Me [D] de lui rembourser le montant des honoraires réglés.
En réplique, Me [D] forme un appel incident et entend voir infirmer la décision déférée en ce qu’elle l’a condamnée à rembourser à Mme [R] la somme de 750 euros TTC. Il expose que trois rendez-vous ont eu lieu entre les parties les 7, 8 et 11 octobre 2019 qui ont duré 7 heures et 30 minutes au total et à l’issue desquels Mme [R] a signé trois conventions d’honoraires précisant les missions confiées. Il estime avoir effectué les diligences convenues et soutient avoir consacré au dossier de Mme [R] 12 heures 30 de travail. Il précise être inscrit au barreau depuis le 4 mars 1993.
Le recours de Mme [R] qui a été effectué dans le délai d’un mois prévu par l’article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 est recevable.
Il convient en premier lieu de rappeler que les griefs de Mme [R] qui renvoient à la responsabilité de l’avocat dans l’accomplissement de sa mission, tenant notamment au manquement à son obligation de conseil et d’information sur les modalités de détermination de ses honoraires et à la violation des principes déontologiques de sa profession, ne relèvent pas de l’appréciation du bâtonnier, ni du premier président statuant dans le cadre de l’article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.
En application des dispositions de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En l’espèce, Me [D] produit trois conventions d’honoraires datées des 7, 8 et 11 octobre 2019, que Mme [R] ne conteste pas avoir signées.
A titre liminaire, il y a lieu de relever que la demande de Mme [R] tendant à voir constater sur le fondement de l’article 223-15-2 du code pénal que Me [D] aurait abusé lors de la signature des conventions d’honoraires des 7, 8 et 11 octobre 2019, de sa prétendue situation de faiblesse, ne relève pas de la compétence du premier président statuant en matière de contestation d’honoraires, mais de la compétence des juridictions répressives.
Du reste, Mme [R] ne soutient, ni ne démontre que son consentement aurait été vicié lors de la signature de ces conventions, alors que les échanges constants entre les parties démontrent qu’elle a toujours apporté une grande attention au suivi de son dossier et à la facturation des honoraires de son avocat et infirment la thèse de la signature sous la contrainte psychologique qui ne saurait résulter de sa seule situation de handicap.
Aux termes de l’article 1 intitulé ‘Mission’ des trois conventions d’honoraires signées par la requérante, Me [D] s’est successivement, notamment, vu confier les missions :
– ‘de la recevoir en Cabinet pour une consultation de 2h30 concernant la succession de sa mère Madame [K] [R] née [L]’ et ‘contacter le notaire chargé de la succession Maître [U] [S] afin de faire le point sur la succession.’ (convention du 7 octobre 2019 – pièce de l’intimé n° 1),
– ‘suite au rendez-vous téléphonique du mardi 8 octobre 2019 avec le notaire chargé de la succession de Madame [K] [R] née [L], Maître [U], d’obtenir la confirmation du sort donné au solde, soit 18 159,58 euros, du compte espèces numéro [XXXXXXXXXX04] ouvert à la banque transatlantique demeurant [Adresse 1]. Ce compte étant indissociable selon le gestionnaire du compte Monsieur [J] [G] du compte titre n° [XXXXXXXXXX03].'(convention du 8 octobre 2019 – pièce de l’intimé n° 2),
– ‘de la recevoir en consultation le Vendredi 11 octobre 2019 de 16h30 à 19h30 et de solliciter auprès du notaire chargé de la succession de Madame [K] [R] née [L], Maître [U], qu’il demande à Monsieur [W] [R] de confirmer qu’il n’a pas reçu sur son compte personnel d’autre virement du TRESOR Public revenant à sa mère.’ (convention du 11 octobre 2019 – pièce de l’intimé n° 3).
Aux termes des articles 2 intitulé ‘Détermination des honoraires’ et 3 intitulé ‘Forfait d’honoraires’, les parties sont convenues d’honoraires au forfait fixés pour chacune des conventions à la somme de 1 000 euros HT, outre la TVA. Il était également précisé, ‘à titre indicatif’, que les taux horaires du cabinet étaient de 250 euros HT pour un avocat associé et 200 euros HT pour un avocat collaborateur.
Enfin, il était stipulé à l’article 8 de ces conventions intitulé ‘Dessaisissement’ que dans l’hypothèse où le client souhaiterait dessaisir l’avocat et transférer son dossier à un autre avocat, le client s’engageait à régler sans délai les honoraires, frais, débours et dépens dus à l’avocat pour les diligences effectuées antérieurement au dessaisissement.
Il est constant que Mme [R] a effectué au profit de Me [D] en exécution de ces conventions deux virements d’un montant de 600 euros chacun les 7, 8 et 9 octobre 2019, soit six virements au total pour un montant de 3 600 euros TTC (3 000 euros HT), de sorte qu’elle soutient vainement (page 2 de ses écritures) que Me [D] lui aurait proposé lors du premier rendez-vous du 7 octobre 2019 ‘un forfait sans limite de temps de 600 euros TTC afin de traiter l’ensemble du dossier’ (pièce n° 8).
Il ressort des pièces versées aux débats par l’intimé que par lettre recommandée avec avis de réception du 21 octobre 2019, Mme [R] a mis ‘fin à toute mission’ (pièce n° 5), avant que l’avocat n’ait pu mener à leur terme les missions confiées.
En application de la clause de dessaisissement précitée, comme l’a retenu à juste titre le bâtonnier de Paris, les honoraires de Me [D] doivent être fixés au temps passé sur la base du taux horaire convenu de 250 euros HT, lequel se trouve en adéquation avec la notoriété de l’avocat qui a 29 ans d’expérience professionnelle, la situation de fortune de sa cliente, et l’absence de difficulté juridique particulière du dossier.
Mme [R] reconnaît que trois rendez-vous se sont tenus au cabinet de Me [D] les 7, 8 et 11 octobre 2019 pour une durée totale de 7,30 heures, soit un honoraire du à ce titre de 1 875 euros HT (7,30 heures x 250 euros HT).
Me [D] justifie par ailleurs avoir contacté par mail du 9 octobre 2019 le notaire en charge de la succession de la mère de sa cliente, Me [S] [U], laquelle lui a adressé ainsi qu’à sa cliente par mail du 11 octobre 2019, les premiers éléments sollicités ‘sur le sort du compte espèces et l’étendue du legs relatif au portefeuille de titres de Mme [V] [R]’ en lui précisant qu’elle n’était pas en mesure de répondre à ses interrogations sur ‘la différence entre le solde annoncé par le représentant de la Banque Transatlantique le 17 septembre dernier et le montant effectivement viré à l’office’ et en lui proposant en conséquence d’ajourner l’entretien téléphonique sollicité (pièce n° 8).
Me [D] a par ailleurs nécessairement dû étudier le dossier de sa cliente dont il n’est pas démontré qu’il comporterait, comme il le soutient, environ 100 pages, de sorte que le temps prétendument consacré à l’étude du dossier de 3 heures sera ramené à 1 heure, soit un honoraire du à ce titre de 250 euros HT.
L’intimé soutient également avoir eu des entretiens téléphoniques avec sa cliente d’une durée totale de 2 heures, ce que conteste la requérante.
Comme le relève pertinemment cette dernière, aucun compte rendu des rendez-vous et des entretiens entre les parties, ni d’ailleurs aucune analyse juridique par l’avocat du dossier de sa cliente, ne sont versés aux débats, les seuls échanges écrits entre les parties concernant les honoraires de l’avocat.
Au vu de l’ensemble de ces éléments et notamment du caractère limité des diligences justifiées par Me [D], il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a retenu un temps passé de 9 heures 30, fixé le montant des honoraires dus par Mme [R] à Me [D] à la somme de 2 375 euros HT (9 heures 30 x 250 euros HT), soit 2 850 euros TTC, et condamné en conséquence Me [D] à lui rembourser la somme de 750 euros TTC, eu égard au paiement par Mme [R] de la somme de 3 600 euros TTC (3 600 euros TTC – 2 850 euros TTC).
Sur la demande de dommages et intérêts :
Compte tenu du sens de la présente décision, il y a lieu de rejeter la demande de dommages et intérêts formée par Mme [R] en réparation de son préjudice matériel qui est justement réparé par la condamnation de Me [D] à lui rembourser la somme de 750 euros TTC.
Mme [R] sera également déboutée de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, aucun lien de causalité n’étant démontré entre le prétendu refus abusif de Me [D] de lui rembourser les honoraires réglés et la tentative alléguée de suicide de la requérante.
Sur les autres demandes :
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Mme [R] les frais irrépétibles engagés dans la présente instance pour assurer la défense de ses intérêts. Elle sera par conséquent déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, Mme [R], partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant en dernier ressort, par ordonnance contradictoire, et par mise à disposition par le greffe,
Confirmons la décision déférée du bâtonnier de Paris en date du 7 octobre 2020 en toutes ses dispositions ;
Déboutons Mme [V] [R] de ses demandes de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices matériel et moral ;
Condamnons Mme [V] [R] aux entiers dépens ;
Rejetons toute autre demande ;
Disons qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l’ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE