Responsabilité de l’Avocat : 1 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/08778

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Responsabilité de l’Avocat : 1 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/08778
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 13

ARRET DU 01 FEVRIER 2023

(n° 48 , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/08778 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB7U5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mars 2020 – TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 18/13275

APPELANTE

Le syndicat de copropriétaire de l’immeuble sis [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice la Société ORBIREAL

C/o AS ORBIREAL

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant Me Gilles-Eric DE BIASI, substitué par Me Laura BENALOUN, avocat au barreau de Paris

INTIME

Monsieur [U] [R]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Marion CHARBONNIER de la SELARL ALEXANDRE-BRESDIN-CHARBONNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0947

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Louis BIGOT de la SCP LYONNET BIGOT, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, chargée du rapport et devant Mme Estelle MOREAU, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre

Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Florence GREGORI

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 1er février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Justine FOURNIER, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

A la suite d’infiltrations survenues au cours des années 1990 aux 8ème et 9ème étages de l’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 6], plusieurs experts se sont succédés afin d’en déterminer la cause et de préconiser des travaux permettant d’y mettre fin. M. [P], désigné en qualité d’expert à la demande de M. [B], propriétaire d’un appartement au 8ème étage, par ordonnance du 6 février 2001 au contradictoire du syndicat des copropriétaires, a déposé son rapport le 30 septembre 2001. Le dernier des experts, M. [D], désigné par ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises du tribunal de grande instance de Paris du 28 janvier 2003, a adressé une note aux parties le 17 septembre 2003 puis a déposé un premier rapport le 1er juin 2005, au contradictoire de l’ensemble des propriétaires des 8ème et 9ème étages, et un second rapport le 30 juin 2005 à la demande d’un des copropriétaires du 8ème étage.

Estimant sur le fondement de ces rapports que la société Union de gestion et d’investissements fonciers (UGIF), vendeur de l’immeuble, devait prendre en charge le coût des travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres et remettre les lieux en état, le syndicat des copropriétaires l’a assignée au mois de novembre 2005 devant le tribunal de grande instance de Paris en garantie des vices cachés et subsidiairement sur le fondement du dol, ainsi que la société Etanchéité Nabais ayant réalisé des travaux de réfection de l’étanchéité des terrasses et la société d’assurance de cette dernière, la société Axa France Iard, outre ses propres assureurs successifs, les sociétés Axa France Iard et Ace Europe, et les copropriétaires concernés.

En cours de procédure, le syndicat des copropriétaires a assigné en référé la société UGIF, non partie aux précédentes opérations d’expertise, afin que les désordres soient examinés contradictoirement. M. [D], désigné en qualité d’expert par ordonnance de référé du 6 avril 2006, a déposé son rapport le 24 mai 2008.

Entre temps, le syndicat des copropriétaires a fait réaliser en 2007 les travaux préconisés par l’expert, mettant ainsi fin aux désordres.

Par jugement du 22 janvier 2013, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré l’action du syndicat fondée sur l’article 1641 du code civil prescrite, considérant qu’il disposait dès le rapport de M. [P] du 30 septembre 2001 et au plus tard le 17 septembre 2003, date d’une note adressée aux parties par M. [D], de tous les éléments lui permettant d’agir en garantie des vices cachés contre le vendeur, a rejeté les demandes du syndicat des copropriétaires fondées sur l’article 1116 du code civil à défaut de démonstration d’un dol, et a débouté le syndicat des copropriétaires de ses demandes formées contre les assureurs et la société Etanchéité Nabais, estimant que l’exécution incomplète des relevés d’étanchéité était sans lien de causalité direct et certain avec les désordres dont il était demandé réparation.

Par arrêt du 25 septembre 2015, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement sauf en ce qu’il a rejeté les prétentions du syndicat des copropriétaires contre la compagnie Ace Europe, la société Etanchéité Nabais et son assureur, lesquels ont été condamnés in solidum à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble la somme de 17 467,97 euros HT. Le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par décision du 14 septembre 2017.

C’est dans ces circonstances que par acte du 14 novembre 2018, le syndicat des copropriétaires a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris M. [U] [R], son conseil l’ayant assisté au titre des différentes procédures judiciaires, en responsabilité civile professionnelle.

Par jugement du 4 mars 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

– débouté le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] de ses demandes,

– condamné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], aux dépens qui pourront être recouvrés selon les modalités prévues par l’article 699 du code de procédure civile,

– débouté M. [U] [R] de sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 7 juillet 2020, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 11 mars 2021, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] (ci-après, le syndicat des copropriétaires) demande à la cour de :

– le recevoir en son appel et le déclarer bien fondé en ses demandes, fins et conclusions,

– débouter M. [U] [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– confirmer le jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité de M. [U] [R] et reconnu la défaillance fautive de ce dernier,

– infirmer le jugement en ce qui l’a débouté de ses demandes en réparation du préjudice subi du fait de la faute professionnelle commise par M. [U] [R],

et statuant à nouveau :

– le recevoir en ses demandes, fins et conclusions, et l’y déclarer bien fondé,

– condamner M. [R] à lui payer la somme totale de 395 161,76 euros en principal au titre de la perte de chance d’obtenir le remboursement des frais de travaux de réparation rendus nécessaires par la faute de la société UGIF, se décomposant comme suit :

– 223 002,13 euros au titre des travaux préconisés par l’expert dans son rapport du 24 mai 2008 en vue de supprimer les causes des désordres, affectés de l’indice BT01 et augmentés, pour chacune des factures, des intérêts au taux légal à compter du jour de la facture et jusqu’au parfait paiement par M. [R],

– 172 159,63 euros au titre des frais de procédure, honoraires de M.[R] compris, augmentés, pour chaque facture, des intérêts au taux légal à compter du jour de la facture et jusqu’au parfait paiement par M. [R],

– ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil, à compter du jour de délivrance de l’exploit introductif d’instance, le 14 novembre 2018,

– condamner M. [U] [R] à lui payer la somme de 25 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [U] [R] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Selurl Hermexis avocats associés, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 9 novembre 2021, M. [U] [R] demande à la cour de :

– déclarer le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] recevable mais mal fondé en son appel,

– le débouter de l’ensemble de ses demandes,

– réformer le jugement en ce qu’il a jugé qu’il a exposé sa responsabilité,

et statuant à nouveau,

– dire qu’il n’a pas commis de faute à l’égard du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1],

– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] au titre de la perte de chance et l’en a débouté,

– condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] en tous les dépens de la présente instance et de ses suites, lesquels seront recouvrés par la Selarl Alexandre Bresdin Charbonier dans les termes des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 18 octobre 2022.

SUR CE

Sur la responsabilité de M. [R]

– Sur la faute

Le tribunal a jugé que M. [R], tenu de sauvegarder l’exercice d’actions propres à permettre une indemnisation de son client, avait manqué à son obligation de diligence à défaut d’avoir assigné le vendeur de l’immeuble en référé ou au fond en garantie des vices cachés au vu de la note rédigée par l’expert le 17 septembre 2003 indiquant l’origine des désordres et leur antériorité à la vente de l’immeuble, et ce sans attendre le rapport définitif de l’expert compte tenu du bref délai encadrant l’action en garantie des vices cachés, et qu’à supposer que M. [R] n’était pas informé qu’un mandat en ce sens avait été donné par le syndicat de copropriétaires le 10 septembre 2003, il était tenu de l’informer de l’urgence d’y procéder.

L’appelant soutient que M. [R] a :

– manqué à son obligation de diligence en engageant une action en garantie des vices cachées contre la société UGIF le 14 novembre 2015, alors qu’il a eu connaissance de l’ampleur exacte du sinistre dès le 17 septembre 2003, date de la note d’expertise, laissant ainsi expirer le délai de prescription de l’action en garantie des vices cachés,

– failli à son devoir de conseil en ne l’alertant pas quant au délai encadrant son action à l’égard du vendeur de l’immeuble.

L’intimé conteste toute faute en ce que :

– la prescription a couru non pas à compter de la note de l’expert du 17 septembre 2003, qui incriminait un défaut d’entretien mais prévoyait des investigations supplémentaires pour découvrir l’origine des inondations du 8ème étage, mais du dépôt du rapport d’expertise du 1er juin 2005 révélant l’origine des désordres, de sorte que l’assignation contre la société UGIF, délivrée le 14 novembre 2005, l’a été à bref délai,

– en tout état de cause, le syndicat des copropriétaires s’estimait insuffisamment informé par cette note et il ne pouvait assigner le vendeur contre l’avis de son client qui l’a mandaté tardivement, à la suite du vote en assemblée générale du 7 novembre 2015.

L’avocat engage sa responsabilité sur le fondement de l’article 1147 du code civil applicable aux faits, à charge pour celui qui l’invoque de prouver une faute, un lien de causalité et un préjudice.

L’avocat, tenu à une obligation de diligence et à un devoir de conseil, doit prendre toutes les initiatives utiles pour assurer la défense des intérêts de son client, en particulier sauvegarder l’exercice d’actions propres à permettre son indemnisation et le conseiller quant à la mise en oeuvre de telles actions.

Par jugement du tribunal de grande instance de Paris du 22 janvier 2013 confirmé par arrêt de la cour d’appel de Paris du 25 septembre 2015 et dont le pourvoi a été rejeté par décision du 14 septembre 2017, il a été jugé que l’action en garantie des vices cachés engagée le 14 novembre 2005 par le syndicat des copropriétaires représenté par M. [R] était prescrite aux motifs que le syndicat des copropriétaires était informé au plus tard à compter de la note que l’expert [D] a adressée aux parties le 17 septembre 2003 présentant les différentes origines des infiltrations, provenant notamment d’une erreur de conception des façades antérieure à l’acquisition de l’immeuble. La cour d’appel précise qu’ ‘il se déduit aisément de cette note que le diagnostic est posé et qu’il reste à définir les modalités des travaux de réfection, étant souligné que les modalités et le montant des réparations n’ont pas vocation à constituer le point de départ du bref délai au sens de l’article 1648 du code civil’, que ‘le syndicat des copropriétaires a pu communiquer à l’expert, en décembre 2003, le CCTP établi par le maître d’oeuvre chargé de l’opération de réfection des façades, preuve que le stade de la définition des réparations était engagé, ce qui présuppose que les causes du sinistre étaient d’ores et déjà définies et répertoriées’ et que ‘dès cette époque, le syndicat des copropriétaires pouvait appréhender la gravité des désordres, sans devoir attendre la date du dépôt du rapport d’expertise’.

Les premiers juges ont pertinemment retenu que M. [R], en charge de la défense des intérêts du syndicat des copropriétaires, aurait dû assigner le vendeur de l’immeuble en garantie des vices cachés dans le bref délai de prescription ayant couru à compter du 17 septembre 2003, date de la note aux parties adressée par l’expert indiquant l’origine des désordres et leur antériorité à la vente de l’immeuble, éléments suffisants pour la mise en oeuvre d’une telle action, et ce sans attendre la réalisation des investigations supplémentaires préconisées par l’expert ayant trait aux modalités et au chiffrage de travaux de remise en état et de ceux mettant fin aux causes des désordres.

A supposer que le syndicat des copropriétaires se serait estimé insuffisamment informé par cette note bien que l’assemblée générale ait voté dès le 10 septembre 2003 une résolution n°10 donnant au syndic un mandat pour agir en garantie des vices cachés à l’encontre de l’UGIF sur le fondement du rapport de M. [D] tout en approuvant le choix de M. [R] comme avocat du syndicat des copropriétaires, il appartenait à M. [R], au titre de son devoir de conseil, d’attirer son attention sur le bref délai de prescription en cours et sur la nécessité de lui donner rapidement mandat de le représenter en justice pour engager l’action.

La faute de M. [R] est donc caractérisée.

– Sur le lien de causalité et le préjudice

Le tribunal a retenu qu’à défaut de disposer des pièces suffisantes permettant de reconstituer utilement le procès qui se serait déroulé, il n’était pas en mesure d’examiner si les conditions d’application de la garantie des vices cachés étaient réunies et ainsi évaluer la perte de chance subie par le syndicat des copropriétaires. Il en en outre jugé que le syndicat des copropriétaires n’avait pas vainement exposé les frais de procédure dont il sollicitait l’indemnisation.

L’appelant soutient que :

– il a produit l’ensemble des éléments qu’il tenait à sa disposition et a été contraint de faire sommation à M. [R] de produire toutes les pièces et conclusions manquantes de la première procédure,

– la société UGIF, dont le président est la société Axa real estate investement managers France, a la qualité de professionnel de l’immobilier notamment au sens des article 1 et 1-1 de la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, ainsi qu’il ressort de sa dénomination, de son objet social, de son extrait Kbis,

– la qualité de vendeur professionnel de l’immobilier a été retenue pour une Sci (Civ. 3e, 27 octobre 2016 n°15-24.232),

– en outre, ainsi qu’il ressort des écritures de M. [R] dans ses intérêts, la société UGIF se livrait à des centaines de ventes immobilières par an et la société Axa France vie dont elle est une filiale, a reconnu expréssement que ‘la société UGIF, en tant que professionnelle de l’immobilier, ne pouvait ignorer les désordres affectant l’immeuble’,

– la jurisprudence visée par l’intimé, en particulier l’arrêt de la Cour de cassation du 25 avril 2007 (n°06-13290) ayant jugé que le fait pour une société d’assurance, tenue de constituer une réserve, d’être amenée à effectuer des opérations sur le marché immobilier ne pouvait suffire à lui conférer la qualité de vendeur professionnel, n’a pas vocation à s’appliquer, dès lors que l’UGIF gère le patrimoine immobilier à la place de la société Axa France vie qui ne peut agir comme un vendeur professionnel sans risquer une sanction par la commission de contrôle des assurances et des mutuelles,

– l’action en garantie des vices cachés à l’égard de la société UGIF était bien fondée et avait toutes les chances de prospérer au vu des conclusions d’expertise, ladite société, en tant que professionnelle de l’immobilier et de la construction et donc vendeur professionnel, étant tenue à la garantie renforcée prévue à l’article 1645 du code civil, même en cas de bonne foi, d’ignorance du vice et d’impossibilité de le déceler, et à la réparation des dommages consécutifs aux vices cachés nonobstant toute clause exclusive ou limitative de la garantie du vendeur,

– la perte de chance d’obtenir le remboursement des frais de réparation rendus nécessaires par la faute de la société UGIF présente un caractère certain et sérieux et il aurait de façon certaine obtenu l’indemnisation de son entier préjudice,

– M. [R] doit donc être condamné à réparer la perte de chance certaine et totale d’obtenir le remboursement des différents frais de travaux de réparation préconisés par l’expert ayant pour but la suppression des désordres pour un montant total de 223 002,13 euros TTC, ainsi que les honoraires réglés et afférents aux procédures intentées jusqu’à ce jour, à savoir les frais d’expertise, les frais d’huissiers, mais également les frais d’avocat.

L’intimé répond que :

– l’action engagée par le syndicat des copropriétaires contre la société UGIF n’avait aucune chance de prospérer dès lors que les actes de vente portant sur les appartements des 8ème et 9ème lots contenaient une clause aux termes de laquelle l’acquéreur prenait les biens en l’état sans pouvoir exercer un recours contre le vendeur, ainsi qu’une clause excluant la garantie du vendeur au titre des vices de toute nature, apparents ou cachés,

– la société UGIF ne peut être considérée comme un vendeur professionnel tenu à une présomption irréfragable de connaissance des vices cachés, excluant la mise en oeuvre de ces clauses dès lors que :

– est vendeur professionnel le fabricant de la chose ou celui dont l’activité habituelle est la vente de ce type de biens, soit un profesionnel du bâtiment ou un marchand de biens, une telle qualité n’ayant pas été retenue à un intermédiaire tel qu’un agent immobilier (Civ.1 ère , 20 décembre 2000 n°98-20765), ni à un établissement financier (Cass. 3 ème 5 mai 2009 Civ. n° 08-13141), ni à une société d’assurances tenue de constituer des réserves pour garantir ses engagements et amenée à effectuer des opérations sur les marchés immobiliers (Civ.3ème, 25 avril 2007 n°06-13290), le seul objet social ne suffisant pas à démontrer la qualité de vendeur professionnel, lequel doit posséder des connaissances techniques suffisantes (Cass.3ème civ, 6 décembre 1989, n°88-12985 ayant cassé l’arrêt ayant retenu que la Sci doit être considérée comme un vendeur professionnel au vu de son objet social),

– la détention d’actifs immobiliers par la société Axa assurance vie, via sa filiale la société UGIF, constitue le placement des assurés dans le cadre de certains contrats d’assurance vie, lesquelles opérations sont régies par le code des assurances,

– l’immeuble litigieux a été acquis par la société UGIF au titre de son activité de gestion du patrimoine immobilier de la société Axa France vie, a été conservé par la société UGIF, pendant trente ans en sa qualité de filiale de la société Axa assurance vie puis a été revendu par la société UGIF sous forme de lots en tant qu’élément de patrimoine de la société Axa assurance vie,

– la vente d’immeubles n’est pas l’activité de la société UGIF qui n’y procède qu’aux fins de diversification des actifs de la société Axa France vie,

– la seule possession d’immeuble ne confère pas la qualité de vendeur professionnel,

– par arrêt du 25 septembre 2015, la cour d’appel de Paris a jugé que ‘Si la société UGIF réalise chaque année de nombreuses ventes immobilières, ce seul fait ne permet pas de présumer qu’elle aurait pu appréhender la portée à la fois globale et structurelle des sinistres successifs, qui se sont produits dans différents appartements des 8 ème et 9 ème étages, alors que des spécialistes de la construction (architectes et experts) n’ont pu poser un diagnostic efficace qu’à l’issue de sinistres récurrents et d’investigations’,

– l’exclusion de la garantie des vices cachés était donc opposable au syndicat des copropriétaires,

– subsidiairement, les sommes sollicitées ne sont pas justifiées au vu du rapport d’expertise, les frais de procédure dont il est sollicité le remboursement incluent des frais nécessaires ayant abouti à la désignation de M. [D] et les frais d’honoraires d’avocat non vainement exposés.

Le manquement de l’avocat à son devoir de conseil ayant privé le syndicat des copropriétaires de voir statuer sur le bien fondé de sa demande n’a pu lui causer qu’une perte de chance d’obtenir gain de cause en justice.Pour apprécier les chances de succès de la voie de droit envisagée, le juge du fond doit reconstituer fictivement le procès manqué par la faute de l’avocat. La réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée. Il incombe au syndicat des copropriétaires de rapporter la preuve d’une perte de chance réelle et sérieuse.

Selon l’article 1641 du code civil ‘Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus’.

L’article 1643 du même code prévoit que le vendeur est tenu des vices cachés quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie.

L’article 1645 du code civil précise que ‘Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur’.

Les clauses de non garantie des vices cachés, émanant de non professionnels n’ayant pas eu connaissance des vices cachés, sont valables et opposables à l’acquéreur.

Au vu de l’exposé du litige du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 22 janvier 2013 et de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 25 septembre 2015 reprenant les conclusions de l’UGIF produites aux débats, celle-ci opposait subsidiairement au syndicat des copropriétaires la clause de non-garantie des vices cachés insérée dans les actes de vente, qu’elle considérait comme valable aux motifs qu’elle n’avait pas la qualité de vendeur professionnel. Se fondant notamment sur la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass, 3ème civ. 25 avril 2007 n°06-13290 et 10 juillet 2001 n°00-13.556), elle faisait valoir ne pas avoir pour activité la vente d’immeuble à titre habituel, ses actions représentant l’unité de compte de certains contrats d’assurance vie (contrats UAP) proposés par la société Axa France vie dont elle est la filiale à 100% et la détention d’actifs immobiliers pour le compte de ladite société constituant le placement des assurés au titre de ces contrats d’assurance-vie, lesquelles opérations sont régies par les articles L.131-1, R.131-1 et R.332-2 du code des assurances. Elle ajoutait qu’elle n’avait aucun salarié et ne détenait des actifs que pour le compte de la société d’assurance afin d’assurer la gestion et la diversification des actifs de celle-ci, ainsi qu’en attestait son expert comptable, et soulignait avoir acquis en 1968 l’immeuble litigieux revendu à compter de 1996.

Pour établir la qualité de professionnelle de l’immobilier de la société UGIF, rendant non écrite la clause de non garantie des vices cachés et faisant peser sur le vendeur une présomption irréfragable de connaissance du vice caché, le syndicat des copropriétaires se fondait notamment sur l’aveu judiciaire de la société Axa France vie reconnaissant cette qualité à sa filiale, l’objet social de la société UGIF, qui n’est ni un établissement financier, ni une compagnie d’assurance et qui vend plusieurs centaines d’appartements par an, générant un chiffre d’affaires bien supérieur à celui de l’activité de location, la circonstance que la société Axa France vie détienne tout ou partie de son capital étant sans incidence sur le fait que son activité est exclusivement immobilière. Il relevait également que l’UGIF était présidée par la société Axa real estate investment managers, ‘l’un des gestionnaires d’actifs immobiliers les plus importants et les plus diversifiés en Europe avec plus de 39,5 milliards EUR d’actifs sous gestion’, également filiale à 100% du groupe Axa Investment manager et spécialisée dans la vente et la transaction immobilière. Il soulignait enfin que l’UGIF avait déclaré, dans l’acte de vente du 10 décembre 1996 au profit de M. [E], copropriétaire de l’immeuble litigieux, réaliser cette opération dans le cadre de son activité de marchand de biens.

Les vendeurs professionnels en matière immobilière au sens de l’article 1641 et suivants du code civil, se divisent en trois catégories, soit les techniciens de la construction, les personnes qui, sans être des techniciens du bâtiment, ont participé à la réalisation des travaux litigieux, enfin les personnes dont l’activité principale consiste à gérer, acquérir ou vendre des immeubles, tels que des marchands de biens (Civ 3e 3 janvier 1984 n°81-14.326 Bull n°4), une société civile immobilière qui achète un terrain pour réaliser un lotissement (Civ 3e 12 mai 2004 n°02-20.911 Bull no 93), ou encore une société d’aménagement foncier et d’établissement rural – SAFER -(Civ 3e 29 mars 2006 no 04-15.253).

S’il a été jugé que le seul objet social d’une société ne suffit pas à démontrer sa qualité de vendeur professionnel ce par arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 6 décembre 1989 (n°88-12985) ayant cassé l’arrêt ayant retenu que la Sci devait être considérée comme un vendeur professionnel, même si elle n’a ni construit, ni participé à la construction de l’immeuble, au vu de son objet social d’acquisition, construction, exploitation de tous immeubles ou fraction d’immeuble la contraignant nécessairement à posséder des connaissances techniques suffisantes pour qu’elle puisse être considérée comme un professionnel, la Cour de cassation jugeant qu’en statuant par cette simple affirmation, la cour d’appel n’avait pas donné de base légale à sa décision, la jurisprudence a évolué en la matière.

Ainsi, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation (Civ 3e 12 mai 2004 n°02-20.911 Bull no 93) a jugé que ‘Attendu, d’une part, qu’ayant, par motifs propres et adoptés, constaté que la Société civile immobilière Gismoun (la SCI) avait acquis le 9 décembre 1991 un terrain d’une contenance de 3 ha 44 a et 50 ca et créé un lotissement à usage d’habitation pour le vendre en plusieurs lots, les consorts [L] [J] ayant acquis leur terrain à bâtir le 22 mai 1999, et relevé que la SCI, dont l’objet social était “l’acquisition, l’administration et l’exploitation de tous immeubles bâtis ou non bâtis”, n’avait pas été constituée pour acquérir et gérer un immeuble destiné à l’usage familial d’habitation mais pour une véritable opération de lotissement à caractère professionnel nécessitant le concours d’une entreprise de terrassement dont le gérant n’était autre que celui de la SCI, la cour d’appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a pu en déduire, abstraction faite d’un motif erroné mais surabondant relatif au but spéculatif de la vente des lots, que la SCI était un vendeur professionnel et a légalement justifié sa décision de ce chef’.

Cet arrêt a été confirmé par un arrêt (3e chambre, 27 octobre 2016 publié) ayant jugé qu’ ‘A la qualité de vendeur professionnel une société civile immobilière qui, ayant pour objet l’acquisition par voie d’achat ou d’apport, la propriété, la mise en valeur, la transformation, l’aménagement, l’administration et la location de tous biens et droits immobiliers, a acquis une ferme qu’elle a fait transformer en logements d’habitation dont elle a vendu une partie et loué le reste et a immédiatement réinvesti les profits retirés dans une autre opération immobilière’, rejetant ainsi le pourvoi contre l’arrêt de cour d’appel ayant retenu que la Sci avait fait l’acquisition de l’immeuble, immédiatement entrepris d’importants travaux de transformation sans avoir recours à un maître d’oeuvre, puis revendu les étages inférieurs et conservé les étages supérieurs pour les destiner à la location, en réinvestissant immédiatement les profits retirés dans une autre opération immobilière, le faible laps de temps entre les différentes étapes de l’opération faisant apparaître son caractère spéculatif.

En revanche, la qualité de vendeur professionnel n’a pas été retenue pour une société d’assurances au motif que ‘Le fait qu’une société d’assurances, tenue de constituer une réserve pour garantir ses engagements, soit amenée à effectuer des opérations sur le marché de l’immobilier et dispose d’un patrimoine immobilier justifiant l’existence d’un service immobilier ne suffit pas à lui donner la qualité de professionnel de la vente immobilière’ (Civ 3e 25 avril 2007 n° 06-13.290 publié).

La qualité de professionnel de l’immobilier n’a pas non plus été retenue pour un établissement financier, lequel n’a pas pour activité professionnelle la vente d’immeuble (Civ 3e 5 avril 2009 n° 08-13.141), la Cour de cassation ayant ainsi rejeté le pourvoi contre l’arrêt ayant jugé que ‘la société Naxitis, qui est un établissement financier, n’a pas pour activité professionnelle la vente d’immeubles; que l’opération de construction réalisée au début des années 1970 s’inscrit dans la gestion de son patrimoine immobilier et n’a pas été réalisée dans un but de revente, les immeubles étant restés la propriété du Crédit National pendant près de 25 ans avant d’être vendus par lots ; que ni l’objet social, ni l’activité réelle de l’intimée ne caractérisent un vendeur professionnel ou une compétence spécifique dans le domaine de l’immobilier faisant présumer la connaissance des vices cachés’.

Selon son extrait Kbis, l’Union de gestion et d’investissements fonciers (UGIF) est une société par action simplifiée à capital variable (anciennement société anonyme) présidée par la société anonyme Axa real estate investment managers France, qui a pour activité l’exploitation d’immeubles ou de groupes d’immeubles locatifs et qui est régie par la loi du 24 juillet 1966 et le décret du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales.

En vertu de l’article 2 de ses statuts, l’UGIF a pour objet ‘l’exploitation d’immeubles ou groupes d’immeubles locatifs situés en FRANCE et à l’étranger.

À cet effet,

– l’acquisition par voie d’achat, d’apport en nature ou autre, de terrains à bâtir ou assimilés,

– la construction d’immeubles ou groupes d’immeubles,

– l’acquisition d’immeubles ou groupes d’immeubles déjà construits,

– le financement des acquisitions et des opérations de construction,

– la location ou l’administration de tous immeubles construits ou acquis,

– accessoirement, l’aliénation de tous biens immobiliers,

– éventuellement la prise de participation dans toutes sociétés ou organismes dont les activités sont en rapport avec l’objet social et ce, par voies d’apport, souscription, achat ou autrement et cession de titres ou droit sociaux.

Et généralement toutes opérations immobilières et mobilières se rapportant directement ou indirectement à cet objet et susceptibles d’en faciliter le développement et la réalisation’.

Son activité ainsi décrite réside en l’acquisition, la construction, la vente ou location d’immeubles. Elle est une société commerciale, dont l’activité est régie par la loi du 24 juillet 1966 et le décret du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales et non pas par les dispositions du code des assurances.

Il ne ressort ni de ses statuts ni de son objet social que la société UGIF serait une société d’assurances, ni qu’elle aurait pour activité la gestion du patrimoine immobilier de la société Axa assurances-vie. La circonstance qu’elle serait détenue à 100% par la société Axa assurances vie et présidée par la société Axa real estate investment managers France ne suffit pas à établir qu’elle aurait une activité identique à celle de sa société mère, qui a opposé en défense la qualité de professionnel de l’immobilier de sa filiale, ou exclusivement axée sur la gestion du patrimoine de la société Axa assurance vie. Il n’est pas plus démontré que la société UGIF aurait une activité d’établissement financier.

Quand bien même la société UGIF faisait valoir agir exclusivement en qualité de gestionnaire du patrimoine immobilier de sa société-mère la société Axa assurance vie, elle a acquis l’immeuble litigieux en son nom propre et l’a revendu en lots en cette même qualité après l’avoir loué puis l’avoir fait transformer et diviser en lots. Il n’est aucunement démontré que la vente de l’immeuble litigieux sous forme de lots et que les nombreuses ventes immobilières auxquelles a procédé la société UGIF, ainsi que souligné par le syndicat des copropriétaires devant le tribunal de grande instance (207 appartements en 1997, rythme moins soutenu qu’en 1996, et 202 appartements en 1998) se soient inscrites dans le cadre de la souscription ou valorisation de contrats d’assurance-vie commercialisés par la société Axa assurances vie ou encore dans la diversification des actifs de celle-ci, la seule circonstance que la société UGIF soit détenue à 100% par ladite société étant à ce titre indifférente.

L’intimé est mal fondé à se prévaloir de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 25 septembre 2015, lequel ne s’est pas prononcé sur la qualité de vendeur professionnel de la société UGIF mais uniquement sur le point de départ de la prescription de l’action en garantie des vices cachés.

Au vu de ces éléments, il existe une chance réelle et sérieuse, de forte intensité, que le tribunal de grande instance de Paris, s’il avait été saisi dans le bref délai d’une action en garantie des vices cachés à l’encontre de la société UGIF, retienne que celle-ci était mal fondée à faire valoir que la vente d’immeubles ne relèvait pas de son activité, et de voir reconnaître sa qualité de vendeur professionnel.

En l’état de la jurisprudence ci-dessus rappelée, mais également de l’absence de versement aux débats de l’attestation de l’expert comptable sur laquelle la société UGIF fondait ses prétentions, et de la circonstance qu’elle a conservé l’immeuble plusieurs décennies avant de le transformer et revendre en lots, le syndicat des copropriétaires justifie d’une perte de chance réelle et sérieuse, devant être évaluée à 80%, de voir juger que la société UGIF était assimilable à un vendeur professionnel.

Le vendeur professionnel étant présumé connaitre les vices de la chose vendue, la responsabilité de l’UGIF aurait été pleinement engagée sans qu’elle puisse opposer les clauses contractuelles de non-garantie des vices cachés et l’ignorance de ceux-ci.

Les conditions de mise en oeuvre de la garantie des vices cachés ressortant des rapports d’expertise judiciaire des 1er juin 2005 et 24 mai 2008, le syndicat des copropriétaires est fondé à solliciter l’indemnisation des préjudices listés par l’expert à proportion du coefficient de perte de chance retenu.

S’agissant de l’assiette du préjudice de perte de chance, le syndicat des copropriétaires sollicite une indemnisation à raison de 223 002, 13 euros, dépense qu’il a engagée au titre des travaux pour mettre fin aux causes des désordres préconisés par l’expert dans son rapport du 24 mai 2008. Répliquant à l’argumentation de la partie adverse, dont il souligne la nouveauté en cause d’appel, il relève que si effectivement, les manquements de la société Nabais ont conduit l’expert à retenir sa responsabilité à hauteur de 15%, les 85 % restants sont relatifs à des défauts de conception qui doivent donc être entièrement imputés à la société UGIF. Il précise que M. [R] ne lui a jamais demandé de produire le contrat d’assurance Axa France Iard et qu’il n’aurait pas eu besoin de recourir à la garantie de son assureur si l’action contre l’UGIF avait été intentée dans le délai, en sorte que M. [R] doit être condamné à lui réparer l’intégralité de son préjudice.

L’intimé fait valoir que :

– le montant sollicité est fondé sur de simples factures,

– deux chefs de préjudices d’un montant total de 10 802, 21 euros, sont discutables soit:

– la somme 5 522,21 euros (5 065,57 euros et 456,64 euros) au titre des honoraires de la société Nexity Saggek gestion privée, syndic , en ce que se pose la question de la pertinence des honoraires émis par le syndic au titre de ‘travaux terrasses’,

– 5 280 euros au titre d’une prime d’assurance police multi-travaux émise par la société Axa France en mars 2007, la compagnie AGF, dont le contrat était en cours, ayant refusé de garantir le risque du chantier ayant démarré en 2006, dès lors que cette prime complémentaire n’aurait pas due être appelée pour ce montant si le syndicat des copropriétaires avait prévenu son assureur la compagnie AGF en temps utile,

– l’expert [D], dans son rapport du 1er juin 2005 rappelé dans son rapport du 24 mai 2008, confirme que l’exécution des travaux est également en cause,

– en prétendant agir contre l’UGIF à hauteur de 85% des désordres, le syndicat des copropriétaires inclut 35% des désordres constatés ayant trait à la vétusté des menuiseries des parties privatives incombant à chaque copropriétaire, en sorte que seuls 50% des réparations liées au défaut de conception des ouvrages de parties communes pouvaient être l’objet de l’action en garantie des vices cachés intentée par le syndicat des copropriétaires à qui revient d’établir que les factures qu’il communique émises par d’autres entreprises que celles ayant émis les devis vérifiés par l’expert correspondent aux travaux sur les parties communes,

– il convient également de tenir compte de la condamnation de la société Ace Europe à payer au syndicat des copropriétaires, au titre des dommages privatifs en provenance des façades, la somme de 10 197,59 euros, devant venir en déduction des sommes sollicitées par le syndicat des copropriétaires,

– en n’étant pas capable de produire le contrat d’assurance Axa France Iard, le syndicat des copropriétaires a perdu une chance d’obtenir une prise en charge totale du sinistre par cette autre compagnie à laquelle il réclamait la condamnation in solidum avec la société Ace Europe au paiement d’une somme totale de 275 921,89 euros,

– en n’ayant souscrit que le 1er janvier 2001 une assurance auprès de la société Ace Europe, limitant son étendue aux infiltrations accidentelles au travers des façades et ne pouvant s’appliquer aux sinistres déclarés antérieurement à sa souscription, le syndicat des copropriétaires a également perdu une chance d’obtenir une prise en charge des réparations par cette compagnie supérieure à la somme de 10 197,59 euros à laquelle la cour d’appel de Paris a condamné cette dernière sur celle de 275 981,89 euros réclamées à celle-ci,

– ces fautes de diligences de la part du syndicat des copropriétaires au titre de la gestion des contrats d’assurance correspondent au montant de ses réclamations.

Dans ses écritures déposées devant le tribunal de grande instance de Paris, le syndicat des copropriétaires sollicitait la condamnation de la société UGIF au paiement de la somme de 232 483, 49 euros correspondant au coût des travaux correctifs réalisés sur préconisation de l’expert, honoraires de maîtrise d’oeuvre compris, et validé par le rapport du 24 mai 2008. Il estimait la société UGIF mal fondée à soutenir que sa responsabilité était cantonée à 50% dans la mesure où l’exécution incomplète des prestations de la société Nabais interviendrait pour 15% et la vétusté des menuiseries pour 35%, et devait au contraire l’indemniser de la totalité des travaux. Pour ce faire, il se fondait sur le rapport d’expertise aux termes duquel les vices cachés listés imputables à la société UGIF sont responsables pour un taux total de 85% des désordres constatés, et soutenait que la société UGIF a participé à la réalisation de l’entier dommage quelle que soit la part de responsabilité imputable à la société Nabais, qu’en outre, si les vices avaient été connus par le syndicat des copropriétaires, il n’aurait pas entrepris les travaux d’étanchéité au titre duquel il est reproché à la société Nabais d’avoir exécuté de façon incomplète les relevés d’étanchéité.

La société UGIF répliquait que la vétusté des menuiseries extérieures, dont elle n’avait jamais dissimulé l’état aux acquéreurs, et responsable pour 35% des désordres selon l’expert, ne lui était pas imputable.

Le taux d’imputabilité de 15% des désordres retenu à l’égard de la société Nabais ayant procédé à la réfection de l’étanchéité des terrasses des 8ème et 9ème étages, ainsi que le taux d’imputabilité de 35% au titre des désordres affectant les menuiseries, pour lesquelles l’expert a relevé un défaut de conception, ont bien été pris en compte dans les demandes du syndicat des copropriétaires, lequel formait deux demandes distinctes à ce titre, s’ajoutant à la demande de condamnation de la société UGIF au paiement de la somme de 232 489,49 euros au titre des travaux pour mettre fin aux causes des désordres. La société UGIF, en sa qualité de vendeur professionnel, aurait été tenue à la réparation de l’ensemble des désordres dus à un défaut de conception, soit 85% des désordres.

Le syndic des copropriétaires aurait donc été fondé à solliciter l’indemnisation de 85% des frais qu’il a acquittés au titre des travaux préconisés pour mettre fin aux causes des désordres, dont le montant global a été validé par l’expert, et dont le coût réel est suffisamment démontré par les factures produites aux débats pour un montant total de 223 002,13 euros, dont l’intimé se borne à contester le caractère probatoire sans discuter concrètement leur teneur. Il n’y a pas lieu d’écarter les factures de la société Nexity Saggel gestion privée au titre des travaux de terrasses des 8ème et 9ème étages, le taux de répartition des responsabilités entre la société Nabais et la société UGIF étant respecté, ni la facture au titre de la prime d’assurance supplémentaire acquittée pour couvrir les travaux mettant fin aux causes des désordres. L’assiette de perte de chance est donc de 189 552 euros (223 002,13 x 85%).

Il n’y a pas davantage lieu de déduire de cette somme le montant de la condamnation prononcée par arrêt du 25 septembre 2015 à l’encontre de la société Ace Europe, de la société Etanchéité Nabais et de son assureur la société Axa France Iard, condamnées in solidum à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 17 467,97 euros HT au titre des travaux de réfection à entreprendre dans les parties communes du fait du défaut d’étanchéité des façades de l’immeuble, cette demande constituant une demande distincte du syndicat des copropriétaires de celle au titre des travaux pour mettre fin aux causes des désordres.

Le syndicat des copropriétaires étant fondé à rechercher la responsabilité de la société UGIF, il importe peu qu’il n’ait pas été en mesure de produire le contrat d’assurance souscrit avec la société Axa France Iard dont il sollicitait la condamnation in solidum avec la société Ace Europe, et qu’il ait pu souscrire tardivement une assurance auprès de la société Ace Europe. Seule une faute du syndicat ayant concouru au dommage, non démontrée en l’état, aurait été de nature à justifier un partage de responsabilité, voire à exclure toute indemnisation du préjudice ainsi que le fait valoir l’intimé.

Il est donc justifié un préjudice de perte de chance de 151 642 euros au titre des travaux pour mettre fin aux désordres (189 552 x 80%).

Le syndicat des copropriétaires sollicite également la réparation des frais engagés ( frais d’huissier de justice, honoraires de gestionnaire du syndic, prime d’assurance dommage-ouvrage pour le suivi des travaux, honoraires de M. [R]) pour un montant de 172 159,53 euros au titre des procédures intentées et dont il a été privé de l’indemnisation en raison de la faute de M. [R]. Il précise que le premier rapport a été déposé le 1er juin 2005, époque à laquelle ses frais de procédure s’élevaient seulement à la somme de 10 756,50 euros et qui a, depuis lors, engagé à perte des frais de procédure pour un montant de 161 403,13 euros. Il considère qu’en agissant tardivement à l’encontre du vendeur, M. [R] l’a privé d’obtenir la réparation de son préjudice (sic), y compris s’agissant des honoraires de la société Nexity et du coût de l’assurance dommages-ouvrage.

Ce dernier conteste ce chef de préjudice, au motif que les frais correspondant à la procédure ayant donné lieu à la désignation de l’expert puis aux opérations d’expertise ont été nécessaires et bénéfiques pour la copropriété, qu’en outre les honoraires d’avocat n’ont pas été exposés en vain puisque les demandes n’étaient pas exclusivement fondées sur la garantie des vices cachés.

Les honoraires d’avocat n’ont pas été exposés en pure perte en première instance et en cause d’appel puisqu’il était également formé des demandes autres que la garantie des vices cachés, en partie accueillies favorablement par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 25 septembre 2015. En revanche, les honoraires (3600 euros) facturés au titre de l’analyse de l’intérêt d’un pourvoi en cassation de l’arrêt d’appel ayant retenu la prescription de l’action engagée à l’encontre de la société UGIFont été vainement engagés.

En outre, le syndicat des copropriétaires aurait été fondé à obtenir la condamnation de la société UGIF, tant en première instance qu’en cause d’appel, aux dépens comprenant les frais d’huissier de justice exposés au titre de ces procédures, justifiés pour un montant total de 2259,45 euros, outre au paiement d’une indemnité de procédure, qu’il convient d’évaluer à un montant total de 30 000 euros au vu de la demande de 74 000 euros formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile devant le tribunal de grande instance de Paris ayant rendu son jugement du 22 janvier 2013 et renouvelée devant la cour d’appel de Paris ayant statué par arrêt du 25 septembre 2015. Le préjudice de perte de chance d’obtenir l’indemnisation de ces frais est de 25 807 euros (32259,45 euros x 80%).

En revanche, les frais de syndic dont il est sollicité l’indemnisation auraient été nécessairement engagés, de même que les frais de souscription d’une assurance de dommage-ouvrage pour le suivi des travaux, dont il n’a au demeurant pas été sollicité l’indemnisation par la société UGIF. Ces frais sont donc sans lien de causalité avec la faute retenue.

La demande du syndicat des copropriétaires au titre des frais de procédure et honoraires est donc justifiée pour un montant de 29 407 euros (3 600 + 25 807).

Il convient en conséquence de condamner M. [R] à payer au syndicat des copropriétaires la somme totale de 181 049 euros (151 642 + 29 407), laquelle doit être assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision, s’agissant de l’indemnisation d’un préjudice au titre de la mise en oeuvre de la responsabilité de l’avocat, dont le principe et le montant de la créance de somme d’argent y afférent résultent non pas de la loi ou du contrat mais de l’appréciation du juge. Il y a également lieu d’ordonner la capitalisation desdits intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil.

Le jugement est donc infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

M. [R] échouant est condamné aux dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile, et à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant de nouveau,

Condamne M. [U] [R] à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] la somme de 181 049 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision, au titre de la réparation de la perte de chance d’obtenir l’indemnisation des travaux préconisés par l’expert pour supprimer les causes des désordres,

Dit que les intérêts échus, dus depuis au moins une année entière, produiront intérêts au taux légal,

Condamne M. [U] [R] à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [U] [R] aux dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

 


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