Sommaire Acquisition de l’appartement et réception de l’ouvrageLes époux [S] [X] et [E] [H] ont acquis, le 21 décembre 2016, un appartement en l’état futur d’achèvement dans la sccv Géraniums, comprenant un garage. La réception de l’ouvrage a eu lieu le 29 mars 2017, avec des réserves. Signalement des désordres et déclaration de sinistreLe locataire de l’appartement a signalé divers désordres et a quitté le logement le 3 mai 2021. Depuis, le bien n’a pas été reloué. Le syndic de la copropriété a déclaré un sinistre à l’assureur dommages-ouvrage, Zurich, le 22 février 2022, suite à des infiltrations constatées dans l’appartement. Refus de garantie et nouvelles déclarations de sinistreL’assureur a refusé sa garantie le 27 avril 2022, arguant que les désordres n’étaient pas de nature décennale. Un nouveau sinistre a été déclaré le 27 juillet 2022, suivi d’une réunion d’expertise le 25 août 2022. Les époux ont mis en demeure le syndic et l’assureur à plusieurs reprises pour réaliser les travaux et obtenir des indemnités. Assignation en justice et ordonnance du juge des référésLe 22 janvier 2024, les époux ont assigné Zurich Insurance Plc devant le juge des référés, demandant des paiements provisionnels pour leurs préjudices matériel et immatériel. Le juge a ordonné le versement de ces sommes par l’assureur dans son ordonnance du 2 avril 2024. Appel de l’assureur et contestationsZurich Insurance Plc a interjeté appel de cette ordonnance, soutenant que les époux n’avaient pas qualité pour agir et que seul le syndicat des copropriétaires pouvait le faire. L’assureur a également contesté la validité des demandes des époux, arguant qu’ils n’avaient pas effectué de déclaration de sinistre personnelle. Arguments des époux et réclamation d’indemnisationLes époux ont maintenu leur qualité à agir, affirmant que l’assurance dommages-ouvrage les couvrait pour les préjudices subis. Ils ont également soutenu que leur déclaration de sinistre était restée sans suite et que la perte de loyer était un dommage immatériel garanti. Décision de la cour d’appelLa cour a confirmé la recevabilité de l’action des époux et a réformé l’ordonnance du 2 avril 2024, condamnant Zurich Insurance Plc à verser des provisions pour les préjudices matériel et immatériel, ainsi que des intérêts de retard. L’assureur a également été condamné aux dépens d’appel et à verser une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelle est la qualité à agir des époux [S] [X] et [E] [H] dans cette affaire ?Les époux [S] [X] et [E] [H] ont qualité à agir en indemnisation du préjudice subi en raison de l’atteinte portée à la jouissance de leur lot, conformément à l’article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. Cet article stipule que : « Tout copropriétaire peut exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, à charge d’en informer le syndic. » Ainsi, même si les désordres trouvent leur origine dans les parties communes, les époux peuvent demander réparation pour les préjudices matériels et immatériels subis. En effet, l’article 31 du code de procédure civile précise que : « L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention. » Les époux justifient d’un intérêt légitime à agir, car ils sont directement affectés par les désordres dans leur appartement. Quelles sont les obligations de l’assureur dommages-ouvrage en matière de déclaration de sinistre ?L’article L242-1 du code des assurances impose à l’assureur un délai maximal de soixante jours pour notifier sa décision quant à la mise en jeu des garanties après réception de la déclaration de sinistre. Il est précisé que : « Lorsqu’il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l’assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, une offre d’indemnité. » Si l’assureur ne respecte pas ces délais, l’assuré peut engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages, et l’indemnité versée par l’assureur sera majorée d’un intérêt égal au double du taux de l’intérêt légal. Dans cette affaire, l’assureur a été notifié de la déclaration de sinistre, mais n’a pas respecté les délais, ce qui entraîne des conséquences sur son obligation de garantie. Quels sont les critères pour obtenir une provision en référé ?L’article 835 du code de procédure civile stipule que le juge des référés peut accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Il est précisé que : « Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier. » Dans le cas présent, les époux [S] [X] et [E] [H] ont justifié de leurs prétentions en fournissant des éléments probants sur l’ampleur des désordres et les préjudices subis, ce qui a conduit le juge à leur accorder des provisions. Quelles sont les conséquences du refus de garantie de l’assureur ?Le refus de garantie de l’assureur, s’il est notifié dans les délais, peut entraîner des conséquences sur le droit à indemnisation de l’assuré. L’article L242-1 du code des assurances précise que : « Lorsque l’assureur ne respecte pas l’un des délais prévus, l’assuré peut engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. » Dans cette affaire, le refus de garantie de la société Zurich a été contesté par les époux, qui ont démontré que les désordres étaient de nature à engager la responsabilité de l’assureur. Le silence de l’assureur après la notification de la déclaration de sinistre entraîne l’obligation de garantir le coût total de la remise en état de l’immeuble. Comment se calcule l’indemnisation provisionnelle du préjudice immatériel ?L’indemnisation provisionnelle du préjudice immatériel, tel que la perte de loyers, se calcule sur la base des loyers non perçus pendant la période où le logement est devenu inhabitable. Les époux [S] [X] et [E] [H] ont calculé leur perte de loyers sur 28 mois, du 1er mai 2021 au 1er octobre 2023. Le montant de l’indemnisation provisionnelle pour cette perte a été évalué à 9.758 € (697 € x 14 mois), ce qui a été retenu par le tribunal. L’assureur est donc tenu de verser cette somme à titre de provision pour le préjudice immatériel subi par les époux. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 24/01094
N° Portalis DBV5-V-B7I-HBCY
COMPAGNIE ZURICH INSURANCE PLC
C/
[X]
[H]
Loi n° 77 – 1468 du 30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le 10 décembre 2024 aux avocats
Copie gratuite délivrée
Le 10 décembre 2024 aux avocats
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 10 DÉCEMBRE 2024
Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du 02 avril 2024 rendue par le Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE
APPELANTE :
COMPAGNIE ZURICH INSURANCE AG
N° SIRET : 484 373 295
[Adresse 2]
ayant pour avocat postulant Me Gérald FROIDEFOND de la SCP B2FAVOCATS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me
Agathe LE CHIPPEY, avocat au barreau de la CHARENTE
INTIMÉS :
Monsieur [S] [X]
né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 5] (76)
[Adresse 4]
Madame [E] [H] épouse [X]
née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 7] (76)
[Adresse 4]
ayant tous deux pour avocat postulant Me Vincent LAGRAVE de la SCP LAGRAVE – JOUTEUX et pour avocat plaidant Me Damien MADOULÉ, avocats au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 14 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par acte du 21 décembre 2016, les époux [S] [X] et [E] [H] ont acquis en l’état futur d’achèvement de la sccv Géraniums la propriété d’un appartement (n° B101) avec garage (n° 9) situé [Adresse 8] [Localité 9] (Charente-Maritime), constituant les lots nos 3 et 24 de cet ensemble en copropriété.
La réception de l’ouvrage, avec réserves, est en date du 29 mars 2017.
Le locataire de l’appartement a signalé divers désordres. Il a quitté le logement le 3 mai 2021. Le bien n’est pas reloué depuis.
La société [Adresse 10], syndic de la copropriété, a déclaré le 22 février 2022 un sinistre à la société Zurich, assureur dommages-ouvrage. Les opérations d’expertise se sont déroulées les 27 mars et 20 juin 2022. Des traces d’infiltrations ont été constatées dans l’appartement n° 101.
Par courrier en date du 27 avril 2022, l’assureur dommages-ouvrage a refusé sa garantie au motif que les désordres n’étaient pas de nature décennale.
Le syndic a déclaré un nouveau sinistre le 27 juillet 2022. Une réunion d’expertise s’est tenue le 25 août 2022.
Maître [J] [U], commissaire de justice associé à [Localité 6], a sur la requête des époux [S] [X] et [E] [H] dressé le 30 août 2022 le constat de l’état de l’appartement.
Par courrier recommandé en date du 31 janvier 2023, le conseil des époux [S] [X] et [E] [H] a mis en demeure le syndic de la copropriété de faire réaliser les travaux de réparation de la toiture afin que cessent les infiltrations.
Par courrier recommandé en date du 18 septembre 2023, il a mis en demeure la société Zurich de payer aux époux [S] [X] et [E] [H] la somme de 19.516,56 € à titre de provisison. Par courrier recommandé en date du 21 novembre suivant, il a demandé paiement à titre provisionnel des sommes de 14.102,75 € et de 22.178,56 € en réparation des préjudices matériel et immatériel subis.
L’assureur dommages-ouvrage n’a pas donné suite à ces demandes.
Par acte du 22 janvier 2024, les époux [S] [X] et [E] [H] ont assigné la société Zurich Insurance Plc devant le juge des référés du tribunal judiciaire de La Rochelle. Ils ont demandé paiement à titre provisionnel des sommes de :
– 14.102,75 € à valoir sur l’indemnisation de leur préjudice matériel ;
– 25.346,99 € à valoir sur l’indemnisation de leur préjudice immatériel.
La défenderesse n’a pas constitué avocat.
Par ordonnance du 2 avril 2024, le juge des référé du tribunal judiciaire de La Rochelle a statué en ces termes :
‘Au principal RENVOYONS les parties à se pourvoir ainsi qu’elles en aviseront,
CONDAMNONS la société ZURICH INSURANCE PLC à verser à Monsieur et Madame [X] les sommes provisionnelles de :
– 14 102,75 € au titre des réparations matérielles et des intérêts,
– 25 346,99 € au titre du préjudice de jouissance,
CONDAMNONS la société ZURICH INSURANCE PLC à verser à Monsieur et Madame [X] la somme de 1.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DISONS que la société ZURICH INSURANCE supportera les entiers dépens de l’instance ;
RAPPELONS que cette décision est de droit exécutoire par provision’.
Il a considéré que :
– l’ampleur des désordres était établie par le rapport d’expertise en date du 22 mars 2022 et le procès-verbal de constat ;
– la défenderesse ne contestait pas sa qualité d’assureur dommages-ouvrage ;
– la déclaration de sinistre du 27 juillet 2022 était demeurée sans suite ;
– les demandeurs justifiaient de leurs prétentions formulées à titre provisionnel.
Par déclaration reçue au greffe le 2 mai 2024, la société Zurich Insurance Plc interjeté appel de cette ordonnance.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 septembre 2024, elle a demandé de :
‘Vu l’ordonnance rendue par le Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE,
Vu les dispositions des articles 835 du code de procédure civile,
Vu les dispositions de l’article L242-1 du code des assurances,
Vu les pièces du dossier,
‘ DECLARER recevable et bien fondé l’appel interjeté par la société ZURICH INSURANCE
‘ INFIRMER l’ordonnance rendue le 02 avril 2024 par le juge des référés près le Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE
Et, statuant à nouveau
‘ DECLARER les époux [X] irrecevables dans leur demande en l’absence de mise en cause du Syndic et du Syndicat des copropriétaires et par conséquent DEBOUTER les époux [X] de l’intégralité de leurs demandes.
‘ DECLARER que la société ZURICH INSURANCE a satisfait aux obligations légales résultant des dispositions de l’article L242-1 du code des assurances et en conséquence, DEBOUTER les époux [X] de leur demande au titre du doublement des taux d’intérêts
‘ DECLARER qu’il existe des contestations sérieuses et légitimes qui s’élèvent à leurs demandes provisionnelles et par conséquent, les en DEBOUTER
‘ CONDAMNER les époux [X] à verser à la société ZURICH INSURANCE la somme de 2000€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
‘ CONDAMNER les époux [X] aux dépens’.
Elle a soutenu que :
– les époux [S] [X] et [E] [H] n’avaient pas qualité pour agir ;
– seul avait qualité à agir le syndicat des copropriétaires ;
– les époux [S] [X] et [E] [H] ne pouvaient pas percevoir des fonds destinés à réaliser des travaux sur les parties communes ;
– l’information sur l’indemnisation perçue et son utilisation devait être délivrée par le syndic aux copropriétaires ;
– celui-ci aurait dû être mis en cause.
Elle a ajouté que :
– les époux [S] [X] et [E] [H] ne justifiaient pas d’une mise en demeure préalable ;
– son refus de garantie avait été régulièrement notifié ;
– les intimés n’avaient pas effectué personnellement de déclaration de sinistre ;
– le courrier en date du 27 juillet 2022 du syndic ne constituait pas une nouvelle déclaration de sinistre, mais était un complément de celle précédemment effectuée ;
-les pertes de loyers n’étaient pas garanties, seuls l’étant les dommages immatériels consécutifs.
Par conclusions notifiées le 19 juin 2024, les époux [S] [X] et [E] [H] ont demandé de :
‘Vu l’article 835 du CPC,
Vu les articles 1792 et suivants du Code civil,
Vu l’article L242-1 du Code des assurances,
Vu l’ensemble des pièces du dossier,
[…]
– Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du 2 avril 2024 ;
– Débouter la société ZURICH INSURANCE PLC de l’ensemble de ses demandes ;
– Condamner la société ZURICH INSURANCE PLC à payer à M. et Mme [X] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du CPC, outre les entiers (dépens) ».
Ils ont maintenu avoir qualité à agir :
– l’assurance dommages-ouvrage ayant pour objet l’ouvrage et ne garantissant pas le seul syndicat des copropriétaires ;
– le syndic ayant été mis en demeure de faire réaliser les travaux ;
– l’indemnisation sollicitée avait pour objet les dommages subis par les parties leur étant privatives.
Ils ont soutenu que :
– l’appelante n’était pas fondée à refuser sa garantie, le délai de la garantie de parfait achèvement étant expiré ;
– leur déclaration de sinistre du 27 juillet 2022 était demeurée sans suite ;
– la perte de loyer subie était un dommage immatériel consécutif, garanti.
L’ordonnance de clôture est du 9 septembre 2024.
SUR LA QUALITÉ A AGIR
L’article 31 du code de procédure civile dispose que : ‘L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé’.
L’article 122 du même code précise que : ‘Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée’.
L’article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose notamment que :
‘La collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile.
[…]
Il a pour objet la conservation et l’amélioration de l’immeuble ainsi que l’administration des parties communes.
Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires’.
L’article 15 de cette loi dispose notamment que :
‘Le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu’en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble.
Tout copropriétaire peut néanmoins exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, à charge d’en informer le syndic’.
Il résulte des dispositions précédemment rappelées qu’un copropriétaire a qualité pour agir en indemnisation du préjudice subi en raison de l’atteinte portée à la jouissance de son lot, quand bien même celle-ci trouverait son origine dans les parties communes de l’ensemble en copropriété.
Les époux [X] demandent paiement à titre provisionnel de sommes à valoir sur l’indemnisation ultérieure de leurs préjudices matériel et immatériel. Le préjudice matériel allégué a trait au coût de remise en état du logement dont ils sont propriétaires. Celui immatériel allégué est celui de jouissance. Leurs demandes ne portent pas sur les parties communes.
Ils ont, par application de l’article 15 alinéa 2 précité, qualité à agir à l’encontre de l’assureur dommages-ouvrage.
SUR LA DEMANDE DE PROVISION
L’article 835 du code de procédure civile dispose que :
‘Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire’.
L’article L 242-1 du code des assurances dispose notamment que :
‘Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l’ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l’ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l’article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l’article 1792 du code civil.
Toutefois, l’obligation prévue au premier alinéa ci-dessus ne s’applique ni aux personnes morales de droit public, ni aux personnes morales assurant la maîtrise d’ouvrage dans le cadre d’un contrat de partenariat conclu en application de l’article 1er de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, ni aux personnes morales exerçant une activité dont l’importance dépasse les seuils mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 111-6, lorsque ces personnes font réaliser pour leur compte des travaux de construction pour un usage autre que l’habitation.
L’assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l’assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat.
Lorsqu’il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l’assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d’indemnité, revêtant le cas échéant un caractère provisionnel et destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. En cas d’acceptation, par l’assuré, de l’offre qui lui a été faite, le règlement de l’indemnité par l’assureur intervient dans un délai de quinze jours.
Lorsque l’assureur ne respecte pas l’un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d’indemnité manifestement insuffisante, l’assuré peut, après l’avoir notifié à l’assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L’indemnité versée par l’assureur est alors majorée de plein droit d’un intérêt égal au double du taux de l’intérêt légal.
Dans les cas de difficultés exceptionnelles dues à la nature ou à l’importance du sinistre, l’assureur peut, en même temps qu’il notifie son accord sur le principe de la mise en jeu de la garantie, proposer à l’assuré la fixation d’un délai supplémentaire pour l’établissement de son offre d’indemnité. La proposition doit se fonder exclusivement sur des considérations d’ordre technique et être motivée.
Le délai supplémentaire prévu à l’alinéa qui précède est subordonné à l’acceptation expresse de l’assuré et ne peut excéder cent trente-cinq jours.
Il appartient aux intimés de rapporter la preuve d’une créance non sérieusement contestable détenue à l’encontre de l’appelante.
L’attestation d’assurance en date du 14 août 2015 de la société Zurich Insurance Plc mentionne, au titre de la garantie dommages-ouvrage et de celle du constructeur non-réalisateur, celle complémentaire : ‘des dommages immatériels (à l’exclusion de tout préjudice corporel) subi par le propriétaire ou l’occupant de la construction et résultant directement de l’ensemble des garanties ci-dessus’, dans la limite de 768.600 €.
Sur l’indemnisation provisionnelle du préjudice matériel
Le syndic de la copropriété a déclaré le 30 octobre 2018 un sinistre à l’assureur dommages-ouvrage, affectant l’appartement n° B101.
Le rapport d’expertise du cabinet Eurisk missionné par l’assureur dommages-ouvrage est en date du 8 janvier 2019.
L’assureur dommages-ouvrage a en suite du pré-rapport de l’expert indiqué par courrier en date du 19 décembre 2018 au syndic de la copropriété que :
‘Suite à l’envoi préalable du rapport préliminaire de l’expert EURISK CHARENTES POITOU, et en l’état actuel de notre information, nous vous faisons part de notre accord de principe quant à la mise en jeu des garanties pour les dommages suivants 1
Dommage 3 : infiltration sous carrelage de l’entrée – Appartement B101
Dommage 5 : Décollement de carrelage au niveau de l’entrée et de l’espace salle de bains
Nous demandons à l’expert de nous transmettre son rapport définitif comportant l’estimation des travaux de réfection à exécuter.
A sa réception, nous vous ferons part de notre proposition d’indemnité.
Pour les autres dommages, votre contrat ne peut trouver application pour les motifs suivants :
Le dommage 1 : Infiltration plafond cuisine sur approximativement 3dm2 et en cueillie plafond salle de bains sur environ 1dm2 – Appartement B101 n’affecte ni la solidité ni la destination de l’ouvrage.
Il (En) l’état il a uniquement été constaté des traces d’infiltrations et de dégradation sèches.
Il s’avère que le dommage trouve son origine dans le défaut de calage du bac à douche de l’appartement B201.
Or, il semble que les travaux de réparation de l’appartement B201 été réalisés pendant la garantie de parfait achèvement.
Aussi, il appartenait à l’entreprise intervenant dans le cadre de la garantie de parfait achèvement, de procéder à la réparation de la cause et des conséquences
De ce fait le contrat dommages-ouvrage ne peut trouver application.
Concernant le dommage 2 : Infiltration en bas de mur placard d’entrée – Appartement B101 il n’a pas été constaté de défaillance des constructeurs. De ce fait le contrat dommages-ouvrage ne peut trouver application’.
L’offre d’indemnisation adressée au syndic de la copropriété a été transmise par courrier en date du 9 janvier 2021. La somme de 5.189,40 € a été payée par lettre-chèque en date du 20 octobre 2020.
Un rapport complémentaire de l’expert est en date du 18 juin 2019. Une proposition d’indemnisation complémentaire du dommage n° 3 précité a été adressée par courrier en date du 11 décembre 2019 au syndic de la copropriété. Le règlement a été effectué par lettre-chèque en date du 20 octobre 2020.
Une nouvelle déclaration de sinistre a été effectuée le 15 octobre 2020 par le syndic de la copropriété. Il y est mentionné un mauvais calage de la baignoire et une dégradation du carrelage de la pièce de vie.
Le rapport d’expertise est en date du 17 novembre 2020. L’offre d’indemnisation de l’assureur dommages-ouvrage est en date du 26 novembre 2020. L’expert a considéré :
– en page 6 de son rapport que : ‘les dégradations du pourtour de la salle de bains au niveau des pieds de cloison sont consécutives à un problème de défaut de calage et de l’étanchéité de la baignoire, entraînant également un passage d’eau au niveau de l’appartement B001″ ;
– en page 8 de son rapport, s’agissant d’autres dégradations liées à des infiltrations, que : ‘Ces dégâts des eaux sont consécutifs à des problèmes de mise en oeuvre de salle de bains de l’étage supérieur (appartement B201), traités en garantie de parfait achèvement par VINCI IMMOBILIER’.
Par courrier en date du 26 novembre 2020, l’assureur dommages-ouvrage a offert au syndicat des copropriétaires une indemnisation du dommage suivant :
-D1 : Appt. B101 : défaut de calage de la baignoire, entraînant des écoulements intempestifs au niveau de l’appartement B001 et des dégradations au niveau des pieds de cloisons au pourtour e (de) la salle d (de) bains de l’appartement B101″.
Une nouvelle déclaration de sinistre a été effectuée le 20 février 2022 par le syndic de la copropriété. Un rapport préliminaire d’expertise est en date du 19 avril 2022.
Une ‘déclaration complémentaire sinistre référence 22006323″ est du 27 juillet 2022. Il a notamment été demandé d’inclure le logement B101 dans les opérations programmées de recherche de fuites. Elle est rédigée en ces termes :
‘Une expertise en recherche de fuite avez été programmé ce jour, cependant le camion de la société AFD est tombé en panne et la recherche de fuite a été reprogrammé avec le cabinet STELLIANT au 25 aout 2022 à 14h30 B101 et B201 – nous vous demandons d’inclure ces deux logements dans ce dossier.
En effet, lors du rendez-vous 30 juin 2022 des colorants avez été mis en place afin de pouvoir déjà voir des colorants ressortir lors de la recherche de fuite de ce jour.
Il s’avère que les colorants ressortent aussi dans les logements du B101 et B201.
Par conséquent, nous vous demandons de bien vouloir enregistrer notre complément de déclaration pour que nous puissions les traiter lors de la prochaine recherche de fuite’.
Dans un courrier en date du 6 février 2023 adressé au conseil des intimés, la société [Adresse 10], syndic de la copropriété, a indiqué s’agissant la déclaration de sinistre du 25 août 2022, que : ‘L’expertise a eu lieu le 25 août 2022, et depuis, nous sommes dans l’attente de recevoir le rapport d’expertise accompagné de la position de l’assurance’.
Par courrier en date du 20 octobre 2023, la société Acs Solutions a, pour le compte de la société Zurich Insurance Plc, indiqué au syndic de la copropriété que :
‘Nous faisons suite à votre courrier du 28/09/2023, nous indiquant que nous n’avons pas pris position sur votre déclaration de sinistre 08/06/2022. Nous nous permettons de vous préciser qu’un positionnement vous a bien été notifié par courrier RAR en date du 18/07/2022 aux termes duquel il vous a été proposé une indemnité provisionnelle de 300 EUR conformément à l’article L242-1 du code des assurances qui dispose que « ….L’assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l’assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat ».
La quittance provisionnelle a été signée par vos soins le 19/07/2022 et a été réglée le 21/07/2022 par chèque.
Nous vous transmettons copie des documents pour la bonne tenue de votre dossier.
Par la suite, notre expert a rendu un rapport d’expertise le 15/11/2022 suite aux investigations réalisées le 25/08/2022 avec la société AFD (sapiteur) aux termes duquel il a chiffré le montant des dommages garantis.
Nous vous adressons par courrier séparé la proposition d’indemnité complémentaire établie sur la base du rapport définitif de l’expert et qui ne vous a effectivement pas été antérieurement adressée, ce dont nous vous prions de bien vouloir nous excuser’.
Ni la déclaration de sinistre du 8 juin 2022, ni le rapport d’expertise du 15 novembre 2022, ni l’offre d’indemnisation provisionnelle n’ont été produits aux débats.
L’offre d’indemnisation a été transmise au syndic de la copropriété par courrier en date du 24 octobre 2023.
La déclaration du 27 juillet 2022, en ce qu’elle a pour objet des infiltrations affectant le logement B101 qui n’avaient pas été visées à la précédente déclaration, constitue une nouvelle déclaration de sinistre portant sur de nouveaux désordres.
L’offre d’indemnisation en date du 24 octobre 2023 a été transmise après expiration des délais de l’article L 242-1 précité.
Le conseil des appelants avait par courrier en date du 18 septembre 2023 notifié à l’appelante cet irrespect et sollicité l’indemnisation de leurs préjudices, lui indiquant notamment que :
– ‘considérant que le délai de 60 jours n’a pas été respecté vous acceptez donc la prise en charge du sinistre’ ;
– ‘considérant que la proposition d’indemnisation doit intervenir dans les 90 jours et qu’elle n’a pas été formulée votre indemnisation sera augmenter d’un intérêt au double du taux légal’ ;
– ‘Votre garantie vous engage pour les dommages immatériels’.
Le silence gardé par l’assureur entraînait pour celui-ci, à l’expiration du délai et après la notification de l’assuré, l’obligation de garantir le coût total de la remise en état de l’immeuble.
Le procès-verbal de constat du 30 août 2022 décrit les désordres et dégâts précédemment décrits par les experts d’assurance. Ils ont manifestement pour cause des infiltrations d’eau par les plafonds.
Le devis en date du 14 novembre 2023 de la société Tech-Way de réfection du logement rendue nécessaire par les infiltrations précitées, est d’un montant toutes taxes comprises de 12.410,21 €.
Il n’est ainsi pas sérieusement contestable que l’appelante est tenue du paiement de cette indemnisation, déduction à faire de l’indemnisation déjà perçue par le syndic de la copropriété, rappelée au courrier en date du 24 octobre 2023, d’un montant de 2.087,96 €.
La créance non sérieusement contestable des intimés, d’indemnisation de leur préjudice matériel, est de 10.322 € (12.410,21 – 2.087,96).
L’ordonnance sera réformée de ce chef.
Sur l’indemnisation provisionnelle du préjudice immatériel
L’offre de prêt établie par le Crédit Foncier en vue de l’acquisition des lots nos 3 et 24, produite non signée, mentionne pour destination du prêt : ‘Résidence locatif principal’.
Un compte-rendu de gestion pour la période du 1er avril au 30 juin 2021 établi par la société Foncia [Localité 6] mentionne la perception, pour le mois d’avril un loyer de 652,02 € et, du 1er au 3 mai 2021, d’un loyer de 63,10 €.
Par courriel en date du 4 octobre 2021 adressé au cabinet Eurisk, expert missionné par l’appelante, cette agence immobilière a indiqué que :
‘Comme indiquez dans notre courrier recommandé -voir copie ci-jointe – la locataire a quitté les lieux le 03 Mai 2021 –
Vous trouverez également en pièces jointes le préavis adressé par la locataire, accompagné de l’attestation d’insalubrité établie par la direction de santé publique (que nous vous avons déjà adressée).
Aux vues de ce document, le logement ne répondant plus aux caractéristiques de décence définies au décret 2002-120 du 30 janvier 2002, il nous est IMPOSSIBLE de le proposer à la relocation tant que les travaux n’auront pas été réalisés’.
Les documents mentionnés à ce courriel n’ont pas été produits.
Il résulte toutefois des photographies annexées aux divers rapports d’expertise et du procès-verbal de constat du 30 août 2022 que le logement n’est pas habitable et ne peut pas être reproposé à la location.
L’assureur dommages-ouvrage est tenu de l’indemnisation du préjudice immatériel étant résulté des désordres qu’il garantit.
La créance indemnitaire des intimés n’est pas sérieusement contestable à compter de la déclaration de sinistre du 27 juillet 2022.
Les intimés calculent leur perte de loyers sur 28 mois, du 1er mai 2021 au 1er octobre 2023. Sur une période de 14 mois (27 juillet 2022/1er octobre 2023), l’indemnisation provisionnelle de cette perte s’évalue à 9.758 € (697 x 14).
L’ordonnance sera également réformée sur ce point.
Sur les intérêts de retard
Ceux-ci seront calculés au double du taux légal à compter de la date de l’ordonnance.
SUR LES DÉPENS
La charge des dépens d’appel incombe à l’appelante.
SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Le premier juge a équitablement apprécié l’indemnité due sur ce fondement par l’appelante.
Il serait par ailleurs inéquitable et préjudiciable aux droits des intimés de laisser à leur charge les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens d’appel. Il sera pour ce motif fait droit à la demande formée de ce chef pour le montant ci-après précisé.
statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
DECLARE recevable l’action des époux [S] [X] et [E] [H] ;
CONFIRME l’ordonnance du 2 avril 2024 du juge des référé du tribunal judiciaire de La Rochelle sauf en ce qu’elle condamne la société Zurich Insurance Plc à payer aux époux [S] [X] et [E] [H] les sommes provisionnelles de :
– 14 102,75 € au titre des réparations matérielles et des intérêts ;
– 25 346,99 € au titre du préjudice de jouissance ;
et statuant à nouveau de ces chefs d’infirmation,
CONDAMNE la société Zurich Insurance Plc à payer aux époux [S] [X] et [E] [H] les sommes de :
– 10.322 € à titre de provision à valoir sur l’indemnisation ultérieure de leur préjudice matériel ;
– 9.758 € à titre de provision à valoir sur l’indemnisation ultérieure de leur préjudice immatériel ;
avec intérêts de retard calculés au double du taux légal à compter de la date de l’ordonnnace ;
CONDAMNE la société Zurich Insurance Plc aux dépens d’appel ;
CONDAMNE la société Zurich Insurance Plc à payer en cause d’appel aux époux [S] [X] et [E] [H] pris ensemble la somme de 1.800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,