Votre panier est actuellement vide !
Contexte de l’affaireLa SARL [10] exploitait un fonds de commerce de restauration sous l’enseigne “Chez Mamy” dans le [Localité 3]. Le 17 octobre 2018, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard, désignant un administrateur judiciaire et un mandataire judiciaire. Offre de reprise et liquidation judiciaireM. [H] [R] a déposé une offre de reprise le 28 avril 2019, pour le compte de la SAS [9] en constitution, qui a été améliorée le 17 janvier 2020. Cette offre a été retenue par le tribunal le 6 février 2020, et la liquidation judiciaire de la société [10] a été ordonnée le 19 février 2020. Situation des salariés et licenciementsAprès la date d’entrée en jouissance, deux salariés ont informé M. [R] qu’ils étaient en situation irrégulière en France. Cette situation a été mentionnée dans l’acte de cession du fonds de commerce signé le 26 mars 2021. La société [9] a mis fin aux contrats de travail de ces deux salariés le 14 juin 2021. Demandes de modification du plan de cessionLa société [9] a demandé la modification du plan de cession par requête du 2 septembre 2020, mais cette demande a été rejetée par jugement du 22 octobre 2020, confirmé en appel le 11 mars 2021. Une seconde demande a été déposée le 29 juillet 2021, également rejetée par le tribunal le 29 octobre 2021, jugement confirmé par la cour d’appel le 7 juillet 2022. Assignation en responsabilitéLe 29 septembre 2022, la société [9] et M. [R] ont assigné les sociétés [12] et [11] en responsabilité. Par ordonnance du 17 mai 2023, le juge a déclaré les demandes recevables, rejetant les fins de non-recevoir des défenderesses. Conclusions des partiesLa SAS [9] et M. [R] ont demandé au tribunal de condamner la société [12] à verser des sommes pour préjudice lié à la situation irrégulière des salariés. Les sociétés [12] et [11] ont demandé le débouté des demandes et la condamnation des demandeurs à payer des frais. Examen de la responsabilité de l’administrateur judiciaireLe tribunal a examiné la responsabilité de l’administrateur judiciaire, concluant que la mission de Me [O] n’incluait pas la vérification de la régularité administrative des salariés. Les demandeurs ont été déboutés de leurs demandes de responsabilité civile professionnelle. Décisions finales du tribunalLe tribunal a condamné la SAS [9] et M. [R] aux dépens et à payer 5.000 euros aux sociétés défenderesses au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’exécution provisoire du jugement a été ordonnée. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
■
1/1/2 resp profess du drt
N° RG 22/12219 – N° Portalis 352J-W-B7G-CX6UT
N° MINUTE :
Assignation du :
29 Septembre 2022
JUGEMENT
rendu le 06 Novembre 2024
DEMANDEURS
S.A.S. [9]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Monsieur [H] [R]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentés par Me Olivier CREN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0716
DÉFENDERESSES
S.E.L.A.F.A. [11], en la personne de Maître [Y] [A], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société [10], en vertu d’un jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 19 février 2020.
[Adresse 2]
[Localité 8]
SELARL [12], en la personne de Maître [Z] [O] ès qualité d’administrateur judiciaire de la société [10], en vertu d’un jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 17 octobre 2018,
Décision du 06 Novembre 2024
[Adresse 1]
N° RG 22/12219 – N° Portalis 352J-W-B7G-CX6UT
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentées par Me Valerie DUTREUILH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0479
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Monsieur Benoit CHAMOUARD, Premier vice-président adjoint
Président de formation, s
Madame Marjolaine GUIBERT, Vice-présidente
Madame Valérie MESSAS, Vice-présidente
Assesseurs,
assistés de Madame Marion CHARRIER, Greffier
A l’audience du 09 Octobre 2024
tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition
Contradictoire
en premier ressort
La SARL [10] exploitait un fonds de commerce de restauration sous l’enseigne “Chez Mamy” dans le [Localité 3].
Par jugement du 17 octobre 2018, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard et désigné:
– la société [12], prise en la personne de Maître [V] [O], en qualité d’administrateur judiciaire ;
– la société [11], prise en la personne de Maître [Y] [A], en qualité de mandataire judiciaire.
M. [H] [R] a déposé une offre de reprise le 28 avril 2019, pour le compte de la SAS [9] en constitution, offre améliorée le 17 janvier 2020. Cette offre a été retenue par le tribunal de commerce le 6 février 2020 et la liquidation judiciaire de la société [10] a été ordonnée le 19 février 2020.
Postérieurement à la date d’entrée en jouissance et à l’expiration du délai d’appel à l’encontre du jugement arrêtant le plan de cession, deux salariés ont indiqué à Monsieur [R], président de la société [9], qu’ils étaient en situation irrégulière en France. Cette situation a fait l’objet d’une mention dans le corps de l’acte de cession du fonds de commerce, signé le 26 mars 2021.
La société [9] a mis fin aux contrats de travail de ces deux salariés, Messieurs [T] et [U], le 14 juin 2021.
Par requête du 2 septembre 2020, la société [9] avait demandé la modification du plan de cession, requête rejetée par jugement du 22 octobre 2020, confirmé en appel le 11 mars 2021. Une seconde demande de modification du plan de cession a été déposée par la société [9] et Monsieur [R] par requête du 29 juillet 2021, également rejetée par le tribunal de commerce le 29 octobre 2021, jugement confirmé par la cour d’appel le 7 juillet 2022.
C’est dans ce contexte que, par acte du 29 septembre 2022, la société [9] et M. [R] ont fait assigner les sociétés [12], prise en la personne de Maître [O], en qualité d’administrateur judiciaire de la société [10], et [11], prise en la personne de Maître [A], en qualité de mandataire-liquidateur de la société [10], devant ce tribunal en responsabilité.
Par ordonnance du 17 mai 2023, le juge de la mise en état a, notamment, rejeté les fins de non-recevoir tirées du défaut d’intérêt à agir et de l’autorité de la chose jugée formulées par les sociétés défenderesses et a déclaré, en conséquence, les demandes formées par la société [9] et M. [R] recevables.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 5 octobre 2023.
Par conclusions notifiées le 28 juin 2023, la SAS [9] et M. [R] demandent, sur le fondement des articles 1240 du code civil, L. 631-12 al 3 du code de commerce et L. 8251-1 al 1er du code du travail, au tribunal de :
– condamner la société [12], prise en la personne de Me [O], à régler à la société [9] la somme de 28.720,47 euros,
– condamner la société [12], prise en la personne de Me [O], à régler à la société [9] la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
– ordonner l’exécution provisoire.
Ils exposent que la faute de Me [O] consiste dans le fait de ne pas avoir vérifié la situation des salariés de l’entreprise, d’avoir ainsi conservé deux d’entre eux en situation irrégulière et de ne pas les avoir licenciés aux frais de la procédure collective ; que le préjudice est constitué par le montant des frais engendrés par le licenciement de ces deux salariés, conséquence directe des manquements de l’administrateur judiciaire.
Par conclusions notifiées le 5 décembre 2022, les sociétés [12], prise en la personne de Me [O], et [11], prise en la personne de Me [A], demandent, sur le fondement des articles 1240 du code civil, L. 622-1 et L. 642-1 du code de commerce ainsi que L. 1224-1 et L. 8251-1 du code du travail, au tribunal de :
– débouter la société [9] et M. [R] de toutes leurs demandes,
– les condamner à payer in solidum la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rappeler l’exécution de plein droit du jugement à intervenir.
Elles exposent que la faute de l’administrateur judiciaire n’est pas caractérisée dans la mesure où il n’avait pas connaissance de la situation irrégulière de ces deux salariés ; que les dispositions légales ne le contraignent pas à un audit complet ; que le candidat repreneur n’avait émis aucune réserve dans son offre de reprise ; que les contrats de travail ont été régulièrement transférés ; que le préjudice invoqué n’est pas plus caractérisé en raison de l’aléa inhérent au plan de cession d’entreprise.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, comme le permet l’article 455 du code de procédure civile.
L’affaire a été examinée à l’audience publique collégiale du 9 octobre 2024 et mise en délibéré au 6 novembre 2024, date du présent jugement.
Sur la responsabilité de l’administrateur judiciaire
Engage sa responsabilité personnelle sur le fondement de l’article 1240 du code civil, l’administrateur judiciaire qui manque à ses obligations dans l’exécution du mandat qui lui est confié.
Dès sa désignation, les missions de l’administrateur judiciaire, organe de la procédure, s’ordonnent autour d’attributions légales et de missions confiées par le tribunal.
En application de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
S’il est établi aux termes de l’article L. 631-12 du code de commerce que l’administrateur est tenu, dans sa mission, au respect des obligations légales et conventionnelles incombant au chef d’entreprise, il convient de déterminer, dans ce cas d’espèce, si la mission de Me [Z] [O] incluait de vérifier la régularité administrative de chacun des salariés de l’entreprise [10].
En l’espèce, la Scp [12], prise en la personne de Me [Z] [O], a été désignée en qualité d’administrateur judiciaire de la Sarl [10] par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 17 octobre 2018 avec pour mission de : ” outre les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, d’assister le débiteur pour tous les actes relatifs à sa gestion “.
La mission d’assistance suppose que l’administrateur contrôle que la gestion de l’entreprise par le débiteur ne soit pas contraire à l’intérêt de l’entreprise ou de ses créanciers. Il n’a pas, en revanche, à prendre d’initiative dans l’administration de l’entreprise en redressement judiciaire.
Au jour de la désignation de Me [O] ès qualités, MM. [U] et [T] étaient salariés de la Sarl [10] suivant contrats à durée indéterminée en date, respectivement, des 29 août 2011 et 1er juillet 2016, soit depuis plus de 7 années pour l’un et deux années pour l’autre.
Dès lors, eu égard à la mission d’assistance de Me [O] ès qualités, il convient de considérer qu’en l’état, le grief allégué par M. [R] et la société [9] n’est pas établi.
Les demandeurs seront donc déboutés de toutes leurs demandes du chef de la responsabilité civile professionnelle de la société [12], prise en la personne de Me [O] ès qualités.
Sur les mesures de fin de jugement
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La société [9] et M. [R], parties perdantes, sont condamnés in solidum aux dépens.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
La société [9] et M. [R] sont condamnés in solidum à payer aux deux sociétés défenderesses la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les articles 514 et 514-1 du code de procédure civile disposent que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.
Aucun motif ne justifie en l’espèce d’écarter l’exécution provisoire de droit du présent jugement.
Les demandes plus amples ou contraires, non justifiées, sont rejetées.
Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,
DÉBOUTE la SAS [9] et M. [H] [R] de toutes leurs demandes ;
CONDAMNE in solidum la SAS [9] et M. [H] [R] aux dépens ;
CONDAMNE in solidum la SAS [9] et M. [H] [R] à payer aux sociétés [12], prise en la personne de Maître [O], en qualité d’administrateur judiciaire de la société [10], et [11], prise en la personne de Maître [A], en qualité de mandataire-liquidateur de la société [10], la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire de l’entier jugement est de droit.
Fait et jugé à Paris le 06 Novembre 2024
Le Greffier Le Président
Marion CHARRIER Benoit CHAMOUARD