Responsabilité contractuelle et obligations du vendeur dans la transaction d’un véhicule d’occasion : enjeux et conséquences

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Responsabilité contractuelle et obligations du vendeur dans la transaction d’un véhicule d’occasion : enjeux et conséquences

Contexte de la vente

Le 21 mai 2020, la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS a émis une facture de vente d’un véhicule d’occasion, une ASTON MARTIN modèle CYGNET, au nom de la SARL VRT pour un montant de 42.500 euros, montant qui a été réglé. La SARL VRT, dirigée par madame [V] (se disant [Y]) [O], est spécialisée dans le « relooking » de clients.

Problèmes d’immatriculation

La carte grise du véhicule n’a pas été remise à la SARL VRT. Un contrôle routier a révélé que le véhicule était grevé de saisies depuis 2018 et que son propriétaire enregistré était la SASU MJ AUTOMOBILE. La SARL VRT a alors demandé la délivrance de la carte grise et une indemnisation pour les préjudices subis.

Procédures judiciaires

Face à l’absence de réponse favorable, la SARL VRT et madame [O] ont assigné la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS et la SASU MJ AUTOMOBILE devant le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir la mainlevée du gage sur le véhicule et une indemnisation. La SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS a ensuite appelé en intervention la SAS IDP/I-DRIVERS.

Établissement de la carte grise

Le 3 août 2022, la carte grise a été établie au nom de la SARL VRT et remise à celle-ci. Ce développement a eu lieu dans le cadre du litige en cours.

Demandes des parties

Dans leurs conclusions du 4 avril 2023, la SARL VRT et madame [O] ont demandé la condamnation de la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS pour des fautes contractuelles, réclamant 20.000 euros pour préjudice matériel et 10.000 euros pour préjudice moral. En réponse, la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS a contesté toute faute et a demandé le rejet des demandes de la SARL VRT.

Arguments de la SARL VRT

La SARL VRT a soutenu que la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS avait vendu un véhicule dont elle n’était pas propriétaire et n’avait pas vérifié la situation administrative du véhicule, ce qui a entraîné des préjudices matériels et moraux.

Arguments de la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS

La SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS a affirmé qu’elle n’avait commis aucune faute, précisant que la vente avait été effectuée par la SAS IDP/I-DRIVERS et qu’elle n’était pas au courant des saisies sur le véhicule au moment de la vente.

Décision du tribunal

Le tribunal a constaté que la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS avait vendu un véhicule dont elle n’était pas propriétaire, ce qui constitue un manquement à ses obligations. Cependant, les demandes d’indemnisation de la SARL VRT pour préjudice moral et matériel ont été rejetées, le tribunal n’ayant pas trouvé de preuves suffisantes pour justifier ces préjudices.

Conclusion du jugement

Le tribunal a débouté la SARL VRT et madame [O] de leurs demandes, ainsi que la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS de sa demande reconventionnelle. Les dépens ont été mis à la charge de la SARL VRT et de madame [O], et chaque partie a conservé la charge de ses frais irrépétibles. L’exécution provisoire a été déclarée de droit.

Quelles sont les obligations du vendeur en matière de vente de véhicules d’occasion ?

Le vendeur d’un véhicule d’occasion a plusieurs obligations légales, notamment celles énoncées dans le Code civil. Selon l’article 1602 du Code civil, « le contrat de vente est une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer ». Cela implique que le vendeur doit garantir la possession paisible du bien vendu.

De plus, l’article 1641 du Code civil stipule que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des vices cachés de la chose vendue ». Cela signifie que le vendeur doit s’assurer que le véhicule est exempt de défauts cachés qui pourraient en diminuer l’usage.

En matière d’immatriculation, l’article R.322-5 du Code de la route impose au nouveau propriétaire de faire établir un certificat d’immatriculation à son nom dans un délai d’un mois. Le vendeur, en tant que professionnel, doit donc s’assurer que le véhicule peut être immatriculé sans problème.

Enfin, l’article 1231-1 du Code civil précise que le débiteur est condamné au paiement de dommages et intérêts en cas d’inexécution de l’obligation, ce qui inclut la non-délivrance de la carte grise.

Quels sont les recours possibles en cas de non-respect des obligations contractuelles par le vendeur ?

En cas de non-respect des obligations contractuelles par le vendeur, l’acheteur peut exercer plusieurs recours. Selon l’article 1231-1 du Code civil, l’acheteur peut demander des dommages et intérêts pour l’inexécution de l’obligation de délivrance.

L’article 1240 du Code civil permet également à l’acheteur d’agir en responsabilité délictuelle si le vendeur a commis une faute en ne respectant pas ses obligations. Toutefois, dans le cadre d’un contrat de vente, la responsabilité est généralement engagée sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

L’acheteur peut également demander la résolution du contrat, c’est-à-dire l’annulation de la vente, si les manquements sont suffisamment graves. Cela est prévu par l’article 1224 du Code civil, qui stipule que « la résolution de la convention peut être demandée en justice lorsque l’inexécution est suffisamment grave ».

Enfin, l’acheteur peut demander la mise en conformité du bien, c’est-à-dire exiger que le vendeur prenne les mesures nécessaires pour que le véhicule soit conforme aux obligations contractuelles, comme la délivrance de la carte grise.

Comment prouver le préjudice subi en cas de litige lié à la vente d’un véhicule ?

Pour prouver un préjudice dans le cadre d’un litige lié à la vente d’un véhicule, l’acheteur doit établir l’existence d’un dommage, son caractère certain et le lien de causalité avec le manquement du vendeur.

L’article 9 du Code de procédure civile impose à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention. Cela signifie que l’acheteur doit fournir des éléments de preuve tangibles, tels que des factures, des témoignages ou des rapports d’expertise, pour justifier le préjudice allégué.

Le préjudice peut être matériel, comme la perte de chiffre d’affaires due à l’impossibilité d’utiliser le véhicule, ou moral, comme l’angoisse liée à un risque de saisie. Pour le préjudice matériel, l’acheteur doit démontrer la perte de revenus par des documents comptables ou des attestations de clients.

Pour le préjudice moral, il est plus difficile de prouver l’impact émotionnel, mais des témoignages ou des rapports psychologiques peuvent être utilisés pour étayer la demande.

Enfin, le préjudice doit être actuel et certain, ce qui signifie qu’il ne doit pas être hypothétique ou futur. L’acheteur doit donc prouver que le dommage a déjà eu lieu et qu’il est quantifiable.

Quelles sont les conséquences juridiques de la vente d’un véhicule dont le vendeur n’est pas propriétaire ?

La vente d’un véhicule dont le vendeur n’est pas propriétaire entraîne des conséquences juridiques significatives. Selon l’article 1583 du Code civil, « la vente est parfaite entre les parties, et elle oblige à la chose, même sans possession ». Cependant, le vendeur ne peut céder que les droits qu’il détient.

En vertu de l’article 1626 du Code civil, « le vendeur est tenu de garantir l’acheteur contre l’éviction et les vices cachés ». Si le vendeur n’est pas propriétaire, l’acheteur peut être évincé par le véritable propriétaire, ce qui constitue un manquement aux obligations contractuelles.

L’acheteur peut alors demander la nullité de la vente sur le fondement de l’article 1671 du Code civil, qui stipule que « la vente est nulle si le vendeur n’est pas propriétaire de la chose ». Cela signifie que l’acheteur peut récupérer le prix payé et éventuellement demander des dommages et intérêts pour le préjudice subi.

De plus, le vendeur peut être tenu responsable sur le fondement de l’article 1240 du Code civil pour avoir causé un préjudice à l’acheteur en vendant un bien qu’il ne pouvait pas légalement vendre. Cela peut inclure des dommages et intérêts pour le préjudice matériel et moral subi par l’acheteur.

Quelles sont les implications de la non-délivrance de la carte grise dans le cadre d’une vente de véhicule ?

La non-délivrance de la carte grise dans le cadre d’une vente de véhicule a plusieurs implications juridiques. Selon l’article R.322-5 du Code de la route, tout nouveau propriétaire d’un véhicule doit faire établir un certificat d’immatriculation à son nom dans un délai d’un mois.

Si le vendeur ne délivre pas la carte grise, cela constitue un manquement à son obligation de délivrance, ce qui engage sa responsabilité contractuelle. L’acheteur peut alors demander des dommages et intérêts pour le préjudice subi, comme l’impossibilité d’utiliser le véhicule.

De plus, la non-délivrance de la carte grise peut exposer l’acheteur à des risques juridiques, tels que des contraventions ou des saisies, si le véhicule est toujours enregistré au nom d’un ancien propriétaire. Cela peut également affecter la valeur du véhicule et sa capacité à être revendu.

Enfin, l’acheteur peut demander la résolution du contrat sur le fondement de l’article 1224 du Code civil, si la non-délivrance de la carte grise est considérée comme une inexécution suffisamment grave des obligations du vendeur. Cela permettrait à l’acheteur de récupérer le prix payé et d’éventuels dommages et intérêts.


 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

14 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
21/09163
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

4ème chambre
2ème section

N° RG 21/09163
N° Portalis 352J-W-B7F-CUYV3

N° MINUTE :

Assignations du :
30 juin 2021
05 octobre 2021

JUGEMENT
rendu le 14 novembre 2024
DEMANDEURS

S.A.R.L. VRT
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Me Véronique GUIBERT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0278

Madame [Y] [O]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 8]

représentée par Me Véronique GUIBERT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0278

DÉFENDERESSES

Société IDP / I-DRIVERS
[Adresse 1]
[Localité 8]

défaillante

Décision du 14 novembre 2024
4ème chambre 2ème section
N° RG 21/09163 – N° Portalis 352J-W-B7F-CUYV3

S.A.S.U. MJ AUTOMOBILE
[Adresse 9]
[Localité 2]

défaillante

S.A.R.L. [Localité 10] PRESTIGE CARS
[Adresse 5]
[Localité 8]

représentée par Me Olivier LECLERE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0075

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Nathalie VASSORT-REGRENY, Vice-Présidente
Monsieur Thierry CASTAGNET, Premier Vice-Président Adjoint
Madame Emeline PETIT, Magistrate

assistés de Madame Salomé BARROIS, Greffière,

DÉBATS

À l’audience du 10 otobre 2024 tenue en audience publique devant Madame VASSORT-REGRENY, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, avis a été donné aux avocats que la décision serait prononcée le 14 novembre 2024.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition
Réputée contradictoire
En premier ressort

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 21 mai 2020, la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS a établi au nom de la SARL VRT exerçant sous l’enseigne « [Y] EN PARTICULIER » et dont la gérante est madame [V] (se disant [Y]) [O], une « facture de vente d’un véhicule d’occasion » de marque ASTON MARTIN, modèle CYGNET (« micro-citadine ») immatriculé [Immatriculation 7], pour le prix de 42.500 euros lequel a été payé par la SARL VRT.

La société [Localité 10] PRESTIGE CARS a elle-même acquis le véhicule de la SAS IDP/I-DRIVERS, le 26 mai 2020.

La SARL VRT exerce une activité dite de « relooking » qui consiste à accompagner des clients auprès de différents professionnels (coiffeurs, maisons de couture) pour leur permettre de trouver leur style.

La carte grise n’a pas été délivrée à la SARL VRT avec le véhicule. Il est apparu par la suite à la faveur d’un contrôle routier que des déclarations valant saisie avaient été inscrites sur le véhicule depuis 2018 et que le propriétaire désigné au fichier des immatriculation était la SASU MJ AUTOMOBILE.

La SARL VRT et madame [O] ont notamment par l’intermédiaire de leur conseil sollicité auprès de la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS la délivrance de la carte grise et l’indemnisation des préjudices qu’elles estiment avoir subis.

En l’absence de suite favorable et de règlement amiable du différend, la SARL VRT et madame [V] (se disant [Y]) [O] ont, suivant actes du 30 juin 2021 fait délivrer assignation à la SARL PARIS PRESTIGE CARS et à la SASU MJ AUTOMOBILE, d’avoir à comparaître devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir ordonner la mainlevée du « gage » grévant le véhicule et d’obtenir indemnisation.

Par acte du 5 octobre 2021, la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS a appelé en intervention forcée et en garantie la SAS IDP/I-DRIVERS.

Par ordonnance du 8 septembre 2022, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux affaires.

Le 3 août 2022, la carte grise du véhicule a été établie au nom de la société VRT et la lui a été remise.

C’est dans ce contexte que se présente le litige.

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 4 avril 2023 ici expressément visées, la SARL VRT et madame [V] (se disant [Y]) [O] demandent au tribunal judiciaire de Paris de :

« Vu l’article 1602 du code civil
Vu l’article 1240 du code civil 
Vu les pièces versées aux débats

JUGER que la société [Localité 10] PRESTIGE CAR a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité contractuelle.
CONDAMNER sur le fondement des articles 1602 du code civil et 1240 du code civil, la société [Localité 10] PRESTIGE CARS à payer à la société V.R.T :
• La somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts pour son trouble de jouissance et matériel
• La somme de 10.000 € pour son préjudice moral.
CONDAMNER la société [Localité 10] PRESTIGE CARS à la somme de 5.000€ sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.
DEBOUTER la société [Localité 10] PRESTIGE CARS de toutes ses demandes fins et conclusions ».

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 11 octobre 2023 ici expressément visées, la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS demande au tribunal judiciaire de Paris de :

« Vu les articles 1240, 1602 et suivants du Code civil,
Vu les pièces versées aux débats,

RECEVOIR la concluante en les présentes conclusions et l’y déclarer bien fondée,
DIRE ET JUGER que la société [Localité 10] PRESTIGE CARS n’a commis aucune faute lors de la vente de l’Aston Martin Cygnet immatriculée [Immatriculation 7],
DIRE ET JUGER que la société VRT et Madame [Y] [O] n’ont subi aucun préjudice,
En conséquence,
DEBOUTER la société VRT et Madame [Y] [O] de l’intégralité de leurs demandes formulées à l’encontre de la société [Localité 10] PRESTIGE CARS.
A défaut,
CONDAMNER la société IDP/I-DRIVERS à relever et garantir la société [Localité 10] PRESTIGE CARS de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.
Statuant sur les demandes reconventionnelles formées par la société [Localité 10] PRESTIGE CARS,
DIRE ET JUGER que la société IDP/I-DRIVERS, en dissimulant la situation administrative réelle de l’Aston Martin immatriculée [Immatriculation 7], a engagé sa responsabilité et causé à la concluante un préjudice moral direct et certain.
CONDAMNER la société IDP/I-DRIVERS à verser à la société [Localité 10] PRESTIGE CARS la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de l’atteinte à sa réputation et au préjudice d’image que lui causent ses fautes,
DIRE ET JUGER que, tant l’action en responsabilité infondée de la société VRT et de Madame [Y] [O] que leurs manœuvres abusives ont causé à la société [Localité 10] PRESTIGE CARS un préjudice moral important et une atteinte à son image,
CONDAMNER in solidum la société VRT et Madame [Y] [O] à régler à la société [Localité 10] PRESTIGE CARS la somme de 15.000 euros en réparation de ses préjudices.
CONDAMNER toute partie succombante à verser à la société [Localité 10] PRESTIGE CARS la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER toute partie succombante aux entiers dépens, dont distraction faite au profit de Maître Olivier LECLERE dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile ».

Pour un complet exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux dernières écritures régulièrement communiquées conformément aux dispositions de l’article 455 alinéa 2 du code de procédure civile.

La SAS IDP/I-DRIVERS et à la SASU MJ AUTOMOBILE n’a pas comparu en dépit du courrier adressé le 9 septembre 2021 par le secrétariat-greffe de la juridiction sur le fondement de l’article 471 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 octobre 2023.

MOTIFS

En application de l’article 472 du code de procédure civile, « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée. » Tel sera le cas en l’espèce, la SAS IDP/I-DRIVERS et la SASU MJ AUTOMOBILE n’ayant pas comparu. Le jugement sera par ailleurs réputé contradictoire par application des articles 473 alinéa 2 et 474 du code de procédure civile .

À titre liminaire, il est rappelé qu’en procédure écrite, la juridiction n’est saisie que des seules demandes reprises au dispositif récapitulatif des dernières écritures régulièrement communiquées avant l’ordonnance de clôture et que les demandes de « donner acte », visant à « constater », à « prononcer », « dire et juger » ou à « dire n’y avoir lieu » notamment, ne constituent pas des prétentions saisissant le juge au sens de l’article 4 du code de procédure civile dès lors qu’elles ne confèrent pas de droits spécifiques à la partie qui les requiert . Elles ne donneront donc pas lieu à mention au dispositif du présent jugement.

Il est également rappelé qu’en application de l’article 768 du code de procédure civile, entré en vigueur le 1er janvier 2020 et applicable aux instances en cours à cette date, « les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n’auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. »

Sur l’action en responsabilité formée à titre principal par la SARL VRT et madame [O]

À l’appui de ses demandes, la SARL VRT et madame [O] soutiennent que la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS a vendu un véhicule dont elle n’était pas propriétaire, sans opérer de vérification préalable de la situation administrative du véhicule, lequel était grevé de déclarations valant saisie, ce qui constitue de la part d’un professionnel de la vente de véhicules automobiles, des fautes.

Les parties demanderesses exposent ensuite que la SARL VRT a subi un préjudice moral résultant de l’exposition au risque de se voir saisir le véhicule et au risque de contravention. Elles sollicitent à ce titre une somme totale de 10.000 euros.

La SARL VRT et madame [O] ajoutent que la SARL VRT a en outre subi un préjudice matériel et un préjudice de jouissance résultant de l’impossibilité d’utiliser le véhicule à compter du mois de juin 2021 dans la mesure où au regard de l’activité de « relooking » qui est celle de la SARL VRT et qui consiste à accompagner des clients « select » chez de grands couturiers pour leur permettre de trouver leur style, il était impossible d’exposer la clientèle à une interpellation policière et à une immobilisation du véhicule. La SARL VRT et madame [O] ajoutent que la privation de véhicule est l’origine d’une perte de chiffre d’affaire dont elles demandent indemnisation à concurrence de 20.000 euros.

La SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS oppose que les conditions pour retenir sa responsabilité ne sont aucunement remplies. La SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS conteste ainsi toute faute dans la mesure où d’une part le véhicule a été vendu, non par elle-même mais par la SAS IDP/I-DRIVERS qui l’avait elle-même acquise de la société MJ AUTOMOBILE, dans la mesure ensuite où à la date du 9 octobre 2020, la voiture n’était grevée d’aucun gage et où elle ne savait pas à la date de la vente que le certificat d’immatriculation ne pouvait être établi au profit de la SARL VRT, enfin dans la mesure où c’est grâce à ses démarches que la carte grise a pu être établie et délivrée.

La SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS ajoute que la SARL VRT et madame [O] ne justifient d’aucun préjudice, la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS ayant continué, contrairement à ce qui est soutenu, à utiliser le véhicule comme en témoigne le nombre de kilomètres parcourus et aucune perte de chiffre d’affaire n’étant justifiée, pas plus qu’un quelconque préjudice moral.

Sur ce,

Il est à titre liminaire rappelé que le principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ne permet pas en présence d’une convention, en l’espèce un contrat de vente, de rechercher la responsabilité du cocontractant sur le fondement de l’article 1240 du code civil visé aux conclusions des parties demanderesses. Les prétentions de ces dernières seront par conséquent examinées sur le fondement des dispositions de l’article 1231-1 du code civil.

Selon l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Retenir la responsabilité contractuelle d’une partie à une convention nécessite de caractériser un manquement aux obligations contractuelles, un préjudice et un lien de causalité.

Sur les manquements

La facture de vente mentionne que le 21 mai 2020, le véhicule d’occasion de marque ASTON MARTIN, modèle CYGNET immatriculé [Immatriculation 7], est vendu à la SARL VRT pour le prix de 42.500 euros. La facture ne désigne pas expressément le nom du vendeur, la facture a néanmoins été établie sur un papier à entête de la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS avec ses coordonnées sociales et il est constant que la SARL VRT a acquis le véhicule au sein de l’établissement tenu par la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS dans [Localité 8].

Il résulte ensuite du certificat de cession que le véhicule en cause a été acquis par la SARL VRT à la SAS IDP/I-DRIVERS pour le prix de 30.000 euros. Le certificat de cession est daté du 26 mai 2020.

À rebours de ce que soutient la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS qui a donc entendu acquérir le véhicule de la SAS IDP/I-DRIVERS, c’est bien elle qui a vendu l’ASTON MARTIN, non la SAS IDP/I-DRIVERS.
Or la vente entre la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS et la SARL VRT est intervenue le 21 mai 2020 alors même que la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS n’avait pas encore acheté le véhicule à la SAS IDP/I-DRIVERS, cette vente n’intervenant que le 26 mai 2020 ; or aucune personne physique ni morale ne peut céder plus de droits qu’elle n’en détient.

La SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS qui est un professionnel du commerce automobile, ne peut légitimement prétendre ignorer cette règle élémentaire du droit civil et commercial.

En vendant un véhicule dont elle n’était pas propriétaire, la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS a comme le soutiennent les demanderesses commis un manquement.

Si la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS expose ensuite qu’à la date du 9 octobre 2020, la voiture n’était grevée d’aucun gage ou déclaration de saisie, force est de constater que la vente à la SARL VRT est intervenue plus de quatre mois avant cette date et qu’il résulte du certificat de situation administrative versé en procédure qu’à la date de celle-ci, le 21 mai 2020, une déclaration de saisie était inscrite depuis le 30 septembre 2019, celle du 16 octobre 2019 n’étant établie par aucun élément et la méconnaissance de celle du 30 juillet 2020, postérieure à la vente ne pouvant être mise au débit de la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS.

Or il est de jurisprudence constante que l’obligation de délivrance d’un véhicule s’étend aux accessoires du véhicule dont la carte grise, étant rappelé avec les parties demanderesses que l’article R.322-5 du code de la route fait obligation à tout nouveau propriétaire d’un véhicule déjà immatriculé, pour le maintenir en circulation, de faire établir dans un délai d’un mois un certificat d’immatriculation à son nom, obligation qu’en sa qualité de professionnel de la revente de véhicules automobiles d’occasion, la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS ne pouvait davantage légitimement ignorer.

Pour s’assurer de la possibilité de faire établir le certificat d’immatriculation au nom de la SARL VRT, la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS avait ensuite, comme il est soutenu en demande, obligation de s’assurer de la situation administrative du véhicule, ce qu’elle n’a pas fait. En s’abstenant de procéder aux dites vérifications, la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS a failli à ses obligations et ne peut donc légitimement soutenir qu’elle ignorait à la date de la vente que le certificat d’immatriculation ne pouvait être établi au profit de la SARL VRT.

Enfin, il résulte de la page d’accueil du site de la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS que celle-ci s’engage à se charger de l’immatriculation  du véhicule pour le compte du nouveau propriétaire, engagement que la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS n’a pas tenu, manquant de la sorte à ce dernier.

Les manquements susvisés sont donc établis à l’encontre de la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS.

Sur les préjudices

L’article 1231-1 du code civil impose de caractériser, outre un ou plusieurs manquements, un préjudice et un lien de causalité.

Le préjudice indemnisable s’entend d’un préjudice actuel et certain, la prise en compte d’un préjudice futur étant admise pour autant que celui-ci ne soit pas purement hypothétique.

Selon l’article 9 du code de procédure civile, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. »

S’agissant du préjudice moral résultant de l’exposition au risque de saisie du véhicule et au risque de contravention, force est de constater avec la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS, que ces risques ne se sont pas réalisés. Le préjudice allégué ne présente donc pas le caractère certain requis. En outre ce risque aurait de surcroît été subi par la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS au bénéfice de qui est sollicitée l’indemnisation ; or la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS est une personne morale insusceptible d’éprouver une crainte face au risque évoqué.

La SARL VRT et madame [Y] [O] seront déboutées de leur demande d’indemnisation formée au bénéfice de la SARL VRT à hauteur de 10.000 euros au titre du préjudice moral.

S’agissant du préjudice matériel et de jouissance résultant de l’impossibilité d’utiliser le véhicule à compter du mois de juin 2021, la SARL VRT et madame [Y] [O] n’établissent nullement ce fait potentiellement contredit par la communication du procès-verbal de contrôle technique en date du 2 août 2022 relevant à cette date un kilométrage de 68.761 et rappelant qu’au 29 mai 2020 (soit 8 jours après la vente litigieuse) celui-ci était de 55.543.

Le véhicule a donc rouler 13.218 kilomètres sur la période. Le préjudice résultant de l’impossibilité d’utiliser le véhicule n’est donc pas établi ; la demande d’indemnisation formée à ce titre sera rejetée.

La perte de chiffre d’affaire allégué ne résulte enfin d’aucune pièce particulièrement comptable comme l’opposen la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS.

La SARL VRT et madame [O] seront par conséquent déboutées de leur demande d’indemnisation formée à concurrence de 20.000 euros.

Sur les demandes reconventionnelles de la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS

Les préjudices moral et d’image allégués par la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS n’étant pas établis, celle-ci sera par application combinée des articles 1231-1 du code civil et 9 du code de procédure civile , déboutée de sa demande reconventionnelle formée à hauteur de 15.000 euros à ce titre.

Sur les autres demandes et sur les demandes accessoires

La SARL VRT et madame [O] ayant été déboutées de leurs prétentions, les demandes de garantie à l’égard de la SAS I-DRIVERS sont sans objet ; il n’y a lieu de statuer les concernant.

L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Par application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne, sauf considération tirée de l’équité, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l’espèce la SARL VRT et madame [O], demanderesses qui succombent en leurs prétentions principales, supporteront les dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile par maître Olivier LECLERE, avocat, la demande formée à ce titre au bénéfice du conseil de la partie succombante étant rejetée.

Plusieurs manquements de la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS à ses obligations de vendeur professionnel ayant été établi et la présente procédure ayant manifestement été nécessaire pour que la délivrance du certificat d’immatriculation intervienne, il apparaît équitable de dire que chacune des parties conservera la charge des frais irrépétibles qu’elle a pu exposer et sera déboutée de sa demande à ce titre.

Il est rappelé que l’exécution provisoire est, en vertu des articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile issus du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, de droit pour les instances dont relève le cas présent et introduites comme en l’espèce à compter du 1er janvier 2020.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal statuant conformément à la loi, publiquement, par jugement réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe le jour du délibéré :

DÉBOUTE la SARL VRT et madame [Y] [O] de leurs demandes formées à hauteur de :
-de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance et matériel
-de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

DÉBOUTE la SARL [Localité 10] PRESTIGE CARS de sa demande reconventionnelle d’indemnisation formée à hauteur de 15.000 euros ;

CONDAMNE la SARL VRT et madame [V] (se disant [Y]) [O] à supporter les dépens de l’instance ;

ACCORDE à Me Olivier LECLERE, avocat, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile et REJETTE la demande formée à ce titre au bénéfice du conseil de la partie succombante ;

DIT que chacune des parties conservera la charge des frais irrépétibles qu’elle a pu exposer et DÉBOUTE chacune d’entre elles de sa demande formée à ce titre;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes comme inutiles ou mal fondées ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à Paris, le 14 novembre 2024.

LA GREFFIÈRE
Salomé BARROIS

LA PRÉSIDENTE
Nathalie VASSORT-REGRENY


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