Madame [O] [Z] est propriétaire d’une villa à [Localité 3] et a engagé la SARL DESIGN SOLS 83 pour des travaux d’imperméabilisation de sa piscine et de son jacuzzi en 2018 et 2019, suite à des pertes d’eau. Après avoir constaté des désordres, elle a demandé une expertise judiciaire, qui a été ordonnée par le tribunal en février 2021. L’expert a rendu son rapport en juin 2022, conduisant Madame [Z] à assigner la SARL DESIGN SOLS 83 en justice pour obtenir réparation de ses préjudices. Elle réclame des sommes pour la réparation de la piscine, un préjudice de jouissance, des pertes d’eau, des dommages et intérêts, ainsi que des frais d’expertise.
La SARL DESIGN SOLS 83 conteste les demandes de Madame [Z], affirmant qu’elle n’a pas commis de faute et que les fuites proviennent d’une structure inadaptée. Elle demande également des frais au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamnation de Madame [Z] aux dépens. La procédure a été clôturée en février 2024. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_______________________
Chambre 3 – CONSTRUCTION
DU 17 Septembre 2024
Dossier N° RG 22/06133 – N° Portalis DB3D-W-B7G-JSGF
Minute n° : 2024/254
AFFAIRE :
[O] [I] épouse [Z] C/ S.A.R.L. DESIGN SOLS 83
JUGEMENT DU 17 Septembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENT : Monsieur Frédéric ROASCIO, Vice-Président, statuant à juge unique
GREFFIER lors des débats : Madame Peggy DONET
GREFFIER FF lors de la mise à disposition : Madame Evelyse DENOYELLE
DÉBATS :
A l’audience publique du 14 Juin 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Septembre 2024
JUGEMENT :
Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort
copie exécutoire à :
Me Jérôme BRUNET-DEBAINES
Me Marie-Caroline PELEGRY de la SELARL HBP
Délivrées le 17 Septembre 2024
Copie dossier
NOM DES PARTIES :
DEMANDERESSE :
Madame [O] [I] épouse [Z], demeurant [Adresse 1]
représentée par Maître Jérôme BRUNET-DEBAINES de la SCP BRUNET-DEBAINES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
D’UNE PART ;
DÉFENDERESSE :
S.A.R.L. DESIGN SOLS 83, dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Maître Marie-Caroline PELEGRY de la SELARL HBP, avocat au barreau de TOULON
D’AUTRE PART ;
Madame [O] [Z] née [I] est propriétaire d’une villa située dans [2] sur la commune de [Localité 3] et, ayant constaté des pertes d’eau de sa piscine, elle a confié en 2018 et 2019 à la SARL DESIGN SOLS 83, des travaux d’imperméabilisation du revêtement de ladite piscine et du jacuzzi, ce par trois devis acceptés.
Constatant des désordres au niveau de la piscine et du jacuzzi, par des décollements généralisés des revêtements et infiltrations, Madame [Z] a fait assigner la SARL DESIGN SOLS 83 en référé-expertise.
Par ordonnance rendue le 24 février 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan a fait droit à la demande de désignation d’un expert judiciaire, notamment chargé d’examiner les désordres.
L’expert judiciaire désigné, Monsieur [N] [C], a déposé son rapport le 13 juin 2022.
En lecture de ce rapport et suivant exploit de commissaire de justice en date du 26 août 2022, Madame [Z] a fait assigner la SARL DESIGN SOLS 83 devant le tribunal judiciaire de Draguignan aux fins de solliciter, à titre principal et sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la réparation de ses divers préjudices.
Suivant ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 novembre 2023, Madame [O] [Z] née [I] sollicite du tribunal, de :
Débouter la société DESIGN SOLS 83 de ses demandes ;
Condamner la société DESIGN SOLS 83 à lui payer les sommes suivantes :
* 23 520 euros en réparation de la piscine ;
*12 000 euros de préjudice de jouissance arrêté au 1er août 2022 outre 4000 euros par an jusqu’au parfait paiement ;
* 1200 euros de perte d’eau au 1er août 2022 outre 400 euros annuel jusqu’à parfait paiement ;
* 8000 euros de dommages et intérêts ;
* 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société DESIGN SOLS 83 aux dépens qui comprendront les frais d’expertise ;
Ordonner l’exécution provisoire.
Au soutien de ses prétentions fondées sur l’article 1231-1 du code civil, la requérante expose :
– que les trois devis avaient pour objectif de mettre un terme aux pertes d’eau si bien que la défenderesse ne peut pas prétendre qu’elle n’était pas tenue de réaliser un revêtement étanche ; que la réalisation d’une imperméabilisation est contradictoire avec l’objectif de remédier aux pertes d’eau ; qu’en outre, l’expert judiciaire note la mauvaise qualité du travail ; qu’ainsi la défenderesse a manqué à son devoir de conseil et a fourni une mauvaise qualité de travail ou un choix de matériaux totalement inappropriés ; que le revêtement utilisé est inefficace et de plus rend la piscine inutilisable, justifiant la réparation des préjudices invoqués ;
– que la défenderesse prétend qu’un produit de brossage des joints devait être appliqué mais cela n’a aucun effet sur les fuites et de plus l’information sur ce brossage est postérieure et non préalable au devis ; qu’aucun document n’a été fourni par la défenderesse au sujet du produit de brossage des émaux.
Suivant ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 septembre 2023, la SARL DESIGN SOLS 83 sollicite du tribunal de :
DEBOUTER Madame [Z] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
La CONDAMNER à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
La CONDAMNER aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la défenderesse fait valoir :
– qu’elle n’a pas manqué à son devoir de conseil et n’a commis aucune faute ;
– que la cause unique des fuites résulte selon l’expert judiciaire de la structure de la piscine non adaptée à la finition du carrelage ; qu’aucun lien de causalité n’est démontré entre la perte d’eau et la pose de la résine d’imperméabilisation ;
– que la requérante ne pourrait prétendre qu’à la remise en l’état où se trouvait l’ouvrage avant les travaux ;
– à titre subsidiaire, que le devis au prix moindre de 1128 euros TTC doit fonder la décision du tribunal ; que les autres postes de préjudice devront être ramenés à de plus justes proportions.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 19 février 2024.
Sur les demandes principales
Madame [Z] fonde ses prétentions sur l’article 1231-1 du code civil, applicable en matière contractuelle, qui dispose : « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »
En l’espèce, le rapport d’expertise judiciaire rendu le 13 juin 2022 au contradictoire des parties conclut :
que dans la piscine et dans le jacuzzi de la requérante, les carreaux sont recouverts d’une fine pellicule de couleur blanche, qui se désagrège, s’agissant d’un désordre généralisé avec une pellicule blanche restée en place sur les joints ; que, sur le seuil du déversoir, revêtu de pierres naturelles, le revêtement pelliculaire se désagrège également ; qu’il existe une infiltration active depuis le scellement de la bonde de fond du jacuzzi dans lequel il reste un fond d’eau, s’agissant de la seule fuite identifiée et il y a une perte d’eau anormale dans la piscine et dans le jacuzzi à l’arrêt ;
que la demande initiale de la requérante est de mettre un terme aux pertes d’eau et les trois devis présentés ont été établis par la défenderesse à cette fin avec pour objet une imperméabilisation des ouvrages (bac tampon, jacuzzi, piscine) ; que la défenderesse préconise une solution technique, accepte de faire les travaux mais ne s’engage pas sur l’étanchéité, ce qui est contradictoire avec l’objectif attendu par Madame [Z] de mettre un terme aux pertes d’eau et avec la définition normalisée d’une piscine, qui est un ouvrage étanche.
La requérante établit que la société DESIGN SOLS 83 a manqué à son devoir de conseil et qu’elle a réalisé des travaux inefficaces, en proposant une solution d’imperméabilisation ne pouvant manifestement remédier aux pertes d’eau constatées. La réalisation de travaux inefficaces constitue en outre un manquement à l’obligation de moyens imposée à la défenderesse.
Si la défenderesse ne s’est pas engagée à réaliser l’étanchéité des ouvrages en litige, comme le confirment les trois devis liant les parties, elle ne peut prétendre à une absence de faute de sa part alors qu’il lui appartenait de proposer la solution adaptée afin de mettre un terme aux pertes d’eau.
L’expert rappelle que la structure réalisée à la construction de la piscine ne permettait pas une finition carrelée, mais la société DESIGN SOLS 83 avait parfaitement connaissance du support sur lequel elle est intervenue. L’expert préconise une solution réparatoire consistant en la confection d’une étanchéité en recouvrement du carrelage existant sur l’ensemble de la surface du bassin et du jacuzzi. Il ne peut ainsi être soutenu par la défenderesse que le refus par Madame [Z] de lui confier des prestations d’étanchéité recouverte d’un carrelage est à l’origine des désordres alors que la société DESIGN SOLS 83, professionnelle en la matière, aurait dû proposer l’étanchéité en recouvrement du carrelage, solution d’ailleurs acceptée par la requérante après les opérations d’expertise judiciaire.
Le débat relatif au produit de brossage des joints est vain dès lors que l’expert judiciaire n’a pas conclu que l’absence de ce produit aurait eu pour effet de rendre les ouvrages étanches et qu’ainsi la société DESIGN SOLS 83 ne peut s’exonérer de sa faute contractuelle de ce chef.
La société DESIGN SOLS 83 a manqué à ses obligations contractuelles en laissant persister les pertes d’eau malgré la mission qui lui a été confiée par la requérante. Il ne peut être sérieusement soutenu une absence de lien de causalité et il sera relevé que la défenderesse discute des éléments de responsabilité extracontracuelle, alors qu’un contrat unit en réalité les parties et que les demandes adverses sont fondées sur l’article 1231-1 précité.
Sur les préjudices, la requérante est bien fondée à solliciter la réparation des conséquences de l’inexécution, outre d’éventuels dommages et intérêts conformément aux principes de la réparation contractuelle de l’article 1217 du code civil de sorte qu’il ne peut être prétendu que seule la mesure de remise en état des ouvrages peut être demandée.
Les travaux de reprise ont été évalués par l’expert judiciaire au contradictoire des parties et consistent en deux solutions différentes. La requérante se satisfait de la solution numéro 2 mais retient le devis le plus cher, alors qu’en la matière la moindre solution réparatoire doit être retenue. Le montant des travaux de reprise sera fixé à hauteur de 23 268 euros TTC correspondant au moindre des devis présentés. Le devis invoqué par la défenderesse de l’EURL NO PROBLEMO à hauteur de 1128 euros TTC (annexe 44 du rapport d’expertise judiciaire) ne permet à l’évidence pas de répondre aux préconisations de l’expert judiciaire et à empêcher les pertes d’eau à l’avenir, se contentant de procéder aux nettoyages du bassin et du jacuzzi.
Sur le préjudice de jouissance, l’expert judiciaire ne présente aucune observation quant à la période de trois années retenue par la requérante entre 2019 et 2022, sur une durée de 5 mois par an. La perte de 4000 euros sur cette durée de cinq mois par an sur la base d’une estimation d’agence immobilière apparaît cependant disproportionnée alors que la requérante relève que la piscine a été rendue totalement inutilisable sans qu’aucun élément ne vienne étayer cette affirmation. Au contraire, les photographies au rapport d’expertise judiciaire démontrent un état très correct de la piscine et du jacuzzi, malgré des pertes d’eau anormales et les décollements généralisés des carrelages décrits ci-dessus.
Le préjudice de jouissance sera plus justement estimé à hauteur de 25 % de la somme demandée, soit 1000 euros par an depuis la saison 2020, soit un total de 5000 euros sur les cinq années écoulées jusqu’à la date du présent jugement, outre la somme de 1000 euros par an jusqu’au parfait paiement des travaux de reprise.
Les pertes d’eau ont été confirmées au contradictoire des parties par l’expert judiciaire à hauteur de 400 euros par an depuis 2020, soit un total de 2000 euros sur les cinq années écoulées jusqu’à la date du présent jugement, outre la somme de 400 euros par an jusqu’au parfait paiement des travaux de reprise. Le fait de retenir la somme de 2000 euros avec un préjudice actualisé à la date du présent jugement n’a pas pour effet de statuer au-delà de la demande puisque la requérante sollicite une actualisation de son préjudice jusqu’au parfait paiement.
A l’inverse, la requérante n’établit pas suffisamment l’existence d’un préjudice distinct donnant droit à l’attribution de dommages et intérêts, en particulier un préjudice moral alors que par ailleurs la défenderesse souligne l’absence de paiement complet des prestations réalisées à hauteur de 748,50 euros, ce que l’expert judiciaire confirme.
Dès lors, la SARL DESIGN SOLS 83 sera condamnée à payer à Madame [Z] les sommes de :
* 23 268 euros TTC en réparation de la piscine, somme indexée à l’indice BT 01 entre la date du rapport d’expertise judiciaire le 13 juin 2022 et le présent jugement puis assortie des intérêts au taux légal ;
* 5000 euros au titre du préjudice de jouissance arrêté au jour du jugement, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement, puis 1000 euros par an jusqu’au parfait paiement des travaux de réparation ;
* 2000 euros au titre des pertes d’eau au jour du jugement, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement, puis 400 euros par an jusqu’au parfait paiement des travaux de réparation.
Madame [Z] sera déboutée du surplus de ses demandes principales.
Sur les demandes accessoires
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie […]. »
La SARL DESIGN SOLS 83, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens de l’instance comprenant les frais de l’expertise judiciaire déposée le 13 juin 2022.
Il résulte de l’article 700 du code de procédure civile que, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou à défaut la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à condamnation.
En l’espèce, il n’apparaît pas équitable de laisser l’ensemble de ses frais irrépétibles à la charge de Madame [Z] de sorte que la SARL DESIGN SOLS 83 sera condamnée à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le surplus des demandes de ce chef sera rejeté.
Conformément à l’article 514 du code de procédure civile dans sa version applicable aux procédures introduites depuis le 1er janvier 2020, le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.
Aucune circonstance ne justifie en l’espèce d’écarter l’exécution provisoire de droit.
Le tribunal statuant après débats en audience publique, par mise à disposition au Greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :
CONDAMNE la SARL DESIGN SOLS 83 à payer à Madame [O] [Z] née [I] les sommes de :
* 23 268 euros TTC (VINGT TROIS MILLE DEUX CENT SOIXANTE-HUIT EUROS) en réparation de la piscine, somme indexée à l’indice BT 01 entre le 13 juin 2022 et le présent jugement puis assortie des intérêts au taux légal ;
* 5000 euros (CINQ MILLE EUROS) au titre du préjudice de jouissance, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement à laquelle s’ajoutera le cas échéant la somme de 1000 euros (MILLE EUROS) par an jusqu’au parfait paiement des travaux de réparation ;
* 2000 euros (DEUX MILLE EUROS) au titre des pertes d’eau, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement à laquelle s’ajoutera le cas échéant la somme de 400 euros (QUATRE CENTS EUROS) par an jusqu’au parfait paiement des travaux de réparation.
DEBOUTE Madame [O] [Z] née [I] du surplus de ses demandes principales.
CONDAMNE la SARL DESIGN SOLS 83 aux dépens de l’instance, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire.
CONDAMNE la SARL DESIGN SOLS 83 à payer à Madame [O] [Z] née [I] la somme de 3000 euros (TROIS MILLE EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
RAPPELLE que l’exécution provisoire de droit assortit l’entière décision.
REJETTE le surplus des demandes.
Ainsi jugé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre du tribunal judiciaire de Draguignan le DIX-SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT-QUATRE.
Le greffier, Le président,