Responsabilité contractuelle et malfaçons dans l’exécution de travaux de ravalement de façade : enjeux et conséquences financières

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Responsabilité contractuelle et malfaçons dans l’exécution de travaux de ravalement de façade : enjeux et conséquences financières

Contexte de l’affaire

Monsieur [S] [P] est propriétaire d’une maison située à [Adresse 2]. Il a engagé la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT pour réaliser des travaux de ravalement de façade, selon une facture datée du 24 novembre 2020. Bien que les travaux aient été effectués, aucune réception n’a été formalisée.

Constatation des malfaçons

Monsieur [S] [P] a signalé plusieurs malfaçons, documentées par des procès-verbaux de constat établis les 8 janvier, 26 mars et 27 mai 2021. Malgré des interventions de la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT, des désordres ont persisté, incitant Monsieur [S] [P] à saisir le juge des référés.

Intervention du juge des référés

Le 5 novembre 2021, le juge des référés a désigné un expert et a ordonné à la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT de verser une provision de 1.000 euros à Monsieur [S] [P] pour son préjudice. Le rapport d’expertise a été déposé le 5 avril 2022.

Assignation en justice

Le 10 mai 2022, Monsieur [S] [P] a assigné la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT devant le tribunal. Il a demandé la reconnaissance de la responsabilité contractuelle de l’entreprise et a réclamé des indemnités pour divers préjudices, totalisant plus de 24.000 euros.

Réponse de la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT

La SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT a contesté les demandes de Monsieur [S] [P], demandant son déboutement et arguant que les préjudices invoqués excédaient ce qui était prévisible lors de la conclusion du contrat. Elle a également contesté la légitimité de certaines demandes d’indemnisation.

Constatations de l’expert

L’expert a relevé plusieurs défauts dans la réalisation des travaux, notamment des traces blanches, des fissures, et un non-respect des normes de finition. Ces désordres ont été jugés esthétiques, mais ont engagé la responsabilité de la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT.

Indemnisation des préjudices

Le tribunal a décidé d’allouer à Monsieur [S] [P] 16.840,05 euros pour la reprise des malfaçons, 500 euros pour le préjudice de jouissance, et 670 euros pour les frais de constat. Les demandes de remboursement de la facture YIL FACADE et de préjudice moral ont été rejetées.

Condamnation aux dépens

La SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT a été condamnée à payer les dépens, y compris les frais d’expertise judiciaire, et à verser 2.500 euros à Monsieur [S] [P] au titre des frais irrépétibles. L’exécution provisoire de la décision a été ordonnée.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

22 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Marseille
RG
22/05107
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

JUGEMENT N°24/
du 22 OCTOBRE 2024

Enrôlement : N° RG 22/05107 – N° Portalis DBW3-W-B7G-Z73D

AFFAIRE : M. [S] [P] (Me VAISSIERE)
C/ S.A.R.L. I.D.C. (Me [T])

DÉBATS : A l’audience Publique du 28 mai 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Présidente : Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Greffière : Madame Pauline ESPAZE

A l’issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 17 septembre 2024 prorogée au 08 octobre 2024 prorogée au 22 octobre 2024

PRONONCÉ : Par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024

Par Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Assistée de Madame Pauline ESPAZE, Greffière

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [S] [P]
né le 15 février 1965 à [Localité 3] (13)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Aude VAISSIERE, avocate au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. INGENIERIE DECOR CONCEPT (I.D.C.)
immatriculée au RCS de Marseille sous le numéro 437 740 491 00026
dont le siège social est sis [Adresse 1]
prise en la personne de son représentant légal

représentée par Maître Philippe SOUMILLE, avocat au barreau de MARSEILLE

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [S] [P] est propriétaire d’une maison sise [Adresse 2].

Suivant facture du 24 novembre 2020, a confié à la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT la réalisation de travaux de ravalement de façade.

Les travaux ont été réalisés mais aucune réception n’a été matérialisée.

Monsieur [S] [P] déclare avoir constaté de nombreuses malfaçons, qu’il a fait constater par procès-verbaux de constat des 8 janvier, 26 mars et 27 mai 2021.

La SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT a procédé à certaines reprises mais Monsieur [S] [P] a indiqué que certains désordres persistaient.

Monsieur [S] [P] a saisi le juge des référés, qui par ordonnance du 5 novembre 2021 a :
– désigné Monsieur [R] en qualité d’expert,
– condamné la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT à payer à Monsieur [S] [P] la somme provisionnelle de 1.000 euros à valoir sur son préjudice.

Le rapport a été déposé le 5 avril 2022.

*

Suivant exploit du 10 mai 2022, Monsieur [S] [P] a fait assigner la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT devant le présent tribunal.

Par conclusions notifiées par RPVA le 8 mars 2023, Monsieur [S] [P] demande au tribunal, sur le fondement des articles 1217 et 1231-1 du code civil, de :
– déclarer que la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT a manqué à ses obligations et a engagé sa responsabilité contractuelle,
– déclarer que cette faute est directement à l’origine du préjudice de Monsieur [S] [P],
– condamner la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT à payer à Monsieur [S] [P] :
– 17.840,05 euros TTC au titre des travaux de reprise avec intérêts au taux légal à compter de la présente assignation,
– 3.000 euros en remboursement de la facture YIL FACADE avec intérêts au taux légal à compter de la présente assignation,
– 2.000 euros au titre du préjudice moral,
– 1.500 euros au titre du préjudice de jouissance,
– 1.146,50 euros au titre des frais de constats d’huissier,
– dire que la provision de 1.000 euros allouée par l’ordonnance du 5 novembre 2021 viendra en déduction de ces sommes,
– condamner la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT à payer les entiers dépens, y compris les frais d’expertise judiciaire taxés à 4.735,76 euros,
– condamner la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner l’exécution provisoire du jugement.

Par conclusions notifiées par RPVA le 24 novembre 2022, la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT demande au tribunal, sur le fondement des articles 1217 et 1231-1 du code civil, de :
– débouter Monsieur [S] [P] de l’ensemble de ses demandes,
– à titre subsidiaire,
– juger que la demande de Monsieur [S] [P] excède ce qui était prévisible lors de la conclusion du contrat au regard de la nature et de l’étendue des inexécutions reprochées,
– réduire l’indemnisation de Monsieur [S] [P] dans de plus justes proportions,
– rejeter la demande formulée au titre du préjudice financier et du préjudice moral, outre au titre des frais engagés pour la sauvegarde de ses droits,
– dire n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– laisser les dépens à la charge du demandeur.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 26 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les désordres

Monsieur [S] [P] a fait dresser plusieurs procès-verbaux de constat montrant des imperfections dans la pose du revêtement de façades.

L’expert judiciaire a constaté :
– des traces blanches et auréoles sur la façade, apparues à cause du non respect des préconisations du fabriquant relatives aux températures extérieures lors de l’application de l’enduit,
– des joints ou des éléments de maçonnerie visibles à travers l’enduit, en raison d’un manque d’épaisseur de produit,
– des fissures ou micro-fissures, apparues en raison d’un séchage trop rapide et/ou d’une charge ponctuelle trop importante d’enduit,
– un non respect de l’homogénéité des sur-épaisseurs des encadrements des fenêtres et portes, à cause d’une mauvaise réalisation des travaux et d’un manque de contrôle de la finition des travaux,
– un mauvais aplomb de certains encadrements, résultant d’un défaut d’exécution de la prestation.

Les désordres sont tous de nature purement esthétique.

Sur la responsabilité de la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT

L’article 1231-1 du Code civil énonce que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

La SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT conteste sa responsabilité, indiquant avoir respecté les préconisations d’utilisation de l’enduit à la chaux, en l’espèce en ayant travaillé dans des conditions atmosphériques supérieures à 5 °C.
Elle verse aux débats des impressions du site météociel pour la période du 2 au 20 novembre 2020. Toutefois, ces impressions ne sont pas de nature à connaître les températures précises sur le lieu du chantier car les relevés sont des moyennes et ne prennent pas en compte les situations locales précises.

Par ailleurs et en tout état de cause, ces relevés ne permettent pas d’exonérer la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT de sa responsabilité contractuelle résultant du fait que le rendu de sa prestation n’est pas conforme aux règles de l’art. Les différences de couleurs sont importantes, ainsi que les manques ou surplus d’enduit. Ces derniers permettent d’engager sa responsabilité en violation de son obligation de résultat à l’égard de Monsieur [S] [P].

L’expert a également constaté le défaut d’aplomb sur les encadrements, empêchant Monsieur [S] [P] d’installer les volets roulants. Toutefois, la lecture de la facture ne mentionne pas une telle prestation.
La SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT déclare avoir accepté à titre commercial, sans facturation, de poser des plaques de polystyrène pour augmenter le dépassement des encadrements à 2 cm et de les enduire.
En l’absence de toute facturation de cette prestation non prévue contractuellement, Monsieur [S] [P] ne peut engager la responsabilité contractuelle de la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT sur ce point.

Sur l’indemnisation des préjudices de Monsieur [S] [P]

Il convient de dire à titre préalable que la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT n’est pas fondée à opposer la théorie de l’imprévision pour dire que les conséquences de sa responsabilité contractuelle dépassent ce qui était normalement prévisible lors de la signature du contrat. L’imprévision ne concerne que le volet de l’exécution du contrat et non celui de la responsabilité contractuelle.

– Sur la reprise des malfaçons

L’expert a retenu les devis produits par Monsieur [S] [P] pour la reprise de la façade, soit un devis de 16.352,50 euros TTC de la société DECOPIERE et un devis de 1.487,55 euros TTC de la même société.

Ces devis comprennent la pose d’une couche DECOFIX et la pose d’un crépis traditionnel.

La SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT conteste la légitimité d’une reprise totale de la façade. Toutefois, compte tenu des défauts relevés, il apparaît que seule la solution de reprise intégrale est acceptable.

La somme de 17.840,05 euros TTC sera allouée à Monsieur [S] [P] pour la reprise des malfaçons.

Toutefois, il convient de soustraire la somme de 1.000 euros reçue à titre de provision.

La SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT sera condamnée à payer à Monsieur [S] [P] la somme de 16.840,05 euros TTC au titre des frais de reprise, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation au fond.

– Sur le préjudice financier

Monsieur [S] [P] réclame le remboursement de la somme de 3.000 euros engagée auprès de la société YIL FACADE pour la reprise des encadrements.

Toutefois, il a été dit que la responsabilité contractuelle de la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT ne pouvait être retenue sur ce point.

Monsieur [S] [P] sera débouté de cette demande.

– Sur le préjudice moral

Monsieur [S] [P] n’apporte aucune pièce ni argumentation de nature à justifier de l’existence d’un tel préjudice.

Il sera débouté de cette demande.

– Sur le préjudice de jouissance

Le chantier de reprise va durer 4 à 5 semaines suivant l’expert. La maison restera habitable. Toutefois, il n’est pas contestable que la réalisation d’un nouveau chantier d’envergure, avec nouvelle pose d’un échafaudage, va causer à Monsieur [S] [P] un préjudice de jouissance, qu’il convient d’indemniser à hauteur de 500 euros.

– Sur les frais annexes

Monsieur [S] [P] a fait établir trois procès-verbaux de constat. Il peut être considéré que l’indemnisation d’un seul paraît justifiée, la réalisation des deux autres n’apparaissant pas devant être assumée par la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT.

La SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT sera condamnée à payer à Monsieur [S] [P] la somme de 370 euros TTC à ce titre, plus le constat de retranscription des échanges téléphoniques (300 euros TTC), soit un total de 670 euros.

Sur les demandes accessoires

L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge par décision motivée n’en mette la totalité ou une partie à la charge de l’autre partie.

La SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT succombant principalement dans cette procédure, sera condamnée aux entiers dépens.

Il doit être rappelé qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le sort de l’expertise judiciaire, qui est comprise par définition dans les dépens suivant dispositions de l’article 695 du Code de procédure civile.

Il résulte de l’article 700 du code de procédure civile que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l’Etat majorée de 50 %.

En l’espèce, il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [S] [P] la totalité des frais irrépétibles qu’il a pu engager et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Il conviendra en conséquence de condamner la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT à payer la somme de 2.500 € à Monsieur [S] [P] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, les frais de procès-verbal de constat ayant été déjà indemnisés.

En vertu de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

Aucune circonstance ne justifie qu’il soit fait obstacle au bénéfice de l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant après débats en audience publique par jugement mis à la disposition des parties au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Condamne la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT à payer à Monsieur [S] [P] :
– 16.840,05 euros TTC au titre des frais de reprise avec intérêts au taux légal à compter de la présente assignation au fond,
– 500 euros au titre du préjudice de jouissance,
– 670 euros au titre des frais de procès-verbaux de constat,

Déboute Monsieur [S] [P] du surplus de ses demandes,

Condamne la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT aux dépens, qui comprennent les frais d’expertise judiciaire,

Condamne la SARL INGENIERIE DECOR CONCEPT à payer à Monsieur [S] [P] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à écarter le bénéfice de l’exécution provisoire.

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ PAR MISE À DISPOSITION AU GREFFE DE LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE VINGT-DEUX OCTOBRE DEUX MIL VINGT QUATRE.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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