Responsabilité contractuelle et malfaçons dans la réalisation de travaux d’étanchéité : enjeux et conséquences financières pour les parties impliquées.

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Responsabilité contractuelle et malfaçons dans la réalisation de travaux d’étanchéité : enjeux et conséquences financières pour les parties impliquées.

M. [C] [M] et Mme [L] [V] épouse [M] ont engagé la SARL Expert Etanch pour des travaux d’étanchéité de terrasses, pour un montant de 10 266,11 euros TTC, avec un acompte de 4 150 euros réglé en septembre 2019. Les travaux ont été réalisés en février 2020, mais les propriétaires ont refusé de payer le solde en raison de désordres constatés. Un procès-verbal a été dressé par un huissier en novembre 2020, suivi d’une expertise amiable en juin 2021. M. et Mme [M] ont assigné la SARL Expert Etanch en octobre 2021, demandant des indemnités pour les travaux de reprise, le trouble de jouissance, et les frais de justice. La SARL Expert Etanch a contesté sa responsabilité et a formulé des demandes reconventionnelles. Le tribunal a rendu un jugement condamnant la SARL Expert Etanch à verser 16 329,24 euros à M. et Mme [M] pour les travaux, tout en déboutant les époux de leur demande d’indexation. Il a également condamné M. et Mme [M] à payer 4 937,26 euros à la SARL Expert Etanch pour le solde impayé, avec compensation entre les deux montants. Des dommages et intérêts de 1 500 euros ont été accordés aux époux pour le préjudice de jouissance, ainsi que 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les demandes supplémentaires des parties ont été rejetées.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Dijon
RG
21/02276
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
de DIJON

2ème Chambre

MINUTE N°

DU : 15 Octobre 2024

AFFAIRE N° RG 21/02276 – N° Portalis DBXJ-W-B7F-HMSW

Jugement Rendu le 15 OCTOBRE 2024

AFFAIRE :

[C] [M]
[L] [V] épouse [M]

C/

S.A.R.L. EXPERT ETANCH

ENTRE :

1°) Monsieur [C] [M]
né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 7]
de nationalité Française
Ophtalmologiste, demeurant [Adresse 4] – [Localité 6]

représenté par Me Sophie BELLEVILLE, avocat au barreau de DIJON plaidant

2°) Madame [L] [V] épouse [M]
née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 5]
de nationalité Française
Oenologue, demeurant [Adresse 4] – [Localité 6]

représentée par Me Sophie BELLEVILLE, avocat au barreau de DIJON plaidant

DEMANDEURS

ET :

La SARL EXPERT ETANCH, immatriculée au RCS de DIJON sous le numéro B 507 994 432, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 8] – [Localité 2]

représentée par Maître Edith RUDLOFF de la SCP RUDLOFF, avocats au barreau de DIJON postulant et par Maître Béatrice RUDLOFF de la SCP RUDLOFF, avocats au barreau de PARIS plaidant

DEFENDERESSE

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Madame Claire FOUCAULT, Vice-Présidente, statuant à Juge Unique, conformément aux dispositions des articles 812 et suivants du Code de Procédure Civile.

GREFFIER : Madame Catherine MORIN,

Les avocats des parties ont déposé leur dossier de plaidoirie conformément à l’article 799 du code de procédure civile ;

DEBATS :

Vu l’avis en date du 19 avril 2024 ayant fixé l’affaire à l’audience de plaidoiries à juge unique du 18 Juin 2024 date à laquelle l’affaire a été appelée en audience publique ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 30 avril 2024 ;

Le prononcé du jugement a été mis en délibéré au 15 Octobre 2024.

JUGEMENT :

– Prononcé publiquement par mise à disposition du jugement au greffe du Tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– Contradictoire
– en premier ressort
– rédigé par Claire FOUCAULT
– signé par Claire FOUCAULT, Présidente et Catherine MORIN, greffière principale, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;

Copie certifiée conforme et copie revêtue de la formule exécutoire délivrée le
à
Me Sophie BELLEVILLE
Maître Béatrice RUDLOFF de la SCP RUDLOFF
Maître Edith RUDLOFF de la SCP RUDLOFF

* * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [C] [M] et Mme [L] [V] épouse [M] sont propriétaires occupants d’une maison d’habitation située [Adresse 4] à [Localité 6].

Il ont confié à la SARL Expert Etanch la réfection de l’étanchéité de plusieurs terrasses de leur maison pour un montant de 10 266,11 euros TTC, suivant devis du 24 mai 2019 qu’ils ont accepté, et ont réglé un acompte de 4 150 euros TTC le 18 septembre 2019.

Les travaux ont été réalisés en février 2020.

M. et Mme [M] ont refusé de payer le solde des travaux, déplorant des désordres.
Le 5 novembre 2020, Maître [R], Huissier de justice, a dressé un procès-verbal constatant des désordres.

La société Aviva, assureur des demandeurs, a diligenté une expertise amiable, réalisée par M. [H] [B], qui a organisé une réunion contradictoire le 2 juin 2021.

L’expert a déposé son rapport le 22 juin 2021. Un protocole d’accord a été préparé, mais n’a pas été signé.

Par acte d’huissier du 21 octobre 2021, M. et Mme [M] ont fait assigner la SARL Expert Etanch devant le tribunal judiciaire de Dijon, au visa de l’article 1231-1 (ancien article 1147) du code civil, aux fins de :
– La condamner à leur payer la somme globale de 18 819,21 euros détaillée comme suit :
. devis SASU DB RESINE pour 11 576,40 euros TTC,
. devis JOBARD pour 5 241,91 euros TTC,
. devis QUADRI pour 2 000,90 euros TTC,
avec indexation sur la base de l’indice Insee BT01 à compter de juin 2021, date de dépôt du rapport d’expertise,
– La condamner à leur verser la somme de 11 000 euros au titre du trouble de jouissance,
– La condamner à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– La condamner aux dépens, qui comprendront les frais de constat de Maître [R],
– Prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

En ses dernières écritures notifiées le 12 janvier 2023, la SARL Expert Etanch demande au tribunal de :
– Juger qu’elle n’a pas engagé sa responsabilité contractuelle ou, pour le moins, qu’elle bénéficie de la cause d’exonération de responsabilité du fait de l’immixtion de la maîtrise d’ouvrage et de sa prise de risque,
– Juger qu’elle n’a pas été autorisée à fournir ni à poser l’équerre au niveau de la terrasse sud et les gravillons pour un montant de 306,94 euros TTC,
– Juger que M. et Mme [M] n’ont pas réglé le solde du marché de travaux à hauteur de 6 116,11 euros TTC,
– Condamner M. et Mme [M] à lui verser la somme de 5 809,17 euros TTC,
– Débouter M. et Mme [M] de l’intégralité de leurs demandes plus amples ou contraires,
– Dire que rien ne s’oppose à l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
– Condamner M. et Mme [M] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner M. et Mme [M] aux entiers dépens de l’instance.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 1er février 2023, M. et Mme [M] maintiennent leurs prétentions initiales et sollicitent du tribunal qu’il statue ce que de droit sur la demande reconventionnelle et dise que la somme allouée à ce titre se compensera avec les dommages et intérêts alloués.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, à leurs conclusions sus-visées.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 30 avril 2024.

MOTIFS

I – Sur la qualification des désordres et la responsabilité de la SARL Expert Etanch

M. et Mme [M] recherchent la responsabilité contractuelle de droit commun de la SARL Expert Etanch au motif que les travaux qui lui ont été confiés n’ont pas été exécutés dans les règles de l’art, présentent de nombreuses malfaçons et non conformités. Ils font valoir qu’en l’absence de réception, seule la responsabilité contractuelle de la SARL Expert Etanch peut être envisagée.

La SARL Expert Etanch considère ne pas avoir engagé sa responsabilité contractuelle ou, pour le moins et sur le fondement de l’article 1792 du code civil, devoir bénéficier de la cause d’exonération de responsabilité du fait de l’immixtion de Mme [M] dans la maîtrise d’ouvrage et de sa prise de risque, reprochant à M. et Mme [M] de s’être passés des services d’un architecte -auquel ils n’ont eu recours que pour le dépôt du permis de construire- et de n’avoir pas respecté un ordre dans l’intervention des différentes entreprises, portant ainsi la responsabilité des désordres, ajoutant que Mme [M] dispose d’une compétence notoire dans le suivi de l’exécution des travaux en raison de son activité de gérante de location de logements.
A titre subsidiaire, elle considère n’avoir commis aucun manquement à ses obligations contractuelles susceptible d’engager sa responsabilité.

En l’espèce, suivant devis accepté du 24 mai 2019, M. et Mme [M], propriétaires occupants depuis 2004 d’une maison individuelle, ont confié à la SARL Expert Etanch l’intégralité des travaux de réfection de l’étanchéité de plusieurs terrasses situées sur les niveaux R+1 et R+2 de leur maison, et ont constaté des désordres à la fin des travaux, qu’ils n’ont pas réceptionnés.

En conséquence, en l’absence de réception de l’ouvrage, seule la responsabilité contractuelle de la SARL Expert Etanch peut être engagée, sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil, les causes d’exonération ne pouvant relever des garanties du constructeur prévues aux articles 1792 et suivants du code civil visée par la SARL Expert Etanch.

L’article 1231-1 du code civil prévoit que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure ».

La mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle de droit commun suppose, pour le maître de l’ouvrage, de justifier de l’existence d’une faute imputable à l’entrepreneur.

L’entrepreneur est tenu, vis-à-vis du maître d’ouvrage avec lequel le contrat a été conclu, d’une obligation de résultat, celle de réaliser des travaux exempts de vices, conformes aux règles de l’art, aux stipulations contractuelles et à la réglementation en vigueur.

En l’espèce, dans son rapport rédigé le 22 juin 2021 après la réunion d’expertise amiable en présence des parties, M.[H] [B] [K], expert désigné par la compagnie d’assurance des demandeurs, relève sur les façades nord et sud, ainsi que sur le pignon, les désordres suivants :

“- Les malfaçons :
. les désordres qui affectent le revêtement étanche mis en place sur le fronton de la terrasse nord sont à l’origine des débordements d’eau relevés lors de la mise en eau (un défaut de forme dirigeant l’eau vers l’extérieur aux points bas)
. le bandeau métallique installé sur le fronton n’épouse pas la forme du support en plusieurs endroits
. le goudron déborde des bandes de revêtement posées
. absence de solin conforme au niveau de la terrasse sud ; ce défaut génère des fuites d’eau qui tachent le mur et font cloquer la peinture neuve des murs.
– Les dommages aux biens :
Ces désordres sont constitués par les coups de chalumeau qui ont brûlé la peinture des murs, notamment au niveau de la façade nord mais aussi par les traces consécutives aux écoulements d’eau sur le mur du pignon est et sur les peintures de l’extension sud.”

Dans son procès-verbal du 5 novembre 2020, Maître [R], Huissier de justice, avait également constaté des désordres, à savoir des fissures, découpes et travail peu soigneux, taches et traces d’écoulement d’eau.

L’expert considère que la responsabilité de la SARL Expert Etanch est susceptible d’être recherchée. Selon l’expert, d’une part la société Expert Etanch représentée par Mme [W], conducteur de travaux, reconnaît l’origine des dommages et souhaite un accord des parties, d’autre part, M. [G], missionné par l’assureur de la SARL Expert Etanch, intervenu à la réunion d’expertise amiable le 2 juin 2020 en qualité d’expert, précise que les désordres et dommages ne sont pas couverts par les garanties de l’assureur de la SARL Expert Etanch en raison de leur nature et des franchises des contrats.

M. et Mme [M] sollicitent la réparation de l’intégralité des dommages, y compris de nature esthétique, qu’ils estiment relever de la seule responsabilité de la SARL Expert Etanch, les travaux étant réalisés sans respecter les règles de l’art, avec des défauts dans la mise en oeuvre, outre un manque de soin dans leur réalisation.
Ils considèrent qu’en sa qualité de professionnelle, la SARL Expert Etanch avait une obligation de conseil et il lui appartenait notamment de les informer sur les difficultés liées aux modifications sollicitées, ainsi que sur les supports permettant d’assurer l’étanchéité ainsi que l’écoulement normal des eaux.

La SARL Expert Etanch réfute toute responsabilité.
S’agissant des casquettes et de l’écoulement des eaux pluviales, elle indique d’une part que le devis ne prévoyait ni la reprise de forme des casquettes existantes, ni la création d’une descente d’eaux pluviales ni le raccordement aux descentes existantes, d’autre part qu’aucune règle n’impose de donner une forme à l’ouvrage d’étanchéité sur une casquette pour l’évacuation et la rétention des eaux de pluie, sur le centre ou le côté. Elle considère que les taches le long du mur sont la conséquence du système d’évacuation des eaux

pluviales qu’elle n’avait pas pour mission de modifier, et précise que le revêtement choisi pour assurer l’étanchéité ne devait pas couvrir tout le bord de la casquette.
Elle ajoute avoir répondu à une demande de devis émanant non pas de M. et Mme [M] mais de l’architecte auquel ces derniers avaient fait initialement appel au stade des plans de conception, et n’être dès lors redevable d’aucune obligation de conseil, l’obligation étant à la charge de ce professionnel.

S’agissant de la pose avec l’acier prélaqué sur les bandeaux, elle rétorque avoir réalisé cet habillage avec des profils différents de ceux souhaités au départ par M. et Mme [M], qui se révèlent plus esthétiques et plus couvrants que ceux initialement commandés, et précise que tous les profils sont prémoulés droits et nécessitent d’être chauffés et contraints pour épouser la forme de la casquette.
Elle conclut qu’aucun désordre n’est à déplorer dès lors que la prestation est d’une qualité supérieure à celle prévue dans le devis et que l’étanchéité est assurée.

S’agissant de l’absence de solin sur la façade sud, elle reconnaît que conformément aux préconisations de l’expert et au devis, une équerre devait être posée.

S’agissant de la crapaudine, elle fait observer que le devis ne comprenait pas la fourniture de crapaudine pour les exécutoires, de sorte qu’elle ne saurait être redevable de la fourniture d’une crapaudine adaptée.

S’agissant des traces de chalumeau sur la façade nord, elle fait valoir que le devis ne prévoyait aucune protection des existants dans la mesure où elle devait intervenir avant le ravalement, afin de ne pas abîmer les enduits. Elle considère que la responsabilité incombe à M. et Mme [M], qui ont choisi de débuter le chantier par le ravalement de façade, avant les travaux d’étanchéité, sans modifier le descriptif des travaux alors qu’il aurait fallu ajouter les protections dans le devis. Elle rappelle à cet égard qu’en s’immisçant dans la conduite des travaux et en se dispensant d’architecte, Mme [M], qui a une compétence notoire dans le suivi de l’exécution des travaux en raison de son activité de gérante de location de logements, a pris des risques dont elle doit assumer la responsabilité.

S’agissant des traces de coulure d’eau sur le mur de la façade est, la SARL Expert Etanch considère que M. et Mme [M] ne rapportent pas la preuve que la coulure d’eau est postérieure aux travaux d’étanchéité. En ce qui concerne la trace de coulure d’eau sur le mur de la façade sud, elle reconnaît que cette coulure est liée à l’absence d’équerre, mais estime M. et Mme [M] responsables dans la mesure où ils ne l’ont pas laissée terminer les travaux.

Le devis du 24 mai 2019 détaillant les travaux de réfection d’étanchéité à réaliser sur la terrasse gravillon avant R+1, sur la terrasse gravillon arrière R+1, sur la casquette R+1, ainsi que sur la terrasse inaccessible R+2, prévoyait notamment :
“- mise en recette de l’étanchéité existante, nettoyage, traitement des fissures, pontage, préparation à recevoir le nouveau complexe d’étanchéité, conformément au DTU 43.5
– délardage des relevés existants
– fourniture et pose d’un complexe d’étanchéité bicouche antiracinaire
– relevés d’étanchéité autopro alu avec équerre de renfort
– fourniture et pose de solin alu 10/50 avec joint mastic en protection des relevés d’étanchéité

– fourniture et pose de naissance EP plomb
– fourniture et pose de couvertine, en zinc sur fonçure bois pour la terrasse avant R+1, en acier galvanisé laqué pour la terrasse arrière R+1 et la terrasse R+2
– étanchéité résine type flashing au niveau du seuil
– reprise étanchéité de la casquette R+1, délardage de l’existant, fourniture et pose de membrane, fourniture et pose de profil alu en nez de dalle
– fourniture et pose d’isolant mousse polyuréthane 60mm en surface courante pour la terrasse arrière R+1 et la terrasse R+2
– fourniture et pose d’un trop plein, compris carottage, pour la terrasse R+2.”

Les travaux, conformément à l’intitulé du devis, portaient sur la réfection des terrasses et leur étanchéité. La SARL Expert Etanch devait par conséquent prévoir les interventions et matériaux en fonction de l’existant et des exigences d’étanchéité, avec nécessairement un procédé d’évacuation des eaux performant. Le devis fait d’ailleurs référence à ces évacuations en prévoyant notamment un poste “fourniture et pose de naissance EP plomb”, EP étant l’abréviation des eaux pluviales.
Dans la mesure où M. et Mme [M] se sont passés des services d’un architecte après dépôt du permis de construire, ce qui est leur droit et ne saurait leur être reproché, la SARL Expert Etanch avait une obligation renforcée de conseil à leur égard, ces derniers étant présumés novices, étant précisé que l’activité de gestion de location de logement de Mme [M] ne lui confère pas de compétences professionnelles et techniques dans la construction. Or, la SARL Expert Etanch n’apporte pas la preuve d’avoir informé M. et Mme [M] sur les risques de procéder au ravalement avant les travaux d’étanchéité, sauf à ajouter des protections, ce qui paraît la moindre des précautions.
Elle reconnaît avoir pris l’initiative de réaliser l’habillage avec des profils différents de ceux souhaités au départ par M. et Mme [M], qui se révèlent plus esthétiques et plus couvrants que ceux initialement commandés, également plus onéreux, confirmant ainsi avoir parfois exercé son devoir de conseil.
La fourniture de la crapaudine, bien que non précisée dans le devis, paraît essentielle pour faciliter l’évacuation de l’eau en bloquant les feuilles mortes, et participer à l’objectif du chantier. Il lui appartenait de fournir une crapaudine adaptée.

Il ressort des pièces versées au débat que l’étanchéité n’est pas totalement assurée, l’évacuation des eaux pluviales n’est pas assurée correctement, l’eau ne rejoignant pas les émissaires prévus à cet effet sur toutes les façades, se déversant sur le mur des façades est et sud et créant des traces de coulure. La mise en eau de la zone extérieure de la terrasse nord, le jour de l’expertise, a également confirmé le défaut de la forme du revêtement, l’eau tombant et se répandant sur les escaliers et la cour au niveau de l’entrée principale de la maison.
En outre, la qualité des prestations fait également défaut. Maître [R], huissier de justice, observe que le travail n’est pas soigneux. Le procès-verbal du 5 novembre 2020 fait état de traces de chalumeau sur le crépi, d’irrégularités de découpe du revêtement au niveau du bandeau, particulièrement visibles.
Il fait également état d’une tache s’étendant sur quatorze lattes de la terrasse en teck côté sud, qui pourrait, selon les déclarations de Mme [M], être due aux produits utilisés par les ouvriers pour nettoyer leurs outils. Ces traces ont vraisemblablement été nettoyées car l’expert n’en fait pas état en juin 2021.
Ce manque de soin évident constitue une faute et relève de la seule responsabilité de La SARL Expert Etanch.

Par conséquent, en n’effectuant pas des travaux exempts de vices et conformes aux règles de l’art et aux stipulations contractuelles, la SARL Expert Etanch a commis une faute à l’origine des dommages et est entièrement responsable, en l’absence d’une cause d’exonération, en l’espèce la faute de la victime n’étant pas caractérisée. Elle sera par conséquent tenue de réparer les préjudices qui en résultent.

II- Sur l’indemnisation des préjudices

Selon l’article 1217 du Code civil, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté ou l’a été imparfaitement, peut :
– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
– obtenir une réduction du prix ;
– provoquer la résolution du contrat ;
– demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.

En vertu de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

En outre, l’article 1231-2 dispose que les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé.

Enfin, le préjudice doit être réparé intégralement, sans perte ni profit.

1- Sur les demandes au titre des travaux de reprise

M. et Mme [M] sollicitent le paiement de la somme globale de 18 819,21 euros correspondant aux devis de trois entreprises pour la réfection des terrasses et casquettes (devis SASU DB RESINE pour 11 576,40 euros TTC), le remplacement des couvertines et retombées de murs (devis JOBARD pour 5 241,91 euros TTC) et de reprise de plâtrerie peinture façade (devis QUADRI pour 2 000,90 euros TTC), avec indexation sur la base de l’indice Insee BT01 à compter de juin 2021, date de dépôt du rapport d’expertise.
Ils affirment que si la réparation des désordres impose des prestations non prévues initialement, le coût de ces prestations complémentaires doit être inclus sans que puisse être invoqué l’enrichissement sans cause.

La SARL Expert Etanch s’oppose à une indemnisation qu’elle juge excessive, rappelant que l’expert proposait dans le protocole d’accord, après compensation, de laisser à la charge de la SARL Expert Etanch un solde de 3 410 euros, et non la somme de 18 819,21 euros représentant les trois devis. Elle considère qu’une telle somme à titre de réparation des dommages est disproportionnée, les devis prévoyant des travaux démesurés dans leur ampleur, notamment la reprise des façades, et employant des équipements et matériaux plus onéreux.

Conformément à la jurisprudence constante, le principe de réparation intégrale du préjudice implique que le maître de l’ouvrage soit replacé dans une situation aussi proche que possible de la situation qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s’était pas produit, sans perte ni profit.

En l’espèce, les devis produits par M. et Mme [M] seront pris en compte et serviront de base pour évaluer le préjudice effectif, l’expert amiable considérant que “les préjudices pourraient être la somme des devis produits par M. et Mme [M]”, ce qui a servi de base de discussion pour le protocole d’accord, non suivi d’effet . Il convient de relever que les trois devis, établis en 2021, sont soumis à une TVA à 10 % , tandis qu’en 2019 la TVA était à 5 %.

S’agissant des travaux de réfection des terrasses et casquettes, il convient de retenir le montant du devis de la SASU DB RESINE du 5 avril 2021, soit 11 576,40 euros TTC.

S’agissant des travaux de reprise de la façade, il paraît opportun de privilégier une reprise de l’intégralité des deux façades, conformément au devis de la société QUADRI, un raccord risquant d’être insuffisant et de ne pas donner un résultat homogène. Il convient par conséquent de retenir le montant du devis de cette société, soit la somme de 2 000,90 euros TTC.

S’agissant du remplacement des couvertines et retombées de mur, l’utilisation du zinc naturel, matériel plus onéreux que l’acier ou l’alu, constitue un choix non nécessaire à la réparation du dommage, qui devra rester à la charge de M. et Mme [M]. Il convient en conséquence de retenir le montant du devis de l’EURL Jobard, avec toutefois un abattement de 50 % sur ces postes d’habillage, à savoir la somme de 2 501,77 euros HT [119,78 + (2 392,27 x 50%) + (494,17 x 50%) + 118,42 + (1 257,98 x 50%) + 382,75], soit 2 751,94 euros TTC.

En conséquence, il sera alloué à M. et Mme [M] la somme de 16 329,24 euros TTC.

Dans la mesure où les époux [M] indiquent eux-mêmes que les travaux de reprise ont été réalisés en novembre 2021, il n’y a pas lieu d’actualiser la somme.
Il convient de les débouter de leur demande d’actualisation de cette somme en fonction de l’évolution de l’indice BT01 depuis juin 2020, date du rapport d’expertise amiable, et jusqu’au jour de la présente décision.

2- Sur le préjudice de jouissance

M. et Mme [M] sollicitent la somme de 500 euros par mois, soit 11 000 euros, du procès-verbal de l’huissier de novembre 2020 jusqu’à novembre 2021, date des travaux de réfection. Ils estiment avoir subi un préjudice de jouissance, notamment en raison des coups de chalumeaux sur la peinture mais également des écoulements d’eau sur plusieurs parties de la maison, préjudice d’autant plus important qu’il concerne une propriété de qualité.

La SARL Expert Etanch s’oppose à titre principal à cette demande, au motif que les coulures d’eau et la trace de chalumeau ne constituent pas un trouble de jouissance, et subsidiairement fait valoir que le quantum sollicité est excessif.

En l’espèce, eu égard aux désordres et aux désagréments liés aux travaux ainsi qu’à leurs conséquences, les époux [M] ont subi un préjudice direct et certain.

En conséquence, cette situation justifie la condamnation de la SARL Expert Etanch à payer à M. et Mme [M] une somme de 1 500 euros au titre de l’indemnisation de leur préjudice.

3- Sur la demande reconventionnelle de La SARL Expert Etanch

La SARL Expert Etanch sollicite le paiement de la somme de 4 937,26 euros TTC correspondant au solde de son marché. M. et Mme [M] ne s’y opposent pas et proposent d’indiquer que cette somme viendra en compensation des sommes qui leur sont allouées.

En conséquence, il y a lieu de condamner M. et Mme [M] à payer la somme de 4 937,26 euros TTC à la SARL Expert Etanch et de prévoir au dispositif de la présente décision qu’elle viendra en déduction des sommes allouées à M. et Mme [M] au titre des travaux de reprise.

C- Sur les demandes accessoires

La SARL Expert Etanch, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens de la présente instance.

Il ne serait en outre pas équitable de laisser à la charge de M. et Mme [M] l’intégralité des frais irrépétibles qu’ils ont dû avancer pour voir consacrer leurs droits.

La SARL Expert Etanch sera en conséquence condamnée à payer à ces derniers la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, qui incluera les frais de constat de Maître [R], non compris dans les dépens.

Enfin, il convient de rappeler qu’en application des dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, le présent jugement est exécutoire par provision.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

– Condamne la SARL Expert Etanch à payer à M. et Mme [M] la somme de 16 329,24 euros TTC (seize mille trois cent vingt-neuf euros et vingt-quatre centimes) au titre des travaux de reprise ;

– Déboute M. et Mme [M] de leur demande d’indexation de cette somme sur la base de l’indice Insee BT01 à compter de juin 2021, date de dépôt du rapport d’expertise ;

– Condamne M. et Mme [M] à payer à la SARL Expert Etanch la somme de 4 937,26 euros TTC (quatre mille neuf cent trente-sept euros et vingt-six centimes) au titre du solde impayé ;

– Dit que cette somme de 4 937,26 euros TTC viendra en compensation de la somme de 16 329,24 euros TTC due par la SARL Expert Etanch aux époux [M] ;

– Condamne la SARL Expert Etanch à verser à M. et Mme [M] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance ;

– Condamne la SARL Expert Etanch aux dépens ;

– Condamne la SARL Expert Etanch à payer à M. et Mme [M] la somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

En foi de quoi le présent jugement a été signé par le Greffier et la Présidente.

Le Greffier La Présidente


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