Responsabilité contractuelle et malfaçons dans la réalisation de travaux de clôture : enjeux et conséquences financières

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Responsabilité contractuelle et malfaçons dans la réalisation de travaux de clôture : enjeux et conséquences financières

Contexte de l’affaire

Le 27 octobre 2020, M. [J] [N] a engagé M. [Y] [R] pour la pose d’une clôture et de plantations sur son terrain, pour un montant de 7.732,50 euros. Les travaux ont été achevés et M. [R] a émis une facture le 1er décembre 2020, réglée par M. [N] le 14 décembre 2020.

Découverte des malfaçons

Après l’achèvement des travaux, M. [N] a constaté des désordres et malfaçons. Il a obtenu, par ordonnance de référé du 25 avril 2022, la désignation d’un expert, M. [C], qui a déposé son rapport le 11 avril 2023. M. [N] a ensuite saisi le tribunal judiciaire de Bordeaux le 30 mai 2023 pour une action indemnitaire contre M. [R].

Arguments de M. [N]

M. [N] demande la reconnaissance d’une réception tacite au 14 décembre 2020 et la condamnation de M. [R] à lui verser 15.579,63 euros pour des travaux de reprise, ou à défaut 7.538,85 euros, ainsi que 3.000 euros pour préjudice moral. Il invoque les articles 1792 et 1231-1 du code civil.

Responsabilité de M. [R]

Selon l’article 1792 du code civil, tout constructeur est responsable des dommages non apparents pendant dix ans après la réception. Toutefois, M. [R] conteste avoir réalisé un ouvrage au sens de cet article. Les constatations de l’expert montrent que la clôture n’est pas conforme aux normes de construction, n’ayant pas de fondations adéquates.

Constatations de l’expert

L’expert a relevé plusieurs défauts dans la construction, notamment une clôture déformée, un portillon défectueux et des fixations inappropriées. Ces éléments démontrent que M. [R] n’a pas respecté son obligation de résultat, entraînant un préjudice pour M. [N].

Décision du tribunal

Le tribunal a rejeté la demande principale de M. [N] pour la somme de 15.579,63 euros, considérant qu’elle excédait le principe de réparation intégrale. Il a accordé la somme subsidiaire de 7.538,85 euros pour la reprise des travaux, avec indexation, et a débouté M. [N] de sa demande d’indemnisation pour préjudice moral.

Condamnation de M. [R]

M. [R] a été condamné à verser 1.000 euros à M. [N] pour les frais irrépétibles et à supporter les dépens, y compris les frais de référé et d’expertise. Le jugement est exécutoire par provision.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelle est la nature de la responsabilité engagée dans ce litige ?

La responsabilité engagée dans ce litige est principalement de nature contractuelle, fondée sur les articles 1792 et suivants du Code civil, qui régissent la responsabilité des constructeurs.

Selon l’article 1792 du Code civil, « tout constructeur d’un ouvrage est, pendant dix ans à compter de la réception, responsable de plein droit envers le maître de l’ouvrage des dommages non apparents à réception qui compromettent sa solidité ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou d’équipement, le rendent impropre à sa destination. »

Cette responsabilité décennale est applicable lorsque les désordres affectent les ouvrages réalisés par le constructeur. Toutefois, dans ce cas précis, le tribunal a constaté que les travaux réalisés par M. [R] ne constituaient pas un ouvrage au sens de l’article 1792, car la clôture et le portillon n’étaient pas fixés de manière durable et ne respectaient pas les règles de l’art.

En conséquence, la responsabilité de M. [R] a été recherchée sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil, qui stipule que « le débiteur est tenu de réparer le préjudice causé par son inexécution. »

Ainsi, M. [R] est tenu de réparer le préjudice de M. [N] en raison de la non-conformité des travaux réalisés, ce qui engage sa responsabilité contractuelle.

Quelles sont les conséquences de la réception tacite des travaux ?

La réception tacite des travaux a des conséquences importantes sur la responsabilité du constructeur. Selon l’article 1792-6 du Code civil, la réception tacite est définie comme « la prise de possession de l’ouvrage dans des conditions non équivoques. »

Dans le cas présent, M. [N] a sollicité la constatation d’une réception tacite au 14 décembre 2020, date à laquelle il a réglé la facture émise par M. [R]. Cependant, le tribunal a jugé que l’absence d’ouvrage conforme rendait cette constatation inutile.

En effet, la réception tacite implique que le maître de l’ouvrage accepte l’ouvrage tel qu’il est, ce qui n’est pas le cas ici, car les désordres et malfaçons étaient apparents après l’achèvement des travaux.

Ainsi, la constatation d’une réception tacite n’a pas d’impact sur la responsabilité de M. [R], car les travaux ne répondent pas aux exigences de qualité et de conformité, et la responsabilité de M. [R] est engagée sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil.

Quels sont les critères pour établir la responsabilité du constructeur ?

Pour établir la responsabilité du constructeur, plusieurs critères doivent être pris en compte, notamment la nature des travaux réalisés, la conformité aux règles de l’art et l’existence de désordres.

Selon l’article 1792 du Code civil, la responsabilité décennale du constructeur est engagée lorsque des dommages non apparents compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination.

Dans ce litige, le tribunal a constaté que les travaux réalisés par M. [R] ne constituaient pas un ouvrage au sens de l’article 1792, car la clôture et le portillon n’étaient pas fixés de manière durable et ne respectaient pas les normes de construction.

De plus, l’expert a relevé plusieurs malfaçons, telles que la déformation de la clôture, l’absence de fondation, et des problèmes de fonctionnement du portillon. Ces éléments démontrent que M. [R] n’a pas respecté son obligation de résultat, ce qui engage sa responsabilité contractuelle.

Ainsi, la responsabilité du constructeur est établie par la constatation de désordres, l’absence de conformité aux règles de l’art, et le non-respect des obligations contractuelles.

Quelles sont les implications de la demande d’indemnisation pour préjudice moral ?

La demande d’indemnisation pour préjudice moral implique que le demandeur doit prouver l’existence d’une atteinte à ses sentiments, son honneur, sa considération ou sa réputation.

Dans le cas présent, M. [N] a sollicité une indemnisation de 3.000 euros pour préjudice moral, mais le tribunal a débouté cette demande en raison de l’absence de toute démonstration d’une atteinte à ses droits ou à son intégrité morale.

Le tribunal a souligné que l’expert judiciaire n’avait pas évoqué de risque d’effondrement, ce qui aurait pu justifier une telle demande.

Ainsi, pour qu’une demande d’indemnisation pour préjudice moral soit acceptée, il est nécessaire de fournir des preuves tangibles de l’impact émotionnel ou psychologique des désordres sur la personne concernée.

En l’absence de telles preuves, la demande d’indemnisation pour préjudice moral est susceptible d’être rejetée, comme cela a été le cas dans cette affaire.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

11 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Bordeaux
RG
23/04584
N° RG 23/04584 – N° Portalis DBX6-W-B7H-X3UW

7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 11 DÉCEMBRE 2024
54G

N° RG 23/04584
N° Portalis DBX6-W-B7H- X3UW

Minute n°2024/

AFFAIRE :

[J] [N]
C/
[Y] [R]

Grosse Délivrée
le :
à
Me Sara BELDENT
Me Camille VALDES de la SCP KAPPELHOFF LANCON VALDES

1 copie M. [C], expert judiciaire

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats :

Monsieur TOCANNE, Magistrat Honoraire Juridictionnel, Magistrat rapporteur,

Lors du délibéré :

Madame MURE, Vice-Président, Président de la 7ème Chambre Civile,
Madame BOULNOIS, Vice-Président,
Monsieur TOCANNE, Magistrat Honoraire Juridictionnel,

Lors des débats et du prononcé :

Madame GUILLIEU, Adjointe administrative assermentée faisant fonction de Greffier lors des débats,
Monsieur ROUCHEYROLLES, Greffier lors du prononcé,

DÉBATS :

à l’audience publique du 23 Octobre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 11 Décembre 2024

Monsieur TOCANNE, magistrat chargé du rapport, a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.

JUGEMENT :

Contradictoire
En premier ressort
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe

DEMANDEUR

Monsieur [J] [N]
né le 28 Juillet 1971 à [Localité 5] (VAR)
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 2]

représenté par Me Camille VALDES de la SCP KAPPELHOFF-LANCON-VALDES, avocat au barreau de BORDEAUX (avocat postulant)
représenté par Me Laura SOULIER de la SCP RSG AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE (avocat plaidant)

DÉFENDEUR

Monsieur [Y] [R] entrepreneur individuel
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]

représenté par Me Sara BELDENT, avocat au barreau de BORDEAUX

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 27 octobre 2020, M. [J] [N] a, selon devis accepté, confié à M. [Y] [R] la pose d’une clôture et de plantations sur son terrain, [Adresse 3] et ce pour un montant de 7.732,50 euros.

Après achèvement des travaux, M. [R] a émis une facture le 1er décembre 2020 qui a été soldée par M. [N] le 14 décembre 2020.

Se plaignant de la découverte de désordres et malfaçons, M. [N] a obtenu, par ordonnance de référé du 25 avril 2022, la désignation d’un expert en la personne de M. [C] qui a déposé son rapport le 11 avril 2023.

Par acte du 30 mai 2023, M. [N] a saisi le tribunal judiciaire de Bordeaux d’une action indemnitaire dirigée contre M. [R] sur le fondement principal des articles 1792 et suivants du code civil et subsidiaire de l’article 1231-1 du même code.
N° RG 23/04584 – N° Portalis DBX6-W-B7H-X3UW

Vu les conclusions récapitulatives notifiées le 26 avril 2024 par M. [N],

Vu les conclusions récapitulatives notifiées le 24 avril 2024 par M. [R],

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 20 septembre 2024 et l’affaire fixée pour plaidoiries à l’audience du 23 octobre 2024, date à laquelle elle a été mise en délibéré à ce jour par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [N] sollicite, sur le fondement principal de l’article 1792 du code civil et subsidiaire de l’article 1231-1 du même code, outre le constat d’une réception tacite au 14 décembre 2020, la condamnation de M. [R] à lui payer la somme de 15.579,63 euros au titre des travaux de reprise ou à défaut la somme de 7.538,85 euros du même chef avec indexation sur l’indice BT 01 outre 3.000 euros en indemnisation de son préjudice moral.

Aux termes de l’article 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est, pendant dix ans à compter de la réception, responsable de plein droit envers le maître de l’ouvrage des dommages non apparents à réception qui compromettent sa solidité ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou d’équipement le rendent impropre à sa destination.

Il pèse sur ces constructeurs, en ce qui concerne seulement les désordres affectant les ouvrages réalisés par leurs soins, une présomption simple d’imputabilité, susceptible de tomber devant la preuve contraire, apportée par tous moyens, que leur activité est étrangère aux travaux qui constituent le siège des désordres.

A défaut de dommage décennal, le maître de l’ouvrage peut rechercher la responsabilité contractuelle du locateur d’ouvrage et, si les travaux exécutés ne correspondent pas à la réalisation d’un ouvrage, l’entrepreneur est alors tenu d’une obligation contractuelle de résultat dont il ne peut s’exonérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère.

Le défendeur conteste à juste titre avoir réalisé un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil.

Si le devis et la facture de M. [R] sont particulièrement succincts, il résulte des photographies prises par M. [N] et des constatations de l’expert [C] elles aussi accompagnées d’images prises par ses soins, qu’il s’agit d’une clôture constituée de planches de 1,80 m de hauteur avec couvre-joints formant bardage, fixées sur des poteaux en bois ne reposant sur aucun massif maçonné mais simplement fichés dans le sol et que le portillon a été accroché à la maçonnerie préexistante au moyen de simples équerres métalliques extérieures à l’aide de vis introduites dans des chevilles chimiques.

Ces équerres ne sont même pas en contact avec la pierre du support ainsi qu’observé par M. [C].

En l’absence de toute forme de système fondatif réalisé selon des techniques du bâtiment, de toute fixation ou ancrage interdisant un démontage sans destruction ou enlèvement de matière, cette clôture et son portillon qui ne font aucunement corps avec les ouvrage de fondation, viabilité, ossature clos ou couvert des constructions préexistantes, ne peuvent être considérés comme procédant de la responsabilité décennale du constructeur telle que définie par les articles 1792 et suivants du code civil.

Cette absence d’ouvrage rend inutile la constatation d’une réception tacite intervenue sous la forme d’une prise de possession dans des conditions non équivoques, cette exigence n’étant prévue que par l’article 1792-6 du code civil.

La responsabilité de M. [R] doit donc être recherchée sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun de l’article 1231-1 du code civil, qui le rend débiteur de l’obligation de livrer une clôture et un portillon exempts de vices.

Il s’évince du rapport d’expertise judiciaire, qui ne fait l’objet d’aucune critique pertinente, que M. [R] n’a pas respecté les règles de l’art de telle sorte que la clôture est déformée au niveau des couvre-joints, qu’elle est déstabilisée en l’absence de toute fondation et penche d’un côté, que le portillon a travaillé et ne ferme plus d’autant plus que le verrou ne fonctionne pas, qu’une jambe de force empiète sur le terrain et que la pose du chapeau de clôture est inachevée.

Les vis ne sont que partiellement enfoncées et celles équipant les équerres du portillon ont endommagé la pierre du support.

Ces constatations, portant sur des points apparus après achèvement, établissent que le défendeur a manqué à son obligation de résultat et il doit en conséquence réparer le préjudice de M. [N], sans perte ni profit pour celui-ci.

Or, la somme de 15.579,63 euros excède le principe de réparation intégrale car elle correspond au devis de la société LES PAYSAGES DU SUD OUEST prévoyant une clôture “style arcachonnaise double face” qui constitue une amélioration par rapport au devis initial accepté par les parties.

Cette demande principale sera donc rejetée et il sera fait droit à la prétention subsidiaire en paiement de la somme de 7.538,85 euros selon devis de la société VOG Terrasses d’exception et de la société LAROCHE RESTAURATION pour la reprise des pierres endommagées, validés par l’expert, avec indexation sur l’indice BT 01 entre le 11 avril 2023, date de dépôt du rapport d’expertise et le prononcé du présent jugement, aucune autre forme d’actualisation n’étant proposée par le demandeur.

Par ailleurs, M. [N] sera débouté de sa demande d’indemnisation d’un préjudice moral en l’absence de toute démonstration d’une atteinte à ses sentiments, son honneur, sa considération ou sa réputation et ce d’autant plus que l’expert judiciaire n’a aucunement, ne serait-ce qu’évoqué, le risque d’effondrement allégué.

Il sera rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire par provision.

Partie perdante, M. [R] sera condamné à payer à M. [N] une indemnité de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens, en ce compris les frais de référé et d’expertise mais non l’émolument spécifique visé par l’article A 444-32 du code de commerce qui est légalement à la charge du créancier lorsque le commissaire de justice recouvre ou encaisse, après avoir reçu mandat ou pouvoir à cet effet conformément aux articles 141-1 du code des procédures civiles d’exécution et 18 du décret du 29 février 1956 portant application de l’ordonnance n°45-2592 du 02 novembre 1945, des sommes dues par un débiteur.

EN CONSÉQUENCE

Le Tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Condamne M. [Y] [R] à payer à M. [J] [N] la somme de 7.538,85 euros à titre de dommages et intérêts, avec indexation sur l’indice BT 01 entre le 11 avril 2023 et le prononcé du présent jugement,

Déboute M. [J] [N] du surplus de ses demandes, y compris au titre du préjudice moral,

Condamne M. [Y] [R] à payer à M. [J] [N] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles,

Rappelle que le présent jugement est de droit exécutoire par provision,

Condamne M. [Y] [R] aux dépens, en ce compris les frais de référé et d’expertise mais non l’émolument de l’article A 444-32 du code de commerce, le recouvrement s’effectuant conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

La présente décision est signée par Madame MURE, Vice-Président, Président de la 7ème Chambre Civile, et par Monsieur ROUCHEYROLLES, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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