Le 18 novembre 2019, la SAS ES TP a proposé un devis de 44 257,92 euros TTC pour la construction d’une piscine et d’autres travaux pour M. et Mme [G]. M. [V] [M], sous l’enseigne Ent.ERS.Btp, a ensuite émis trois factures pour des acomptes et des travaux réalisés entre mai et juin 2020. Les époux [G] ont signalé des malfaçons et ont assigné M. [M] en référé le 12 février 2021, ce qui a conduit à une expertise. Le 5 août 2022, le tribunal a rejeté leurs demandes d’indemnisation pour un montant de 28 909,80 euros et d’autres préjudices, considérant que les travaux n’avaient pas été réceptionnés et que les malfaçons relevaient d’une obligation de moyen. Les époux [G] ont fait appel le 9 septembre 2022, demandant la réformation du jugement et le paiement de la somme initialement réclamée, ainsi que des dommages et intérêts pour préjudice de jouissance. Ils soutiennent que l’entreprise n’a pas respecté ses obligations contractuelles et contestent les calculs du tribunal de première instance.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
aux avocats
Le 20 septembre 2024
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/03427 –
N° Portalis DBVW-V-B7G-H5KN
Décision déférée à la cour : 05 Août 2022 par le tribunal judiciaire de Mulhouse
APPELANTS :
Monsieur [U] [G] et
Madame [N] [K] épouse [G]
demeurant tous deux [Adresse 1] à [Localité 3]
représentés par la SCP CAHN ET ASSOCIÉS, avocats à la cour.
INTIMÉ :
Monsieur [V] [M] exploitant sous l’enseigne ‘Entreprise ERS BTP’
demeurant [Adresse 4] à [Localité 2]
non représenté, assigné le 14 décembre 2022 au dernier domicile connu
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 16 Février 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre
Madame Murielle ROBERT-NICOUD, conseillère
Madame Nathalie HERY, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE
ARRÊT rendu par défaut
– prononcé publiquement après prorogation du 21 juin 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 18 novembre 2019, la SAS ES TP a établi, au bénéfice de M. et Mme [G], un devis non signé pour la réalisation d’une piscine, de panneaux de clôture en aluminium, l’enrobé au droit de la rue et les fondations pour un portail pour un montant de 44 257,92 euros TTC.
M. [V] [M] exploitant quant à lui sous l’enseigne Ent.ERS.Btp a émis trois factures au nom de M. et Mme [G] respectivement :
– le 4 mai 2020 pour un acompte pour les travaux de réalisation d’une piscine,
– le 22 juin 2020 pour des travaux de pose de carrelage et de peinture intérieure,
– le 28 juin 2020 pour des travaux de carrelage pour escalier.
Se plaignant de désordres, malfaçons et non-façons, les époux [U] [G]-[N] [K], le 12 février 2021, ont fait assigner M. [M], à fin d’expertise, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse lequel par ordonnance réputée contradictoire du 13 avril 2021 a fait droit à cette demande et a désigné M. [S] [T] pour la réaliser lequel a rédigé son rapport le 22 octobre 2021.
Par acte introductif d’instance du 28 avril 2022, signifié le 18 mai 2022, les époux [G]-[K] ont fait assigner M. [M] devant le tribunal judiciaire de Mulhouse afin de le voir notamment condamner à leur payer la somme de 28 909,80 euros au titre des travaux de reprise ainsi que des dommages et intérêts.
Par jugement réputé contradictoire du 5 août 2022 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal a :
rejeté :
la demande d’indemnisation d’un préjudice matériel à hauteur de 28 909,80 euros,
la demande d’indemnisation pour préjudice de jouissance,
la demande d’indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné M. [U] [G] et Mme [N] [K] aux dépens, y compris ceux de la procédure de référé RG n°21/59.
Se fondant sur les dispositions de l’article 1231-1 du code civil et se référant au rapport contradictoire de l’expert judiciaire aux termes duquel les travaux à réaliser consistaient en ceux prévus par la SAS ES TP, outre des travaux de peinture et de carrelage et que ces travaux avaient été arrêtés à la demande de M. [G], suite à une mésentente avec l’entrepreneur sur la qualité de ceux réalisés, le tribunal a retenu qu’il était constant que les travaux en cause qui constituaient un ouvrage, au sens de l’article 1792 du code civil, n’avaient pas été réceptionnés, de sorte que les demandeurs pouvaient agir au titre de la responsabilité contractuelle de droit commun, l’entrepreneur étant tenu, dans cette hypothèse, par une obligation de moyen et non de résultat.
Il a indiqué que, selon le rapport d’expertise judiciaire, il n’y avait pas de « désordres » mais pour l’essentiel des mauvaises finitions, des non-conformités et des travaux inachevés, les malfaçons et non conformités consistant en un défaut de niveau et de planimétrie de plusieurs centimètres tout au long de la plage de la piscine, un défaut d’alignement des joints des dalles de 6 mm, une absence de voile non tissé synthétique d’au moins 170g/m2 constituant la couche drainante, et une non-conformité de branchement des installations techniques sur le pied de regard des EP.
Il a ajouté que ces malfaçons et non-conformités constituaient des manquements de l’entrepreneur à son obligation de moyen.
Il a retenu qu’au regard du chiffrage de l’expert judiciaire pour les malfaçons et non-conformités, il y avait lieu de fixer le préjudice des époux [G]-[K] à la somme totale de 28 909, 80 euros TTC.
Il a ensuite fait état de ce que les parties avaient convenu de reprendre le devis initial de la SAS ES TP, de ce que l’expert judiciaire avait chiffré le coût des travaux non réalisés par rapport à ce devis à la somme de 18 192 euros TTC et que les travaux exécutés et facturés sans devis représentaient la somme de 10 020 euros TTC, soit un montant total des travaux confiés à M. [V] [M] de 65 352,40 euros TTC.
Après avoir rappelé les dispositions de l’article 1353, alinéa 2 du code civil, le tribunal a relevé que tant devant l’expert judiciaire que devant lui, les époux [G]-[K] n’avaient justifié d’aucun paiement effectué à M. [V] [M] et s’étaient contentés d’affirmer à l’expert qu’ils avaient réglé la somme de 21 000 euros TTC.
Après avoir retenu un prix global de 65 352, 40 euros TTC, déduit les travaux non réalisés (18 192 euros TTC) et déduit le coût des travaux de remise en état, de finition et de mise en conformité précité (28 909,80 euros), le tribunal a estimé la somme restant due à M. [M] à 18 250,60 euros TTC et, à défaut de justificatif du paiement d’au moins cette dernière somme, a considéré que les demandeurs ne justifiaient d’aucun préjudice.
Sur l’indemnisation d’un préjudice de jouissance, après avoir rappelé le principe selon lequel « Nul ne peut invoquer les conséquences de sa propre turpitude », le tribunal a indiqué que M. [G] avait demandé l’arrêt des travaux, avant réception et que les demandeurs ne démontraient pas que le préjudice de jouissance invoqué était en lien de causalité avec les manquements contractuels de M. [V] [M]. Il a donc rejeté l’ensemble des demandes d’indemnisation.
Les époux [G]-[K] ont formé appel par voie électronique le 9 septembre 2022.
L’instruction a été clôturée le 6 juin 2023.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de leurs conclusions transmises par voie électronique le 9 décembre 2022, les époux [G]-[K] demandent à la cour de :
réformer le jugement de première instance et statuant à nouveau :
à titre principal :
condamner M. [V] [M] exerçant sous l’enseigne ERS.BTP à leur payer la somme de 28 909,80 euros au titre des travaux de reprise, avec intérêts de droit à compter du jour de la demande ;
à titre subsidiaire, en cas de compensation opérée :
considérer que le montant dû sera de 23 843,88 euros ;
condamner M. [V] [M] exerçant sous l’enseigne ERS.BTP à leur payer la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance ;
condamner M. [V] [M] exerçant sous l’enseigne ERS.BTP :
aux entiers frais et dépens, y compris les frais d’expertise à hauteur de 2 500 euros,
à leur payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les époux [G]-[K] exposent que l’entreprise n’a pas respecté son obligation contractuelle de résultat et qu’elle n’a pas exécuté les travaux en conformité avec les règles constructives.
Ils soulignent que l’expert a relevé que l’entreprise n’était pas qualifiée pour réaliser les travaux de finition et qu’il y avait un non-respect des règles de l’art.
Se basant sur le chiffrage de l’expert pour l’ensemble des travaux de remise en état, de mise en conformité, de finition et les travaux non réalisés, ils fixent comme suit le montant de leur préjudice matériel :
13 331,40 euros TTC le montant total des travaux de remise en état,
12 818,40 euros TTC le montant total des travaux de mise en conformité pour pallier aux défauts esthétiques et de non-conformité sans désordre apparent,
2 760 euros TTC les travaux de finition
soit un montant global de 28 909,80 euros.
Ils se prévalent également d’un préjudice de jouissance de 6 000 euros lié à la piscine qui n’est toujours pas en état de marche et à l’aspect esthétique de l’extérieur qui est toujours un chantier en cours d’exécution.
Les appelants contestent les calculs du premier juge, rappelant que le document contractuel liant les parties est le devis du 18 septembre 2019 d’un montant total de 55 322,40 euros TTC ; ils font valoir que doit être imputée sur ce devis la remise commerciale, de sorte que l’accord des parties porte sur un montant de 44 257,92 euros et que les travaux non devisés estimés par l’expert à 10 020 euros sortent du champ contractuel, dès lors qu’il n’est pas démontré qu’ils auraient accepté ces travaux si un devis avait été établi.
Ils précisent que le premier juge aurait dû déduire de la somme de 44 257,92 euros celle de 18 192 euros correspondant aux travaux non réalisés soit un total de 25 065,92 euros dont à déduire la somme de 21 000 euros qu’ils ont payée, ce montant ayant été évoqué pendant les opérations d’expertise sans avoir été contesté par les parties, y compris par l’entreprise, de sorte que le solde dû par eux est de 5 065,92 euros.
Ils fixent leur préjudice matériel à 23 843,88 euros en prenant pour base de calcul les travaux de reprise à hauteur de 28 909,80 euros dont ils déduisent la somme de 5 065,92 euros et soulignent que la compensation n’est pas de droit.
La déclaration d’appel et les conclusions d’appel ont été signifiées à M. [V] [M] le 14 décembre 2022 selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des époux [G]-[K] aux conclusions transmises à la date susvisée.
A titre préliminaire, il est rappelé que par application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, M. [M] n’ayant pas constitué avocat et n’ayant donc pas conclu est réputé s’approprier les motifs du jugement entrepris.
Sur la demande des époux [G]-[K] tendant à la condamnation de M. [M] exploitant sous l’enseigne Ent.ERS.Btp à leur payer la somme de 28 909,80 euros
Les époux [G]-[K] demandent la condamnation de M. [M] à leur payer la somme de 28 909, 80 euros au titre des travaux de reprise avec intérêts de droit à compter du jour de la demande.
Les appelants produisent un devis daté du 18 novembre 2019, non signé lequel a été établi par la SAS ES TP au nom des époux [G] d’un montant avant remise de 55 322,40 euros TTC pour des travaux de réalisation d’une piscine, de panneaux de clôture en aluminium, l’enrobé au droit de la rue et les fondations pour un portail.
Le rapport d’expertise contradictoire établi le 22 octobre 2021 indique que cette entreprise n’a pas repris son activité après le déconfinement en 2020, les travaux ayant alors été confiés sur la base du même devis à M. [M] frère du gérant de la SAS, exploitant quant à lui sous l’enseigne Ent. ERS Btp ; il fait aussi état de ce que les travaux de finition intérieure avaient été confiés à la SAS sans devis. M. [M] a dressé des factures pour ces travaux de finition intérieure qu’il a donc acceptés de réaliser en lieu et place de la SAS.
Le montant des travaux confiés à M. [M] se détaille comme suit :
devis du 18 novembre 2019 : 55 322,40 euros TTC
travaux sans devis facturés le 22 juin 2020 pour des travaux de pose de carrelage et le 28 juin 2020 pour un total de 10 020 euros TTC
soit un total de 65 342,40 euros.
Le rapport d’expertise susvisé a relevé l’existence de mauvaises finitions et de non-conformités affectant les travaux confiés à M. [M].
La piscine caractérisant un ouvrage pour lequel il n’y a pas eu de réception et les autres travaux s’inscrivant dans un contrat d’entreprise, les époux [G]-[K], pour obtenir une indemnisation correspondant au coût des travaux de reprise de ces mauvaises finitions et non-conformités, doivent démontrer que M. [M] a commis une faute dans l’exécution des travaux confiés, leur action relevant de la responsabilité contractuelle de droit commun.
L’expert judicaire a chiffré le montant des travaux de reprise à la somme de 28 909,80 euros après avoir exposé que l’entreprise de M. [M] n’était pas qualifiée pour réaliser les travaux de finition (aménagements extérieurs, carrelage et peinture) et qu’elle n’avait pas respecté les règles de l’art.
La faute de M. [M] exploitant sous l’enseigne Ent. ERS. Btp étant avérée, il y a lieu de le condamner à payer aux époux [G]-[K] la somme de 28 909,80 euros à titre de dommages et intérêts pour les travaux de reprise, cette somme portant intérêts à compter du 5 août 2022, date du jugement entrepris ayant admis la créance en son principe.
Le jugement entrepris est toutefois infirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation à hauteur de 28 909, 80 euros, le tribunal ne pouvant d’office opérer compensation en l’absence de toute demande en ce sens.
Sur la demande de dommages et intérêts pour trouble de jouissance
Les époux [G]-[K] ont commandé des travaux pour la réalisation d’une piscine à la SAS ES TP ainsi que des travaux d’extérieur à partir de novembre 2019. Cette société n’ayant pu reprendre le chantier en 2020 après le déconfinement, M. [M] a accepté d’achever les travaux commandés en sollicitant un acompte en mai 2020.
Considérant le préjudice de jouissance subi par les époux [G]-[K] qui n’ont pas été mis en mesure de profiter de leur piscine et des extérieurs de leur maison dans un délai raisonnable du fait de l’exécution fautive de M. [M] exploitant sous l’enseigne Ent.ERS.Btp, il y a lieu de condamner ce dernier à leur payer la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt qui fixe la créance.
Le jugement entrepris est infirmé.
Sur les dépens et les frais de procédure non compris dans les dépens
Le jugement entrepris est infirmé. M. [M] exploitant sous l’enseigne Ent.ERS.Btp est condamné aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure de référé RG n°21/59 y compris les frais d’expertise.
Il est également condamné aux dépens de la procédure d’appel et à payer aux époux [G]-[K] la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour leurs frais de procédure exposés en première instance et à hauteur d’appel.