La société Moto +, dirigée par M. [D] [H], a vendu un quad à M. [U] [X] pour 6.990 euros, paiement effectué le 8 mars 2022. Le 29 mars 2022, le Crédit Mutuel a débité ce montant en raison d’une opposition à la transaction, invoquant une contrefaçon. M. [D] [H] a déposé plainte le 26 avril 2022 et a demandé le remboursement au Crédit Mutuel, qui a refusé le 15 juin 2022. En conséquence, Moto + a assigné le Crédit Mutuel en remboursement devant le tribunal judiciaire de Lille le 5 octobre 2022. Moto + réclame 6.990 euros avec intérêts, ainsi que 2.500 euros pour frais, tandis que le Crédit Mutuel demande le déboutement de Moto + et des dommages-intérêts de 2.000 euros. L’instruction a été clôturée le 5 avril 2024, avec une audience prévue le 4 juin 2024 et un délibéré fixé au 17 septembre 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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Chambre 02
N° RG 22/06424 – N° Portalis DBZS-W-B7G-WP3G
JUGEMENT DU 17 SEPTEMBRE 2024
DEMANDERESSE :
S.A.R.L. MOTO +, poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice audit siège en l’espece Monsieur [D] [H].
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me René DESPIEGHELAERE, avocat au barreau de LILLE
DÉFENDERESSE :
Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Benoît DE BERNY, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Maureen DE LA MALENE, Juge, statuant en qualité de Juge Unique, en application de l’article R 212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire,
Greffier : Dominique BALAVOINE, Greffier
DÉBATS :
Vu l’ordonnance de clôture en date du 05 Avril 2024 ;
A l’audience publique du 04 Juin 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 17 Septembre 2024.
JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 17 Septembre 2024, et signé par Maureen DE LA MALENE, Présidente, assistée de Dominique BALAVOINE, Greffier.
Selon facture n°2015297 dressée le 9 mars 2022, la société Moto +, gérée par M. [D] [H], a vendu à distance un véhicule de type quad pour la somme de 6.990 euros TTC à M. [U] [X] domicilié [Adresse 2] à [Localité 5].
Cette somme a été réglée le 8 mars 2022 par paiement à distance.
Le 29 mars 2022, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] [Localité 4] (ci-après le Crédit Mutuel), banque de la société Moto +, lui a adressé un avis de débit de son compte pour un montant correspondant au prix de la vente, soit 6.990 euros, au motif d’une opposition à la transaction, contestée pour cause de « contrefaçon ».
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 avril 2022, M. [D] [H] a déposé plainte auprès de Mme la Procureure de la République de Lille concernant ces faits.
A la même date, il a mis en demeure le Crédit Mutuel de lui rembourser la somme de 6.990 euros.
Par retour de courriel du 15 juin 2022, le Crédit Mutuel lui a opposé un refus.
* * *
C’est dans ce contexte que, par acte signifié le 5 octobre 2022, la société Moto + a assigné la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] [Localité 4] en remboursement de la somme de 6.990 euros devant le tribunal judiciaire de Lille.
Par conclusions notifiées le 30 mars 2023, elle demande au tribunal, au visa de l’article 1231-1 du code civil, de :
– condamner le Crédit Mutuel à lui payer en conséquence de sa responsabilité contractuelle la somme de 6.990 euros avec intérêts à compter du 12 mars 2022 ;
– la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– la condamner à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens.
Par conclusions notifiées le 4 juillet 2023, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] [Localité 4] demande au tribunal de :
– débouter la société Moto + et M. [D] [H] ;
– les déclarer irrecevables ou infondés ;
– les condamner à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les frais et dépens ;
– dire n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
– condamner la société Moto + aux dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, le tribunal se réfère expressément à leurs dernières écritures, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 5 avril 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 4 juin 2024.
Elle a été mise en délibéré au 17 septembre 2024.
A titre liminaire, le tribunal relève que si le Crédit Mutuel sollicite dans son dispositif le débouté de M. [D] [H], force est de constater qu’il n’est pas partie à la présente procédure.
Par ailleurs, le tribunal constate également que si la banque lui demande de déclarer « irrecevables ou […] » les demandes de la société Moto +, elle ne soulève aucun moyen de droit ou de fait visant à établir une fin de non-recevoir, dont seul le juge de la mise en état est compétent pour en connaître.
Aussi, il n’y a pas lieu de statuer sur ces demandes
I. Sur la demande de condamnation formée par la société Moto + :
La société Moto + entend engager la responsabilité contractuelle du Crédit Mutuel pour défaut d’information sur les précautions et les risques encourus lors de l’utilisation d’un système de vente à distance, et ce afin que cette dernière soit condamnée à lui rembourser la somme de 6.990 euros.
Elle lui reproche notamment de ne pas rapporter la preuve de la remise des documents informatifs relatifs à ce système qu’elle vend à ses clients et affirme que les notices concernant la vente à distance produites par la banque n’ont jamais été portées à sa connaissance, soulignant d’ailleurs que ces documents ne sont pas signés par M. [D] [H].
Le Crédit Mutuel s’y oppose, indiquant d’une part que la demanderesse n’établit pas les faits au soutien de sa prétention, et notamment la preuve de l’existence du quad, et d’autre part que la société Moto + a commis elle-même de nombreuses imprudences.
Elle produit aux débats deux notices sur la vente à distance non signées par la société Moto +.
L’article 9 du code de procédure civile dispose qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
L’article 1353 du code civil précise par ailleurs que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Enfin, l’article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
Ce régime de responsabilité nécessite la démonstration par celui qui prétend qu’une information lui était due d’un manquement contractuel de la banque, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre cette faute et le préjudice allégué.
Il est constant que le banquier est tenu d’un devoir d’information envers ses clients, l’obligeant notamment à fournir une information claire et complète et à prendre les précautions de nature à lui éviter un préjudice. Ainsi, le manquement à ce devoir d’information peut être caractérisé lorsque, dans une opération déterminée, il apparaît évident au banquier que son client ne dispose pas des connaissances nécessaires à la sauvegarde de ses droits ou de ses intérêts.
Cependant, un banquier n’a pas à se substituer à son client dans la conduite de ses affaires.
En l’espèce, la SARL Moto + ne produit aucun élément au soutien de ses demandes qui serait susceptible de caractériser un manquement du Crédit Mutuel à son obligation d’information.
En effet, les risques de fraude liés à l’utilisation de tout moyen de paiement et notamment des cartes bancaires sans recours à un code secret ou à une procédure d’authentification sont connus de tous et notamment des professionnels, qui ont recours à ces procédés de vente à distance, de sorte qu’aucune obligation d’information à ce titre n’était due par la banque. Il convient en effet de rappeler que la société Moto + est un professionnel qui reconnaît elle-même dans ses écritures bénéficier d’un site internet permettant la vente en ligne.
Par ailleurs, force est de constater que la demanderesse ne rapporte pas la preuve de la réalité de son préjudice. En effet, aucune pièce transmise par elle ne permet de s’assurer que le quad a bien été vendu.
Ainsi, faute pour la société Moto + de rapporter la preuve d’un manquement contractuel commis par la banque, d’un préjudice, et donc par voie de conséquence d’un lien de causalité entre cette faute et le préjudice allégué, elle sera déboutée de l’intégralité de ses demandes formées à l’encontre du Crédit Mutuel.
II. Sur les frais accessoires
L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’état, il convient de condamner la société Moto +, qui succombe, à la charge des dépens de la présente instance.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
En l’état, il convient de condamner la société Moto + à payer au Crédit Mutuel la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, il convient de rappeler que l’exécution provisoire est de droit, par application de l’article 514 du code de procédure civile, s’agissant d’une instance introduite après le 1er janvier 2020.
Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe de la juridiction, par jugement contradictoire et en premier ressort,
DÉBOUTE la société Moto + de l’intégralité de ses demandes formées à l’encontre de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] [Localité 4] ;
CONDAMNE la société Moto + à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] [Localité 4] la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Moto + aux dépens ;
DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Dominique BALAVOINE Maureen DE LA MALENE