Responsabilité contractuelle et conséquences d’un abandon de chantiers : enjeux et réparations en matière de sous-traitance.

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Responsabilité contractuelle et conséquences d’un abandon de chantiers : enjeux et réparations en matière de sous-traitance.

La société Metal 37, spécialisée dans le montage de charpentes métalliques, a sous-traité des travaux à Tex bardage jusqu’à un conflit survenu en juin 2020. Metal 37 a saisi le tribunal de commerce de Tours pour obtenir le paiement de factures de substitution, totalisant 70 282 euros, suite à des abandons de chantiers. Le tribunal a ordonné à Tex bardage de payer cette somme, mais Tex bardage a formé opposition. Dans un jugement du 15 avril 2022, le tribunal a condamné Tex bardage à verser 15 000 euros à Metal 37 pour dommages et intérêts, a débouté Metal 37 de sa demande de paiement de 123 724 euros, et a condamné Metal 37 à payer 34 540 euros à Tex bardage. Metal 37 a fait appel, demandant des dommages et intérêts plus élevés. Tex bardage a également contesté le jugement. L’affaire a été plaidée et mise en délibéré, avec des décisions ultérieures confirmant certaines condamnations et en infirmant d’autres, notamment en allouant des sommes à Metal 37 pour préjudice matériel et moral, tout en déboutant certaines de ses demandes.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 septembre 2024
Cour d’appel d’Orléans
RG
22/01601
COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 12/09/2024

la SARL ORVA-VACCARO & ASSOCIES

la SCP REFERENS

ARRÊT du : 12 SEPTEMBRE 2024

N° : 193 – 24

N° RG 22/01601 –

N° Portalis DBVN-V-B7G-GTLY

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 15 Avril 2022

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265272868123869

S.A.R.L. METAL 37

[Adresse 4]

[Localité 2]

Ayant pour avocat Me François VACCARO, membre de la SARL ORVA-VACCARO & ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS

D’UNE PART

INTIMÉE : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265282278877047

S.A.S. TEX BARDAGE représentée par son dirigeant en exercice

[Adresse 1]

[Localité 3]

Ayant pour avocat Me Laurent LALOUM, membre de la SCP REFERENS, avocat au barreau de BLOIS

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 30 Juin 2022

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 18 avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l’audience publique du JEUDI 23 MAI 2024, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en charge du rapport, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 805 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 12 SEPTEMBRE 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

La société Metal 37, qui exerce une activité de montage de charpentes métalliques, couverture, étanchéité, bardage et serrurerie, a régulièrement sous-traité des marchés de travaux à la société Tex bardage jusqu’à ce que les relations entre les deux sociétés deviennent conflictuelles, en juin 2020.

Par requête déposée au greffe le 28 juillet 2020, la société Métal 37 a saisi le président du tribunal de commerce de Tours afin d’obtenir, ensuite d’abandons de chantiers, le paiement de factures de substitution de son sous-traitant d’un montant total de 70 282 euros.

Par ordonnance sur requête rendue le 3 août 2020, le président du tribunal de commerce de Tours a enjoint à la société Tex bardage de payer à la société Métal 37 la somme de 70 282 euros en principal, au titre de factures de substitution du sous-traitant présentées comme étant la conséquence de l’abandon de chantiers.

La société Tex bardage a formé opposition et par jugement du 15 avril 2022, le tribunal de commerce de Tours a :

– condamné la société Tex bardage à payer la somme de 15’000 euros à la société Métal 37 à titre de dommages et intérêts pour indemniser les préjudices liés à l’abandon des chantiers,

– débouté la société Métal 37 de sa demande en paiement par la société Tex bardage de la somme de 123’724 euros correspondant à des travaux de substitution, des dommages et intérêts pour résistance abusive et au remboursement de factures pour des travaux non effectués,

– condamné la société Métal 37 à régler la somme de 34’540 euros à la société Tex bardage, correspondant au solde dont elle est redevable avant les factures du 26 juin 2020, augmentée des intérêts au taux égal à trois fois le taux d’intérêt légal à compter de la date du présent jugement,

– débouté la société Métal 37 de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice d’image,

– dit qu’il n’est pas inéquitable de laisser à chacune des parties les frais irrépétibles qu’elle a dû engager,

– dit que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire,

– condamné la société Tex bardage aux entiers dépens, qui comprendront tant ceux de la procédure d’injonction de payer que ceux consécutifs à la présente instance, et le coût de la signification, lesquels dépens liquidés, concernant les frais de greffe, à la somme de 96,95 euros.

La société Métal 37 a relevé appel de cette décision par déclaration du 30 juin 2022 en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause lui faisant grief.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 9 février 2024 par voie électronique, la société Métal 37 demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1103, 1104, 1217 et suivants et 1231 et suivants du code civil,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats,

– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Tours du 15 avril 2022 en ce qu’il a reconnu le principe d’un préjudice subi par la société Métal 37 du fait de l’abandon des chantiers,

– confirmer les dispositions du jugement dont appel pour tout ce qui n’est pas contraire aux présentes écritures,

– infirmer pour le surplus le jugement du tribunal de commerce de Tours du 15 avril 2022 sur le quantum des sommes allouées à la société Métal 37 en réparation de ses préjudices et sur le surplus,

Et statuant à nouveau :

– condamner la société Tex bardage à payer à la société Métal 37 la somme de 74’360 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l’inexécution des dispositions contractuelles du fait de l’abandon des chantiers,

– condamner la société Tex bardage à payer à la société Métal 37 la somme de 40’000 euros à titre de remboursement d’un règlement indûment perçu,

– condamner la société Tex bardage à payer à la société Métal 37 la somme de 23’664 euros à titre de dommages et intérêts au titre des travaux de reprise et du préjudice d’image,

– débouter la société Tex bardage de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la société Tex bardage à payer à la société Métal 37 la somme de 15’000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Tex Bardage aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 23 décembre 2022 par voie électronique, la société Tex bardage demande à la cour de :

Vu les articles 1103 et suivants du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

– infirmer le jugement du 15 avril 2022 du tribunal de commerce de Tours en ce qu’il a :

* condamné la société Tex bardage à verser la somme de 15 000 euros à la société Métal 37 en réparation de l’abandon de chantiers,

* limité la condamnation de la société Métal 37 à la somme de 34 540 euros au titre des factures impayées de la société Tex Bardage,

* débouté la société Tex bardage de sa demande indemnitaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société Tex bardage aux dépens de première instance,

– confirmer le jugement du 15 avril 2022 pour le surplus,

En conséquence :

– condamner la société Métal 37 à payer à la société Tex bardage la somme de 127’840 euros augmentée des intérêts égaux à 3 fois le taux d’intérêt légal à compter du jugement à intervenir,

– débouter la société Métal 37 de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la société Métal 37 à payer à la société Tex bardage la somme de 5’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile eu égard aux frais de première instance,

– condamner la société Métal 37 à payer à la société Tex bardage la somme de 5’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile eu égard aux frais engagés en appel,

– condamner la société Métal 37 aux dépens de première instance et d’appel lesquels seront recouvrés par la SCP Referens conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 18 avril 2024, pour l’affaire être plaidée le 23 mai suivant et mise en délibéré à ce jour.

SUR CE, LA COUR :

Sur la demande principale en dommages et intérêts de l’entrepreneur principal (la société Métal 37) tirée des abandons de chantiers de son sous-traitant (la société Tex bardage) :

Au soutien de sa demande principale, la société Métal 37 indique avoir confié entre le 9 mars 2018 et le 3 juin 2020 dix-huit marchés de travaux à la société Tex bardage, laquelle était son principal sous-traitant, puis explique que le 8 juin 2020, sans avertissement préalable, la société Tex bardage a abandonné l’ensemble des chantiers en cours.

La société Métal 37 expose que cette situation, qui a coïncidé avec la reprise d’activité postérieure à la période de confinement liée à la pandémie de Covid-19, l’a placée en grande difficulté puisque les clients étaient à cette époque particulièrement pressés que les chantiers se terminent.

L’appelante souligne que la violation des obligations de la société Tex bardage a été d’autant plus préjudiciable que onze jours avant d’abandonner les chantiers, son sous-traitant avait immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Tours une société directement concurrente dénommée JD Baticentre et que les abandons de chantier litigieux se sont inscrits dans une démarche de déstabilisation.

En précisant qu’elle avait réglé d’avance à son sous-traitant, comme il était d’usage entre eux, l’intégralité des sommes forfaitairement prévues aux sous-traités, la société Métal 37 sollicite à titre principal une somme totale de 54’360 euros HT au titre des surcoûts supportés sur trois chantiers abandonnés (Argan 24’680 euros, Elis 26’800 euros et SGS 2’880 euros), outre 20’000 euros au titre du préjudice moral généré par le stress et la surcharge de travail générés par cette situation.

En réplique aux écritures de la société Tex bardage enfin, la société Métal 37 conteste le débauchage et le défaut d’approvisionnement des chantiers dont excipe son sous-traitant pour expliquer sa décision du 8 juin 2020.

Pour s’opposer à la demande principale de l’appelante, la société Tex bardage, qui ne conteste pas avoir abandonné les chantiers en cours le 8 juin 2020, fait valoir que la société Métal 37 a tenté de la déstabiliser en procédant massivement à une tentative de débauchage de ses salariés, explique que, volontairement, la société Métal 37 n’approvisionnait plus les chantiers en matériaux de sorte que ses salariés ne pouvaient plus travailler, puis assure enfin que la société Métal 37 ne payait pas ses factures.

En ce sens, la société Tex bardage précise qu’au 5 juin 2020, la société Métal 37 lui était redevable de 74’540 euros et que les 40’000 euros qu’elle lui a réglés par chèque le 7 juin 2020 ne constituaient nullement une avance sur prestations futures, mais le règlement partiel d’anciennes factures.

Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Selon l’article 1104, réputé d’ordre public, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Selon l’article 1193, les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise.

L’article 1217 prévoit enfin que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut demander réparation des conséquences de l’inexécution.

Il résulte des productions que le 12 juillet 2019, la société Métal 37 a sous-traité à la société Tex bardage, au prix stipulé «’unitaire et forfaitaire’» de 60’000’euros HT, des travaux de pose de couverture du marché principal qu’elle avait conclu avec un maître de l’ouvrage dénommé Elis, que le 16 novembre 2019, la société Métal 37 a sous-traité à la société Tex bardage, au prix forfaitaire HT de 27’000 euros, des travaux de bardage d’un marché principal conclu avec une société SGS puis que le 15 janvier 2020 enfin, la société Métal 37 a sous-traité à la société Tex bardage, au prix de 25’000’euros HT, d’autres travaux de bardage dans le cadre d’un marché principal conclu avec une société dénommée Argan.

Les contrats de sous-traitance des chantiers dits Argan et SGS prévoient en leur article 14 intitulé résiliation anticipée que «’chacune des parties est en droit de résilier le présent contrat en cas de violation grave d’une obligation par l’autre partie, de plein droit et sans recours aux tribunaux, après l’envoi d’une lettre adressée en recommandé avec accusé de réception’».

Le contrat de sous-traitance plus ancien applicable au chantier dit Elis ne comporte pas de clause de résiliation anticipée. Il s’en infère que, en l’absence d’urgence, ce marché ne pouvait être unilatéralement résilié par le sous-traitant que par voie de notification, à ses risques et périls et après avoir mis en demeure l’entrepreneur principal de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable, ainsi qu’il est explicité à l’article 1226 du code civil.

La société Tex bardage, qui ne conteste pas avoir abandonné les trois chantiers dits Argan, SGS et Elis le 8 juin 2020, n’a adressé à la société Métal 37 aucune mise en demeure préalable, ni même aucun courrier de résiliation.

Le courriel du 20 février 2020 que la société Métal 37 conteste avoir reçu ne saurait valoir mise en demeure préalable ni dispenser la société Métal 37 d’avoir adressé à la société Tex bardage un courrier l’avertissant de son intention de résilier unilatéralement les conventions qui la liait à l’entrepreneur principal.

En outre, la société Tex bardage ne démontre pas la réalité des manquements qu’elle reproche à la société métal 37.

La société intimée n’établit aucun débauchage massif. Les productions révèlent seulement un débauchage très ponctuel et réciproque entre les parties.

La société Tex bardage ne démontre pas davantage que les chantiers qu’elle a abandonnés n’avaient pas été approvisionnés par l’entrepreneur principal. Les attestations de ses salariés, qui sont ses subordonnés, même examinées avec les attestations non circonstanciées de deux entrepreneurs ayant entretenu par le passé des relations de sous-traitance avec la société Métal 37, ne peuvent établir que cette société aurait délibérément fait le choix de ne pas approvisionner les chantiers comme le soutient l’intimée.

Outre qu’un tel défaut d’approvisionnement aurait été contraire aux propres intérêts de la société Métal 37, la société Tex bardage ne produit pas un seul courrier, un simple mail ni même une copie de messages SMS au moyen desquels les parties avaient l’habitude d’échanger évoquant l’impossibilité dans laquelle elle se serait trouvée de travailler faute d’approvisionnement des chantiers ou faisant même seulement état d’une difficulté d’approvisionnement.

Même à admettre qu’au 8 juin 2020, certaines de ses factures étaient restées impayées, la société Tex bardage ne pouvait décider unilatéralement et brutalement d’abandonner en même temps trois chantiers sans avoir mis en demeure son contractant de lui régler ce qui lui était dû.

S’il est exact, enfin, que le dirigeant de la société Tex bardage était libre de créer une société directement concurrente de la société Métal 37, le devoir de loyauté contractuelle imposait à la société Tex bardage de respecter les engagements qu’elle avait préalablement souscrits envers l’entrepreneur principal.

En abandonnant brutalement et sans motif légitime, le 8 juin 2020, les trois chantiers dits Argan, SGS et Elis que lui avait confiés la société Métal 37, ce quelques semaines seulement après la création par son dirigeant, M. [C] et un autre partenaire habituel de la société Métal 37, M. [Z] [B], d’une société concurrente dénommée JD Baticentre, la société Tex bardage a assurément failli à ses engagements et doit en conséquence réparer les conséquences de l’inexécution de ses obligations, ainsi qu’il est dit à l’article 1217 du code civil précité.

La société Tex bardage ne conteste pas que la société Métal 37 a dû achever ou faire achever le chantier Argan qu’elle a abandonné le 8 juin 2020 sans avoir achevé ses prestations alors que plus de 80’% du prix stipulé au sous-traité lui avait déjà été réglé (21’600 euros sur un marché de 25’000 euros).

La société Métal 37 établit avoir suppléé la carence de la société Tex bardage en sous-traitant les travaux de bardage restant à réaliser sur le chantier Argan à une société dénommée EGMB, selon un nouveau contrat de sous-traitance conclu le 15 juin 2020, modifié par un avenant du 1er juillet suivant, et ce en en informant la société Tex bardage par courrier recommandé du 16 juin 2020.

La société Métal 37 justifie avoir été contrainte d’engager une dépense totale de 24’680 euros HT pour faire achever le chantier Argan par la société EGMB en urgence, à une période de sortie de confinement où les entreprises du bâtiment étaient très sollicitées et les prix particulièrement élevés.

Dès lors, la société Tex bardage, qui ne conteste au demeurant pas le surcoût supporté par la société Métal 37 pour suppléer sa carence, sera condamnée à régler à titre de dommages et intérêts la somme sus-énoncée de 24’680 euros pour réparer les conséquences de l’inexécution de ses obligations.

Concernant le chantier dit Elis, la société Métal 37, qui indique avoir réglé à la société Tex bardage la somme totale de 172’735 euros alors que le contrat de sous-traitance avait été conclu au prix de 60’000 euros HT et avoir dû réaliser à ses frais les travaux nécessaires à la levée des réserves signalées le 23 mars 2020 par le maître d »uvre lors des opérations préalables à la réception n’explique pas les raisons pour lesquelles elle impute à la société Tex bardage des travaux de reprise des bardages de façades tout en produisant aux débats un contrat de sous-traitance portant exclusivement sur des travaux de pose de couverture.

Dès lors qu’il ne résulte ni de ses explications, ni des productions, que la société Métal 37 aurait sous-traité à la société Tex bardage des travaux autres que ceux de pose de couverture ayant fait l’objet du contrat du 12 juillet 2019 et que la société Métal 37 présente la somme de 112’735 euros réglée à la société Tex bardage en sus du prix de 60’000 euros convenu au sous-traité comme «’un surcoût’» et non comme la rémunération de travaux supplémentaires, il sera retenu que les seuls travaux effectivement confiés à la société Tex bardage sont ceux de pose de couverture.

Si les réserves concernant le lot couverture dont il est certain qu’il avait été sous-traité à la société Tex bardage sont nombreuses, et pour certaines importantes puisque le maître d »uvre avait notamment signalé lors des opérations préalables à la réception et encore le 18 juin 2020 deux défauts d’étanchéité puis une série de malfaçons et non-façons (lanterneaux à changer et poser, pièces d’angles à poser et translucide endommagé à changer), les réserves portaient également sur d’autres lots de travaux, notamment sur le bardage des façades, l’isolation des acrotères ou encore les jonctions entre les longrines et le bardage.

Dès lors, déduction faite des travaux de reprise des bardages et des habillages de fenêtres que rien ne justifie de mettre à la charge de la société Tex bardage, le coût des travaux supportés par la société Métal 37 pour remédier aux réserves signalées par le maître d »uvre sur le lot de travaux de pose de couverture laissé inachevé par la société Tex bardage sera évalué à environ 40’% du coût des travaux supportés en juin 2020 par la société Métal 37, soit à 11’000’euros au regard de la facture produite en pièce 23.

S’agissant enfin du chantier dit SGS, la société Métal 37 communique en pièce 24 le procès-verbal de réception des travaux dressé le 9 juillet 2020.

L’ouvrage a été réceptionné à cette date par le maître avec des réserves qui, contrairement à ce que soutient la société Tex bardage, ne sont pas des fuites qui pourraient être imputées à la société Leader Etanch selon elle chargée du lot couverture, mais bien des réserves portant sur le lot bardage qui avait sans aucun doute été confié à la société Tex bardage.

Ces réserves sont mineures mais nombreuses et révélatrices de ce que la société Tex bardage n’a pas pris soin d’achever ses travaux en procédant aux finitions idoines (rayures, habillage non jointif, salissures, vis ou joints de silicone à reprendre, etc.).

Si la facture établie par la société Métal 37 ne peut être retenue en ce qu’elle a été établie préalablement aux opérations de réception , le coût supporté par l’appelante pour parachever les travaux de bardage qui avaient été confiés à la société Tex sera évalué, sur la base d’une journée de travail de deux ouvriers, à 1’000 euros HT.

Si l’abandon des trois chantiers en cause dans les conditions qui viennent d’être décrites a assurément contribué à désorganiser la société métal 37, en l’obligeant, dans l’urgence, à pallier la carence de la société Tex bardage pour satisfaire ses clients et ne pas s’exposer au paiement de lourdes pénalités, ce qui constitue en soi un préjudice moral réparable, une personne morale n’est pas sujette au stress et la société Métal 37 ne peut solliciter la réparation du préjudice qui a éventuellement été subi de ce chef par son dirigeant ou par ses salariés, mais non par elle-même.

Il reste qu’en abandonnant brutalement et sans motif légitime trois chantiers qui n’étaient pas achevés, en contraignant ainsi sa contractante à trouver des solutions de substitution dans un contexte particulier de concurrence nouvelle et de reprise de l’activité économique à la levée du confinement imposé lors de la pandémie de Covid-19, la société Tex bardage a causé à la société Métal 37 un préjudice moral que les premiers juges ont justement évalué à 15’000 euros.

En ajoutant l’indemnisation de ce préjudice moral à celle du préjudice financier qu’elle a causé à la société Métal 37 en l’obligeant à achever ou faire achever les travaux des trois chantiers qu’elle s’était contractuellement engagée à exécuter, la société Tex bardage a causé à la société Métal 37 un préjudice qui, globalement, sera évalué à 51’680 euros (24’680 +’11’000 + 1’000 +’15’000).

Dès lors, par infirmation du jugement entrepris, la société Tex bardage sera condamnée à régler à la société Métal 37, à titre de dommages et intérêts, la somme sus-énoncée de 51’680 euros en réparation des préjudices générés par l’abandon des chantiers qui lui avaient été confiés.

Sur la demande de remboursement de la somme de 40’000 euros présentée comme indûment réglée :

Au soutien de cette demande de remboursement, la société Métal 37 explique que selon un modus operandi qui consistait à ce qu’elle règle à son sous-traitant des sommes provisionnelles correspondant à des travaux futurs, le dirigeant de la société Tex bardage lui aurait réclamé le 4 juin 2020 un chèque de 40’000 euros en lui indiquant qu’il avait un besoin urgent d’argent pour payer ses salariés.

Pour seule preuve de ses allégations, la société Métal 37 offre une capture d’écran de messages échangés via l’application «’WhatsApp’» entre son propre dirigeant et celui de la société Tex bardage dont il résulte que le dernier a demandé au premier, le 4 juin 2020, de le voir lendemain en indiquant «’j’aurais besoin d’un peu d’argent pour faire le virement des salaires aux gars si c’est possible’».

Si la façon dont les parties procédaient aux comptes entre elles restent incompréhensibles, puisque la seule certitude est que les paiements ne correspondaient jamais aux prix conventionnellement convenus, la société Métal 37 n’établit d’aucune manière qu’elle réglait son sous-traitant par avance et il résulte le contraire des productions.

Il s’infère en effet du Grand livre de la société Tex bardage que rien ne vient contredire qu’au 6 mai 2020, la société Métal 37 lui était redevable d’une somme de 74’540 euros.

Le chèque de 40’000 euros que la société Métal 37 indique lui avoir été réclamé à titre d’avance le 4 juin 2020 a bien été porté au crédit de son compte client dans le Grand livre de la société Tex bardage, mais ce paiement, qui ne constituait pas une avance, n’a fait que ramener à 34’540 euros le solde de son compte au 6 juin 2020.

La société Métal 37 sera dès lors déboutée de sa demande de remboursement, particulièrement infondée.

Sur la demande de dommages et intérêts formulée au titre d’un préjudice d’image et du coût de reprise de malfaçons :

Sur le fondement de l’article 1240 du code civil, la société Métal 37 sollicite d’abord la condamnation de la société Tex bardage à lui régler à titre de dommages et intérêts une indemnité de 10’000 euros en réparation d’un préjudice d’image qu’elle estime avoir subi du fait d’actes de dénigrement.

En ce sens l’appelante expose que le 15 juin 2020, soit quelques jours après avoir abandonné les chantiers qui lui avaient été confiés, la société Tex bardage a adressé à trois clients des courriels par lesquels elle leur indiquait, de manière fallacieuse, que la société Métal 37 restait débitrice à son égard.

S’il est légitime,voire utile, qu’un sous-traitant informe le maître de l’ouvrage du défaut de paiement de l’entrepreneur principal pour se ménager la possibilité d’une action directe, il apparaît en l’espèce que deux des trois courriels que la société Tex bardage a adressés le 15 juin 2020 à des clients de la société Métal 37 ne pouvaient poursuivre qu’une intention nuisible.

Le 15 juin 2020, la société Tex bardage a en effet adresséà la société Idéal habitat ainsi qu’à Mme [X] des courriels en indiquant les informer, ensuite des conversations téléphoniques qu’ils avaient eues le même jour, que «’son donneur d’ordre Métal 37 lui devait à ce jour les sommes [respectives] de 12’500’et 4’500 euros pour [leurs] bâtiments Idéal Habitat et Tours box’».

Or à cette date du 15 juin 2020, la société Tex bardage n’avait ni réclamé paiement, ni même établi de facture. La société Tex bardage n’a facturé à la société Métal 37 les sommes dont elle se plaignait de ne pas avoir été réglée le 15 juin 2020 que onze jours plus tard, le 26 juin 2020, ainsi qu’il résulte de la facture 00000470 qu’elle produit aux débats en pièce 8 et de l’extrait de son Grand livre communiqué en pièce 7.

Dans ces circonstances, les courriers électroniques en cause n’étaient pas destinés à informer les clients de la société Métal 37, mais seulement à jeter le discrédit sur cette société avec laquelle la société Tex bardage venait d’entrer en conflit.

Dans le contexte de rupture des relations qu’avaient entretenues les deux sociétés, à une période où le dirigeant de la société Tex bardage venait de créer avec un partenaire habituel de la société Métal 37 une société directement concurrente de cette dernière, il ne fait pas de doute que la société Tex bardage a cherché à discréditer l’appelante et a alors, par sa faute, terni la réputation de la société Métal 37 auprès de clients.

En réparation du préjudice qu’elle a ainsi causé, la société Tex bardage sera condamnée à payer à la société métal 37 la somme de 5’000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur le fondement de l’article 1240 du code civil encore, la société Métal 37 sollicite par ailleurs la condamnation de la société Tex bardage à lui régler à titre de dommages et intérêts une somme de 13 664 euros «’en réparation des travaux de reprise et de son préjudice d’image subi du fait des griefs de ses clients’» en expliquant, de première part, que la société Lidl s’est plaint à deux reprises, en janvier puis en mai 2020, de ce que les préposés de la société Tex bardage ne respectaient pas les règles de sécurité ni les règles sanitaires sur le chantier ; de deuxième part qu’elle a dû procéder elle-même à des travaux de reprise pour remédier à des désordres affectant un bardage réalisé en novembre 2019 par la société Tex bardage pour le compte de la SCI Les Bichettes, ce qui a généré pour elle un coût de 11’200 euros ; de dernière part qu’elle a dû régler une franchise de 2’464 euros à son assureur de responsabilité, les MMA, à raison de malfaçons dans des travaux de couverture réalisés par la société Tex bardage sur un chantier dit Zoomalia.

Liée contractuellement à son sous-traitant, la société Métal 37 ne peut lui réclamer l’indemnisation des travaux de reprise ou de la franchise d’assurance dont elle indique avoir supporté le coût sur le fondement délictuel de l’article 1240 du code civil.

En toute hypothèse la société Métal 37 n’apporte aucune preuve de l’imputation à la société Tex bardage des désordres ayant affecté les ouvrages réalisés pour le compte de la SCI Les Bichettes ou sur le chantier qu’elle dénomme Zoomalia.

Quant aux manquements de la société Tex bardage à des règles de sécurité ou encore aux règles sanitaires de distance applicables durant la pandémie de Covid-19, le préjudice d’image qui en serait résulté pour la société Métal 37 ne saurait être démontré par la seule production de deux courriels lapidaires de la société Lidl, dont il apparaît par ailleurs qu’elle a poursuivi ses relations avec l’intéressée.

La société Tex bardage sera dès lors déboutée de l’intégralité de sa dernière demande indemnitaire formée à hauteur de 13 664 euros sur le fondement délictuel.

Sur la demande reconventionnelle en paiement du sous-traitant (la société Tex bardage) :

La société Tex bardage justifie, au moyen de son Grand livre client que rien ne contredit, on l’a dit, que la société Métal 37 restait lui devoir au 6 juin 2020, déduction faite du règlement de 40’000 euros effectué par chèque remis le 4 juin précédent, une somme de 34’540 euros pour solde des trois factures qu’elle avait établies le 26 mars 2020 concernant des marchés de travaux dénommés Argan, Lidl Ploemeur et Jules Verne.

En cause d’appel, la société Tex bardage ne produit toujours aucun justificatif de la commande de travaux complémentaires qu’elle a facturés le 26 juin 2020 au prix de 18’000 euros sur le chantier Elis, ni aucun justificatif des travaux qu’elle indique avoir réalisés sur divers chantiers en mai et juin 2020, en sus des prévisions des sous-traités, facturés eux aussi le 26 juin 2020 au prix total de 75’300 euros.

Dès lors, par confirmation du jugement entrepris, la société Métal 37, qui ne justifie d’aucun paiement ni d’aucun fait libératoires au sens du second alinéa de l’article 1353 du code civil, sera reconventionnellement condamnée à payer à la société Tex bardage, dans la limité de la créance dont la preuve est rapportée, la somme sus-énoncée de 34’540 euros, avec intérêts au triple du taux légal comme prévu sur les factures litigieuses.

Sur les demandes accessoires :

La société Tex bardage, qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de première instance et d’appel et sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur ce dernier fondement, ladite société sera condamnée à régler à la société Métal 37, à laquelle il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu’elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure de 4’000’euros.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME la décision entreprise en ce qu’elle a condamné la société Tex bardage aux dépens de première instance, reconventionnellement condamné la société Métal 37 à payer à la société Tex bardage une somme de 34’540 euros avec intérêts à trois fois le taux de l’intérêt légal et en ce qu’elle a débouté la société Tex bardage du surplus de sa demande reconventionnelle en paiement,

L’INFIRME pour le surplus de ses dispositions critiquées,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant’:

CONDAMNE la société Tex bardage à payer à la société Métal 37, en réparation du préjudice matériel et moral occasionné par les abandons de chantier, la somme de 51’680’euros,

CONDAMNE la société Tex bardage à payer à la société Métal 37, en réparation de l’atteinte portée à sa réputation, la somme de 5’000 euros à titre de dommages et intérêts,

DÉBOUTE la société Métal 37 de sa demande tendant au remboursement d’une somme de 40’000’euros,

CONDAMNE la société Tex bardage à payer à la société métal 37 la somme de 4’000’euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de la société Tex bardage formée sur le même fondement,

CONDAMNE la société Tex bardage aux dépens,

DIT n’y avoir lieu d’accorder à la SCP Referens le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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