Le 15 juin 2021, les consorts [N] [U]/[E] [K] ont conclu un contrat de construction de maisons individuelles avec la SARL Les Villas Alpines pour un montant de 164.800€, sous conditions suspensives d’obtention d’un permis de construire, d’un prêt de 340.000€ sur 25 ans, et de l’acquisition d’un terrain à bâtir. Un dépôt de garantie de 5.000€ et une indemnité forfaitaire de 10% du prix de construction étaient prévus. Le 12 octobre 2021, les consorts ont informé qu’ils ne lèveraient pas l’option d’acquisition du terrain, entraînant une mise en demeure infructueuse de la SARL. Celle-ci a alors engagé une procédure de résiliation du contrat et de demande de paiement de diverses sommes. Par jugement du 15 décembre 2022, le tribunal a constaté la responsabilité des consorts dans la résiliation, les condamnant à verser des sommes à la SARL, tout en déboutant cette dernière de sa demande en dommages-intérêts. Les consorts ont interjeté appel le 16 février 2023, demandant la réformation du jugement. Ils soutiennent que l’absence de l’une des conditions suspensives rend le contrat nul et qu’aucune pénalité n’est due. La SARL, par ses conclusions du 9 mai 2023, a demandé la confirmation du jugement, en ajoutant une demande de dommages-intérêts pour résistance abusive. La cour a finalement confirmé le jugement initial et a condamné les consorts à verser une somme supplémentaire à la SARL pour l’instance d’appel, ainsi qu’aux dépens.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° Portalis DBVM-V-B7H-LWTS
C2
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SELARL CDMF AVOCATS
Me Marie CANTELE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 08 OCTOBRE 2024
Appel d’une décision (N° RG 22/24225)
rendue par le tribunal judiciaire de Grenoble
en date du 15 décembre 2022
suivant déclaration d’appel du 16 Février 2023
APPELANTS :
Mme [N] [U]
née le 13 Décembre 1989 à [Localité 14]
[Adresse 8]
[Localité 4]
M. [E] [K]
né le 15 Avril 1982 à [Localité 13]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentés par Me Jean-Luc MEDINA de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me BANDOSZ, avocat au barreau de GRENOBLE,
INTIMEE :
S.A.R.L. LES VILLAS ALPINES LVA EXERCANT SOUS L’ENSEIGNE LV A [Localité 10] ELLES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Marie CANTELE, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me YAKOUBEN, avocat au barreau de GRENOBLE,
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine CLERC, Présidente,
Mme Joëlle BLATRY, Conseiller,
Mme Véronique LAMOINE, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 24 juin 2024 madame Blatry, conseiller chargé du rapport en présence de madame Clerc président de chambre, assistées de Alice RICHET, greffière, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
En présence de Mesdames Elise DEMAEGDT et Capucine AKKOR auditrices de justice, qui ont siégé en surnombre et participé avec voix consultatives au délibéré.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
Le 15 juin 2021, les consorts [N] [U]/[E] [K] ont signé avec la SARL Les Villas Alpines exerçant sous l’enseigne LVA Les Voironelles (la SARL) un contrat de construction de maisons individuelles (CCMI) moyennant le prix de 164.800€, sous conditions suspensives d’obtention, dans les 8 mois de la signature du contrat :
d’un permis de construire,
d’un prêt de 340.000€ sur 25 ans,
de l’acquisition du terrain à bâtir, support de l’opération de construction, sur la commune de [Localité 11], avec dépôt de la demande avant le 10 juin 2020.
Le contrat a prévu un dépôt de garantie de 5.000€ et une indemnité forfaitaire de 10% du prix de la construction.
Au regard du courrier du 12 octobre 2021 aux termes duquel les consorts [U]/ [K] ont indiqué qu’ils ne lèveraient pas l’option d’acquisition du terrain et après mise en demeure infructueuse du règlement de la clause pénale, la SARL les a, suivant exploits d’huissier des 13 et 14 avril 2022, fait citer en résiliation du contrat aux torts exclusifs des maîtres de l’ouvrage et en paiement de diverses sommes.
Par jugement réputé contradictoire du 15 décembre 2022 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Grenoble a :
constaté la responsabilité fautive des consorts [U]/ [K] dans la résiliation unilatérale du contrat du 15 juin 2021,
condamné in solidum les consorts [U]/ [K] à payer au demandeur les sommes de :
16.578 € au titre de l’indemnité forfaitaire avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,
1.890 € au titre des frais avancés,
débouté le demandeur de sa demande en dommages-intérêts,
condamné les défendeurs à payer au demandeur une indemnité de procédure de 1.000€, outre aux dépens de l’instance.
Suivant déclaration du 16 février 2023, les consorts [U]/ [K] ont relevé appel de cette décision.
Au dernier état de leurs écritures du 29 mars 2023, les consorts [U]/ [K] demandent à la cour de réformer le jugement déféré et de :
à titre principal, débouter la SARL de l’ensemble de ses prétentions,
subsidiairement, dire que l’indemnisation de la SARL ne saurait être supérieure à la somme de 1.890 €,
en tout état de cause, condamner la SARL à leur payer une indemnité de procédure de 4.000 €, ainsi qu’aux entiers dépens.
Ils exposent que :
si l’une des trois conditions suspensives manque, le contrat est nul,
il s’agit du retour à la situation préalable à la signature du contrat et aucune pénalité n’est due,
c’est à tort que le tribunal les a estimé fautifs au titre de la non réalisation de la condition d’acquisition du terrain,
loin d’avoir empêché la réalisation de cette condition, il est établi qu’ils se sont séparés et que leur situation de concubinage a pris fin,
victimes de la séparation de leur couple, ils ont dû renoncer,
si la cour confirmait le jugement déféré sur l’application de l’article 5-2 du contrat, il sera observé que le constructeur a seulement engagé la somme de 1.890€ à titre de dépenses,
ainsi, l’indemnité forfaitaire sera ramenée à cette seule somme.
Par uniques conclusions du 9 mai 2023, la SARL Les Villas Alpines exerçant sous l’enseigne LVA Les Voironelles demande à la cour de confirmer le jugement déféré sauf sur le rejet de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive qu’elle forme à hauteur de 5.000 € et, y ajoutant, de condamner les consorts [U]/ [K] à lui payer une indemnité de procédure de 3.000 €, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Elle fait valoir que :
les consorts [U]/ [K], alors qu’ils avaient obtenu un contrat de prêt, un permis de construire et signé une promesse de vente d’acquisition du terrain, ont décidé de renoncer unilatéralement au CCMI signé avec elle,
par cette renonciation, les consorts [U]/ [K] ont fait obstacle à la réalisation de la condition suspensive d’acquisition du terrain,
ils ont également violé leurs engagements à l’encontre du constructeur,
il s’agit d’une faute contractuelle qui engage incontestablement leur responsabilité,
ainsi, les conditions suspensives sont réputées levées et l’article 5-2 du contrat doit s’appliquer,
l’indemnité forfaitaire ne peut être requalifiée en clause pénale pouvant être révisée par le juge,
la clause doit s’analyser comme une clause de dédit,
la résistance abusive des consorts [U]/ [K] doit être sanctionnée.
La clôture de la procédure est intervenue le 14 mai 2024.
sur les demandes de la SARL Les Villas Alpines
au titre de l’indemnité forfaitaire
Aux termes de l’article 1304-3 alinéa 1er du code civil, la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement.
En l’espèce, il appartenait aux consorts [U]/ [K] de démontrer qu’ils avaient engagé les démarches nécessaires à la levée des conditions suspensives du CCMI au titre du dépôt de permis de construire, de l’obtention d’un prêt conforme aux caractéristiques définies dans ledit contrat et de l’acquisition d’un terrain à construire sur la commune de [Localité 11].
Il est établi que les consorts [U]/ [K] ont obtenu, le 30 juillet 2021, un permis de construire, le 10 septembre 2021, une proposition de prêt conforme aux stipulations du CCMI et, le 7 mai 2021, une promesse unilatérale de vente portant sur un terrain à bâtir cadastré sur la commune de [Localité 11] section [Cadastre 9], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 1] et [Cadastre 2].
Suivant attestation de Me [Z] [T], notaire des consorts [U]/ [K], il a été porté à la connaissance de la SARL que ceux-ci n’entendaient pas lever l’option d’achat de la promesse de vente du terrain à construire.
Ainsi, les consorts [U]/ [K], qui expliquent s’être séparés, ne justifient d’aucun élément indépendant de leur volonté ne leur permettant pas de réitérer la vente du terrain et ainsi de satisfaire à leur obligation d’acquérir les parcelles susvisées sur la commune de [Localité 12].
Par voie de conséquence, les consorts [U]/ [K], en ne satisfaisant pas, de leur propre chef, aux obligations leur incombant, ont empêché l’accomplissement de la condition suspensive.
Dès lors, cette condition suspensive est défaillie de leur fait.
Il est prévu à l’article 5-2 du CCMI une indemnisation forfaitaire de 10% du prix convenu de la construction dans l’hypothèse d’un retrait unilatéral du maître de l’ouvrage.
Ne s’agissant pas d’une clause pénale, aucune minoration ni suppression ne peuvent être envisagées.
Dès lors, c’est à bon droit que le tribunal a condamné les consorts [U]/ [K] à payer à la SARL la somme de 16.578€ au titre de cette indemnité.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
au titre des frais engagés pour la construction
La SARL justifie avoir réglé diverses sommes :
au titre du permis de construire pour un montant de 720 €, en pièce 6,
au titre de l’étude thermique pour un montant de 384 €, en pièce 7,
au titre du suivi et de la répartition des consommations pour le RT 2012 pour un montant de 66 €, en pièce 8,
au titre de la mise au point n° 2 pour les plans du permis de construire pour un montant de 720 €, en pièce 9.
Par voie de conséquence, c’est à bon droit que le tribunal a condamné les consorts [U]/ [K] à payer à la SARL la somme totale de 1.890€ au titre des diligences engagées par le constructeur à leur bénéfice.
en dommages-intérêts pour résistance abusive
En l’absence de démonstration d’un abus de la part des consorts [U]/ [K], c’est également à juste titre que le tribunal a débouté la SARL de sa demande indemnitaire à ce titre.
Ainsi, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.
sur les mesures accessoires
L’équité justifie de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice de la SARL.
Enfin, les dépens de la procédure d’appel seront supportés par les consorts [U]/ [K] et les mesures accessoires de première instance confirmées.
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum Mme [N] [U] et M. [E] [K] à payer à la SARL Les Villas Alpines exerçant sous l’enseigne LVA Les Voironelles la somme de 2.500€ par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour l’instance d’appel,
Condamne in solidum Mme [N] [U] et M. [E] [K] aux dépens de la procédure d’appel.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de la procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE