Responsabilité contractuelle du garagiste

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Responsabilité contractuelle du garagiste

Le garagiste qui procède à plusieurs reprises à des réparations qui se révèlent inefficaces, manque à son obligation contractuelle de résultat. La portée de l’obligation de résultat pesant sur le garagiste, s’étend aux coûts de la remise en état du véhicule.

Résumé de l’affaire : M. [F] [L], propriétaire d’un véhicule, a confié celui-ci à la S.A.S. Norauto France pour un contrôle technique en 2017 et une révision en août 2018. Suite à des désordres constatés, plusieurs interventions ont été réalisées sur le véhicule. M. [F] [L] a demandé deux expertises extrajudiciaires, qui ont été menées en présence d’un expert de Norauto, avec des rapports datés du 18 décembre 2019 et du 19 octobre 2020. Après des tentatives infructueuses de règlement amiable des réparations, M. [F] [L] a assigné Norauto devant le tribunal judiciaire de Montpellier le 5 septembre 2022, demandant réparation pour préjudice matériel et moral. Dans ses conclusions du 31 août 2023, il réclame 13 085,69 euros pour le préjudice matériel, 1 500 euros pour le préjudice moral, et 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. De son côté, Norauto, dans ses conclusions du 3 mai 2023, demande le paiement de 3 530,70 euros et le déboutement de M. [F] [L] de ses autres demandes. L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 juin 2024, avec une audience de plaidoirie prévue le 20 juin 2024, et la décision mise en délibéré au 19 septembre 2024, prorogée au 2 août 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

19 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Montpellier
RG
22/03805
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

TOTAL COPIES 4
COPIE REVÊTUE formule exécutoire avocat demandeur
1
COPIE CERTIFIÉE CONFORME AVOCAT
2
COPIE EXPERT

COPIE DOSSIER + AJ
1

N° RG 22/03805 – N° Portalis DBYB-W-B7G-N3IE
Pôle Civil section 2

Date : 19 Septembre 2024
LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONTPELLIER

Pôle Civil section 2

a rendu le jugement dont la teneur suit :

DEMANDEUR

Monsieur [F] [L]
né le 08 Avril 1964 à [Localité 4],
demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Sophie MIRALVES-BOUDET de la SELARL CHATEL BRUN MIRALVES CLAMENS, avocats au barreau de MONTPELLIER

DEFENDERESSE

SAS NORAUTO FRANCE, immatriculée au RCS de Lille Métropole sous le n° 480 470 152, dont le siège social est sis [Adresse 3] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, prise en son établissement secondaire NORAUTO [Localité 7], [Adresse 1]

représentée par Maître Nolwenn ROBERT de la SELAS PVB AVOCATS, avocats postulants au barreau de MONTPELLIER et Me Jean-Frédéric CARTER, avocat plaidant au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : Florence LE GAL
Juge unique

assisté de Françoise CHAZAL greffier faisant fonction, lors des débats et du prononcé.

DEBATS : en audience publique du 20 Juin 2024

MIS EN DELIBERE au 19 Septembre 2024

JUGEMENT : signé par le président et le greffier et mis à disposition le 19 Septembre 2024

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [F] [L], propriétaire d’un véhicule, l’a confié pour son contrôle technique en 2017 puis sa révision en août 2018 à l’établissement secondaire de la S.A.S. Norauto France, à [Localité 7] ; ultérieurement, certains désordres constatés ont conduit la S.A.S. Norauto France à intervenir à de multiples reprises sur le véhicule.

Deux examens par un expert mandaté par sa protection juridique ont été réclamés par M. [F] [L] : expertises extrajudiciaires qui se déroulaient en présence notamment de l’expert automobile mandaté par la S.A.S. Norauto France et qui ont respectivement donné lieu à deux rapports datés du 18 décembre 2019 puis du 19 octobre 2020.
M. [F] [L] a réclamé, sans succès, à la S.A.S. Norauto France le règlement des sommes engagées aux fins de réparations du véhicule, aucun accord transactionnel n’a abouti entre les parties.

Par acte de commissaire de justice du 5 septembre 2022, M. [F] [L] a assigné la S.A.S. Norauto France devant le tribunal judiciaire de Montpellier, sous bénéfice de l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil, aux fins notamment de réparation de son préjudice matériel et de son préjudice moral.

Par ses dernière conclusions notifiées par R.P.V.A le 31 août 2023, en application des dispositions de l’article 1231-1 du code civil, M. [F] [L] réclame du tribunal, sous bénéfice de de juger que la société NORAUTO a commis un manquement contractuel, qu’elle n’a pas respecté son obligation de résultat et en conséquence sa condamnation à lui payer :
-13 085,69 euros en réparation de son préjudice matériel,
– 1 500 euros en réparation de son préjudice moral,
– 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées par R.P.V.A le 3 mai 2023, sur le fondement des articles 1231-1 et 1231-23 du code civil, la S.A.S. Norauto France demande au tribunal de la condamner à payer la somme de 3.530,70 € au profit du requérant et de le débouter de ses plus amples demandes.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux dernières conclusions régulièrement notifiées par bulletin au R.P.V.A. par M. [F] [L] et celles régulièrement notifiées par bulletin au R.P.V.A. par la S.A.S. Norauto France.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 juin 2024 avec une audience de plaidoirie prévue le 20 juin 2024. La décision a été mise en délibéré au 19 septembre 2024 et prorogée au 2 août 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’étendue du préjudice matériel

Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »
Le contrat qui lie le garagiste à son client est un contrat déséquilibré entre un professionnel -averti, expérimenté- et un automobiliste profane, son client, qui annonce une défaillance au garagiste chez qui il dépose son véhicule, et dont il attend la restitution du véhicule en état de marche : ceci est le sens de l’obligation de résultat qui pèse sur le garagiste.

Ainsi, le garagiste qui procède à plusieurs reprises à des réparations qui se révèlent inefficaces, manque à son obligation contractuelle de résultat. La portée de l’obligation de résultat pesant sur le garagiste, s’étend aux coûts de la remise en état du véhicule.

Pour rappel :
● le rapport d’expertise “protection juridique” du 18 décembre 2019 du cabinet Fretay Idea, dont les constatations contradictoires ont été opérées en présence du requérant mais également en présence du chef d’atelier et de celle d’un expert en automobile de la S.A.S. Norauto France, a conclu que la société Norauto a commis une erreur de modèle sur le remplacement de certaines pièces : les biellettes de suspension, ce qui a entraîné des dysfonctionnements récurrents du véhicule.
● le second rapport d’expertise protection juridique établi par le cabinet Chevalier le 19 octobre 2020, portant sur une avarie récurrente après intervention de Norauto de [Localité 7], -expertise contradictoire organisée en présence de l’expert de la S.A.S. Norauto France, Artus, et celle de deux chefs d’atelier de Norauto le 18 septembre 2020, Messieurs [T] et [B] -, il est souligné principalement deux désordres :
– celui des biellettes de suspension trop longues qui entraînent une mauvaise position du train avant,
– celui de l’usure irrégulière des pneumatiques avant accompagné d’un phénomène de vibrations ressenties au roulage, phénomène récurrent, dont la solution est le remplacement de la transmission gauche de marque SKF pour un modèle d’origine constructeur, ce dernier point étant consigné en toute fin du rapport qui mentionne “les transmissions SKF monté par Norauto ne convient pas aux véhicules, elle présente des signes d’usure anormalement prématurée”.

En conséquence, M. [F] [L] sollicite le remboursement de :
– 8196,95 € au titre de huit factures aux fins de réparation de son véhicule [Facture n° 0129/164433 (23/08/2018) ; Facture n° 0129/165438 (25/09/2018) ; Facture n° 0129/166574 (03/11/2018) ; Facture n° 0129/167465 (06/12/2018) ; Facture n° 0129/167933 (21/12/2018) ; Facture n° 0129/174627 (26/07/2019) ; Facture 598817 – S004 (24/07/2020) et Facture n° 375958 (23/10/2020)]
– 4689,74 euros au titre de la remise en état,
– 199 euros au titre d’un diagnostic,
soit un total de 13 085, 69 euros.
La S.A.S. Norauto France s’oppose au paiement d’une part de la somme, indiquant que l’intégralité des sommes ci-dessus n’est pas en lien direct avec les désordres rappelés plus haut.
M. [F] [L] critique cet argument en se limitant à dire que l’ensemble des factures dont il sollicite le remboursement “sont pourtant liens les unes avec les autres et sont la conséquence de la mauvaise intervention de la société Norauto” sans plus de précision.

Il convient à présent de reprendre séparément les factures visées et les sommes réclamées.

La facture n° 0129/164433 du 23/08/2018, la S.A.S. Norauto France réplique qu’elle est antérieure à l’apparition des premiers désordres issus du remplacement de la transmission et qu’elle doit en conséquence rester à charge du requérant ; par ailleurs à sa lecture, apparaissent des postes de dépenses telles que vidange pont vidange boîte manuelle, montage filtre à huile, montage filtre d’habitacle, analyse des gaz diesels, contrôle niveau 1, niveau 2 niveau 3 diesel, autant d’éléments sans lien avec les désordres listés plus haut : il convient de rejeter la demande de M. [F] [L] et de laisser à sa charge le montant de 2003,20 euros.

La facture n° 0129/165438 du 25/09/2018 : la S.A.S. Norauto France rapporte la preuve -ses pièces 6 et 7- qu’elle a été annulée au bénéfice du requérant, une information précise sur lequel M. [F] [L] n’apporte aucune contradiction : il convient de rejeter la demande de M. [F] [L] et de laisser à sa charge le montant de 166 euros.

La facture n° 0129/166574 du 03/11/2018 : il convient de constater l’accord de la société Norauto aux fins de prendre à sa charge son montant de 383,90 euros TTC et de faire droit en conséquence à la demande de M. [F] [L].

La facture n° 0129/167465 du 06/12/2018 : il convient de constater l’accord de la société Norauto aux fins de prendre à sa charge son montant de 1647,80 euros TTC et de faire droit en conséquence à la demande de M. [F] [L].

La facture n° 0129/167933 du 21/12/2018 : il convient de constater l’accord de la société Norauto aux fins de prendre à sa charge le montant de 1300 euros TTC et de faire droit en conséquence à la demande de M. [F] [L].

La facture n° 0129/174627du 26/07/2019 : principalement en remplacement des pneumatiques par 4 pneus de marque Hankook ; la S.A.S. Norauto France remarque que le requérant a parcouru un nombre très important de kilomètres en un an – M. [F] [L] ne contredit pas une distance sur cette période de plus de 55 000 km, soit une distance considérable- ; le remplacement des pneumatiques est au final en lien avec les kilomètres parcourus et n’a aucun lien avec les désordres listés plus haut ; il convient de rejeter la demande de M. [F] [L] et de laisser à sa charge le montant de 658, 59 euros.

La facture 598817 – S004 du 24/07/2020 du garage Audi de [Localité 5] (64 236) : aux termes de cette facture, il est noté un changement de disques et de plaquettes de frein arrière pour la somme de 467 euros TTC, mais elle porte également, ainsi que le souligne la défeneresse, sur le remplacement des quatre pneumatiques, M. [F] [L] ayant parcouru environ 40 000 km, soit une distance considérable ; le même raisonnement que précédemment doit prévaloir : il convient de rejeter la demande de M. [F] [L] et de laisser à sa charge le montant de 1349, 02 eurosTTC.

La facture n° 375958 du 23/10/2020, du garage DBF [Localité 6] porte cette fois sur le changement de disques et plaquettes des freins avant : la S.A.S. Norauto France fait valoir que l’existence d’une usure naturelle au vu de la distance parcourue ensuite du changement par ses soins des plaquettes de frein en août 2018 et que cette dépense ne peut être mise à sa charge. Son argument n’est pas davantage et précisément contredit non plus par le requérant. Il convient de rejeter la demande de M. [F] [L] et de laisser à sa charge le montant de 688, 44 euros TTC.

La somme de 4 689, 74 euros : au soutien de cette demande, M. [F] [L] produit aux débats, sa pièce 14, devis du 16 octobre 2020 du garage Audi DBF [Localité 6] ; mais il s’agit d’un devis en ce cas “estimatif ”, réalisée d’autre part avant les procès-verbaux d’examen contradictoires du véhicule des 28 novembre et 13 décembre 2019, établie en amont du rapport d’expertise de protection juridique du 18 décembre 2019 ; par ailleurs la S.A.S. Norauto France rapporte la preuve d’avoir procédé directement auprès de DBF [Localité 6] le 15 octobre 2020 au règlement de la somme de 2146, 34 euros aux fins de réparation du véhicule litigieux. Il convient en conséquence de rejeter la demande de M. [F] [L] et de laisser à sa charge le montant de 4 689,74 euros TTC.

La somme de 199 euros au titre du diagnostic Audi DBF : il convient de constater l’accord de la société Norauto aux fins de prendre à sa charge cette somme et de faire droit en conséquence à la demande de M. [F] [L].

Au vu de ce qui précède, la S.A.S. Norauto France est condamné à payer à M. [F] [L] la somme de 3 530, 70 euros en réparation de son préjudice matériel.

Sur l’existence d’un préjudice moral :

M. [F] [L] réclame le paiement de la somme de 1500 euros en réparation de son préjudice moral : au soutien de sa demande il précise qu’il “se retrouve par ailleurs à devoir saisir la justice, ce qui lui cause un important préjudice moral”.
La défenderesse s’y oppose, rappelant toutes ses démarches accomplies en amont du contentieux.

Saisir un tribunal aux fins de défendre ses intérêts ne peut équivaloir à un préjudice mais au contraire à une certitude confiante qu’il sera enfin statué sur un litige.

M. [F] [L] n’apporte pas la preuve de l’existence d’un quelconque préjudice moral et il est débouté de sa demande de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
Il y a lieu de condamner la S.A.S. Norauto France succombant aux entiers dépens de l’instance.

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 .
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent. La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l’État majorée de 50 %.

En l’espèce, l’équité commande de condamner la S.A.S. Norauto France à payer à M. [F] [L] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, contradictoirement en premier ressort, par mise à disposition du jugement au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

CONDAMNE la S.A.S. Norauto France à payer la somme de 3 530, 70 euros à M. [F] [L] en réparation de son préjudice matériel,

Déboute M. [F] [L] de sa demande de dommages et intérêts afférente à son préjudice moral,

CONDAMNE la S.A.S. Norauto France aux entiers dépens de l’instance,

CONDAMNE la S.A.S. Norauto France à payer à M. [F] [L] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe civil le 19 septembre 2024.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

Françoise CHAZAL Florence LE-GAL


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