Responsabilité bancaire et vigilance : enjeux d’une escroquerie financière

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Responsabilité bancaire et vigilance : enjeux d’une escroquerie financière

Monsieur [R] [U] a effectué deux virements totalisant 70 000 euros depuis son compte à la SA Banque BNP PARIBAS vers des comptes en Italie et en Espagne, suite à une proposition d’investissement de la société COMDIRECT AG. Après avoir été victimes d’une escroquerie, lui et son épouse ont demandé la restitution de leur investissement à la banque, puis ont déposé plainte pour escroquerie. Ils ont assigné la SA BNP PARIBAS en justice pour obtenir une indemnisation, arguant que la banque avait manqué à son devoir de vigilance en ne vérifiant pas les bénéficiaires des virements. La banque, de son côté, a soutenu qu’elle n’avait commis aucune faute, affirmant que les virements avaient été autorisés par le client et que les coordonnées fournies étaient correctes. Elle a également contesté le lien de causalité entre son éventuelle négligence et le préjudice subi par les époux [U]. Le tribunal a finalement condamné la SA BNP PARIBAS à verser 5 000 euros de dommages et intérêts aux époux [U], ainsi qu’à payer les dépens et une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Bordeaux
RG
22/08240
N° RG 22/08240 – N° Portalis DBX6-W-B7G-XC2P
5ème CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

38E

N° RG 22/08240 – N° Portalis DBX6-W-B7G-XC2P

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[R] [U], [S] [U]

C/

S.A. BNP PARIBAS

Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SELARL DUCASSE NICOLAS SICET
Me Edwige HARDOUIN
la SCP KRAMER LEVIN LLP

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5ème CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 17 OCTOBRE 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Myriam SAUNIER, Vice-Présidente
Angélique Quesnel, Juge

Greffier, lors des débats et du prononcé
Pascale BUSATO, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 11 Juillet 2024
Délibéré au 17 octobre 2024
Sur rapport conformément aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort
Prononcé publiquement par mise à disposition du jugement au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile

DEMANDEURS :

Monsieur [R] [U]
de nationalité Française
Rue du 19 mars 1962 – APT 1031 TOUR C RES. CHATEAU RABA
33400 TALENCE

représenté par Me Edwige HARDOUIN, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

Monsieur [S] [U]
de nationalité Française
Rue du 19 mars 1962 – APT 1031 TOUR C RES. CHATEAU RABA
33400 TALENCE

représenté par Me Edwige HARDOUIN, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

N° RG 22/08240 – N° Portalis DBX6-W-B7G-XC2P

DÉFENDERESSE :

S.A. BNP PARIBAS
16 BOULEVARD DES ITALIENS
75009 PARIS

représentée par Maître Dominique PENIN de la SCP KRAMER LEVIN LLP, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, Maître Aurore SICET de la SELARL DUCASSE NICOLAS SICET, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats postulant

EXPOSE DU LITIGE

Dans le cadre d’une proposition de placements financiers à l’étranger, monsieur [R] [U] a procédé à deux virements depuis son compte bancaire ouvert dans les livres de la SA Banque BNP PARIBAS vers deux comptes ouverts dans des banques italiennes et espagnoles indiqués par la société COMDIRECT AG qui se présentait comme une filiale de la société DEUTSCHE BANK pour un montant total de 70 000 euros, réalisés :
le 29 juin 2021 pour une somme de 20 000 euros,le 16 septembre 2021 pour une somme de 50 000 euros. Pour effectuer ces deux virements, monsieur [U] s’est déplacé au guichet de sa banque.
Soutenant avoir été victimes d’une escroquerie, monsieur et madame [U] ont vainement demandé à la SA BNP PARIBAS d’avoir à leur restituer le montant total de leur investissement. Ils ont par ailleurs déposé plainte pour des faits d’escroquerie le 17 mai 2022.
Par acte extrajudiciaire délivré le 3 novembre 2022, monsieur [R] [U] et son épouse [S] [U] ont fait assigner la SA BNP PARIBAS devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins d’indemnisation de leur préjudice.
La clôture est intervenue le 5 juin 2024 par ordonnance du juge de la mise en état du même jour.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 31 mai 2024, monsieur et madame [U] sollicitent du tribunal la condamnation de la SA BNP PARIBAS :
à leur payer la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts,au paiement des dépens,à leur payer la somme de 6.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Au soutien de leurs prétentions indemnitaires, monsieur et madame [U] se fondent en premier lieu sur les dispositions des articles L. 133-18 et L. 133-24 du code monétaire et financier imposant au prestataire de service de paiement de rembourser son client en cas d’opération de paiement non autorisée qui lui aurait été signalée.

Ils font valoir qu’ils ont signalé à leur établissement bancaire les anomalies concernant les virements litigieux, qu’ils pensaient que les comptes vers lesquels les virements avaient été faits avaient été ouverts à leur nom, ainsi que les escrocs les en avaient assurés. Dès lors que les virements n’ont pas été réalisés sur de tels comptes, ils soutiennent que le destinataire des fonds était erroné et que les virements qui mentionnent un destinataire erroné engagent la responsabilité de la banque. Ils estiment que leur conseiller aurait dû a minima procéder à des vérifications sur les bénéficiaires des virements avant de les exécuter. Ils reprochent à la banque d’avoir manqué à son devoir de vigilance et de ne pas avoir été alertée par de nombreuses anomalies de fonctionnement du compte dès lors que :

-monsieur [U] s’est présenté par deux fois au guichet pour procéder à deux virements de sommes excessives à destination de comptes à l’étranger, alors qu’il est retraité, que le seul patrimoine du couple est son épargne et que le couple vit avec des ressources mensuelles de 2000 euros,
-la banque savait qu’ils ne détenaient pas d’autre épargne que celle rachetée (assurance-vie) et qui constituait leurs seules économies, de sorte que ces opérations étaient inhabituelles et exceptionnelles au regard de leur situation,
-ils sont totalement inexpérimentés en matière de placements et transactions financières et le fonctionnement de leur compte ne traduisait aucune opération de ce type,
-leur conseillère bancaire n’a pourtant posé aucune question.

S’agissant du préjudice, ils soulignent que ces opérations à perte les ont privés de leur épargne. Ils contestent avoir commis une faute et rappellent avoir été victime d’escroquerie. Ils tiennent la banque pour entièrement responsable de la dilapidation de leurs économies en raison de son manquement à son obligation de vigilance et que le devoir de non-ingérence trouve sa limite dans ce devoir de vigilance qui incombe à la banque pour déceler les anomalies apparentes, et doit la conduire à refuser l’opération demandée afin d’éviter la survenance du préjudice pour leur client.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 4 juin 2024, la SA BNP PARIBAS demande au tribunal de :
débouter les époux [U] de l’intégralité de leurs demandes,les condamner au paiement des dépens,les condamner à lui payer une indemnité de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.La SA BNP PARIBAS soutient à titre principal qu’elle n’a commis aucune faute génératrice de responsabilité dans le cadre des opérations de paiement initiées par les époux [U]. Ainsi, elle fait valoir que le dispositif qui résulte des dispositions de l’article L. 133-18 et suivants n’a vocation à s’appliquer qu’aux seules opérations de paiement non autorisées, alors que monsieur [U] s’est présenté personnellement au guichet pour procéder aux deux virements, qu’il a communiqué à sa conseillère les coordonnées IBAN et BIC nécessaires aux virements et qu’il a signé les deux ordres de virements. Elle souligne en outre qu’il n’est pas soutenu par les époux [U] que les coordonnées ainsi données auraient été modifiées ultérieurement pour détourner les fonds.

Elle conteste par ailleurs avoir manqué à son obligation de vigilance, dès lors que les deux virements ont été effectué en faveur de deux comptes tiers ouverts dans les livres de banques italienne et espagnole et rappelle qu’elle s’est bornée à exécuter les virements au regard des coordonnées communiquées par l’utilisateur, en application de l’article L. 133-21 du code monétaire et financier. Elle ajoute que les époux [U] ne l’ont jamais informée de la teneur du prétendu investissement qu’ils pensaient réaliser avec la société COMDIRECT AG, de sorte qu’elle ne pouvait détecter l’escroquerie, celle-ci ayant seulement eu connaissance du nom des bénéficiaires des virements et des motifs indiqués lors de l’enregistrement des ordres de virement. Elle rappelle qu’elle est tenue à un devoir de non-immixtion dans les affaires de son client et n’a pas à effectuer un contrôle scrupuleux de chaque virement réalisé par son client ni des motifs de ces virements, dès lors que le fonctionnement du compte ne présente aucune anomalie. Or, en l’espèce, les virements ont été autorisés par monsieur [U], au guichet de son agence bancaire, de sorte que le client était sans aucun doute à l’origine des virements, et en déduit l’absence d’anomalie matérielle. Elle souligne que les seules obligations du banquier lors de l’exécution d’un virement sur la base d’un IBAN fourni par son client est de respecter le délai imparti pour le réaliser et de ne pas faire d’erreur dans son montant et qu’en l’espèce, rien ne laissait présager d’une escroquerie, le seul fait que les virements aient été destinés à des comptes tenus en Italie et en Espagne, membres de l’UE, n’étant pas de nature à alarmer particulièrement la banque. Elle ajoute que la banque n’a de devoir de mise en garde à l’égard de son client que sur les produits et services qu’elle vend elle-même, ce qui n’est pas le cas de l’espèce.

Subsidiairement, elle souligne que si sa responsabilité devait être retenue, le tribunal devrait également retenir que les époux [U] ont concouru eux-mêmes à leur dommage en n’étant pas vigilant par rapport à un investissement au rendement promis anormalement élevé, faisant obstacle à toute demande indemnitaire.

Subsidiairement encore, la SA BNP PARIBAS fait valoir que le préjudice financier allégué n’est ni certain ni actuel dès lors qu’il n’est pas démontré qu’ils auraient été victimes de faux placements financiers et n’auraient aucun espoir de recouvrer la somme investie. Elle ajoute que le lien de causalité n’est pas non plus établi avec une prétendue faute de sa part dès lors que c’est la volonté ferme des demandeurs de procéder à ces virements qui est à l’origine de leur préjudice, non son défaut de vigilance. En tout état de cause, le seul préjudice qui pourrait être retenu serait fondé sur une perte de chance de ne pas investir dans les produits litigieux ou de mieux investir. Or, rien n’établit que mieux informés ou mis en garde par leur banquier, ils n’auraient pas investi la somme malgré tout, soulignant que les époux [U] lui ont délibérément donné de faux motifs pour des virement afin de ne pas alerter la banque. Enfin, elle rappelle que les époux [U] ont par leur propre négligence concouru à la réalisation de leur préjudice.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité de la banque dans l’exécution de virements non autorisés
Aux termes de l’article L. 133-18 du code monétaire et financier, en cas d’opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur dans les conditions prévues à l’article L. 133-24 du code monétaire et financier, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse immédiatement au payeur le montant de l’opération non autorisée et, le cas échéant, rétablit le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu, sauf, dans le cas d’une opération réalisée au moyen d’un instrument de paiement doté de données de sécurité personnalisées, si la responsabilité du payeur est engagée en application de l’article L. 133-19 du même code.
Ne constitue pas une opération autorisée un ordre de virement régulier lors de sa rédaction mais dont le numéro IBAN du compte destinataire a été ultérieurement modifié par un tiers à l’insu du donneur d’ordre.
Selon les deux premiers alinéas de l’article L. 133-21 du même code : « Un ordre de paiement exécuté conformément à l’identifiant unique fourni par l’utilisateur du service de paiement est réputé dûment exécuté pour ce qui concerne le bénéficiaire désigné par l’identifiant unique./ Si l’identifiant unique fourni par l’utilisateur du service de paiement est inexact, le prestataire de services de paiement n’est pas responsable de la mauvaise exécution ou de la non-exécution de l’opération de paiement. »
En l’espèce, il ressort des pièces produites (pièce n°8 demandeurs) que monsieur et madame [U] ont, le 29 juin 2021, donné l’ordre à leur établissement bancaire de virer une somme de 20 000 euros en faveur de « SAVE ECO SRL », le motif étant « acompte [U] ». L’établissent bancaire destinataire des fonds est une banque Italienne. Si Monsieur et madame [U] soutiennent ne pas avoir autorisé cette opération dès lors qu’ils pensaient que les sommes seraient virées sur un compte ouvert à leur nom dans un établissement bancaire italien, force est de constater que sur l’ordre de virement, ils n’apparaissent pas comme destinataires. De plus, il n’est ni soutenu ni allégué que le compte destinataire aurait été ultérieurement modifié par un tiers à leur insu, de sorte que le compte finalement crédité n’était pas celui initialement envisagé.
Ainsi, pour ce premier virement de 20 000 euros, il n’est pas établi que l’opération n’a pas été autorisée par monsieur et madame [U].
En ce qui concerne le second virement, il ressort de la pièce n°9 des demandeurs qu’un virement de 50 000 euros a été réalisé le 20 septembre 2021. Cette fois, les destinataires du compte sont bien « Mr et Mme [U] » et l’établissement bancaire destinataire est une banque espagnole. Il n’est pas contesté que le numéro du compte destinataire du virement a été communiqué par monsieur [U] lors d’un déplacement au guichet. En présence d’un identifiant unique de virement communiqué par son client, la banque n’avait pas à rechercher si celui-ci coïncidait avec son numéro de compte ouvert auprès d’une banque espagnole.
Il en ressort qu’il n’est pas démontré que les deux virements litigieux n’ont pas été autorisés par les demandeurs et que c’est à tort que la banque les aurait exécutés.

Sur la responsabilité de la banque au titre de son obligation générale de vigilanceIl résulte des articles 1217 et 1231-1 du code civil que la banque, en sa qualité de teneur de compte, est tenue d’une obligation de vigilance la contraignant à vérifier les anomalies apparentes, matérielles ou intellectuelles, notamment d’un ordre de virement.
Si le banquier est tenu d’un devoir de non-immixtion, ce devoir ne le dispense pas de l’obligation d’exercer une surveillance sur le fonctionnement du compte de ses clients, notamment afin de déceler toutes anomalies matérielles ou intellectuelles apparentes.
En l’espèce, il est constant que monsieur [U] s’est rendu par deux fois au guichet de son établissement bancaire pour effectuer deux virements.
S’agissant du premier virement, il ressort des échanges de courriels avec la conseillère clientèle de l’agence bancaire et du relevé d’informations figurant sur l’ordre de virement que monsieur [U] a donné l’ordre de virer une somme de 20 000 euros en faveur d’un compte bancaire en Italie, mentionnant comme motif : « Acompte [U] ». Le destinataire de ces travaux était : « SAFE ECO SRL ». Monsieur [U] s’est rendu lui-même au guichet de sa banque, a indiqué lui-même le motif du virement, sans rapport avec un investissement à haut rendement à l’étranger, a communiqué lui-même les coordonnées du compte et donné le nom de la société. Aucun de ces éléments ne constituent des anomalies devant normalement conduire la banque à alerter son client sur un potentiel risque.
Toutefois, à ce virement de 20 000 euros s’ajoute un second virement, moins de 3 mois plus tard, de 50 000 euros. Cette fois, monsieur [U] s’est présenté à son agence bancaire muni d’un RIB recopié à la main. Il a donné ordre de procéder à ce virement sur ce compte, qu’il pensait être ouvert à son nom dans un établissement bancaire en Espagne, le nom de Monsieur et madame [U] figurant sur le compte rendu de l’ordre de virement établi par la banque. Le motif était « acompte travaux Espagne ». Même si monsieur [U] a fourni l’identifiant unique, il appartenait à la banque, dans le cadre de son devoir de vigilance, de s’interroger sur les motifs de l’absence d’un RIB inscrit sur un document émanant de la banque espagnole et de vérifier, au regard de cette anomalie matérielle constatée, si le numéro d’identifiant unique correspondait bien à un compte bancaire ouvert au nom des époux [U] en Espagne, alors que ce virement représentait, cumulé aux 20 000 euros décaissés deux mois plus tôt, une part conséquente de leur épargne, ce qui n’est pas contesté en défense. Or aucune démarche n’a été entreprise pour vérifier ce point.
Il en ressort que la manque a manqué à son devoir de vigilance.

Sur la demande indemnitaire
En vertu de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
Aux termes de l’article 1231-2 du même code : « Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé ».
Par son manquement à son obligation de vigilance, la banque n’a pas permis aux époux [U] de ne pas réaliser le second virement et de limiter la perte financière survenue par la réalisation d’investissements auprès d’une société frauduleuse. Le lien de causalité entre le préjudice financier avancé par les époux [U] et la faute reprochée à la SA BNP PARIBAS est caractérisé.
Cependant, comme le soutient justement la banque, le préjudice matériel des demandeurs ne peut s’analyser qu’en une perte de chance de ne pas réaliser les virements litigieux laquelle ne peut équivaloir au montant de l’ensemble des sommes perdues.
Or, il ressort des pièces produites que tout en sachant qu’il allait procéder à des investissements financiers, monsieur [U] a indiqué sciemment sur les ordres de virement que ces transferts d’argent étaient destinés à des travaux à l’étranger, de manière à tromper la vigilance de la banque.
En outre, il ressort par ailleurs de son dépôt de plainte que celui-ci a d’abord procédé à un premier virement de 20 000 euros après s’être fait démarcher puis à un second virement alors qu’il commençait à avoir des doutes sur la sincérité de l’opération.
Enfin, il n’a pas cherché à s’assurer de l’effectivité de l’ouverture d’un compte bancaire à son nom en Espagne comme annoncé par l’escroc.
Il en découle donc que les demandeurs ont fait preuve d’une très grande imprudence dans le choix d’investissements en ligne, domaine qui leur était inconnu, dans un espoir de rentabilité très favorable. Cette grande imprudence est, dans une proportion très importante, à l’origine de la survenue du dommage dont ils se plaignent.
Dès lors, la perte de chance de ne pas avoir réalisé les virements litigieux du fait de la faute de la banque s’établit à 10% des 50 000 euros investis lors la seconde opération et il sera donc alloué à monsieur et madame [U], en réparation de leur préjudice, la somme forfaitaire de 5 000 euros que la SA BNP PARIBAS sera condamnée à leur payer.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Dépens
En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, la SA BNP PARIBAS perdant la présente instance, il convient de la condamner au paiement des dépens.

Frais irrépétibles
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.[…]. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.

En l’espèce, la SA BNP PARIBAS, qui perd la présente instance, sera condamnée à verser aux demandeurs une somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande formée de ce chef.

N° RG 22/08240 – N° Portalis DBX6-W-B7G-XC2P

Exécution provisoire
En vertu de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

En l’espèce, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire qui est compatible avec la nature de l’affaire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Condamne la SA BNP PARIBAS à verser à monsieur et madame [U] une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne la SA BNP PARIBAS au paiement des dépens de l’instance,

Condamne la SA BNP PARIBAS à verser à monsieur et madame [U] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande formée par la SA BNP PARIBAS au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Rappelle que la décision est exécutoire par provision.

Le présent jugement a été signé par madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente et par madame Pascale BUSATO, Greffier.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


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