La SAS Etablissements Sephadis [Z] a ouvert un compte courant à la Banque Chaix, désormais Banque Populaire Méditerranée, suite à une fusion en 2016. Le 29 janvier 2020, la société a été victime d’une fraude au président, entraînant un détournement de 345.704,66 euros, pour lequel elle a déposé une plainte. Le 23 juin 2020, elle a assigné la banque en responsabilité devant le tribunal de commerce de Marseille. Par jugement du 19 avril 2021, la banque a été condamnée à rembourser la somme détournée et à verser 5.000 euros pour les frais de justice, le jugement étant exécutoire à titre provisoire. La Banque Populaire Méditerranée a interjeté appel le 29 avril 2021, demandant la réforme du jugement et contestant la recevabilité des demandes de la société. En réponse, la SAS Etablissements Sephadis [Z] a demandé la confirmation du jugement initial et le rejet des demandes de la banque.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 3-3
ARRÊT AU FOND
DU 26 SEPTEMBRE 2024
N° 2024/108
Rôle N° RG 21/06501 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHL4P
Ste Coopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE
C/
Société ETABLISSEMENTS SEPHADIS [Z] S.A.S.
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Gilles MARTHA
Me Joseph MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 19 Avril 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 2020F00598.
APPELANTE
BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE, venant aux droits de la BANQUE CHAIX, par suite d’une opération placée sous le régime des fusions, ci-après dénommée la BANQUE ou la BPMED, prise en la personne de son directeur général,
dont le siège social est sis [Adresse 5] – [Localité 2]
représentée par Me Gilles MARTHA de la SCP BBLM, avocat au barreau de MARSEILLE
assistée de Me Vincent SOREL, avocat au barreau de MARSEILLE,plaidant, substituant Me Gilles MARTHA
INTIMÉE
SAS ETABLISSEMENTS SEPHADIS [Z], agissant poursuites et diligences de son président,
dont le siège social est sis [Adresse 4] – [Localité 3]
représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Romain TANDA, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant, substituant Me Alexandre TSOREKAS de la SELARL AKHEOS, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe DELMOTTE, Président
Madame Françoise PETEL, Conseillère
Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation, le 26 Septembre 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2024
Signé par Monsieur Philippe DELMOTTE, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SAS Etablissements Sephadis [Z] était, selon convention du 12 janvier 1987, titulaire d’un compte courant n°[XXXXXXXXXX01] ouvert dans les livres de la Banque Chaix, aux droits de laquelle se trouve la Banque Populaire Méditerranée à la suite d’une opération de fusion-absorption réalisée en 2016.
Le 29 janvier 2020, ladite société a été victime d’une fraude dite « au président », ayant abouti au détournement d’une somme de 345.704,66 euros, faits pour lesquels elle a immédiatement déposé une plainte pénale.
Par exploit du 23 juin 2020, la SAS Etablissements Sephadis [Z] a fait assigner la Banque Populaire Méditerranée en responsabilité devant le tribunal de commerce de Marseille.
Par jugement du 19 avril 2021, ce tribunal a :
‘ condamné la Banque Populaire Méditerranée à payer à la SAS Etablissements Sephadis [Z] la somme de 345.704,66 euros en principal ainsi que la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ condamné la Banque Populaire Méditerranée aux dépens,
‘ dit que le jugement est de plein droit exécutoire à titre provisoire,
‘ rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du jugement.
Suivant déclaration du 29 avril 2021, la Banque Populaire Méditerranée a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 6 septembre 2022, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, l’appelante demande à la cour de :
‘ réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille le 19 avril 2021 (n° RG 2020F00598), sauf en ce qu’il a jugé que la société Séphadis [Z] n’était pas fondée à se prévaloir des articles L.561-4-1 et suivants du code monétaire et financier contre elle,
et, statuant à nouveau sur la base des moyens par elle soulevés :
1er moyen : sur l’irrecevabilité des demandes :
‘ déclarer les demandes de la société Sephadis [Z] irrecevables en l’état de la clause de non-recours insérée dans la convention liant les parties,
2ème moyen : sur le débouté des demandes :
‘ débouter purement et simplement la société Séphadis [Z] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions, la banque n’ayant commis aucune faute,
‘ ordonner en tant que de besoin les restitutions inhérentes à une telle réformation,
‘ condamner la société Séphadis [Z] au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées et déposées le 28 septembre 2021, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la SAS Etablissements Sephadis [Z] demande à la cour de :
‘ confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille en date du 19 avril 2021 en ce qu’il a condamné la BPM à lui restituer la somme de 345.704,66 euros,
‘ débouter la Banque Populaire Méditerranée de l’ensemble de ses demandes,
‘ condamner la Banque Populaire Méditerranée à lui payer la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ condamner la Banque Populaire Méditerranée aux entiers dépens.
Sur la recevabilité de la demande :
L’appelante fait valoir que l’action de la SAS Etablissements Sephadis [Z] se heurte à une fin de non-recevoir tirée d’un défaut du droit d’agir et doit donc être déclarée irrecevable.
La Banque Populaire Méditerranée expose qu’en effet, les parties ont encadré l’exécution des virements au travers d’une convention intitulée « convention de transmission d’ordres par télécopie et/ou mail portant sur les opérations internationales », qu’aux termes de cette convention, l’intimée a souhaité réaliser ses virements internationaux, soit par télécopie, soit par mail, et l’a autorisée à exécuter les instructions qu’elle recevrait par ce canal, que ladite convention prévoyait notamment une clause de non-recours contre la banque, de sorte que la SAS Etablissements Sephadis [Z] est dépourvue du droit d’agir visé aux articles 31 et 32 du code de procédure civile.
Elle précise que les seules circonstances de nature à faire obstacle à l’application d’une telle clause sont la faute intentionnelle ou le dol, qu’en l’espèce, la clause de non-recours est parfaitement valable, que force est de constater qu’aucune faute intentionnelle ne saurait être mise à sa charge, que la clause est donc parfaitement opposable à l’intimée qui a introduit son action au mépris de cette clause.
Cependant, si figure effectivement dans la convention signée par le président de la SAS Etablissements Sephadis [Z] le 23 novembre 2017 une clause de non-recours, dont la validité n’est pas contestée, l’appelante n’est pas fondée à s’en prévaloir, dès lors qu’elle n’est pas applicable en l’espèce, l’ordre de virement litigieux n’émanant pas de l’adresse e-mail mentionnée dans cet acte, à savoir « [Courriel 6] ».
Sur le fond :
Rappelant qu’elle est tenue de respecter un devoir de non-immixtion dans les affaires de son client, la Banque Populaire Méditerranée expose qu’elle supporte une obligation légale d’exécuter un ordre de virement dans le jour ouvrable suivant sa réception, que, en ouvrant un compte, elle prend l’engagement d’exécuter avec célérité les ordres que le titulaire lui adressera et qui satisferont aux conditions requises par la convention qui lie les parties, qu’à défaut d’exécution d’un tel ordre sans motif légitime, elle engagerait sa responsabilité civile contractuelle à l’égard du titulaire du compte.
Au visa des articles L.133-6 et suivants du code monétaire et financier, elle précise que, dès lors que l’opération est autorisée, c’est-à-dire que le payeur y a donné son consentement sous la forme convenue avec son prestataire de services de paiement, l’ordre de paiement est irrévocable et doit être exécuté par le banquier, que celui-ci ne doit suspendre que les ordres en apparence faux ou illicites, que son devoir de vigilance l’oblige à être attentif aux anomalies flagrantes, qu’en revanche, il n’a pas à contrôler l’objet et le bien-fondé du virement ordonné, ni à formuler d’appréciation sur les opérations sous-jacentes ou refuser de les exécuter.
L’appelante soutient que, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, c’est en l’espèce la responsabilité civile de droit commun qui doit être appliquée, s’agissant d’une « fraude au président », qu’en effet, à l’occasion de cette fraude, c’est la personne qui demande l’exécution de l’ordre, habituée dans ses rapports avec l’établissement bancaire à effectuer des opérations de virement, qui a été trompée en amont, qu’il appartient donc à la SAS Etablissements Sephadis [Z] de démontrer qu’elle a commis une faute dans l’exécution de ses obligations.
Elle fait valoir qu’en l’espèce, elle n’a commis aucune faute, ses obligations contractuelles étant régies par la convention de compte et les conditions de fonctionnement du compte bancaire mais également par une convention de transmission d’ordres par télécopie et/ou mail portant sur les opérations internationales signée le 23 novembre 2017, que l’ordre de virement émanait d’une personne habilitée, que cet ordre a été confirmé dans les formes prévues par le contrat, qu’à cet égard, le tribunal n’avait pas le pouvoir de dénaturer les termes clairs et précis de la convention liant les parties, que le solde du compte bancaire permettait l’exécution du virement litigieux, que celui-ci ne présentait aucune anomalie apparente, ni matérielle, ni intellectuelle.
Elle ajoute que la faute de l’intimée a concouru à son préjudice, que, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, ce sont les négligences de cette société qui ont rendu inefficientes ses procédures de contrôle, et non l’inverse, qu’en réalité, est en cause l’absence totale de processus de vigilance et de contrôle internes à la SAS Etablissements Sephadis [Z], dont l’attention aurait dû être attirée par les adresses mails utilisées par le ou les fraudeurs, alors en outre qu’elle prouve pour sa part que la création d’un nouveau bénéficiaire par Mme [E] dans l’espace sécurisé Cyberplus a généré l’envoi de deux messages au président de la société, M. [P] [Z] qui aurait donc dû s’en étonner.
L’intimée réplique que, lorsqu’il est, comme en l’espèce, fait usage dès l’origine de faux ordres de virement, la responsabilité du banquier doit être recherchée sur le fondement du contrat de dépôt, que, en vertu de l’article 1937 du code civil, le banquier est responsable de plein droit des ordres de virements non autorisés ou non authentifiés dans la mesure où il lui appartient de vérifier les pouvoirs du donneur d’ordre.
Elle fait valoir que la banque peut d’autant moins s’exonérer de son obligation de vigilance que celle-ci se trouve renforcée par les exigences légales de contrôle en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, codifiées aux articles L561-4-1 et suivants du code monétaire et financier, que, cliente depuis janvier 1987 de l’appelante, ses opérations habituelles de paiement étaient bien connues de cette dernière, que celle-ci a indéniablement manqué à son devoir de vigilance alors que le virement frauduleux s’en distinguait en ce qu’il a été effectué pour un montant à la fois particulièrement élevé et tout à fait inhabituel, au profit d’un destinataire inconnu, sur un compte situé dans un pays avec lequel elle n’avait aucune relation antérieure, et pour un montant dépassant le montant maximum journalier autorisé.
La SAS Etablissements Sephadis [Z] soutient que la banque dont la responsabilité est engagée de plein droit ne peut s’exonérer de son obligation de restitution des sommes indument versées à l’escroc qu’en établissant que la faute du titulaire du compte est la cause exclusive du dommage, qu’en l’espèce, il ne peut être reproché de faute à sa préposée exclusive de toute restitution, qu’il est patent que Mme [E] a exécuté servilement les instructions d’interlocuteurs qu’elle croyait être notamment M. [Z], président, le mail utilisé correspondant bien à l’adresse de messagerie électronique de ce dernier, qu’elle est tombée dans le piège d’une escroquerie habilement réalisée, que, si la préposée, nouvellement employée, ne pouvait pas s’étonner des anomalies intellectuelles entachant l’opération, il en va tout autrement de la Banque Populaire Méditerranée dont la vigilance aurait dû être éveillée par celles-ci.
Elle ajoute que, en invoquant un prétendu respect des procédures de contrôle préalables à l’exécution du virement, l’appelante tente d’inverser les responsabilités alors même qu’il lui appartenait de s’assurer de l’efficience et de l’efficacité de ses procédures, que, notamment, aucun appel n’a été passé vers le dirigeant de la société, la banque s’étant contentée de solliciter seulement Mme [E], sa comptable.
Au terme de ses explications, elle conclut que, si la Banque Populaire Méditerranée avait appliqué à la lettre la convention de transmission d’ordre par télécopie et/ou mail portant sur les opérations internationales, le virement litigieux n’aurait pas été traité, puisque la demande de virement provenait d’une adresse mail différente de celle renseignée par elle, l’lBAN du compte bancaire bénéficiaire a fait l’objet d’une modification à l’oral par Mme [E] qui n’avait pas délégation pour le faire, la modification de l’lBAN n’a pas été validée par M. [Z], la signature est incomplète puisqu’il manque le point.
Sur ce, il n’est, en l’espèce, pas contesté par l’appelante que sa cliente, la SAS Etablissements Sephadis [Z], a été victime, le 29 janvier 2020, d’une fraude dite « au président ».
Dès lors, étant admis que l’ordre de virement litigieux prétendument signé par le représentant légal de l’intimée n’émanait pas réellement de ce dernier, mais qu’il s’agissait dès l’origine d’un faux ordre de paiement, il doit être considéré que l’opération n’était pas autorisée au sens de l’article L.133-6 du code monétaire et financier.
Dans un tel cas, la responsabilité de la banque est de plein droit engagée, sauf à démontrer, non seulement qu’elle n’a commis aucune faute, mais encore que la faute du payeur est la cause du dommage.
En matière de paiement, le banquier, dont il est constant qu’il est tenu d’un devoir de non-ingérence dans les affaires de son client, est cependant également débiteur d’une obligation générale de vigilance qui lui impose de procéder à certaines vérifications.
Mais, pour que lui soit imputée une faute de ce chef, l’opération litigieuse doit receler une anomalie apparente, matérielle ou intellectuelle, laquelle peut ressortir, soit des documents fournis, soit de la nature même de l’opération ou du fonctionnement du compte.
Ainsi, avant d’exécuter un ordre de virement, la banque doit à tout le moins s’assurer que celui-ci émane bien du titulaire du compte à débiter, que le bénéficiaire est régulièrement identifié, et, par ailleurs, que le solde du compte à débiter est suffisant.
A cet égard, il résulte des éléments aux débats que l’ordre de virement litigieux, comportant une signature conforme à celle du président de la SAS Etablissements Sephadis [Z] ainsi que son cachet commercial, a été transmis à l’appelante le 29 janvier 2020 à 13 heures 51 par la secrétaire/comptable de l’intimée, Mme [N] [E], personne désignée par le représentant légal de la société, M. [P] [Z], comme celle à contacter pour les contre-appels au numéro 04 91 67 10 85 aux termes d’une « fiche contact » par lui renseignée et signée le 7 octobre 2019.
Et il n’est pas contesté que la Banque Populaire Méditerranée a, à 13 heures 54, puis 13 heures 58, contacté, au numéro indiqué sur ledit document, Mme [N] [E], pour confirmation du virement suite à la réception de l’ordre, dont cette dernière avait en outre expressément sollicité qu’il soit traité en urgence, puis confirmation de l’IBAN y figurant.
Dès lors, l’appelante, qui a appliqué la procédure prévue, n’était pas fondée à émettre le moindre doute quant à l’auteur du virement à effectuer, s’agissant de la société intimée, titulaire du compte à débiter.
En ce qui concerne le bénéficiaire désigné, la société INT-TEL-BIS NET WORK 2020, dont la banque se situait en Hongrie, son identification, assurée par ses IBAN et BIC, coordonnées bancaires que Mme [N] [E] a, lors d’un contre-appel, confirmé détenir, n’a révélé aucune difficulté.
Par ailleurs, il est constant que le compte de l’émetteur était provisionné des fonds nécessaires, le solde du compte courant de la SAS Etablissements Sephadis [Z] dans les livres de la Banque Populaire Méditerranée étant, à la date du 29 janvier 2020, créditeur de la somme de 1.859.248 euros.
S’agissant du caractère inhabituel quant au fonctionnement du compte du mouvement ordonné, l’intimée, qui indique elle-même émettre habituellement des virements vers l’Allemagne, l’Espagne, le Portugal, la Pologne, l’Italie, la Slovaquie, la Belgique ou encore la Slovénie, ne peut soutenir qu’un virement à destination de la Hongrie, pays de l’Union Européenne, était de nature à constituer une anomalie apparente.
Quant au montant du virement litigieux, certes important, avec la précision que la limitation alléguée d’un montant journalier de 200.000 euros ne concerne que les opérations effectuées par le biais de « Cyberplus », il ne peut toutefois être considéré comme susceptible de constituer une telle anomalie au regard de l’ensemble des mouvements opérés sur le compte de la SAS Etablissements Sephadis [Z], alors d’ailleurs que l’ordre en cause comportait pour « objet du virement » la mention de quatre factures d’un montant respectif de 94.821,36 euros, 90.203,24 euros, 85.624,97 euros et 75.055,09 euros.
Dans ces conditions, étant surabondamment rappelé que la SAS Etablissements Sephadis [Z] ne peut invoquer à son profit la réglementation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, l’appelante, à qui il incombe de maintenir un équilibre entre les obligations auxquelles elle est soumise, ne peut ici se voir reprocher un défaut de vigilance, et apparaît en revanche fondée à se prévaloir de son devoir de non-immixtion quant au paiement opéré par l’intimée.
S’agissant de cette dernière, elle est d’autant moins recevable à arguer d’un manquement de la Banque Populaire Méditerranée à son obligation de vigilance qu’elle lui a elle-même transmis l’ordre de virement litigieux, étant acquis aux débats que sa préposée habilitée à effectuer de telles opérations était parfaitement convaincue de l’origine et de la régularité de l’ordre, qui ne présentait donc effectivement aucune anomalie apparente, ni matérielle, ni intellectuelle.
A cet égard, il doit d’ailleurs être observé que Mme [N] [E], avant de transmettre l’ordre en cause à l’appelante, avait d’abord envisagé de l’exécuter elle-même, par l’intermédiaire de l’abonnement « Cyberplus » de la société, en y créant un nouveau bénéficiaire, ce qui avait déclenché l’envoi de sms sur le portable de M. [P] [Z] le 29 janvier 2020 à 11 heures 53 puis 11 heures 56, procédure à laquelle elle avait cependant renoncé en raison du délai de 24 heures imposé dans ce cadre pour la validation dudit bénéficiaire, d’où son recours à l’agence bancaire.
Par ailleurs, si l’urgence dont s’est alors prévalue la comptable de la SAS Etablissements Sephadis [Z] et la précipitation avec laquelle elle a agi lui ont été dictées par les auteurs de la fraude, elle n’a alors aucunement mis en doute le fait que les instructions dont elle était destinataire émanaient du président de sa société.
En effet, les courriels versés aux débats, attestant des échanges de Mme [N] [E] au cours de la journée du 29 janvier 2020, montrent que cette dernière a été contactée depuis l’adresse « [Courriel 7] », dont il n’est pas contesté qu’elle est celle du représentant légal de l’intimée.
Ainsi, il apparaît qu’existent au sein de la SAS Etablissements Sephadis [Z] des défaillances certaines, les échanges internes notamment n’étant aucunement sécurisés, ni aucun processus de contrôle mis en place.
Cette négligence grave quant à la sécurité de l’entreprise de ce chef, que confirme l’absence de réaction du président à la suite de l’envoi de messages sur son portable généré par la tentative de création par la comptable d’un nouveau bénéficiaire de virement, est à l’origine de la fraude dont l’intimée a été victime.
En conséquence, la SAS Etablissements Sephadis [Z] n’est pas fondée à rechercher la responsabilité de l’appelante dans la réalisation du préjudice, qu’elle a certes subi, mais auquel elle a elle-même participé.
L’intimée est donc déboutée de ses demandes à l’encontre de la Banque Populaire Méditerranée, et le jugement infirmé en toutes ses dispositions.
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Déclare la SAS Etablissements Sephadis [Z] recevable en son action,
Déboute la SAS Etablissements Sephadis [Z] de ses demandes,
Condamne la SAS Etablissements Sephadis [Z] à payer à la Banque Populaire Méditerranée la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT