Sommaire Contexte de l’affaireMadame [W] [N] [U], avocate à Paris, a embauché Madame [X] [M] comme assistante-secrétaire juridique en septembre 2014. En mars 2017, Madame [M] a démissionné pour des raisons personnelles. Demande de documents à la BNPEn mai 2019, Madame [N] [U] a demandé à la BNP Paribas des copies de chèques dans le cadre d’une plainte pénale contre Madame [M] pour escroquerie et abus de confiance. Une nouvelle demande a été faite en janvier 2020 pour d’autres chèques. Assignation de la BNP ParibasEn mars 2022, Madame [N] [U] a assigné la BNP Paribas, demandant des dommages et intérêts pour un total de 67.352,04 euros, ainsi qu’une indemnité pour préjudice moral. Elle a également demandé des frais de justice. Décision du juge de la mise en étatEn mars 2024, le juge a déclaré prescrite l’action de Madame [N] [U] pour les chèques encaissés avant mars 2017, mais a jugé recevable son action concernant trois chèques encaissés en mars 2017. L’affaire a été renvoyée à une audience ultérieure. Arguments de la BNP ParibasLa BNP a soutenu que les fautes de Madame [N] [U] étaient à l’origine de son préjudice, affirmant qu’elle n’avait pas surveillé son compte et que les faux chèques avaient été encaissés sans réaction de sa part. La BNP a demandé le rejet des demandes de Madame [N] [U] et a réclamé des frais de justice. Analyse des fautesLe tribunal a examiné les responsabilités respectives. Il a noté que Madame [N] [U] avait confié la gestion de ses finances à Madame [M] sans contrôle, ce qui a permis les détournements. La BNP a été jugée non responsable des faux chèques, car les fautes de Madame [N] [U] étaient déterminantes. Conclusion du tribunalLe tribunal a débouté Madame [N] [U] de toutes ses demandes, l’a condamnée aux dépens et à verser 2.000 euros à la BNP Paribas pour les frais de justice. L’exécution provisoire a été écartée. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelle est la nature de la responsabilité de la BNP Paribas dans le cadre de l’encaissement des chèques contestés ?La responsabilité de la BNP Paribas dans le cadre de l’encaissement des chèques contestés est régie par les dispositions des articles 1937 du Code civil et L. 131-38 du Code monétaire et financier. L’article 1937 du Code civil stipule que « le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu’à celui qui la lui a confiée, ou à celui au nom duquel le dépôt a été fait, ou à celui qui a été indiqué pour le recevoir. » En vertu de cet article, la banque est tenue de vérifier l’authenticité des chèques présentés à l’encaissement. Si un chèque est présenté avec une fausse signature, la banque pourrait être tenue responsable si elle n’a pas exercé la diligence requise pour vérifier l’authenticité du chèque. Cependant, si l’établissement bancaire peut prouver que le titulaire du compte ou son préposé a commis une faute ayant permis l’encaissement du chèque, sa responsabilité peut être atténuée. En effet, l’article 1147 du Code civil précise que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée. » Dans le cas présent, la BNP soutient que Madame [N] [U] a commis des fautes en ne surveillant pas le fonctionnement de son compte et en ne contrôlant pas les agissements de son employée, ce qui a conduit à l’encaissement des chèques frauduleux. Ainsi, la responsabilité de la BNP Paribas pourrait être engagée uniquement si elle a commis une négligence dans l’exercice de ses fonctions de vérification des chèques. Quelles sont les conséquences de la prescription sur les demandes de Madame [N] [U] ?La prescription est un mécanisme juridique qui éteint une action en justice après un certain délai, rendant impossible la revendication d’un droit. Dans le cas présent, le juge a déclaré prescrite l’action de Madame [N] [U] à l’encontre de la BNP Paribas pour l’ensemble des chèques contestés et encaissés antérieurement à la date du 22 mars 2017. Selon l’article 2224 du Code civil, « la durée de la prescription est de cinq ans pour les actions personnelles ou mobilières. » Cela signifie que toute action en justice doit être intentée dans un délai de cinq ans à compter du moment où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. Dans cette affaire, les chèques contestés ont été encaissés avant le 22 mars 2017, et Madame [N] [U] a attendu jusqu’en 2022 pour agir en justice. Par conséquent, le tribunal a jugé que les demandes relatives à ces chèques étaient prescrites, ce qui a eu pour effet de les rendre irrecevables. La prescription a donc eu pour conséquence d’éteindre les droits de Madame [N] [U] concernant les chèques encaissés avant cette date, limitant ainsi ses possibilités de recours contre la BNP Paribas. Quels sont les éléments constitutifs du préjudice moral dans cette affaire ?Le préjudice moral est un dommage non matériel qui peut résulter de diverses situations, notamment de la souffrance psychologique, de l’angoisse ou de la perte de réputation. Dans le cadre de cette affaire, Madame [N] [U] a demandé une réparation pour préjudice moral, s’élevant à 10.000 euros. L’article 1240 du Code civil, qui traite de la responsabilité délictuelle, stipule que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Pour qu’un préjudice moral soit indemnisé, il doit être prouvé que le dommage est direct et certain. Dans cette affaire, la BNP conteste le caractère justifié du préjudice moral, arguant que Madame [N] [U] n’a pas fourni de preuves suffisantes pour établir l’existence d’un tel préjudice. Le tribunal a également noté que le préjudice moral doit être établi par des éléments tangibles, tels que des témoignages ou des rapports médicaux, qui démontrent l’impact psychologique des événements sur la victime. En l’absence de preuves concrètes et de justifications adéquates, le tribunal a pu conclure que la demande de préjudice moral de Madame [N] [U] n’était pas fondée et a rejeté cette demande. Comment la négligence de Madame [N] [U] a-t-elle influencé la décision du tribunal ?La négligence de Madame [N] [U] a joué un rôle central dans la décision du tribunal. En effet, le tribunal a constaté que Madame [N] [U] avait commis des fautes dans la gestion de son cabinet et dans le contrôle des activités de son employée, Madame [M]. L’article 1147 du Code civil précise que le débiteur est responsable des dommages causés par son inexécution, sauf s’il prouve que l’inexécution provient d’une cause étrangère. Dans ce cas, la BNP a soutenu que les fautes de Madame [N] [U] étaient la cause exclusive de son préjudice. Le tribunal a relevé que Madame [N] [U] avait confié à Madame [M] la gestion de ses finances sans mettre en place un contrôle adéquat. Cela a permis à Madame [M] de commettre des actes frauduleux sans être détectée pendant une période prolongée. En conséquence, le tribunal a jugé que les négligences de Madame [N] [U] étaient suffisamment graves pour exonérer la BNP de sa responsabilité. Ainsi, la décision du tribunal a été influencée par la reconnaissance que les fautes de Madame [N] [U] avaient contribué de manière significative à la survenance du préjudice, ce qui a conduit à un rejet de ses demandes contre la BNP Paribas. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
à
Me MATHIEU
Me PENIN
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9ème chambre 2ème section
N° RG 22/05484 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWRLX
N° MINUTE : 3
Assignation du :
29 Mars 2022
JUGEMENT
rendu le 13 Décembre 2024
DEMANDERESSE
Madame [W] [N] [U]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0079
DÉFENDERESSE
S.A. SA BNP PARIBAS
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Dominique PENIN du LLP KRAMER LEVIN NAFTALIS & FRANKEL LLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J0008
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Gilles MALFRE, 1er Vice-Président adjoint
Augustin BOUJEKA, Vice-Président
Alexandre PARASTATIDIS, Juge
assistés de Diane FARIN, Greffière,
DÉBATS
A l’audience du 22 Novembre 2024 tenue en audience publique devant Augustin BOUJEKA, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 13 décembre 2024.
Décision du 13 Décembre 2024
9ème chambre 2ème section
N° RG 22/05484 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWRLX
JUGEMENT
Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
Suivant lettre d’embauche du 2 septembre 2014, Madame [W] [N] [U], avocate inscrite au barreau de Paris, par ailleurs titulaire d’un compte ouvert dans les livres de la SA BNP Paribas (ci-après la BNP), a recruté Madame [X] [M] en qualité d’assistante-secrétaire juridique.
Le 29 mars 2017, Madame [M] a notifié à Madame [N] [U] sa démission « pour raisons personnelles ».
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mai 2019, Madame [N] [U] a sollicité la BNP afin que celle-ci lui transmette des copies de 8 chèques, ainsi que 13 autres émis au cours du 4ème trimestre 2014 au 1er trimestre 2017 par son cabinet, dans le cadre d’une plainte pénale déposée fin mars 2019 contre Madame [M], notamment pour escroquerie et abus de confiance.
Par une autre lettre recommandée avec accusé de réception du 10 janvier 2020, Madame [N] [U] a formulé la même demande à la BNP, portant cette fois sur 13 copies de chèques.
C’est dans ce contexte que le 29 mars 2022, Madame [N] [U] a fait assigner la BNP et aux termes de cet acte, demande à ce tribunal, au visa des articles 1937 du code civil et L 131-38 du code monétaire et financier, de :
– Condamner la BNP Paribas à lui payer la somme de 67.352,04 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice moral subi ;
– Condamner la BNP Paribas à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens « qui seront recouvert ainsi qu’il est dit à l’article 699 du code de procédure civile par Maître Bruno MATHIEU, Avocat ».
Par ordonnance en date du 22 mars 2024, le juge de la mise en état près ce tribunal a :
Déclaré prescrite l’action de Madame [W] [N] [U] à l’encontre de la SA BNP Paribas pour l’ensemble des chèques contestés et encaissés antérieurement à la date du 22 mars 2017 ;
Déclaré recevable l’action de Madame [W] [N] [U] dirigée contre la SA BNP Paribas concernant les deux chèques n°7688405 et 7688406 encaissés le 22 mars 2017 aux montants respectifs de 589,17 euros et 628,17 euros et celui portant le n°7688408 encaissé le 29 mars 2017 d’un montant de 798 euros ;
Renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état de la 2ème section de la 9ème chambre de ce tribunal du vendredi 24 mai 2024 à 9h30, la BNP devant avoir produit ses écritures en réponse avant cette date, portant sur les trois chèques à propos desquels sa responsabilité est recherchée ;
Réservé les dépens et les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières écritures signifiées le 23 mai 2024, la BNP demande à ce tribunal, au visa des articles 1240 et suivants du code civil, L. 131-38 et suivants du code monétaire et financier, de :
Juger que Maître [N] [U] a commis une succession de fautes et négligences à l’origine exclusive de son préjudice ;
Juger que BNP Paribas n’a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.
En conséquence,
Débouter Maître [N] [U] de l’intégralité de ses demandes.
En tout état de cause,
Condamner Maître [N] [U] et à verser à BNP Paribas la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Madame [N] [U] n’a pas signifié d’écritures au fond autres que l’acte introductif d’instance.
La clôture a été prononcée le 18 octobre 2024, l’affaire étant appelée à l’audience du 22 novembre 2024 et mise en délibéré au 13 décembre 2024.
Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Sur la demande principale
Madame [N] [U] se prévaut des dispositions de l’article 1937 du code civil pour soutenir que les titres en litige étant de faux chèques, la responsabilité de la BNP est engagée. Elle considère que la BNP a manqué à l’obligation de vérification des titres lors de leur encaissement. Elle affirme que Madame [M], préposée de Madame [N] [U], s’est livrée à des manœuvres frauduleuses pour empêcher la découverte des détournements par la concluante pendant deux ans. Elle précise être cliente de longue date de la BNP, laquelle connaissait la situation difficile qui était la sienne et sollicite la condamnation de l’établissement au paiement de la somme de 67.352,04 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 10.000 euros en réparation du préjudice moral.
En réplique, la BNP fait valoir que le surplus des demandes de Madame [N] [U], dont l’essentiel a été déclaré prescrit, est le fruit de sa propre négligence. Elle souligne d’emblée que la demanderesse ne produit pas la plainte qu’elle prétend avoir déposée ni ne fournit d’éléments précisant les suites données à cette plainte, ce dont Madame [N] [U] devrait justifier auprès du tribunal. Elle considère, sur le fond, que Madame [N] [U] est en l’espèce l’auteure d’une faute qui est cause exclusive de son dommage. Elle relève que le rapport d’expertise non-contradictoire, dont se prévaut la demanderesse n’est pas probant. A cet effet, elle note que la copie produite du chèque encaissé le 29 mars 2017 est tronquée et dès lors privée de pertinence. Elle souligne que la demanderesse cite de façon tronquée la jurisprudence applicable en matière de faux chèques en omettant d’indiquer que la responsabilité du banquier n’est pas retenue en cas de faute du titulaire du compte ou de son préposé, sauf négligence grave du banquier ayant contribué en tout ou en partie au préjudice du déposant. Elle relève ainsi que Madame [N] [U] a commis une première faute en ne surveillant pas le fonctionnement de son compte par consultation de ses relevés et qu’elle reconnaît sa faute en affirmant être dans l’impossibilité de s’occuper du fonctionnement de son compte. La BNP affirme ainsi que Madame [N] [U] bénéficiait d’un accès en ligne à son compte depuis 2004, les faux chèques ayant été encaissés depuis plus de deux ans sans réaction de Madame [N] [U]. Elle affirme que Madame [N] [U] a commis une deuxième faute en s’abstenant de surveiller son compte dont une simple vérification d’inscriptions lui aurait permis de relever le détournement, le défaut de surveillance étant pareillement caractérisé pour les formules de chèque mises à sa disposition.
La BNP expose n’avoir pour sa part commis aucune faute. Elle conteste la pertinence de l’expertise produite à partir de copies, ce qui fait obstacle à l’analyse du trait et de la pression scripturale, ainsi que la direction d’écriture. Elle note que seules dix signatures de la demanderesse ont été retenues pour onze chèques, ces dix signatures étant au demeurant toutes différentes les unes des autres avec des éléments de comparaison venant de documents de formes différentes avec des copies partielles, ces éléments étant en outre non datés alors qu’une signature évolue dans le temps. Elle note que Madame [N] [U] a relevé elle-même que sa préposée a établi des chèques de faibles montants pour présenter l’apparence d’une activité normale et ne saurait dès lors reprocher à la concluante, contrainte par son devoir de non-immixtion, de ne pas avoir décelé leur caractère anormal.
A propos du préjudice, la BNP observe que le dommage moral n’est en rien justifié, contestant en outre le caractère douteux de l’arbitrage adverse consistant à ne pas attraire à la cause Madame [M] pourtant responsable du faux. Elle conteste tout autant la certitude du préjudice qui demeure tributaire de la procédure pénale ouverte par la demanderesse qui ne dit mot de la suite, devant être observé par ailleurs que Madame [N] [U] ne dit rien d’éventuelles démarches ou procédures dirigées contre Madame [M] pour récupérer les fonds détournés, ce qui jette d’autant le doute sur le préjudice.
Sur ce,
L’article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable, dispose : « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
En outre, l’article 1937 du code civil énonce : « Le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu’à celui qui la lui a confiée, ou à celui au nom duquel le dépôt a été fait, ou à celui qui a été indiqué pour le recevoir. »
Il résulte de la combinaison de ces textes qu’en l’absence de faute du déposant, ou d’un préposé de celui-ci, et même s’il n’a lui-même commis aucune faute, le banquier n’est pas libéré envers le client qui lui a confié des fonds quand il se défait de ceux-ci sur présentation d’un faux ordre de paiement revêtu, dès l’origine, d’une fausse signature et n’ayant eu à aucun moment la qualité légale de chèque.
En revanche, si l’établissement de ce faux ordre de paiement a été rendu possible à la suite d’une faute du titulaire du compte, ou de l’un de ses préposés, le banquier n’est tenu envers lui que s’il a lui-même commis une négligence, et ce seulement pour la part de responsabilité en découlant.
Au cas particulier et s’agissant des fautes commises par la demanderesse, il est constant qu’au cours de la période couverte par les agissements constitutifs des chèques en litige dont le caractère faux n’est pas contesté, Madame [N] [U], avocate de profession, avait embauché Madame [X] [M] en qualité d’assistante juridique et lui avait confié la gestion des règlements de ses fournitures et le suivi de sa comptabilité en relation avec un cabinet comptable externe.
La BNP ne conteste pas par ailleurs que les faux ordres de paiement ont été signés par Madame [M] dans le cadre de l’exercice de ses fonctions d’assistante juridique de Madame [N] [U].
Bien au contraire, l’établissement bancaire soutient que Madame [N] [U] a commis une faute par manque de contrôle régulier et de surveillance des agissements de son employée, manquant ainsi à une obligation élémentaire de l’employeur en matière de contrat de travail.
Si la BNP prétend que Madame [N] [U] a confié à Madame [M] la gestion financière de son cabinet, son chéquier et le soin de fournir les pièces justificatives comptables sans aucun contrôle interne ni rapprochement comptable, la demanderesse se borne à soutenir que son employée a profité de la situation de son employeur, se trouvant dans l’impossibilité de gérer normalement son cabinet, établissant en outre des chèques de montants modérés pour éviter d’éveiller les soupçons.
Or il incombait à Madame [N] [U], en sa qualité d’employeur, de diriger et de contrôler les tâches de gestion financière et de suivi comptable confiées à Madame [M], ce que la demanderesse reconnaît elle-même n’avoir pas fait.
Ainsi, Madame [N] [U] en sa qualité de commettant, a commis une faute ayant conduit son préposé, Madame [M], à établir des faux chèques, devant être relevé que les trois titres demeurant en litige ont été émis, pour deux d’entre eux, le 16 mars 2017 et pour le dernier, le 24 mars 2017 alors que les agissements de faux avaient commencé plus de deux ans auparavant, Madame [M] ayant démissionné seulement le 29 mars 2017.
En outre, il sera relevé que les trois chèques litigieux ont été établis alors que les formules préimprimées à partir desquelles ils ont été émis avaient été confiées par la BNP à Madame [N] [U].
Or il incombe au détenteur de formules de chèque préimprimées, délivrées par l’établissement bancaire tiré, d’en assurer la garde afin de les préserver contre d’éventuelles perte et vol.
En l’espèce, il résulte des pièces produites comme des affirmations de Madame [N] [U] elle-même que Madame [M] a pu utiliser des formules de chèque de la demanderesse pendant plus de deux années sans que Madame [N] [U] trouve quelque chose à redire à pareils agissements alors qu’en sa qualité de gardien des formules de chèque établies en son nom et en sa qualité d’employeur, elle devait contrôler l’utilisation de ces formules et les actes de gestion de son employée.
Concernant les fautes dont Madame [N] [U] fait reproche à la BNP, la demanderesse produit aux débats un rapport d’expertise amiable, établi le 21 mars 2022 par Madame [V] [O].
Cet expertise précise, en page 5, annexe B :
« Ces 4 signatures de « question » sont, comme les précédentes, posées à l’horizontale, tiges, inclinées à droite, mouvement aller-retour bouclé au sommet, en 7, 6, 4. »
L’expert conclut à un manque de concordance entre les signatures figurant sur les trois chèques encore en litige et les échantillons fournis par Madame [N] [U].
Cependant, la confrontation de l’échantillon produit par la BNP avec les signatures figurant sur les trois titres révèlent de fortes similitudes, la principale différence résidant dans ce que l’échantillon produit apparaît plus serré alors que les signatures figurant sur les titres révèlent une écriture plus déliée.
En considération de cet élément, il ne peut être retenu que les prétendues anomalies figurant sur les trois chèques litigieux pouvaient être aisément décelées par un préposé normalement diligent de la BNP, ce d’autant plus que l’expert amiable de Madame [N] [U], en page 2 et 3 de son rapport, reconnaît avoir eu recours à neuf signatures de comparaison de la demanderesse pour établir des comparaisons avec celles figurant sur les titres litigieux.
De plus, la BNP affirme, sans être démentie par Madame [N] [U], que les trois chèques non-prescrits, aux montants inférieurs à 10.000 euros, étaient des titres non-circulants, de telle sorte que l’établissement bancaire, en sa qualité de banquier tiré, n’en a jamais eu les copies en mains, mais seulement leurs images-chèque qui n’ont pas éveillé ses soupçons.
Il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent que si les trois titres en litige se révèlent être indubitablement des chèques faux dès l’origine, les dommages qui en résultent sont imputables aux négligences commises par Madame [N] [U] qui, par leur multiplicité et leur gravité, sont la cause exclusive des préjudices qu’elle a subis.
Par suite, Madame [N] [U] est mal fondée dans ses demandes, lesquelles doivent être en conséquence rejetées.
Sur les demandes annexesSuccombant, Madame [W] [N] [U] sera condamnée aux dépens et à verser à la société anonyme BNP Paribas la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Compte tenu de la teneur de la décision, il y a lieu d’écarter l’exécution provisoire.
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
DÉBOUTE Madame [W] [N] [U] de l’ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE Madame [W] [N] [U] aux dépens ;
CONDAMNE Madame [W] [N] [U] à verser à la société anonyme BNP Paribas la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
ECARTE l’exécution provisoire.
Fait et jugé à Paris le 13 Décembre 2024
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT