Madame [I] a entretenu une relation avec Monsieur [S], qui a séjourné chez elle le 20 juillet 2020. Peu après, elle a constaté des mouvements suspects sur son compte bancaire, incluant un virement de 12 000,00 Euros de son Livret A vers son compte courant, un retrait de 1 800,00 Euros, et deux virements de 5 000,00 Euros et 3 000,00 Euros, qu’elle n’avait pas autorisés. Monsieur [S] avait utilisé sa carte bancaire après avoir subtilisé son courrier de la banque contenant un nouveau code secret et enregistré son empreinte digitale sur son téléphone. Après avoir déposé plainte, Monsieur [S] a été reconnu coupable d’escroquerie et condamné à verser des dommages et intérêts à Madame [I]. Cependant, la Banque Populaire a refusé de la rembourser, arguant qu’elle avait été négligente. En conséquence, Madame [I] a assigné la banque, demandant le remboursement de 9 800,00 Euros, des dommages pour préjudice moral, et des frais de justice. Elle soutient que la banque a manqué à son obligation de vigilance et que les opérations effectuées étaient non autorisées. La Banque Populaire, de son côté, a demandé le rejet des demandes de Madame [I] et a réclamé des dommages pour procédure abusive, arguant que les opérations en question ne constituaient pas des opérations non autorisées au sens du Code Monétaire et Financier. Le tribunal a finalement débouté Madame [I] de ses demandes, condamné celle-ci à payer des frais à la banque, et a rappelé que l’exécution provisoire était de droit.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE LYON
Quatrième Chambre
N° RG 21/05558 – N° Portalis DB2H-W-B7F-V7RR
Jugement du 08 Octobre 2024
Minute Numéro :
Notifié le :
1 Grosse et 1 Copie à
Me Bertrand DE BELVAL de la SELARL DE BELVAL, vestiaire : 654
Me Caroline DENAMBRIDE, vestiaire : 182
Copie Dossier
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu par mise à disposition au greffe, en son audience de la Quatrième chambre du 08 Octobre 2024 le jugement non qualifiée suivant,
Après que l’instruction eut été clôturée le 09 Avril 2024, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 18 Juin 2024 devant :
Président : Florence BARDOUX, Vice-Président
Siégant en formation Juge Unique
Greffier : Karine ORTI,
Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :
DEMANDERESSE
Madame [R] [I]
née le [Date naissance 2] 1987 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Maître Caroline DENAMBRIDE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, Maître Léopold HELLIER, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE, avocat plaidant
DEFENDERESSE
BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES, SA, société coopérative de banque, prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège social est
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Maître Bertrand DE BELVAL de la SELARL DE BELVAL, avocats au barreau de LYON
Madame [I] expose qu’elle a entretenu une relation avec Monsieur [S] qu’elle a reçu chez elle le 20 juillet 2020.
Dans les jours suivants, elle s’est aperçue qu’un virement de 12 000,00 Euros avait été effectué de son Livret A vers son compte courant à la BANQUE POPULAIRE, puis qu’un retrait de 1 800,00 Euros avait été effectué avec sa carte bancaire, ainsi que deux virements de 5 000,00 Euros et 3 000,00 Euros, mouvements dont elle n’était pas à l’origine.
Elle a constaté que Monsieur [S] avait en fait utilisé sa carte bancaire, après avoir soustrait à son insu le courrier de la banque lui adressant un nouveau code secret suite au blocage de sa carte, et qu’il avait enregistré sa propre empreinte digitale sur son téléphone afin de pourvoir le déverrouiller et valider les opérations bancaires.
Elle a déposé plainte pour ces faits et indique que Monsieur [S] a été déclaré coupable des faits d’escroquerie et condamné à lui verser des dommages et intérêts.
La Banque a refusé de lui rembourser les sommes perdues, lui opposant qu’elle avait été négligente.
Par acte en date du 22 juillet 2021, Madame [I] a donc fait assigner la BANQUE POPULAIRE Auvergne Rhône Alpes devant la présente juridiction.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 19 septembre 2023, Madame [I] demande au Tribunal :
∙ de dire n’y avoir lieu de surseoir à statuer
∙ de condamner la BANQUE POPULAIRE à lui payer les sommes de :
– 9 800,00 Euros en principal
– 5 000,00 Euros en réparation de son préjudice moral du fait de l’inexécution contractuelle
– 3 500,00 Euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
outre les dépens
∙ de débouter la BANQUE POPULAIRE de ses demandes reconventionnelles
∙ de rappeler que la décision à intervenir est exécutoire de plein droit.
Madame [I] fait valoir que la banque est tenue d’une obligation de remboursement à son égard s’agissant d’opérations bancaires non autorisées et signalées en application de l’article 133-19 du Code Monétaire et Financier.
Elle précise que ce principe est repris à l’article 12.2 des conditions générales relatives à sa Carte Visa Premier.
Elle ajoute que seul l’agissement frauduleux ou le manquement intentionnel ou par négligence grave du client dispense la banque de cette obligation.
Elle soutient que la BANQUE POPULAIRE a manqué à son obligation de vigilance ainsi qu’à ses obligations au titre de l’article 12 de ses conditions générales du contrat liant les parties, engageant ainsi sa responsabilité contractuelle.
Madame [I] reproche à la banque de n’avoir effectué aucune vérification à l’occasion de ces opérations inhabituelles, sans que le devoir non-ingérence ne puisse lui être opposé.
Madame [I] fait valoir qu’elle n’a commis aucune faute ou négligence, et qu’elle a immédiatement fait opposition lors de la découverte des opérations non autorisées.Elle affirme que le seul fait que ses codes confidentiels ont été utilisés ne suffit pas pour que l’opération de paiement soit nécessairement considérée comme autorisée au sens du Code Monétaire et Financier.
[I] relève enfin que le sursis sollicité, qui n’était pas nécessaire, est désormais sans objet puisque Monsieur [S] a été condamné, et elle s’oppose à la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par la banque en l’absence d’abus de droit et de préjudice.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 21 décembre 2023, la BANQUE POPULAIRE demande au Tribunal :
∙ de débouter Madame [I] de toutes ses demandes
∙ de condamner Madame [I] à lui payer la somme de 1 000,00 Euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, et celle de 3 500,00 Euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens.
La BANQUE POPULAIRE soutient :
– que les textes visés par Madame [I] pour obtenir le remboursement ne sont pas applicables dès lors Il ne s’agit pas d’un vol ou d’une perte, mais d’un détournement de fonds qui ne constitue pas une opération non autorisée au sens du Code Monétaire et Financier
– que l’article L 133-19 du Code Monétaire et Financier n’est pas applicable
– que le fait que Monsieur [S] ait pu subtiliser les moyens de paiement et le téléphone de Madame [I] est assimilable à des négligences fautives
– que les opérations en cause ont été passées avant l’opposition.
Elle en déduit qu’elle n’a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité et que Madame [I] n’a aucun droit au remboursement.
Elle rappelle qu’elle est par ailleurs tenue à une obligation de non-ingérence dans les comptes de son client et qu’il n’existe aucune obligation de vigilance pour les opérations de retrait avec carte et le code du client, et ce d’autant qu’en l’espèce, il s’agissait de virements et de retraits basiques.
La BANQUE POPULAIRE considère que l’action de Madame [I] est abusive au motif qu’elle sait parfaitement que la banque est étrangère à ses déboires.
Le Tribunal aux conclusions des parties pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions en application de l’article 455 du Code de Procédure Civile.
Sur la demande de remboursement
En application de l’article L 133-19 du Code Monétaire et Financier, « en cas d’opération de paiement non autorisée consécutive à la perte ou au vol de l’instrument de paiement, le payeur supporte, avant l’information prévue à l’article L. 133-17, les pertes liées à l’utilisation de cet instrument, dans la limite d’un plafond de 50 € ».
Ce texte ne concerne que les hypothèses dans lesquelles la carte bancaire a été volée ou perdue.
Ce texte n’a en effet pas vocation à protéger les personnes victimes d’une escroquerie.
Or en l’espèce, il ressort des déclarations de Madame [I] et de la procédure pénale que Madame [I] est toujours restée en possession de sa carte.
Monsieur [S] a été poursuivi et condamné le 25 mai 2022 pour des faits d’escroquerie au préjudice de Madame [I].
Les dispositions de l’article L 133-19 du Code Monétaire et Financier ne sont donc pas applicables.
Madame [I] sera déboutée de sa demande de remboursement des fonds détournés, étant relevé qu’en tout état de cause, Monsieur [S] a été condamné à payer à sa victime la somme de 9 800,00 Euros de dommages et intérêts pour son préjudice matériel (outre 2 500,00 Euros pour son préjudice moral).
Il n’est donc pas nécessaire de déterminer si Madame [I] a commis une négligence fautive à l’origine de son préjudice.
Sur la responsabilité de la banque
Madame [I] reproche à la BANQUE POPULAIRE un manquement à son obligation de vigilance ainsi qu’à ses obligations au titre de l’article 12 de ses conditions générales du contrat liant les parties, engageant ainsi sa responsabilité contractuelle.
Les opérations de paiement et le retrait ont été effectués avec la carte bancaire, et le code secret de Madame [I], outre la validation par téléphone.
Il s’agissait d’opérations simples, et en l’absence d’élément suspect pouvant faire supposer une fraude, il n’incombait aucune vérification supplémentaire au banquier qui est tenu d’une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client.
La demande de dommages et intérêts de Madame [I] sera en conséquence rejetée.
Sur les autres demandes
La BANQUE POPULAIRE qui ne justifie pas d’un préjudice distinct de l’obligation de se défendre en Justice sera déboutée de sa demande de Dommages et Intérêts pour procédure abusive.
Il est par contre équitable de lui allouer la somme de 1 500,00 Euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
L’exécution provisoire de la décision est de droit.
La partie qui succombe est condamnée aux dépens.
LE TRIBUNAL, statuant publiquement, par jugement contradictoire, et en premier ressort,
Déboute Madame [I] de ses demandes ;
Condamne Madame [I] à payer à la BANQUE POPULAIRE Auvergne Rhône Alpes la somme de 1 500,00 Euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Déboute le BANQUE POPULAIRE Auvergne Rhône Alpes pour le surplus ;
Rappelle que l’exécution provisoire est de droit ;
Condamne Madame [I] aux dépens.
Prononcé à la date de mise à disposition au greffe par Florence BARDOUX, Vice-Président.
En foi de quoi le présent jugement a été signé par le Président, Florence BARDOUX, et Karine ORTI, Greffier présent lors du prononcé.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT