Respect des procédures de consultation dans le cadre de la reconnaissance de maladies professionnelles : enjeux et implications pour les employeurs.

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Respect des procédures de consultation dans le cadre de la reconnaissance de maladies professionnelles : enjeux et implications pour les employeurs.

Contexte de la demande

Monsieur [O] [U], maçon employé par la S.A. [5], a déposé le 20 avril 2021 une demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour une épicondylite du coude droit. La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Maine-et-Loire a pris en charge cette pathologie et a notifié sa décision à la société [5] le 16 août 2021.

Recours de la société [5]

Le 15 octobre 2021, la société [5] a saisi la commission de recours amiable. En l’absence de réponse, elle a contesté la décision de la CPAM par courrier recommandé le 18 février 2022. La commission a rejeté le recours le 23 février 2022.

Demandes de la S.A. [5]

Dans ses conclusions du 30 septembre 2024, la S.A. [5] a demandé au tribunal de constater le non-respect par la CPAM de ses obligations d’information et de consultation, et de déclarer inopposable la décision de prise en charge de la maladie. Elle a soutenu que la CPAM n’avait pas respecté les délais prévus par le code de la sécurité sociale, ce qui aurait compromis le principe du contradictoire.

Position de la CPAM

Par conclusions du 24 septembre 2024, la CPAM a demandé au tribunal de rejeter le recours de la S.A. [5], affirmant avoir respecté ses obligations en matière d’information et de consultation. Elle a précisé que l’employeur avait été informé des délais de consultation et que le dossier était consultable jusqu’à la décision finale.

Analyse du tribunal

Le tribunal a examiné le respect des procédures de consultation prévues par l’article R. 461-9 du code de la sécurité sociale. Il a constaté que la CPAM avait informé la société [5] des délais de consultation et que celle-ci avait eu l’opportunité de consulter le dossier sans formuler d’observations. Le tribunal a jugé que la décision de la CPAM était opposable à la S.A. [5] et que la procédure suivie était régulière.

Décision finale

Le tribunal judiciaire de Nantes a débouté la S.A. [5] de sa demande, a déclaré opposable la décision de prise en charge de la CPAM, et a condamné la société aux dépens. Les parties ont été informées de leur droit d’interjeter appel dans un délai d’un mois.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelles sont les obligations de la CPAM en matière d’information de l’employeur lors de la reconnaissance d’une maladie professionnelle ?

La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) a des obligations précises en matière d’information de l’employeur lors de la reconnaissance d’une maladie professionnelle, telles que définies par l’article R. 461-9 du code de la sécurité sociale.

Selon cet article, la CPAM doit :

1. Informer l’employeur de la déclaration de maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial, par tout moyen conférant date certaine à sa réception.

2. Mettre à disposition le dossier de la victime ou de ses représentants ainsi que de l’employeur, au plus tard cent jours francs après la date à laquelle la caisse a reçu la déclaration de maladie professionnelle.

3. Accorder un délai de consultation de dix jours francs à l’employeur pour qu’il puisse consulter le dossier et formuler des observations.

Il est également précisé que la caisse doit informer l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période de consultation, ainsi que de celle au cours de laquelle il peut formuler des observations.

En l’espèce, la CPAM a informé la société [5] qu’elle pouvait consulter les pièces du dossier et formuler des observations entre le 2 et le 13 août 2021, ce qui semble respecter les obligations d’information.

La décision de la CPAM est-elle opposable à l’employeur en l’absence de respect des délais de consultation ?

La décision de la CPAM est considérée comme opposable à l’employeur même en l’absence de respect des délais de consultation, si la procédure suivie est jugée régulière.

L’article R. 461-9 III du code de la sécurité sociale stipule que, à l’issue des investigations, la caisse doit mettre le dossier à disposition de la victime et de l’employeur, qui disposent d’un délai de dix jours francs pour formuler des observations.

Dans le cas présent, la CPAM a pris sa décision le 16 août 2021, soit le premier jour ouvré suivant la fin de la période de consultation.

Il est important de noter que le texte ne prévoit pas de durée minimale pour la phase de consultation passive, ce qui signifie que la caisse peut prendre sa décision dès le lendemain de la phase de consultation active.

Ainsi, le tribunal a jugé que la prise de décision par la CPAM ne méconnaissait pas le principe du contradictoire, car la société [5] n’a pas justifié qu’elle avait formulé des observations nécessitant un délai supplémentaire pour l’examen des documents.

Quels sont les recours possibles pour la société [5] suite à la décision du tribunal ?

Suite à la décision du tribunal judiciaire de Nantes, la société [5] dispose de plusieurs recours possibles, conformément aux dispositions des articles 34 et 538 du code de procédure civile.

1. Interjeter appel : La société [5] a un délai d’un mois à compter de la notification de la décision pour interjeter appel. Cela signifie qu’elle peut contester la décision rendue par le tribunal en saisissant une cour d’appel.

2. Demander un réexamen : Si des éléments nouveaux apparaissent ou si des erreurs de droit sont identifiées, la société peut également demander un réexamen de la décision, bien que cela soit moins courant.

3. Saisir le Conseil d’État : Dans certains cas, si la décision est fondée sur une question de droit, il est possible de saisir le Conseil d’État, mais cela nécessite des conditions spécifiques.

Il est essentiel pour la société [5] de respecter les délais et les procédures établies pour garantir la recevabilité de son recours.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

13 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Nantes
RG n° 22/00262
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
POLE SOCIAL

Jugement du 13 Décembre 2024

N° RG 22/00262 – N° Portalis DBYS-W-B7G-LVHD
Code affaire : 89E

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Présidente : Frédérique PITEUX
Assesseur : Frédéric FLEURY
Assesseur : Alain LAVAUD
Greffière : Julie SOHIER

DEBATS

Le tribunal judiciaire de Nantes, pôle social, réuni en audience publique au palais de justice à Nantes le 16 Octobre 2024.

JUGEMENT

Prononcé par Frédérique PITEUX, par mise à disposition au Greffe le 13 Décembre 2024.

Demanderesse :

S.A [5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Maître Guillaume ROLAND, avocat au barreau de PARIS, substitué lors de l’audience par Maître Ondine JUILLET, avocate au même barreau

Défenderesse :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MAINE ET LOIRE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée lors de l’audience par Madame Blandine FOUCAULT, audiencière munie à cet effet d’un pouvoir spécial

La Présidente et les assesseurs, après avoir entendu le SEIZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE les parties présentes, en leurs observations, les ont avisées, de la date à laquelle le jugement serait prononcé, ont délibéré conformément à la loi et ont statué le TREIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE, dans les termes suivants :

EXPOSÉ DU LITIGE ET DES DEMANDES

Monsieur [O] [U], employé en qualité de maçon par la S.A. [5], a établi le 20 avril 2021 une demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour une « épicondylite du coude droit ».

Après instruction, la pathologie déclarée a été prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Maine-et-Loire, qui a notifié cette décision à la société [5] le 16 août 2021.

La société [5] a saisi le 15 octobre 2021 la commission de recours amiable.

En l’absence de décision de la commission de recours amiable, la S.A. [5] a, par courrier recommandé du 18 février 2022, saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes aux fins de contester cette décision.

La commission de recours amiable a rejeté le recours de la société [5] le 23 février 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions du 30 septembre 2024 développées oralement à l’audience, la S.A. [5] demande au tribunal de :
– Constater qu’à l’issue du premier délai de 10 jours francs accordé à l’employeur pour consulter le dossier et formuler des observations, la CPAM n’a accordé aucun délai effectif pour consulter le dossier ;
– Constater que la CPAM n’a pas respecté son obligation d’information à l’égard de la société [5] dans le cadre de l’instruction du dossier de monsieur [U] ;
– Déclarer inopposable à la société [5] la décision de prise en charge de la maladie du 19 avril 2021 déclarée par monsieur [U].

Elle soutient que la caisse n’a pas respecté l’article R. 461-9 III du code de la sécurité sociale, ni les termes de la circulaire relative aux modalités d’application de l’article L. 441-8 du code de la sécurité sociale, précisant que ce nouveau délai doit permettre à la caisse de pouvoir prendre en compte les observations qui pourraient être formulées par l’employeur et le salarié.
Sans respect de ce délai, le principe du contradictoire n’est pas effectif.

En l’espèce, la caisse a pris sa décision dès le 16 août 2021, soit le premier jour ouvré suivant l’expiration du délai octroyé pour consulter le dossier et faire des observations, la privant ainsi d’un délai effectif de consultation du dossier pourtant prévu par le texte.

Par conclusions transmises le 24 septembre 2024, la caisse primaire d’assurance maladie du Maine-et-Loire demande au tribunal de :
– Dire et juger le recours de la société [5] mal fondé en tous ses points ;
– L’en débouter.

Elle soutient que la seule obligation qui pèse sur elle à l’issue de son instruction en application de l’article R. 461-9 du code de la sécurité sociale, est de mettre à disposition le dossier.
Or, par courrier du 30 avril 2021, elle a informé l’employeur qu’il pouvait consulter les pièces du dossier et formuler des observations du 2 août au 13 août 2021 et qu’au-delà de cette date, le dossier resterait consultable jusqu’à la décision qui interviendrait au plus tard le 23 août 2021.

La société [5] ne peut donc sérieusement prétendre que la caisse aurait manqué à son devoir d’information.

La décision a été mise en délibéré au 13 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le non-respect de la phase de consultation « passive »

Il résulte de l’article R. 461-9 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, que « I.-La caisse dispose d’un délai de cent-vingt jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie ou saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles mentionné à l’article L. 461-1.

Ce délai court à compter de la date à laquelle la caisse dispose de la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial mentionné à l’article L. 461-5 et à laquelle le médecin-conseil dispose du résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prévus par les tableaux de maladies professionnelles.

La caisse adresse un double de la déclaration de maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial à l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à sa réception ainsi qu’au médecin du travail compétent.

II.-La caisse engage des investigations et, dans ce cadre, elle adresse, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, un questionnaire à la victime ou à ses représentants ainsi qu’à l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief. Le questionnaire est retourné dans un délai de trente jours francs à compter de sa date de réception. La caisse peut en outre recourir à une enquête complémentaire.

La caisse peut également, dans les mêmes conditions, interroger tout employeur ainsi que tout médecin du travail de la victime.

La caisse informe la victime ou ses représentants ainsi que l’employeur de la date d’expiration du délai de cent-vingt jours francs prévu au premier alinéa du I lors de l’envoi du questionnaire ou, le cas échéant, lors de l’ouverture de l’enquête.

III.-A l’issue de ses investigations et au plus tard cent jours francs à compter de la date mentionnée au deuxième alinéa du I, la caisse met le dossier prévu à l’article R. 441-14 à disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief.

La victime ou ses représentants et l’employeur disposent d’un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l’employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d’observations.

La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation. »

Il convient d’observer en l’espèce que le courrier adressé le 30 avril 2021 par la CPAM à la société [5] concernant l’instruction du dossier, lui indiquait qu’elle pourrait consulter les pièces du dossier et formuler des observations du 2 août 2021 au 13 août 2021 et qu’au-delà de cette date, le dossier resterait consultable jusqu’à la prise de décision qui interviendrait au plus tard le 23 août 2021.

Il ne peut être reproché à la caisse d’avoir pris sa décision trop tôt après la fin de la période de consultation et d’observations, sans laisser un temps suffisant pour la consultation « passive » du dossier.
En effet, le texte précité ne prévoit aucune durée minimale pour cette deuxième phase de consultation du dossier sans possibilité de formuler des observations et rien n’interdit à la caisse de prendre sa décision dès le lendemain de l’achèvement de la phase de consultation « active », la date du 23 août 2021 constituant un délai butoir que la caisse ne pouvait dépasser.

La circulaire n°28/2019 du 9 août 2019 invoquée, ne dit d’ailleurs rien d’autre.

L’historique de consultation versé au débat laisse apparaître que la société [5] a consulté le dossier à deux reprises le 2 août 2021, à 10h17 puis à 16h55, sans faire d’observations.

De plus, s’il est exact que la prise de décision est intervenue le premier jour ouvré suivant la phase de consultation avec possibilité d’observations, soit le 16 août 2021, cela ne méconnait pas le principe du contradictoire, d’autant qu’il n’est pas justifié que la société [5] avait formulé des observations qui auraient nécessité que ces documents puissent être étudiés plus longuement par l’organisme social avant sa prise de décision.
Il n’en est résulté pour la société [5] aucun préjudice.

La procédure suivie apparaît donc parfaitement régulière et la décision de prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, de la maladie professionnelle déclarée par monsieur [O] [U] le 20 avril 2021, est opposable à son employeur.

Sur les dépens

Succombant, la société [5] sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal judiciaire de Nantes, statuant par décision contradictoire, rendue publiquement et en premier ressort,

DÉBOUTE la S.A. [5] de sa demande ;

DÉCLARE opposable à la S.A. [5] la décision de prise en charge de la caisse d’assurance maladie du Maine-et-Loire en date du 16 août 2021 de la maladie professionnelle présentée par monsieur [O] [U] le 19 avril 2021 ;

CONDAMNE la S.A. [5] aux dépens ;

RAPPELLE que conformément aux dispositions des articles 34 et 538 du code de procédure civile et R. 211-3 du code de l’organisation judiciaire, les parties disposent d’un délai d’UN MOIS à compter de la notification de la présente décision pour en INTERJETER APPEL ;

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ par mise à disposition du jugement au greffe du tribunal le 13 décembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, la minute étant signée par Madame Frédérique PITEUX, Présidente, et par Madame Julie SOHIER, Greffière.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENTE


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