Sommaire Contexte de l’affaireMme [Y] [C] et M. [S] [P], deux entrepreneurs chinois résidant en Andorre, ont conclu des contrats avec M. [Z] [V] le 6 mars 2018 pour faciliter leur immigration en Andorre. Ils ont versé un total de 58.317,04 euros à M. [Z] [V] pour ces services. Résiliation des contratsEn mars ou avril 2019, les époux [C]-[P] ont informé M. [Z] [V] de leur décision de mettre fin aux contrats et ont demandé la restitution des sommes versées. Ils ont assigné M. [Z] [V] devant le tribunal judiciaire de Bobigny en novembre 2022 pour obtenir le remboursement des montants versés. Demandes et contestationsM. [Z] [V] a contesté la compétence du tribunal de Bobigny et a demandé la communication de pièces justificatives concernant le parcours migratoire des demandeurs. Le tribunal a rejeté ses demandes d’incompétence et de communication de pièces. Arguments des partiesLes époux [C]-[P] soutiennent que M. [Z] [V] a manqué à ses obligations contractuelles, notamment en ne leur fournissant pas les solutions d’investissement nécessaires pour obtenir leur permis de résidence. M. [Z] [V], de son côté, affirme que les demandeurs n’ont pas respecté leurs engagements contractuels et qu’il a rempli ses obligations. Décision du tribunalLe tribunal a jugé que la résiliation des contrats par les époux [C]-[P] était justifiée en raison des manquements de M. [Z] [V]. Il a ordonné la restitution des sommes versées, soit 58.317,04 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation. Demandes de dommages-intérêtsLes demandes de dommages-intérêts formulées par les époux [C]-[P] et par M. [Z] [V] ont été rejetées, le tribunal n’ayant pas trouvé de préjudice justifiant une telle indemnisation. Condamnation aux dépensM. [Z] [V] a été condamné à payer les dépens de l’instance et à verser 3.000 euros aux époux [C]-[P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelle est la nature des contrats conclus entre Mme [Y] [C], M. [S] [P] et M. [Z] [V] ?Les contrats conclus le 6 mars 2018 entre Mme [Y] [C], M. [S] [P] et M. [Z] [V] sont des contrats de services de conseil liés à l’immigration en Andorre. Selon l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ces contrats stipulent que M. [Z] [V] devait fournir des solutions pour l’obtention d’un permis d’immigration d’investisseur commercial, ainsi que des conseils et un accompagnement dans les démarches nécessaires. L’article I des contrats précise que M. [Z] [V] s’engage à fournir divers services, tels que l’organisation de visites, la préparation de documents, et la communication avec les autorités andorranes. Ainsi, la nature des contrats implique une obligation de moyens de la part de M. [Z] [V], qui devait mettre en œuvre tous les efforts nécessaires pour aider les demandeurs à obtenir leur permis d’immigration. Quelles sont les conséquences de la résolution unilatérale des contrats ?La résolution unilatérale des contrats a des conséquences juridiques précises, notamment en matière de restitution des sommes versées. Selon l’article 1229 du code civil, la résolution met fin au contrat et entraîne des obligations de restitution. Lorsque les prestations échangées ne peuvent trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre. En l’espèce, les contrats ont été résiliés en raison des manquements de M. [Z] [V] à ses obligations contractuelles. Les demandeurs, Mme [Y] [C] et M. [S] [P], ont donc le droit de demander la restitution des sommes versées, soit 28.317,04 euros et 30.000 euros, conformément aux stipulations des contrats. L’article VII des contrats précise que si M. [Z] [V] ne fournit pas les services convenus, les demandeurs peuvent demander la restitution des frais de service payés. Quels articles du code civil sont applicables en matière de dommages-intérêts ?Les articles du code civil applicables en matière de dommages-intérêts sont principalement l’article 1231-1 et l’article 1240. L’article 1231-1 stipule que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. En revanche, l’article 1240 prévoit que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Dans le cas présent, Mme [Y] [C] et M. [S] [P] n’ont pas justifié d’un préjudice spécifique lié aux manquements de M. [Z] [V], ce qui a conduit à leur déboutement de la demande de dommages-intérêts. Ainsi, l’absence de preuve d’un préjudice a été déterminante dans la décision du tribunal. Quelles sont les obligations de M. [Z] [V] en vertu des contrats ?Les obligations de M. [Z] [V] en vertu des contrats sont clairement définies dans l’article I des contrats du 6 mars 2018. M. [Z] [V] devait fournir des services de conseil liés aux questions d’immigration, notamment en fournissant des solutions pour l’obtention d’un permis d’immigration d’investisseur commercial. Il devait également aider à organiser des visites, préparer des documents, et présenter le dossier de demande d’immigration aux autorités andorranes. L’article X précise que M. [Z] [V] s’engage à coopérer avec les demandeurs et à leur fournir une assistance jusqu’à l’obtention de leur carte de séjour. Ces obligations impliquent une obligation de moyens, ce qui signifie que M. [Z] [V] devait déployer tous les efforts raisonnables pour aider Mme [Y] [C] et M. [S] [P] à atteindre leur objectif d’immigration. Cependant, il n’était pas tenu à une obligation de résultat, ce qui a été un point clé dans l’évaluation des manquements allégués. Quelles sont les implications de l’article 700 du code de procédure civile dans ce litige ?L’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. Cette disposition vise à compenser les frais engagés par la partie qui a dû défendre ses droits en justice. Dans le cas présent, le tribunal a condamné M. [Z] [V] à verser 3.000 euros à Mme [Y] [C] et M. [S] [P] au titre de l’article 700, en raison de sa position perdante dans le litige. Cette somme est destinée à couvrir les frais de justice et les honoraires d’avocat, qui ne peuvent pas être récupérés dans le cadre des dépens. Ainsi, l’article 700 joue un rôle crucial dans la répartition des coûts de la procédure judiciaire, permettant à la partie gagnante d’être partiellement indemnisée pour ses dépenses. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
de BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 10 DECEMBRE 2024
Chambre 7/Section 3
AFFAIRE: N° RG 22/11975 – N° Portalis DB3S-W-B7G-XA5O
N° de MINUTE : 24/00717
Madame [Y] [C]
[Adresse 4]
[Localité 1] (ESPAGNE)
représentée par Me Axelle ADJANOHOUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 147
Monsieur [S] [P]
[Adresse 4]
[Localité 1] (ESPAGNE)
représenté par Me Axelle ADJANOHOUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 147
DEMANDEURS
C/
Monsieur [Z] [V]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Hugo WINCKLER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 649
DEFENDEUR
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Mechtilde CARLIER, Juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assistée aux débats de Madame Corinne BARBIEUX, faisant fonction de greffier.
DÉBATS
Audience publique du 08 Octobre 2024.
JUGEMENT
Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement Contradictoire et en premier ressort, par Madame Mechtilde CARLIER, Juge, assistée de Madame Corinne BARBIEUX, faisant fonction de greffier.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [Y] [C] et M. [S] [P] sont deux entrepreneurs de nationalité chinoise résidant en Andorre.
Par actes sous-seing privé du 6 mars 2018, deux contrats ont été conclus, l’un par Mme [Y] [C] et l’autre par M. [S] [P], en vue de leur immigration en Andorre.
Le 28 mars 2018, Mme [Y] [C] et M. [S] [P] ont transféré à M. [Z] [V] la somme de 28.317,04 euros au titre des deux contrats précités. Le 8 octobre 2018, les époux [C]-[P] ont procédé à un second virement de 30.000 euros sur le compte bancaire de M. [Z] [V].
Au mois de mars ou avril 2019 (aucune pièce n’est produite mais les parties s’accordant sur ce fait), Mme [Y] [C] et M. [S] [P] ont informé M. [Z] [V] qu’ils mettaient un terme aux contrats conclus le 6 mars 2018 et qu’ils demandaient la restitution des montants perçus.
Par exploit du 29 novembre 2022, Mme [Y] [C] et M. [S] [P] ont fait assigner M. [Z] [V] devant le tribunal judiciaire de Bobigny afin d’obtenir sa condamnation à leur payer les sommes qui lui avaient été remises dont les 30.000 euros sous astreinte, 8000 euros sous astreinte et 10000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 15 décembre 2022, la clôture de la mise en état a été ordonnée avant d’être révoquée par ordonnance du 27 décembre 2022 suite à la demande en ce sens de M. [Z] [V] par conclusions signifiées par RPVA le 16 décembre 2022.
Par conclusions d’incident notifiées par RPVA le 19 juin 2023 et actualisées le 03 juillet 2023, M. [Z] [V] a notamment demandé au juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bobigny de déclarer le tribunal judiciaire de Bobigny incompétent au profit des juridictions andorranes et subsidiairement au profit du tribunal judiciaire de Paris. A titre très subsidiaire, il a demandé à ce que les demandeurs soient déclarés irrecevables à agir car n’étant pas parties au contrat litigieux. A titre infiniment subsidiaire, il a demandé à ce que soit enjoint aux demandeurs de lui communiquer les pièces justificatives de leur parcours migratoire.
Par ordonnance en date du 19 juillet 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bobigny a notamment déclaré irrecevables les exceptions d’incompétence ainsi que les fins de non-recevoir soulevées par M. [Z] [V]. Il a également rejeté la demande de communication forcée sous astreinte de pièces justificatives du parcours migratoire des époux [P]-[C].
Aux termes de leurs conclusions régularisées par voie électronique le 15 janvier 2024, Mme [Y] [C] et M. [S] [P] demandent au tribunal de :
Débouter Monsieur [Z] [V] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,
Condamner Monsieur [Z] [V] à payer à Madame [Y] [C] et à Monsieur [S] [P] la somme de 200.000 yuans (28.317,04 €) augmentée des intérêts au taux légaux à compter de la date de mise en demeure sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir ;
Condamner Monsieur [Z] [V] à payer à Madame [Y] [C] et à Monsieur [S] [P] la somme de 30.000 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir ;
Condamner Monsieur [Z] [V] à payer à Madame [Y] [C] et à Monsieur [S] [P] la somme de 8.000 € à parfaire augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
Condamner Monsieur [Z] [V] à payer à Madame [Y] [C] et à Monsieur [S] [P] la somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Mme [Y] [C] et M. [S] [P] soutiennent que
– en vertu des articles 1103 du code civil et 1217 du code civil, M. [Z] [V] a manqué à ses obligations contractuelles consistant à titre principal à leur apporter des solutions d’investissements en Andorre de nature à leur permettre d’obtenir un permis de résidence active en vertu de la loi andorrane du 17 mai 2018 et à titre accessoire à leur apporter tous les conseils et l’accompagnement nécessaires à l’accomplissement de la mission principale qui lui était confiée ;
– M. [Z] [V] était tenu à une obligation de résultat, le dernier paiement de ses honoraires étant conditionné par la délivrance du titre attendu ;
– la demande en paiement de la caution à l’Autorité Financière Andorrane ne pouvait être opérée par un mandataire mais devait être opérée par eux-mêmes en personne de sorte que la demande de transfert du montant attendu de 30.000 euros entre les mains de M. [Z] [V] était abusive et infondée ;
– l’autorisation d’investir accordée par les autorités a donné lieu à un conseil de M. [Z] [V] d’investissement dans la société Grup In.Ra à hauteur de 50% alors que cette société défaillante financièrement ne pouvait faire l’objet d’aucune opération de mutation de ses actions faisant ainsi échec à tout le processus ;
– En vertu des articles 1225 et 1229 du code civil, les manquements entraînent la résolution de plein droit du contrat et doivent donner lieu à la restitution des sommes versées à M. [Z] [V] tant au titre de l’acompte du contrat commercial d’investissement qu’au titre des sommes perçues en qualité de mandataire dans le cadre du projet d’investissement par le rachat des parts que la société Valigo détient dans le capital de la société Grup Inra ;
– l’article 4 des contrats invoqué par M. [Z] [V] ne peut pas faire obstacle aux restitutions prévues à l’article 7 des contrats ;
– en vertu de l’article 1231-1 du code civil, les demandeurs sont bien fondés à demander des dommages-intérêts complémentaires ;
– aucun mandat à titre gratuit n’a été convenu entre les parties pour le rachat des parts de la société Valigo dans le capital de la société Grup In.Ra ;
– aucun élément du contrat ne justifie les demandes en paiement de M. [Z] [V]. Au contraire le paiement de prestations était conditionné par l’octroi des permis d’immigration investisseur commercial qui ne sont pas parvenus ;
– aucun élément ne vient confirmer les allégations selon lesquelles M. [Z] [V] et sa famille auraient été agressés par M. [S] [P].
Aux termes de ses conclusions régularisées par voie électronique le 17 novembre 2023, M. [Z] [V] demande au tribunal, au visa des articles 699 et 700 du code de procédure civile, des articles 1193, 1230, 1240 et suivants du code civil, de :
DEBOUTER Monsieur [P] et Madame [C] en toutes leurs demandes, moyens, fins et conclusions ;
COMDAMNER solidairement Monsieur [P] et Madame [C] à verser à Monsieur [V] la somme de 200 000 RMB (25 441,21 euros) en application du contrat de services signé le 6 mars 2018 en raison de l’obtention des permis d’investissement à Andorre avec la somme de 50 euros d’astreinte par jour de retard.
COMDAMNER Monsieur [P] à verser à Monsieur [V] la somme de 5 000 euros en raison du préjudice moral résultat des menaces proférées par Monsieur [P] contre la famille de Monsieur [V] avec la somme de 50 euros d’astreinte par jour de retard.
COMDAMNER solidairement Monsieur [P] et Madame [C] à verser à Monsieur [V] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700.
M. [Z] [V] soutient que :
– Mme [Y] [C] et M. [S] [P] n’ont pas souscrit un contrat d’investissement avec M. [Z] [V] mais un contrat d’accompagnement à l’immigration avec la société APEC ;
– sur le fondement de l’article 1231 du code civil, les demandeurs auraient dû le mettre en demeure de procéder aux démarches qu’ils estimaient nécessaires et mal réalisées ;
– les demandeurs ont mis fin au contrat unilatéralement à la réception de la deuxième facture ;
– aucun manquement ne peut être reproché à M. [Z] [V]. Mme [Y] [C] et M. [S] [P] sont seuls responsables de l’échec de l’opération lorsqu’ils se sont désistés après avoir eu connaissance de la saisie sur les comptes de la société In.Ra alors même que les fonds de la société permettaient de désintéresser les créanciers ;
– M. [Z] [V] a parfaitement rempli ses obligations en permettant l’octroi des autorisations d’investissement ;
– la résiliation des contrats étant unilatérale et infondée, les stipulations de l’article 4 font obstacle à la restitution des sommes versées ;
– la somme de 30.000 euros versée par les demandeurs a été retransférée à la société Valigo qui en dispose désormais ;
– les contrats prévoient un étalement des paiements suivant un calendrier établi qui n’a pas été respecté par les demandeurs alors que pour M. [Z] [V] les étapes du calendrier ont été atteintes ;
– M. [S] [P] a eu un comportement déplacé qui lui a causé un préjudice qu’il convient de réparer.
Il est renvoyé aux conclusions pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties par application de l’article 455 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée le 4 juin 2024 par ordonnance du même jour.
L’affaire a été plaidée à l’audience du 8 octobre 2024 et mise en délibéré au 10 décembre 2024.
1. Sur la résolution unilatérale des contrats du 6 mars 2018
Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Selon l’article 1225 du code civil, la clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat. La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.
En l’espèce, tant pour le contrat de Mme [Y] [C] que pour le contrat de M. [S] [P], l’article VII prévoit aux termes de l’alinéa 3 que « si la partie A ne fournit pas les services à la partie B conformément à l’article 1 du contrat, la partie B sera en droit de résilier le présent contrat après notification à la partie A par voie informatique ou par écrit, et sera en droit de demander à la partie A de restituer les frais de service de consultation qui auraient été payés. »
Sur la définition des obligations de M. [Z] [V], l’article I des contrats du 6 mars 2018 stipule que M. [Z] [V] fournira à Mme [Y] [C] et M. [S] [P] des « services de conseil liés aux questions confiées conformément aux lois et règlement de la Principauté d’Andorre ». Plus précisément, le contrat prévoit les prestations suivantes :
1. Fournir des solutions pour un permis d’immigration d’un investisseur commercial ;
2. Fournir les informations nécessaires relatives à la demande de Mme [Y] [C] et M. [S] [P] concernant un permis d’immigration d’un investisseur commercial ;
3. Aider Mme [Y] [C] et M. [S] [P] à organiser une visite dans le pays pour lequel la demande d’immigration est faite ; aider et guider Mme [Y] [C] et M. [S] [P] pour préparer divers documents nécessaires et remplir les formulaires de demande ;
4. Prendre en charge la préparation et la vérification des documents de candidature de Mme [Y] [C] et M. [S] [P] ;
5. Présenter au nom de Mme [Y] [C] et M. [S] [P] le dossier de demande d’immigration au bureau d’immigration de la Principauté d’Andorre et prendre en charge la communication et la coordination avec les tiers impliqués dans le processus de demande ;
6. Fournir à Mme [Y] [C] et M. [S] [P] une formation aux techniques d’entretien et les aider à organiser les activités liées aux entretiens ;
7. Fournir à Mme [Y] [C] et M. [S] [P] un avocat et les accompagner lors des entretiens ;
8. Fournir à Mme [Y] [C] et M. [S] [P] un service de suivi pendant tout le processus de candidature et informer à tout moment Mme [Y] [C] et M. [S] [P] de l’avancement de la candidature et des dernières informations disponibles ;
9. Aider Mme [Y] [C] et M. [S] [P] à demander un passeport et à acheter des billets d’avions à prix réduits ;
10. Tous les documents écrits et les informations fournies par Mme [Y] [C] et M. [S] [P] au cours du processus d’immigration devront rester confidentiels.
Aux termes de l’article X, M. [Z] [V] s’est engagé à coopérer avec Mme [Y] [C] et M. [S] [P] à l’amiable et à leur fournir pour un ensemble de sociétés, une assistance de conseil ainsi que tous les services tels que l’assistance en matière de fiscalité et sur le plan juridique, jusqu’à ce que Mme [Y] [C] et M. [S] [P] obtiennent de la Principauté d’Andorre une carte de séjour d’une durée de dix ans.
En d’autres termes, pesait sur M. [Z] [V] une obligation de conseil et de fourniture de solutions en vue de l’obtention par Mme [Y] [C] et M. [S] [P] d’un permis d’immigration d’investisseur commercial. L’obtention d’un tel permis renvoie à l’octroi de la résidence active par les autorités publiques de la Principauté d’Andorre et nécessite de façon alternative ou bien la création d’une société andorrane ou bien l’investissement dans une société andorrane préexistante. M. [Z] [V] était donc tenu de fournir aux demandeurs des solutions permettant la réalisation d’une de ces deux possibilités afin que soient remplies ses obligations contractuelles. Cela étant, au vu des termes employés, l’obtention par les époux du permis d’immigration ne constituait pas une obligation de résultat mais bien une obligation de moyens. M. [Z] [V] était donc tenu de tout mettre en œuvre afin d’effectuer régulièrement les formalités requises en lieu et place de Mme [Y] [C] et M. [S] [P].
Les démarches entreprises par M. [Z] [V] ont permis aux consorts [C]-[P] d’obtenir l’autorisation d’investissement du Gouvernement d’Andorre le 28 décembre 2018 pour l’acquisition de 25% du capital social de la société Grup In.Ra SLU.
Toutefois, M. [Z] [V] échoue à démontrer l’existence d’un accord ou même de négociations entre les demandeurs et la société Grup In.Ra portant sur l’acquisition de 50% des parts sociales pour un montant de 30.000 euros.
L’attestation de M. [F] [I] n’est pas accompagnée de documents précontractuels probants relatifs au projet de cession des actions de la société Valigo représentée par M. [L] [O] ni d’aucun élément relatif à la santé financière de la société In.Ra qui aurait permis aux consorts [C]-[P] de connaitre la portée et les conséquences de leurs engagements.
L’attestation de M. [I] ne permet pas d’attester des éléments y figurant en l’absence d’éléments extrinsèques probants de nature à corroborer les informations attestées. Aucun échange entre les différentes parties qui aurait permis un commencement de preuve par écrit des négociations n’est non plus produit.
Les autorisations d’investissement en date du 28 décembre 2018 n’évoquent pas la société Valigo ni les prix annoncés par M. [Z] [V].
Les virements bancaires réalisés par M. [Z] [V] au bénéfice de la société Valigo ont été réalisés les 2 et 11 octobre 2018 soit pour partie avant le virement effectué par Mme [Y] [C] et M. [S] [P] et pour le total près de trois mois avant les autorisations d’investissement.
La seule mention (« Pour l’achat de 25% des actions de la société Grup In.Ra ») sur les reçus de paiement dressés par la société Valigo le 15 octobre 2018, élément isolé et non corroboré par d’autres pièces du dossier, est insuffisant. Au contraire, il ressort de l’autorisation d’investissement que l’acquisition projetée dans le capital de la société Grup In.Ra consistait en 25 actions pour chacun des deux demandeurs d’une valeur nominale de 30 euros représentant 25% du capital social d’une valeur nominale de 750€ sans qu’aucun document contresigné par Mme [Y] [C] et M. [S] [P] ne viennent corroborer les explications de M. [I] quant à la différence entre les valeurs nominales et les valeurs de marché.
Ainsi, il n’est pas démontré de la propriété desdites parts par la société Valigo ainsi que de la connaissance par Mme [Y] [C] et M. [S] [P] de cette société.
Dans ces conditions il est établi que Mme [Y] [C] et M. [S] [P] ne disposaient pas des informations nécessaires leur permettant d’être pleinement éclairés des engagements qu’ils s’apprêtaient à prendre à l’égard de la société In.Ra. La saisie des comptes de la société In.Ra, quand bien même le compte aurait été suffisamment pourvu, a légitimement freiné les investisseurs faute pour M. [Z] [V] de leur avoir transmis les informations pertinentes sur la société In.Ra, la société Valigo et les conditions de l’opération projetée.
En conséquence, M. [Z] [V] ne rapporte pas la preuve de la mise en œuvre des diligences des points 1 et 2 de l’article I des contrats pour assurer à Mme [Y] [C] et M. [S] [P] l’obtention du permis d’immigration.
La résolution anticipée et unilatérale des deux contrats du 6 mars 2018 sans mise en demeure préalable était dès lors justifiée.
2. Sur les conséquences de la résolution
Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Selon l’article 1229 du code civil, la résolution met fin au contrat. Elle prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l’assignation en justice.
Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.
Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 du code civil.
En l’espèce, l’article VII des contrats du 6 mars 2018 prévoit que « 3. Si la partie A ne fournit pas les services à la partie B conformément à l’article 1 du contrat, la partie B sera en droit de résilier le présent contrat après notification à la partie A par voie informatique ou par écrit, et sera en droit de demander à la partie A de restituer les frais de service de consultation qui auraient été payés. »
Mme [Y] [C] et M. [S] [P] soutiennent qu’ils ont mis un terme au contrat par courrier électronique du 9 avril 2019 mais ce document n’est pas produit. Dans ses conclusions M. [Z] [V] soutient que le contrat a été terminé unilatéralement au 22 mars 2019 mais aucun document n’est produit au soutien de cette affirmation. Les parties s’accordant sur le principe de la résolution unilatérale des contrats, le tribunal retiendra la date du 9 avril 2019 comme date de la résolution.
Au vu des développements qui précèdent, les contrats ont été résiliés de manière anticipée au regard des manquements de M. [Z] [V] à ses obligations contractuelles.
Il est exact que M. [Z] [V] a fourni des diligences certaines en ce qu’il a sollicité l’intervention d’un conseil andorran, qu’il a procédé aux démarches juridiques et administratives permettant l’octroi des autorisations d’investissement du 28 décembre 2018. Toutefois, la lettre du contrat ne prévoit pas d’exécution partielle des prestations ou de restitution des sommes versées à proportion des prestations réalisées.
Par conséquent, il convient d’appliquer la lettre du contrat sur les conséquences prévues à l’article VII dont les termes, dérogatoires aux termes de l’article IV, s’appliquent spécifiquement au cas de résolution unilatérale du contrat pour manquements aux obligations essentielles de la convention.
Mme [Y] [C] et M. [S] [P] sont donc bien fondés à demander à M. [Z] [V] la restitution des premiers frais de service de consultation payés à hauteur de 200.000 RMB soit 28.317,04 euros.
Quant aux frais de 30.000 euros versés en sus il n’est pas établi de manière probante qu’ils auraient été perçus au titre d’un mandat de gestion gratuit en l’absence de contrat ou de tout autre élément probant établissant la négociation ou le projet de rachat d’actions de la société Valigo.
Ainsi, cette somme versée à M. [Z] [V] doit être restituée à Mme [Y] [C] et M. [S] [P].
Au vu des éléments qui précèdent, M. [Z] [V] sera débouté de sa demande en paiement de ses factures afférentes au deuxième acompte contractuel.
En vertu de l’article 1344-1 du code civil, la mise en demeure de payer une obligation de somme d’argent fait courir l’intérêt moratoire, au taux légal, sans que le créancier soit tenu de justifier d’un préjudice.
En l’espèce, la condamnation de M. [Z] [V] sera assortie des intérêts au taux légal sur la somme de 58.317,04 euros à compter de l’assignation faute pour la mise en demeure du 18 mai 2022 d’être complète et de permettre au tribunal de vérifier le montant pour lequel le débiteur a été mis en demeure de payer.
Il n’y pas lieu au prononcé d’une astreinte en l’absence d’éléments justifiant de sa nécessité et compte tenu de l’octroi des intérêts au taux légal.
3. Sur la demande de dommages-intérêts de Mme [Y] [C] et M. [S] [P]
Selon l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
En l’espèce, Mme [Y] [C] et M. [S] [P] ne justifient pas d’un préjudice spécifique aux manquements de M. [Z] [V].
Ils seront déboutés de leur demande de dommages-intérêts complémentaires.
4. Sur la demande de dommages-intérêts de M. [Z] [V] au titre d’un préjudice moral
L’article 1240 du code civil prévoit que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Les faits de menace et d’agression ne peuvent en aucun cas se rattacher à l’exécution du contrat et relèvent de la responsabilité civile délictuelle.
En l’espèce, aucune pièce versée au dossier ne permet de démontrer de la véracité de ces faits dénoncé par M. [Z] [V]. Les extraits de conversation entre les parties sur l’application de messagerie WeChat produits par Mme [Y] [C] et M. [S] [P] établissent seulement que M. [Z] [V] s’est rendu au domicile des demandeurs et a sonné à leur porte.
En conséquence, aucune faute imputable à M. [S] [P] n’est démontrée. M. [Z] [V] sera donc débouté de sa demande tendant à la condamnation de M. [S] [P] au paiement de dommages et intérêts.
5. Sur les dépens et les frais irrépétibles
M. [Z] [V], qui succombe, sera condamné aux dépens de l’instance.
M. [Z] [V] sera également condamné à verser 3.000 euros à Mme [Y] [C] et M. [S] [P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal judiciaire de Bobigny, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
Condamne M. [Z] [V] à payer à Mme [Y] [C] et M. [S] [P] la somme de 28.317,04 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;
Condamne M. [Z] [V] à payer à Mme [Y] [C] et M. [S] [P] la somme de 30.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;
Déboute Mme [Y] [C] et M. [S] [P] de leur demande d’astreinte ;
Déboute Mme [Y] [C] et M. [S] [P] de leur demande tendant à la condamnation de M. [S] [P] au paiement de dommages et intérêts ;
Déboute M. [Z] [V] de sa demande tendant à la condamnation de Mme [Y] [C] et M. [S] [P] au paiement de ses factures au titre du deuxième acompte contractuel ;
Déboute M. [Z] [V] de sa demande tendant à la condamnation de M. [S] [P] au paiement de dommages et intérêts ;
Condamne M. [Z] [V] aux dépens ;
Condamne M. [Z] [V] à verser à Mme [Y] [C] et M. [S] [P] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le présent jugement ayant été signé par le président et le greffier
Le Greffier Le Président
Corinne BARBIEUX Mechtilde CARLIER