Il suit de l’article 1229 du code civil, en vigueur depuis le 1er octobre 2016, que la résolution met fin au contrat. La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l’assignation en justice.
Alors que la société CRC établit les preuves de son travail de communicant et en particulier celui d’avoir bien distribué à toute la presse des échantillons et tandis que le marketing particulier, abstrait et avant-gardiste que le client de l’agence a développé pour le placement de son produit atypique était difficile à démarquer de la machine à laquelle ils étaient dès l’origine associés, il ne peut être fait grief à l’agence de presse d’avoir manqué à une réflexion stratégique dans les seuls trois mois qui ont précédé la dénonciation du contrat par le client. La juridiction a retenu la résiliation fautive du contrat au détriment de l’agence de presse ainsi que la sanction des honoraires dus à l’échéance du contrat.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 11
ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/20880 –��N° Portalis 35L7-V-B7D-CA7GR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Octobre 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2018019086
APPELANTE
SAS AC&B
prise en la personne de ses représentants légaux
[…]
10430 ROSIÈRES-PRÈS-TROYES
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de TROYES sous le n° 539 717 629
représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09
INTIMEE
SAS CRC COMMUNICATION
prise en la personne de ses représentants légaux
[…]
[…]
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le n° 452 845 365
assistée de Me Laurent-Haim BENOUAICH, avocat au barreau de PARIS, toque : R057
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 23 Septembre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Denis ARDISSON, Président de la chambre, chargé du rapport
Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère
Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.
ARRÊT :
— contradictoire,
— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
— signé par M. Denis ARDISSON, Président de la chambre et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 14 octobre 2019 qui a :
— prononcé la résiliation anticipée du contrat passé avec la société CRC Communication (‘société CRC’) le 1er juin 2015 et l’avenant du 1er novembre 2016 aux torts exclusifs de la société AC&B,
— condamné la société AC&B à régler à CRC Communication les sommes de :
28.000 euros à titre de solde d’honoraires avec intérêts moratoires au taux de la BCE majoré de 10 points à compter du 8 janvier 2018 avec capitalisation des intérêts,
2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
les dépens,
— ordonné l’exécution provisoire ;
* *
Vu l’appel du jugement interjeté le 8 novembre 2019 par la société AC&B ;
Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 11 juin 2021 pour la société AC&B représentée par la société Cardon & Bortolus en qualité d’administrateur judiciaire, et la société Crozat Barault Migrot en qualité de mandataire judiciaire afin d’entendre, en application des articles 1103, 1104 et 1229 du code civil :
— déclarer la société AC&B recevable et bien fondée en son appel,
— déclarer recevables les interventions volontaires des administrateur judiciaire et mandataire judiciaire de la société AC&B,
— dire que la société CRC ne justifie pas avoir exécuté loyalement le contrat du 1er juin 2015 et son avenant du 1 er novembre 2016,
— infirmer en tous points le jugement,
— débouter la société CRC de l’intégralité de ses demandes,
— condamner la société CRC au paiement d’une indemnité de 15.000 euros à titre de dommages et
intérêts pour résistance abusive,
— condamner la société CRC au paiement d’une indemnité de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner la société CRC aux entiers dépens conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
* *
Vu les conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 17 juin 2021 par la société CRC Communication afin d’entendre, en application des articles 1103, 1104, 1229 et suivants du code civil, L. 441-6 du code de commerce, 907, 802 et 803 du code de procédure civile :
— révoquer l’ordonnance de clôture du 17 juin 2021,
— dire la société CRC recevable et bien fondée en ses écritures,
— dire que la société CRC n’a commis aucun manquement de nature à justifier la résiliation du contrat,
— dire que la société CRC a valablement résilié le contrat aux torts exclusifs de la société AC&B,
— dire que la société AC&B a fait preuve de mauvaise foi dans l’exécution du contrat,
— confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf à fixer au passif de la société AC&B la somme de 28.000 euros au titre du paiement du solde des honoraires restants dus, assortie des intérêts moratoires au taux de la BCE majoré de 10 points à compter du 8 janvier 2018,
— fixer au passif de la société AC&B la somme de 12.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédures civile et les entiers dépens.
* *
A l’audience du 23 septembre 2021, le président a prononcé la clôture après avoir révoqué celle décidée le 17 juin 2021.
SUR CE, LA COUR,
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.
Il sera ainsi succinctement rapporté que la société AC&B, qui commercialise des produits de beauté sous la marque ‘ROMY Paris’ extraits d’une machine individuelle à dosettes inspirée du modèle dont la notoriété a été acquise par la marque de café ‘Nespresso’, a confié à la société CRC par contrat du 1er juin 2015, la prestation de conseil des relations publiques et la presse avec pour objet, selon l’article 12 de la convention, la diffusion et le suivi des communiqués de presse (notamment à l’occasion du lancement de nouveaux produits), la gestion des rendez-vous rédactions et accueil des journalistes au bureau de presse, le développement et gestion des contacts avec les journaux et magazines du secteur de la presse grand public, économique et beauté, la gestion des shoppings (sortie des produits pour prise de vues), le suivi des parutions presse, la réflexion stratégique sur les actions futures à mener et la restitution d’un rapport mensuel’. Cette prestation était convenue jusqu’au terme du 31 juillet 2016 renouvelable annuellement par tacite reconduction moyennant le forfait annuel de 22.800 euros HT et hors frais et acquitté par mensualités.
La société AC&B souhaitant ‘repositionner’ sa marque sur le thème de la ‘cosmétique connectée’ a convenu avec la société CRC de suspendre ses prestations par un avenant du 1er novembre 2016 aux termes duquel les parties se sont accordées pour réduire le montant des honoraires à 500 euros HT par mois d’octobre 2016 à mars 2017, fixer le terme de leur contrat au 31 janvier 2019 et majorer à l’avenir le forfait annuel convenu le 1er juin 2015.
La société AC&B ayant cessé de régler les factures émises à partir de septembre 2017, la société CRC l’a mise en demeure de payer le 3 novembre 2017, la société AC&B lui opposant le 30 novembre 2017 des manquements à la réalisation des prestations auxquels la société CRC a répondu le 30 novembre suivant, mettant à nouveau en demeure la société AC&B de régler les factures.
La société AC&B ayant dénoncé la résiliation du contrat par courrier du 2 janvier 2018, avant d’acquitter les factures émises pour les mois de septembre, octobre et décembre 2017, la société CRC l’a vainement mise en demeure de régler les factures de 3.000 euros au titre de janvier 2018 et de 25.000 euros, émise au titre de la résiliation du contrat devant courir à son terme du 31 janvier 2019, avant de l’assigneren paiement le 12 février 2018 devant le juge des référés du tribunal commercial de Paris qui, par ordonnance du 27 mars 2018, a renvoyé la cause et les parties devant la juridiction du au fond.
Par ailleurs, la société AC&B a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Troyes le 9 février 2021.
1. Sur le bien fondé de l’exception d’inexécution
Pour conclure à l’infirmation du jugement, la société AC&B oppose, en premier lieu dans le corps de la discussion de ses conclusions, l’irrecevabilité de la demande de la société CRC depuis l’origine de l’instance en ce ‘qu’elle tend à faire constater la résiliation de contrat’, alors que la société AC&B avait ‘déjà prononcé la résolution du contrat’ dans sa lettre du 2 janvier 2018 avant que la société CRC ne la revendique, ce dont la société AC&B soutient qu’elle ne pouvait s’en prévaloir en application des dispositions de l’article 1229 du code civil.
Il suit de l’article 1229 du code civil, en vigueur depuis le 1er octobre 2016, que ‘La résolution met fin au contrat. La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l’assignation en justice’.
Si la société AC&B ne vise pas sa demande d’irrecevabilité au dispositif de ses conclusions, de sorte qu’en toute rigueur, il n’y pas lieu de la discuter, la cour relève néanmoins, d’une part, que cette cause d’irrecevabilité ne se déduit d’aucun des articles 1224 à 1230 du code civil relatifs au droit de la résolution du contrat, en sorte que la société CRC pouvait revendiquer les torts de la société AC&B au soutien de ses demandes en condamnation, et d’autre part que, suivant la prescription de l’article 12, alinéa 2, du code de procédure civile, il appartient au juge de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
En second lieu pour voir infirmer le jugement en ce qu’il retenu la résiliation du contrat à ses torts, la société AC&B oppose les manquements de la société CRC dans l’exécution de sa prestation, d’abord en ce que bien qu’informée de la nouvelle stratégie de communication sur le thème de la ‘peau’ à l’occasion d’une réunion du 13 avril 2017, et ainsi que cela résulte des échanges de courriels les 19 et 20 avril suivants (pièce n°4), elle n’a pas pris en compte cette nouvelle communication, n’ayant pris attache avec aucun journaux et magazines de la presse du secteur public, économique et de la beauté jusqu’en juillet 2017, et n’ayant pas non plus ultérieurement supprimé les accroches de communication ‘Nespresso’, ‘cosmétique connectée’ et ‘crème et mélanges sur mesure’ qui devaient être abandonnées, et qui sont apparues dans les publications des revues Fashion Mag du 19 juillet
2017, Madame X d’octobre 2017 ou encore dans la revue Stratégies parue le 27 novembre 2017.
La société AC&B fait encore grief à la société CRC d’avoir omis d’adresser les échantillons de produits aux journalistes, déplore en outre sa carence dans la fourniture des rapports mensuels sur la réalisation effective de ses prestations avant septembre, reprochant l’indigence de ceux communiquées pour les prestations de septembre, octobre et novembre, et lui fait enfin grief de n’avoir pas contribué à la réflexion stratégique sur les actions futures à mener ainsi que cela était prévu au contrat, le tout, malgré les attentes répétées que la société AC&B lui a exprimées par courriels des 20 juillet, 19 octobre, 20 octobre et 26 octobre 2017.
Au demeurant, les mots d’ordres et la présentation sommaire des informations sur l’orientation publicitaire de ses produits qu’elle a communiquées dans son courriel du 19 avril 2017 ne contiennent pas d’indications suffisamment précises pour amorcer une campagne de presse, et tandis qu’il est constant que la société AC&B n’a pas communiqué à la société CRC son dossier de presse utile à sa nouvelle communication avant le 6 juillet 2017, il se déduit que la société AC&B est à l’origine de l’impossibilité de promouvoir une nouvelle campagne de presse à la rentrée de septembre 2017 ainsi que de l’impossibilité d’actualiser cette promotion dans deux, des trois publications parues en septembre et octobre que la société CRC a alimentées, les retards de la société d’AC&B étant aussi de nature à justifier l’absence de rapports sur cette période, les rapports comme les courriels que la société CRC lui adressés à partir de septembre attestant de la matérialité des prestations.
Alors que la société CRC établit les preuves de travail en juillet, septembre et octobre 2017, et en particulier celle d’avoir bien distribué à toute la presse les échantillons effectivement fournis par la société AC&B, et tandis enfin, la cour le relève, que le marketing particulier, abstrait et avant-gardiste que la société d’AC&B a développé pour le placement de son produit atypique était difficile à démarquer de la machine à laquelle ils étaient dès l’origine associés, il ne peut être fait grief à la société CRC d’avoir manqué à une réflexion stratégique dans les seuls trois mois qui ont précédé la dénonciation du contrat par la société AC&B.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a retenu la résiliation fautive du contrat au détriment de société AC&B ainsi que la sanction des honoraires dus à l’échéance du contrat, mais dont la charge sera inscrite au passif de la société et le cours des intérêts interrompu au jour de l’ouverture de sa procédure collective suivant la prescription de l’article 622-8 du code de commerce.
2. Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive, les frais irrépétibles et les dépens
La société AC&B succombant au recours, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’abus dans la procédure ainsi qu’en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles, et statuant de ces deux chefs en cause d’appel, les dépens et la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles seront fixées au passif de la société AC&B.
PAR CES MOTIFS,
Constate les interventions volontaires de la société Cardon & Bortolus, administrateur judiciaire de la société AC&B, et de la société Crozat Barault Migrot, mandataire judiciaire de la société AC&B ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf celles relatives au principe de la condamnation et à l’application des intérêts ;
Statuant à nouveau de ces seuls chefs et y ajoutant,
Fixe au passif de la société AC&B la créance de la société CRC Communication aux sommes de :
28.000 euros au titre du solde d’honoraires avec intérêts moratoires au taux de la BCE majoré de 10
points à compter du 8 janvier 2018 avec capitalisation des intérêts jusqu’au 9 février 2021,
5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
les dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT