Résolution du contrat de conception de e-commerce 

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Résolution du contrat de conception de e-commerce 
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L’interdépendance des obligations réciproques résultant d’un contrat synallagmatique (contrat de conception de e-commerce) permet à l’une des parties de ne pas exécuter son obligation lorsque l’autre n’exécute pas la sienne. L’exception d’inexécution ne saurait être invoquée qu’à propos d’obligations nées d’une même convention.

Cette sanction suppose un retard ou un non-respect des obligations d’une gravité suffisante ou susceptible d’atteindre de façon importante l’objet du contrat. Le juge apprécie souverainement la gravité du manquement aux obligations.

En cas d’indivisibilité d’un bloc contractuel, la résolution du contrat principal entraîne la caducité des contrats qui en dépendent, à la condition que le contractant envers lequel elle est invoquée connaisse l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement et que le contrat disparu rende impossible l’exécution du reste des contrats en cours.

En l’espèce, le contrat de location de site web faisait clairement apparaître que la société Locam avait connaissance de l’opération d’ensemble et y a donné son consentement, et la disparition du contrat principal a privé totalement d’objet le contrat de location.

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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 27/01/2022

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N° RG 20/02193 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TBGP

Jugement (N°2019003064) rendu le 30 avril 2020 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

SARL Jos’embal immatriculée au RCS de Lille Métropole sous le […], représentée par sa gérante, Madame A B, domiciliée en cette qualité audit siège.

Ayant son siège social […]

représentée par Me Bruno Wecxsteen, avocat au barreau de Lille

INTIMÉS

Maître C X, en sa qualité de liquidateur de la SARL Kobaltis, […], déclarée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 28 janvier 2019.

Ayant son siège social […]

signification déclaration d’appel le 31/08/2020 à personne présente au domicile.

conclusions signifiées le 23 septembre 2020 à personne habilitée.

signification de conclusions récapitulatives le 05.01.2021 remise à domicile

signification de conclusions le 07 juin 2021 remise à domicile.

N’a pas constitué avocat

SAS Locam immatriculée au RCS de Saint Etienne sous le n°310.880.315 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

Ayant son siège social […]

représentée par Me Amaury Z, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l’audience publique du 09 novembre 2021 tenue par Agnès Fallenot magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Audrey Cerisier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

H I, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 janvier 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par H I, président et F G, adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 19 octobre 2021

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FAITS ET PROCÉDURE

La SARL Jos’embal, spécialisée dans le commerce de gros de produits d’emballage, était en relation d’affaires avec la SARL Kobaltis, exerçant l’activité d’agence de publicité et se décrivant comme « une agence indépendante de création de sites Internet spécialisée dans le référencement de sites Internet sur les principaux moteurs de recherche ».

Le 17 juin 2016, elle lui a passé commande d’un site internet avec renouvellement du nom de domaine josembal.fr pour un coût de 2 376 euros TTC.

Le 4 juillet 2016, elle a souscrit à son offre e-commerce pour un coût de 3 960 euros TTC, outre une option de paiement en ligne de 588 euros TTC, comprenant :

– SEO et SEA sur devis,

– Webmastering sur devis,

– Visibilité Google,

– Optimisation moteur de recherche,

– Google Maps,

– Design personnalisé / responsive,

– Création de site sur devis en fonction du cahier des charges.

Le même jour, la société Jos’embal a conclu avec la SAS Locam un contrat de location n°1277397 de site web, prévoyant le règlement de 48 loyers mensuels de 275 euros HT chacun, soit 330 euros

TTC, et signé un procès-verbal de livraison et de conformité.

Par courrier du 22 juin 2016, la société Locam a facturé à la société Jos’embal un loyer intercalaire couvrant la période entre la date de signature du procès-verbal de livraison et celle de son premier loyer pour un montant de 276,76 euros TTC.

Par courrier du 10 août 2016, la société Locam a adressé à la société Jos’embal une facture portant sur un contrat de location n°1197490 mentionnant 11 loyers de 138 euros HT, soit 165,60 euros TTC.

Par courrier du 28 septembre 2017, la société Jos’embal a adressé à la société Locam une lettre recommandée avec accusé de réception, ayant pour objet la résiliation du contrat de location de site internet à l’issue d’un préavis de 3 mois.

Par courrier en réponse du 19 octobre 2017, la société Locam lui a rappelé que la résiliation ne pourrait intervenir qu’après le paiement de tous les loyers dus, soit au 30 juin 2020, avec restitution du site.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 24 septembre 2018, la société Jos’embal a proposé à la société Kobaltis la résolution amiable du contrat et le remboursement du prix pour inexécution de ses obligations contractuelles, sans obtenir de réponse.

Par jugement du tribunal de commerce du 28 janvier 2019, la société Kobaltis, en plan de continuation depuis le 7 décembre 2017, a été placée en liquidation judiciaire.

Par courrier du 2 février 2019, la société Axomedia a informé la société Jos’embal qu’elle prenait la suite de la société Kobaltis, pour assurer la continuité de la maintenance du site.

La société Jos’embal a déclaré sa créance le 19 février 2019 entre les mains du liquidateur.

Par acte d’huissier du 21 février 2019, la société Jos’embal a fait délivrer assignation à la société Locam et à Maître X, ès qualités de liquidateur de la société Kobaltis.

Par jugement du 19 décembre 2019, le tribunal de commerce de Lille Métropole a ordonné la réouverture des débats afin d’obtenir des éléments complémentaires.

Par jugement rendu le 30 avril 2020, le tribunal de commerce de Lille Métropole a statué en ces termes :

DÉBOUTE la société JOS’EMBAL de sa demande de résolution du contrat avec KOBALTIS ;

CONDAMNE la société JOS’EMBAL à payer à LOCAM la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du CPC ;

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

CONDAMNE la société JOS’EMBAL aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 94.36 € (en ce qui concerne les frais de greffe).

Par déclaration du 22 juin 2020, la société Jos’embal a relevé appel de l’ensemble des chefs de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES : Par conclusions régularisées par le RPVA le 14 mai 2021, la société Jos’embal demande à la cour de :

Vu les articles 1134 et 1184 anciens du Code civil,

Vu la liquidation judiciaire de la SARL KOBALTIS,

REFORMANT le jugement du Tribunal de Commerce de LILLE MÉTROPOLE du 30 avril 2020,

Prononcer la résolution des deux contrats conclus par la SARL JOS’EMBAL avec la SARL KOBALTIS le 17 juin 2016 et le 4 juillet 2016 pour inexécution des obligations contractuelles de KOBALTIS,

Prononcer par conséquent la caducité du contrat de location financière consentie par la Société LOCAM le 22 juillet 2016,

Ordonner par conséquent l’inscription au passif de la liquidation judiciaire de la SARL KOBALTIS des sommes suivantes :

1) La somme de 2 376 € au titre du contrat du 17 juin 2016,

2) La somme de 15 840 € au titre du contrat du 4 juillet 2016, jusqu’à son terme au 30 juin 2020,

3) La somme de 588 € correspondant à l’option de paiement en ligne du contrat du 4 juillet 2016,

4) La somme de 540 € correspondant aux frais de dossier,

Soit la somme totale de 19 344 €,

Condamner la Société LOCAM à payer à la Société JOS’EMBAL :

1) La somme de 15 840 € au titre des échéances du contrat de location financière du 22 juillet 2016, jusqu’à son terme au 30 juin 2020,

2) La somme de 276,76 € au titre de la facture de loyer intercalaire pour la période du 4 juillet au 30 juillet 2016,

3) La somme de 1 987,20 € en remboursement de la facture de location longue durée du site internet du 10 août 2016, dépourvue de cause,

4) Une indemnité de procédure de 6 000 €, in solidum avec Maître C X en sa qualité de liquidateur de la SARL KOBALTIS, en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais et honoraires d’avocat,

5) Une indemnité de procédure de 2 280 TTC in solidum avec Maître C X, en sa qualité de liquidateur de la SARL KOBALTIS, en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile, au titre des factures de diagnostic technique et d’audit approfondi du site internet de la Société JOS’EMBAL,

Condamner in solidum Maître C X, en sa qualité de liquidateur de la SARL KOBALTIS, et la société LOCAM, aux entiers dépens,

La société Jos’embal fait valoir que le procès-verbal de livraison produit par la société Locam est daté du 4 juillet 2016, soit le jour même de la commande, afin de déclencher le financement. Or le site internet n’était évidemment pas prêt et la signature de ce document ne saurait la priver de son droit de présenter des réclamations au moment de la mise en ligne du site internet.

Elle argue que la société Kobaltis devait améliorer son site internet, avec notamment une actualisation, un référencement, la possibilité de commander et de payer en ligne. Elle observe qu’aucun prix ne figurait sur le site, alors qu’elle avait réglé l’option de paiement en ligne, le rendant inexploitable. Elle soutient qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir indiqué qu’elle souhaitait que les prix soient affichés, ce qui était implicite s’agissant d’une offre de e-commerce, soulignant qu’aucun cahier des charges n’a été établi alors qu’il était prévu au bon de commande. Elle conclut ne pas avoir contacté la société Axomedia dans la mesure où cette dernière ne lui offrait de prendre la suite de la société Kobaltis que pour la maintenance et le référencement du site.

Elle souligne avoir fait appel à hauteur d’appel à un professionnel pour procéder à une analyse de son site internet et démontrer la carence de la société Kobaltis. Il en ressort de manière claire et incontestable que celle-ci n’a pas rempli les obligations qui résultaient des deux contrats des 17 juin et 4 juillet 2016.

La résolution du contrat principal doit entraîner la caducité du contrat de location financière en raison de l’interdépendance des contrats. Elle est donc bien fondée à demander la condamnation de la société Locam à lui rembourser le montant total des sommes payées.

Par conclusions régularisées par le RPVA le 20 avril 2021, la société Locam demande à la cour de :

Vu les articles 1103 et 1104 du Code civil,

Vu la carence de la société JOS’EMBAL dans l’administration de la preuve,

– Débouter la société JOS’EMBAL de toutes ses demandes, fins et conclusions.

– Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de LILLE METROPOLE le 30 avril 2020 en toutes ses dispositions,

– Condamner la société JOS’EMBAL aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Amaury Z, Avocat au Barreau de LILLE dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile.

– Condamner la société JOS’EMBAL à payer à la société LOCAM la somme de 6.000,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société Locam fait observer qu’elle n’est intervenue qu’au titre du second bon de commande régularisé par la société Jos’embal avec la société Kobaltis le 4 juillet 2016.

Elle plaide que la société Jos’embal a signé le 4 juillet 2016, avec la société Kobaltis, le procès-verbal de livraison et de conformité, et que le fait que ce procès-verbal a été signé le même jour que la commande ne signifie pas que la livraison n’était pas conforme.

Ce n’est que par un courrier du 28 septembre 2017, plus d’un an après la livraison et l’installation du site internet, que la société Jos’embal a adressé à la société Locam un courrier par lequel elle entendait résilier le contrat, avec un préavis de 3 mois, sans donner aucun motif. Or, si comme elle l’indique, le site présentait des problèmes, tels que l’impossibilité de connaître les prix des articles mis en ligne, l’impossibilité d’effectuer une commande, et l’absence de formulaire de contact, il est bien évident que la société Jos’embal aurait immédiatement fait connaitre ces griefs.

Aucun des éléments contractuels ne permet de savoir si la société Jos’embal avait vraiment commandé la création d’un site internet faisant apparaitre le prix des produits. Le contrat avec la société Kobaltis ne fait apparaître que la création d’un site mais son contenu devait être déterminé dans un cahier des charges qui n’est pas versé aux débats.

Bien consciente de la faiblesse de son argumentation, la société Jos’embal a fait réaliser, en cours de procédure devant la cour d’appel, un rapport d’analyse, pratiquement quatre ans et demi après la livraison, par Monsieur E Y, président de la SAS JM Actions, qui a précisément pour activité la création de sites internet et se trouve donc particulièrement intéressé à effectuer une analyse à charge du site réalisé. Dans ces conditions, ce rapport strictement unilatéral ne peut constituer une preuve recevable.

Les prestations qui étaient assurées jusqu’alors par la société Kobaltis ont été transférées à la société Axomedia, habilitée à intervenir pour apporter toutes les réponses souhaitées par la société Jos’embal sur son site internet. La société Locam a donc rempli ses obligations, et a assuré la continuité du contrat.

Aucune des pièces versées aux débats par l’appelante ne permet de rapporter la preuve d’un motif de résolution du contrat principal, et par voie de conséquence, la caducité du contrat de financement.

A titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la cour viendrait à prononcer la résolution du contrat conclu avec la société Kobaltis le 4 juillet 2016 et la caducité du contrat de location, la société Locam affirme que la demande en restitution des loyers est mal fondée. En effet, la société Jos’embal a choisi sous sa seule responsabilité son fournisseur. Si la cour condamnait la société Locam à restituer les loyers payés, l’économie du contrat serait bouleversée puisqu’elle subirait un préjudice sans avoir commis aucune faute au regard de ses obligations contractuelles. Elle s’estime donc fondée à solliciter le rejet de la demande de remboursement des loyers payés, qui doivent lui être acquis à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait du choix malheureux fait par la société Jos’embal quant à son fournisseur. En outre, la société Jos’embal sollicite le remboursement des loyers TTC alors même qu’elle a déduit la TVA sur chacun des loyers, ce qui correspondrait à un enrichissement sans cause.

Maître C X, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Kobaltis, s’est vu signifier la déclaration d’appel le 31 août 2021 et n’a pas constitué avocat.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 19 octobre 2021.

SUR CE :

Conformément aux dispositions des articles 6 et 9 du Code de procédure civile, il appartient à celui qui se prévaut d’une exception d’inexécution d’alléguer les faits propres à fonder ses prétentions et de les prouver conformément à la loi.

L’article L 110-3 du code de commerce indique qu’à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi.

Il résulte de ces textes que tous les modes de preuves sont admissibles en matière commerciale, la preuve par présomption comme la preuve par témoins, sous réserve toutefois du principe selon lequel nul ne peut se créer de preuve à soi-même.

I ‘ Sur la demande de résolution des contrats de vente conclus les 17 juin et 4 juillet 2016 avec la société Kobaltis

1) Sur les manquements reprochés à la société Kobaltis

Aux termes de l’article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Aux termes de l’article 1184 ancien du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisferait point à son engagement.

Dans le prolongement de ce texte, il a été jugé que l’interdépendance des obligations réciproques résultant d’un contrat synallagmatique permet à l’une des parties de ne pas exécuter son obligation lorsque l’autre n’exécute pas la sienne. L’exception d’inexécution ne saurait être invoquée qu’à propos d’obligations nées d’une même convention.

Cette sanction suppose un retard ou un non-respect des obligations d’une gravité suffisante ou susceptible d’atteindre de façon importante l’objet du contrat. Le juge apprécie souverainement la gravité du manquement aux obligations.

Il ressort des rapports en date des 26 et 27 octobre 2020 établis par Monsieur E Y, à la demande de la société Jos’embal, que cette dernière a chargé la société Kobaltis de mettre en place pour elle un site destiné à la vente en ligne. Il préexistait un site ‘josembal.fr’, créé initialement par la société Buroteam. Or la société Kobaltis a créé un site jos-embal.fr, sans rediriger les visiteurs, occasionnant une confusion. Par ailleurs, elle n’a établi ni cahier des charges, ni dossier d’exploitation informatique. Elle n’a réalisé que 4 des 17 étapes nécessaires à la mise en oeuvre habituelle d’un site de vente en ligne et 6% des opérations qui lui incombaient. L’audit technique du site a permis de déceler 32 erreurs critiques et 450 anomalies empêchant une exploitation normale. La société Jos’embal a été renvoyée vers un logiciel Asana pour réaliser son site e-commerce, lequel est un site de gestion de projets, non un logiciel ou un système permettant de réaliser du e-commerce. Le site créé ne permet donc ni de vendre des produits, ni d’encaisser des paiements.

Le fait que Monsieur Y soit le président de la SAS JM Actions, qui aurait pour activité la création de sites internet selon l’affirmation péremptoire de la société Locam, n’est pas de nature à priver ces rapports de leur force probante, d’autant qu’aucune des constatations réalisées n’est combattue par le moindre élément contraire.

Par ailleurs, l’argument de la société Locam selon lequel Monsieur Y aurait analysé le site plus de quatre années après sa réception ne peut qu’être rejeté, la concomitance entre la commande de l’offre e-commerce et la signature du procès-verbal de livraison et de conformité excluant qu’il puisse être accordé la moindre valeur à ce dernier document.

Au surplus, le contenu de ces rapports, soumis à la discussion contradictoire des parties, est corroboré par d’autres éléments de preuve, comprenant :

– le devis accepté le 24 mai 2007 et les factures afférentes émises par la société Buroteam-Colorgraf’, dans le cadre de l’élaboration et de la construction d’un ‘plan global de communication basé sur les conceptions et création’ d’un cahier des charges, logo, site internet et plaquettes ;

– le mail en date du 25 juillet 2016 envoyé de l’adresse ‘[email protected]’ à l’adresse ‘[email protected]’, au contenu en anglais intitulé ‘3 simple ways to starrt using asana’ ;

– le courrier adressé le 24 septembre 2018 par le conseil de la société Jos’embal au gérant de la société Kobaltis, exposant que le site internet avait été créé au préalable par la société Buroteam, qu’il devait être complété par la société Kobaltis mais était toujours inexploitable, notamment parce que le prix des articles et la commande en ligne était impossible, et déplorant que le cahier des charges prévu au contrat n’ait pas été établi, courrier resté sans réponse ;

– une impression des pages du site internet ‘jos-embal.fr’ en date du 27 juin 2019, lequel se contente de lister les solutions d’emballage proposées et de communiquer un numéro de téléphone et un formulaire de contact, sans permettre la vente en ligne.

Dans ce contexte, la reprise de la maintenance et du référencement du site par la société Axomedia est indifférente.

La gravité des manquements ainsi établis de la société Kobaltis à ses obligations contractuelles vis à vis de la société Jos’embal, justifie la résolution des contrats de vente conclus les 17 juin et 4 juillet 2016 à compter de leur date de conclusion.

La décision entreprise sera réformée de ce chef.

2) Sur les conséquences de la résolution

Aux termes de l’article L 622-7 I. du code de commerce, le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes.

Aux termes de l’article L 622-21 I. du code de commerce, le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ;

2° A la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.

Aux termes de l’article L. 622-22 du code de commerce, sous réserve des dispositions de l’article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l’administrateur ou le commissaire à l’exécution du plan nommé en application de l’article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

Aux termes de l’article L 622-24 du code de commerce, à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d’Etat. La déclaration des créances doit être faite alors même qu’elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n’est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d’une évaluation.

Il résulte de ces dispositions que la cour ne peut se prononcer que dans les limites de la déclaration de créance faite par la société Jos’embal, de sorte que celle-ci ne saurait réclamer des chefs de créances non déclarés ou supérieurs à sa déclaration.

Celle-ci a été réalisée par courrier du 19 février 2019 dans les termes suivants :

« – la prestation KOBALTIS selon contrat du 17 juin 2016 : 2 376 € TTC,

– la prestation KOBALTIS selon contrat du 4 juillet 2016 : 330 € TTC x 31 mois = 10 230 € TTC au 28 janvier 2019,

– l’option du paiement en ligne : 588 € TTC,

– les frais de dossier : 540 € TTC,

Soit la somme totale de 13 734 € »

Il s’impose de constater que la société Jos’embal a réalisé une confusion entre les prestations de la société Kobaltis et celles de la société Locam concernant le contrat du 4 juillet 2016. Par ailleurs, elle ne justifie pas des frais de dossier qu’elle a déclarés.

Dans ces conditions, sa créance sera fixée au passif de la procédure collective de la société Kobaltis pour les sommes suivantes :

– 2 376 euros au titre du contrat du 17 juin 2016,

– 588 euros correspondant à l’option de paiement en ligne du contrat du 4 juillet 2016.

II ‘ Sur la demande du caducité du contrat de location

En cas d’indivisibilité d’un bloc contractuel, la résolution du contrat principal entraîne la caducité des contrats qui en dépendent, à la condition que le contractant envers lequel elle est invoquée connaisse l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement et que le contrat disparu rende impossible l’exécution du reste des contrats en cours.

En l’espèce, le contrat de location de site web fait clairement apparaître que la société Locam avait connaissance de l’opération d’ensemble et y a donné son consentement, et la disparition du contrat principal prive totalement d’objet le contrat de location.

La société intimée, qui n’invoque aucun argument pertinent pour s’opposer aux conséquences de la résolution du contrat de vente, doit donc être condamnée à rembourser à la société Jos’embal les loyers perçus depuis la signature du contrat, étant observé que lesdits loyers ont été facturés et encaissés TTC et non HT, ce qui représente:

– 276,76 euros au titre de la facture de loyer intercalaire ;

– 15 840 euros au titre des 48 échéances contractuelles.

La société Locam sera donc condamnée à lui payer la somme de 16 116,76 euros.

Bien que la société Locam reste totalement taisante sur la demande de remboursement présentée pas la société Jos’embal au titre de la facture de location longue durée qu’elle lui a adressée en date du 10 août 2016, il s’impose de constater que celle-ci porte manifestement sur un contrat distinct de celui en litige dans le présent dossier.

La société Jos’embal sera donc déboutée de sa demande de ce chef.

III ‘ Sur les demandes accessoires

1) Sur les dépens

Aux termes des articles 696 et 699 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision.

L’issue du litige justifie de condamner la société Locam aux dépens d’appel et de première instance. La décision entreprise sera réformée de ce chef.

En conséquence, il convient de débouter Maître Z de sa demande tendant à obtenir le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont il aurait fait l’avance sans avoir reçu provision.

2) Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du Code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La décision entreprise sera infirmée en ce qu’elle a condamné la société Jos’embal à payer à la société Locam la somme de 1 000 euros au titre au titre de ses frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société Locam sera condamnée à verser à la société Jos’embal la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles, et déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement rendu le 30 avril 2020 par le tribunal de commerce de Lille Métropole en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la résolution, aux torts de la société Kobaltis, à compter de leur date de conclusion, des contrats conclus les 17 juin et 4 juillet 2016 avec la société Jos’embal ;

Fixe la créance de la société Jos’embal au passif de la procédure collective de la société Kobaltis aux sommes de :

– 2 376 euros au titre du contrat du 17 juin 2016 ;

– 588 euros au titre du contrat du 4 juillet 2016 ;

Constate la caducité du contrat de location conclu entre la société Locam et la société Jos’embal à compter du 4 juillet 2016 ;

Condamne la société Locam à rembourser à la société Jos’embal la somme de 16 116,76 euros TTC ;

Déboute la société Jos’embal de sa demande de remboursement de la somme de 1 987,20 euros au titre de la facture de location longue durée du 10 août 2016 ;

Condamne la société Locam à payer à la société Jos’embal la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;

Condamne la société Locam aux dépens de première instance et d’appel ;

Déboute Maître Z de sa demande tendant à obtenir le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont il aurait fait l’avance sans avoir reçu provision.

Le greffier Le président


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