La société GLOBAL CAPITAL INVEST a engagé Monsieur [G] [K] pour élaborer et déposer un permis de construire modificatif pour sa villa. Deux factures totalisant 26.400 € ont été réglées, mais après plusieurs rejets de demandes de permis par les services municipaux, GLOBAL CAPITAL INVEST a demandé la restitution de cette somme par quatre mises en demeure. Monsieur [G] [K] a refusé de restituer les fonds, affirmant avoir rempli ses obligations. En conséquence, GLOBAL CAPITAL INVEST a assigné Monsieur [G] [K] devant le tribunal judiciaire de Draguignan pour obtenir la résolution du contrat et la restitution des sommes versées.
Dans ses conclusions, GLOBAL CAPITAL INVEST demande la résolution du contrat aux torts de Monsieur [G] [K], la restitution des 26.400 €, des dommages et intérêts pour préjudice économique et moral, ainsi que la prise en charge des dépens. Elle reproche à Monsieur [G] [K] des manquements dans l’exécution de sa mission, notamment des dépôts tardifs de permis et un manque de communication sur les difficultés rencontrées. De son côté, Monsieur [G] [K] conteste les demandes de GLOBAL CAPITAL INVEST, arguant qu’aucune clause résolutoire n’était incluse dans le contrat et que les refus de permis étaient dus à des erreurs dans les plans fournis par GLOBAL CAPITAL INVEST. Il demande également à être indemnisé pour les frais engagés. Le tribunal a finalement débouté GLOBAL CAPITAL INVEST de toutes ses demandes et a condamné cette dernière à verser 3.000 € à Monsieur [G] [K] au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_______________________
Chambre 3 – CONSTRUCTION
************************
DU 16 Septembre 2024
Dossier N° RG 22/08140 – N° Portalis DB3D-W-B7G-JVCY
Minute n° : 2024/246
AFFAIRE :
S.A.S. GLOBAL CAPITAL INVEST, prise en la personne de son représentant légal, M. [Z] [S] C/ [G] [K], exerçant sous l’enseigne BUREAU D’ETUDES [K]-ACE2B
JUGEMENT DU 16 Septembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENT : Madame Annabelle SALAUZE, Vice-Président, statuant à juge unique
GREFFIER lors des débats : Madame Peggy DONET
AA FF de GREFFIER lors de la mise à disposition : Madame Evelyse DENOYELLE
DÉBATS :
A l’audience publique du 18 Juin 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Septembre 2024
JUGEMENT :
Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort
copie exécutoire à :
Me Hanna AKACHA
Me Anais GARAY de la SELAS ROBIN LAWYERS
Délivrées le 16 Septembre 2024
Copie dossier
NOM DES PARTIES :
DEMANDERESSE :
S.A.S. GLOBAL CAPITAL INVEST, prise en la personne de son représentant légal, M. [Z] [S], dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Hanna AKACHA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
D’UNE PART ;
DÉFENDEUR :
Monsieur [G] [K], exerçant sous l’enseigne BUREAU D’ETUDES [K]-ACE2B, demeurant [Adresse 1]
représenté par Maître Anaïs GARAY de la SELAS ROBIN LAWYERS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
D’AUTRE PART ;
FAITS, MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
La société GLOBAL CAPITAL INVEST a confié à Monsieur [G] [K], exerçant son activité sous l’enseigne BUREAU D’ETUDES [K] ACE2B, une mission d’élaboration et de dépôt d’un permis de construire modificatif portant sur la villa dont elle propriétaire sise [Adresse 3].
Deux factures d’un montant total de 26.400 € émises le 1er août 2020 et le 1er octobre 2020 ont été intégralement réglées.
Reprochant au bureau d’étude de ne pas avoir rempli sa mission après plusieurs rejets des demandes de permis de construire modificatifs par les services municipaux de [Localité 4], la société GLOBAL CAPITAL INVEST a délivré quatre mises en demeure d’avoir à restituer la somme de 26.400 € par courrier en date des 22 mai 2021, 30 mai 2021, 07 juin 2021 et 8 septembre 2021.
Par courrier du 13 janvier 2021 (plus vraisemblablement en date du 13 janvier 2022 s’agissant d’un courrier de réponse), Monsieur [G] [K] signifiait son refus de restituer ces sommes estimant avoir parfaitement rempli ses obligations.
En l’état de ce refus, la société GLOBAL CAPITAL INVEST l’a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Draguignan par exploit d’huissier en date du 30 novembre 2022 en résolution du contrat et restitution des sommes versées.
Selon ses dernières conclusions régulièrement notifiées par RPVA le 06 octobre 2023, elle sollicite du tribunal de :
DIRE ET JUGER recevable et fondée l’action de la société GLOBAL CAPITAL INVEST;
PRONONCER la résolution du contrat passé entre et le BUREAU D’ETUDES [K] ACE2B ayant conduit au versement de la somme de 26.400 € TTC ;
DIRE ET JUGER que cette résolution est aux torts exclusifs du BUREAU D’ETUDES [K] ACE2B ;
ORDONNER la restitution par le BUREAU D’ETUDES [K] ACE2B à la société GLOBAL CAPITAL INVEST de la somme de 26.400 € ;
Et en tant que besoin :
CONDAMNER la société dénommée BUREAU D’ETUDES [K] ACE2B à verser la somme de 26.400 € TTC à la société GLOBAL CAPITAL INVEST outre intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2021 ;
CONDAMNER la société dénommée BUREAU D’ETUDES [K] ACE2B à verser la somme de 10.000 € à la société GLOBAL CAPITAL INVEST en réparation de son préjudice économique ;
CONDAMNER la société dénommée BUREAU D’ETUDES [K] ACE2B à verser la somme de 5.000 € à la société GLOBAL CAPITAL INVEST en réparation de son préjudice moral ;
CONDAMNER la société dénommée BUREAU D’ETUDES [K] ACE2B aux dépens de l’instance distraits au profit de Maître Hanna AKACHA, avocat aux offres de droit ;
CONDAMNER la société dénommée BUREAU D’ETUDES [K] ACE2B à verser la somme de 5.000 € à la société GLOBAL CAPITAL INVEST au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
Au soutien de ses prétentions, fondées sur les dispositions des articles 1217, 1226 1227 et 1228 du code civil, elle fait valoir que le bureau d’études a manqué à son obligation de conseil et a commis des manquements graves dans l’exécution de ses obligations justifiant la résolution du contrat puisque :
– il a déposé avec retard plusieurs permis ayant tous été refusés en raison de l’absence de transmission des pièces demandées par l’administration dans le cadre de l’instruction de la demande ;
– il a manqué à son obligation de conseil et son obligation de diligences en ne communiquant aucun élément permettant d’attester avoir informé régulièrement son client des difficultés éventuelles rencontrées ;
– les refus ont notamment été motivés par la mauvaise implantation de la piscine sur les plans produits et le peu de documents versés à l’appui des demandes.
Elle sollicite en conséquence la restitution des sommes versées et l’octroi de dommages et intérêts constitués des frais exposés auprès d’un nouvel architecte, d’un trouble de jouissance et d’un préjudice moral.
Selon ses conclusions signifiées le 27 avril 2023, Monsieur [G] [K] sollicite du tribunal de :
DEBOUTER la SASU GLOBAL CAPITAL INVEST de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
CONDAMNER la SASU GLOBAL CAPITAL INVEST à payer à Monsieur [G] [K] la somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la SASU GLOBAL INVEST aux entiers dépens ;
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir qu’aucune clause résolutoire n’a été insérée au contrat conclu entre les parties et qu’elle ne peut donc être demandée à ce titre sur le fondement de l’article 1225 du code civil ; que s’agissant de la résolution judiciaire visée à l’article 1227 du même code, il est constant que l’obligation mise à la charge de l’architecte dans le cadre d’un dépôt de permis de construire est une obligation de moyen ; qu’en l’occurrence le dépôt tardif du dossier de permis de construire est le fait de la requérante qui n’a pas fourni les pièces demandées pour monter le dossier rapidement ; que les refus qui lui ont été opposés résultent d’erreurs dans les plans du permis de construire initial accordé, ayant justifié la production de nouveaux plans de masse et la réalisation d’une étude hydraulique, démarches qui n’étaient pas initialement prévues ; qu’à sa connaissance, une nouvelle demande de permis de construire déposée par ses soins le 04 juin 2021 n’a pas été refusée, mais son annulation aurait été demandée par le nouvel architecte de la société GLOBAL CAPITAL INVEST.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
La clôture des débats a été fixée au le 19 février 2024 selon ordonnance du même jour, et l’affaire a été renvoyée pour être plaidée le 18 juin 2024. L’affaire a été mise en délibéré au 16 septembre 2024.
Il résulte des articles 1224 et 1227 du code civil que la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice ; celle-ci peut toujours être demandée en justice. Elle met fin au contrat, les parties étant tenues, selon l’article 1229 du code civil, à restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procurées l’une à l’autre.
L’article 1217 du code civil prévoit la possibilité, pour la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, de provoquer la résolution du contrat et demander réparation des conséquences de l’inexécution. Le même article précise que les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.
L’article 1231-1 du code civil dispose : « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure ».
En l’espèce, les parties s’accordent sur l’absence de clause résolutoire prévue au contrat, précision étant faite qu’aucun autre document que les factures émises après paiement n’est produit. La requérante, si elle fonde ses demandes tant sur les articles 1224 que 1227 du code civil ne précise pas au terme de ses dernières écritures, si elle conclue à une résolution unilatérale pour inexécution suffisamment grave à ces obligations contractuelles par Monsieur [G] [K], ou si elle sollicite le prononcé d’une résolution judiciaire.
Il sera relevé que les quatre mises en demeures en date des 22 mai 2021, 30 mai 2021, 07 juin 2021 et 8 septembre 2021 ne mentionnent pas la volonté de leur auteur de résoudre le contrat, mais uniquement celle d’obtenir la restitution des sommes versées. Il ne peut en conséquence être considéré que la société GLOBAL CAPITAL INVEST a procédé à la résolution unilatérale du contrat ; seule la résolution judiciaire peut donc être sollicitée.
Il appartient dans tous les cas à la requérante de démontrer l’existence d’une inexécution suffisamment grave pour justifier une résolution du contrat, ou l’octroi de dommage et intérêts pour manquement aux obligations contractuelles de son co-contractant.
La société GLOBAL CAPITAL INVEST affirme que la gravité des manquements résulte de la tardiveté dans le dépôt des demandes de permis de construire, et de fautes dans la constitution des dossiers ayant conduit à plusieurs refus opposés par l’administration ; elle verse uniquement à l’appui de ses prétentions :
– Les deux factures émises le 1er août 2020 et le 1er octobre 2020, intégralement réglées ;
– Les différentes mises en demeures adressées par ses soins à Monsieur [K] les 22 mai 2021, le 30 mai 2021 et le 07 juin 2021 ;
– Le courrier de mise en demeure adressé par son conseil à Monsieur [K] le 08 septembre 2021 ;
– Le courrier de réponse du conseil de ce dernier en date du 13 septembre 2021 ;
Ces pièces sont insuffisantes à caractériser un manquement fautif dès lors qu’aucun élément ne permet de déterminer la mission exacte du bureau d’études, de même que les délais qui lui étaient impartis. La seule précision mentionnée sur les factures produites est la suivante « réalisation et dépôt de permis de construire modificatif ». La requérante reproche encore à Monsieur [G] [K] d’avoir fait appel à un sous-traitant, sans cependant démontrer que les parties avaient contractuellement exclu cette possibilité.
En outre, les courriers de mise en demeure produits ne peuvent en eux même constituer une preuve des manquements évoqués, alors que l’historique des relations contractuelles qui y est repris est contesté par Monsieur [G] [K].
Celui-ci produit les différentes demandes de permis de construire déposées et refusées, et soutient que la demande initiale formée le 16 octobre 2020, a été refusée car son client ne lui avait pas suffisamment fourni de pièce, et parce que les plans du permis de construire antérieur étaient faux comme comprenant notamment une surface d’imperméabilisation non déclarée, en conséquence de quoi la mairie exigeait la réalisation d’une étude.
Il résulte en effet des pièces produites en défense que deux permis de construire ont été déposés les 16 octobre 2020 et 17 décembre 2020, et ont fait l’objet de rejet par décisions des 24 novembre 2020 et 4 février 2021 ; ces décisions ont été motivées par la nécessité de produire une étude hydraulique, Monsieur [K] justifiant avoir effectué les démarches pour la mise en œuvre de cette étude dès le mois de décembre 2020. La demanderesse soutient avoir fourni ce document, sans pour autant en justifier.
Il justifie encore du dépôt d’une nouvelle demande de permis de construire le 04 juin 2021, et de l’annulation de cette demande par la requérante ayant choisi de faire appel à un autre architecte. Par ailleurs, il ne ressort aucunement de la lecture des décisions de refus de l’administration municipale, les rejets ont été motivés en raison d’une mauvaise implantation de la piscine ; en effet, le motif principal mentionné à la dernière décision de rejet du 04 février 2021 était la nécessité de produire une étude hydraulique qui était en cours de réalisation, et à titre subsidiaire une incohérence entre les plans accordés au permis de construire initial, et les plans fournis à l’appui de la demande. Sur ce dernier point Monsieur [K] affirme que ce sont les plans du permis initial, fournis par sa cliente, qui étaient inexacts et fourni un courriel en ce sens envoyé le 21 décembre 2020 aux services de la mairie de [Localité 4].
Il sera rappelé que l’obligation pesant sur le maitre d’œuvre ou l’architecte dans le cadre de l’élaboration et l’obtention d’un permis de construire est une obligation de moyen ; en l’état des pièces fournies, la société GLOBAL CAPITAL INVEST sur laquelle repose la charge de la preuve, échoue à démontrer que Monsieur [G] [K] a gravement manqué à ses obligations en manquant de diligences dans la constitution et le dépôt des dossiers et en manquant à son obligation de son conseil, manquements de nature à entraîner la résolution du contrat.
Par ailleurs, s’agissant de l’indemnisation de ses préjudices économiques et moral, la demanderesse ne verse aucune pièce permettant d’établir le paiement de frais supplémentaires pour l’obtention du permis de construire, aucun élément permettant de déterminer et chiffrer un éventuel préjudice de jouissance, et aucun élément à l’appui de sa demande d’indemnisation d’un préjudice moral, étant rappelé que le préjudice moral d’une personne morale s’apprécie uniquement au regard d’une atteinte à sa réputation.
Elle sera en conséquence déboutée de l’ensemble de ses demandes.
Sur les demandes accessoires :
Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie […]. »
La société GLOBAL CAPITAL INVEST, partie perdante, sera condamnée dépens de l’instance ;
Il résulte de l’article 700 du Code de procédure civile que, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou à défaut la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à condamnation.
Il n’apparaît pas équitable en l’espèce de laisser à Monsieur [G] [K] la charge des frais exposés. La société GLOBAL CAPITAL INVEST sera condamnée à payer à Monsieur [G] [K] la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles.
Le surplus des demandes sera rejeté.
Conformément aux articles 514 et 514-1 du code de procédure civile dans leur version applicable aux procédures introduites depuis le 1er janvier 2020, le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.
Aucune circonstance ne justifie en l’espèce d’écarter l’exécution provisoire de droit.
Le tribunal statuant en audience publique, par mise à disposition au Greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :
DEBOUTE la société GLOBAL CAPITAL INVEST de l’ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE la société GLOBAL CAPITAL INVEST à verser à Monsieur [G] [K] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société GLOBAL CAPITAL INVEST aux entiers dépens de l’instance ;
DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;
REJETTE le surplus des demandes
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le SEIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE.
Le Greffier, Le Président,