La résiliation d’une licence tacite de marque concédée à durée indéterminée doit intervenir sur préavis raisonnable.
Aux fins de résiliation des licences tacites de marques, le président de la société a les coudées franches dès lors que les statuts disposent qu’il est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de ladite société.
En l’espèce, lescontrats de licence de marque étant verbaux, et en conséquence conclus pour une durée indéterminée, chaque partie pouvait librement y mettre un terme à condition de respecter un délai de préavis suffisant, ce que le président a fait en adressant le 20 décembre 2017 une lettre de résiliation des licences de marques prenant effet au 30 juillet 2018, ce délai de sept mois étant raisonnable au vu des faits de l’espèce.
19 avril 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/06272
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 19 AVRIL 2023
(n° 062/2023, 27 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 21/06272 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDNPO
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2021 – Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre – 2ème section – RG n° 19/05651 – Jonction avec le dossier 21/07036 par ordonnance du 15 février 2022.
APPELANTS
Monsieur [F], [K] [I], [C], [P]
Né le 10 Août 1950 à [Localité 18] (12)
De nationalité française
Gérant de société
Demeurant [Adresse 7]
[Localité 9]
Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090, Me Emilie SULLO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0513
Assisté de Me Maxime CHAMINADE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1928
S.A.S. LA VIERGE
Société au capital de 755 696,24 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 498 872 571
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 4]
[Localité 20]
S.A.R.L. SUFFREN
Société au capital de 41 664,96 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 344 453 001
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 6]
[Localité 20]
S.A.R.L. PATISSERIE 152
Société au capital de 125 000 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 422 998 179
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 5]
[Localité 20]
S.A.R.L. EXCELSIOR
Société au capital de 24 774 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 477 798 706
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 8]
[Localité 20]
S.A.R.L. VERCINGETORIX
Société au capital de 1 000 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 523 396 307
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 2]
[Localité 20]
S.A.S. VICTOIRES
Société au capital de 35 303 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 537 686 610
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 20]
Représentées par Me Bruno REGNIER de la SCP CHRISTINE LAMARCHE BEQUET- CAROLINE REGNIER AUBERT – BRUNO R EGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
Assistées de Me Emilie SULLO de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P513
INTIMES
Monsieur [F], [K] [I], [C], [P]
Né le 10 Août 1950 à [Localité 18] (12)
De nationalité française
Gérant de société
Demeurant [Adresse 7]
[Localité 9]
Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090, Me Emilie SULLO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0513
Assisté de Me Maxime CHAMINADE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1928
S.A.S. LA VIERGE
Société au capital de 755 696,24 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 498 872 571
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 4]
[Localité 20]
S.A.R.L. SUFFREN
Société au capital de 41 664,96 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 344 453 001
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 6]
[Localité 20]
S.A.R.L. PATISSERIE 152
Société au capital de 125 000 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 422 998 179
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 5]
[Localité 20]
S.A.R.L. EXCELSIOR
Société au capital de 24 774 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 477 798 706
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 8]
[Localité 20]
S.A.R.L. VERCINGETORIX
Société au capital de 1 000 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 523 396 307
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 2]
[Localité 20]
S.A.S. VICTOIRES
Société au capital de 35 303 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 537 686 610
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 20]
Représentées par Me Bruno REGNIER de la SCP CHRISTINE LAMARCHE BEQUET- CAROLINE REGNIER AUBERT – BRUNO R EGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
Assistées de Me Emilie SULLO de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P513
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et Mme Françoise BARUTEL, Conseillère.
Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre
Mme Françoise BARUTEL, Conseillère
Mme Déborah BOHÉE, Conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Mme Karine ABELKALON, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DU LITIGE
[F] [P] se présente comme le fondateur des boulangeries-pâtisseries à l’enseigne ‘[Adresse 21]’ situées à [Localité 20].
Il expose qu’il a créé en 1975 l’enseigne ‘[Adresse 14] située dans le 14ème arrondissement à [Localité 20], à l’endroit où était précédemment installée une boulangerie abandonnée, d’abord pour y installer un commerce de vente de disques, puis comme dépôt de pain Poilâne, avant d’y réouvrir une boulangerie en 1979 ; que fort de ce succès il a ouvert plusieurs autres boulangeries et a constitué pour ce faire les sociétés Vercingétorix, Suffren, anciennement dénommée Le Moulin de la Vierge, Pâtisserie 152, Excelsior et Victoires, ayant pour objet l’exploitation de boulangeries pâtisseries à l’enseigne ‘Le Moulin de la Vierge’, ainsi que la société La Vierge, le 17 juillet 2007, exerçant une activité de holding.
Il est titulaire de la marque française semi-figurative n°99 827 235 (235) ci-dessous, enregistrée le 6 décembre 1999, dans les classes 29, 30 et 33 pour désigner les produits suivants : « Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanées du café ; farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles, miel, sirop de mélasse, levure, poudre pour faire lever, sel, moutarde, vinaigre, sauces (condiments) ; épices, glace à rafraîchir. Viande, poisson, gibier, extraits de viande, fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes, ‘ufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles. Volailles (à l’exception des volailles domestiques abattes du genre « gallus »). Boissons alcooliques (à l’exception des bières, des vins et des eaux de vie). Eaux de vie d’appellation d’origine contrôlée».
sur laquelle il revendique par ailleurs des droits d’auteur.
Il est également titulaire de la marque verbale française « La Vierge » n° 99 827 238 (238) enregistrée le 6 décembre 1999 en classes 29, 30 et 33 pour désigner les produits suivants : «Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café; farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glace comestibles : miel, sirop de mélasse; levure, poudre pour faire lever; sel, moutarde ; vinaigre, sauces (condiments); épices, glace à rafraîchir: Viande, poisson. Volaille et gibier, extraits de viande, fruits et légumes conservés, séchés et cuits, gelées, confitures, compotes, ‘ufs, lait et produits laitiers, huiles et graisses comestibles. Boissons alcooliques (à l’exception des bières) ».
En 2013, la société La Vierge, détenue majoritairement par M. [F] [P] et son frère [O] [P], a ouvert son capital au fonds d’investissement géré par la société Audacia.
En 2015, la société La Financière de Rennes, qui gère une quinzaine de boulangeries traditionnelles à [Localité 20], a été nommée en qualité de Président de la société La Vierge.
Contestant le modèle de gestion adopté par la société La Vierge à la suite de la prise de contrôle par la société La Financière de Rennes, [F] [P], par courrier du 20 décembre 2017, lui a notifié la résiliation des licences verbales sur les marques ‘[Adresse 15] et 238 à compter du 31 juillet 2018.
Le 9 juillet 2018, la société La Vierge a déposé la marque verbale française n° 4467739 (739) «Le Moulin de la Vierge» pour désigner divers produits et services dans les classes 16, 35, 41 et 43.
C’est dans ces conditions que par acte signifié le 3 mai 2019, [F] [P] a saisi le tribunal judiciaire de Paris afin notamment de résiliation de la licence verbale sur les deux marques et d’interdiction de leur usage par les sociétés La Vierge, Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior, Vercingétorix, et Victoires.
Dans un jugement rendu le 26 février 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :
– rejeté la demande de transfert des marques françaises semi-figurative n°235 et verbale n° 238 détenues par [F] [P] ;
– rejeté la demande aux fins de voir annuler les marques françaises semi-figurative n°235 et verbale n° 238 détenues par [F] [P] ;
– prononcé la résiliation des contrats de licence verbale autorisant la SAS La Vierge et les SARL Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior, Victoires et Vercingétorix à exploiter les marques semi-figurative n° 235 et verbale n°238, avec effet au 31 juillet 2018 ;
– dit que le dépôt de la marque verbale française « [Adresse 11] a été effectué en fraude des droits d'[F] [P] ;
En conséquence,
– ordonné le transfert au profit d'[F] [P] de la marque verbale française « [Adresse 11] ;
– dit que la décision une fois définitive sera transmise à I’INPI à l’initiative de la partie la plus diligente pour transcription ;
– déclaré irrecevables les demandes d'[F] [P] fondées sur le droit d’auteur ;
– dit qu’en poursuivant l’exploitation des marques semi-figurative n° 235 et verbale n° 238 au-delà du 31 juillet 2018, la SAS La Vierge et les SARL Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior et Victoires ont commis des actes de contrefaçon au préjudice d'[F] [P] ;
– condamné in solidum la SAS La Vierge et les SARL Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior et Victoires à payer à [F] [P] la somme de 550 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon ;
– fait interdiction à la SAS La Vierge et aux SARL Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior, Victoires et Vercingétorix, sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la signification du jugement et pendant une durée de 4 mois, d’utiliser les signes correspondant aux marques n°739, n°235 et n°238 pour la commercialisation des produits et services visés à leur enregistrement ;
– s’est réservé la liquidation de l’astreinte ;
– condamné la SAS La Vierge et les SARL Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior et Victoires à payer à [F] [P] la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SAS La Vierge et les SARL Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior, Victoires et Vercingétorix aux dépens qui seront recouvrés par maître CHAMINADE conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire, sauf en ce qui concerne le transfert de la marque n°739.
Le 1er avril 2021, les sociétés La Vierge, Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior, Vercingétorix et Victoires (ensemble le groupe La Vierge) ont interjeté appel de ce jugement.
Dans leurs dernières conclusions, numérotées 5, notifiées le 16 janvier 2023, les sociétés La Vierge, Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior, Vercingétorix et Victoires demandent à la cour de :
– infirmer le jugement rendu le 26 février 2021 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a :
– rejeté la demande de transfert des marques françaises semi-figurative n°99 827 235 et verbale n°99 827 238 détenues par [F] [P]
– rejeté la demande aux fins de voir annuler les marques françaises semi-figurative n°99 827 235 et verbale n°99 827 238 détenues par [F] [P]
– prononcé la résiliation des contrats de licence verbale autorisant la SAS La Vierge et les SARL Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior, Victoires et Vercingétorix à exploiter les marques semi-figuratives n°99 827 235 et verbale n°99 827 238, avec effet au 31 juillet 2018
– dit que le dépôt de la marque verbale française « Le Moulin de la Vierge » n°18 4 467 739 a été effectué en fraude des droits d'[F] [P]
En conséquence,
– ordonné le transfert au profit d'[F] [P] de la marque verbale française « Le Moulin de la Vierge » n°18 4 467 739
– dit que la décision une fois définitive sera transmise à l’INPI à l’initiative de la partie la plus diligente pour transcription
– dit qu’en poursuivant l’exploitation des marques semi-figurative n°99 827 235 et verbale n°99 827 238 au-delà du 31 juillet 2018, la SAS La Vierge et les SARL Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior et Victoires ont commis des actes de contrefaçon au préjudice d'[F] [P]
– condamné in solidum la SAS La Vierge et les SARL Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior et Victoires à payer à [F] [P] la somme de 550 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon
– fait interdiction à la SAS La Vierge et aux SARL Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior, Victoires et Vercingétorix, sous astreintes de 300 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la signification du jugement et pendant une durée de 4 mois, d’utiliser les signes correspondant aux marques n°18 4 467 739, n° 99 827 235 et n° 99 827 238 pour la commercialisation des produits et services visés à leur enregistrement
– s’est réservé la liquidation de l’astreinte
– condamné la SAS La Vierge et les SARL Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior et Victoires à payer à [F] [P] la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamné la SAS La Vierge et les SARL Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior, Victoires et Vercingétorix aux dépens
– ordonné l’exécution provisoire sauf en ce qui concerne le transfert de la marque N° 18 4 467 739.
– confirmer le jugement rendu le 26 février 2021 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a « déclaré irrecevables les demandes d'[F] [P] fondées sur le droit d’auteur» ;
Statuant à nouveau, sur la contrefaçon des marques n°99 827 235 et n°99 827 238
A titre principal,
– constater que les marques françaises n°99 827 235 et « La Vierge » n°99 827 238 ont été déposées par M. [P] en fraude des droits de la société Suffren, anciennement SARL Le Moulin de la Vierge ;
En conséquence,
– ordonner le transfert de la propriété des marques françaises n°99 827 235 et «La Vierge» n°99 827 238 à la société Suffren, anciennement SARL Le Moulin de la Vierge ;
– déclarer M. [P] Irrecevable en son action aux fins de résiliation des licences tacites des marques françaises « Le Moulin de la Vierge + logo » n°99 827 235 et « La Vierge » n°99 827 238 prétendument accordées aux sociétés La Vierge, Suffren anciennement [Adresse 13], Vercingétorix et Victoires ;
– déclarer M. [P] Irrecevable à agir en contrefaçon des marques françaises n°99 827 235 et « La Vierge » n°99 827 238 ;
– débouter M. [P] de sa demande de revendication de la propriété de la marque française « Le Moulin de la Vierge » n°4 467 739 ; subsidiairement, le déclarer Irrecevable à revendiquer la propriété et le transfert de la marque française « Le Moulin de la Vierge » n°4 467 739 ;
– débouter M. [P] de l’ensemble de ses demandes plus amples ou contraires ;
A titre subsidiaire,
– constater que les marques françaises n°99 827 235 et « La Vierge » n°99 827 238 portent atteinte aux droits antérieurs détenus par les sociétés Suffren, anciennement Le Moulin de la Vierge, et Pâtisserie 152 ;
En conséquence,
– prononcer la nullité des marques françaises n°99 827 235 et « La Vierge » n°99 827 238 ;
– déclarer M. [P] Irrecevable en son action aux fins de résiliation des licences tacites des marques françaises « Le Moulin de la Vierge + logo » n°99 827 235 et « La Vierge » n°99 827 238 prétendument accordées aux sociétés La Vierge, Suffren anciennement [Adresse 13], Vercingétorix et Victoires ;
– déclarer M. [P] Irrecevable à agir en contrefaçon des marques françaises n°99 827 235 et « La Vierge » n°99 827 238 ;
– débouter M. [P] de sa demande de revendication de la propriété de la marque française « Le Moulin de la Vierge » n° 18 4 467 739 ; subsidiairement, le déclarer Irrecevable à revendiquer la propriété et le transfert de la marque française « Le Moulin de la Vierge » n° 18 4 467 739 ;
– débouter M. [P] de l’ensemble de ses demandes plus amples ou contraires ;
A titre très subsidiaire,
– constater que M. [P] ne démontre pas la matérialité des actes de contrefaçon des marques « Le Moulin de la Vierge + logo » n°99 827 235 et « La Vierge » n°99 827 238 reprochés aux sociétés La Vierge, Suffren anciennement Le Moulin de la Vierge, Pâtisserie 152, Excelsior, Vercingétorix et Victoires que ce soit antérieurement ou postérieurement au jugement du 26 février 2021 ;
– constater que M. [P] ne démontre pas avoir subi un préjudice effectif, direct et personnel au titre des actes de contrefaçon reprochés, à tort, aux sociétés La Vierge, Suffren anciennement SARL Le Moulin de la Vierge, Pâtisserie 152, Excelsior, Vercingétorix et Victoires ;
En conséquence,
– débouter M. [P] de l’intégralité de ses prétentions y compris indemnitaires formées à l’encontre des sociétés La Vierge, Suffren anciennement Le Moulin de la Vierge, Pâtisserie 152, Excelsior, Vercingétorix et Victoires sur le fondement de la contrefaçon des marques « Le Moulin de la Vierge + logo » n°99 827 235 et « La Vierge » n°99 827 238 ;
A titre infiniment subsidiaire,
– constater que M. [P] est mal fondé à solliciter la résiliation judiciaire des licences tacites des marques françaises « Le Moulin de la Vierge + logo » n°99 827 235 et « La Vierge » n°99 827 238 prétendument accordées aux sociétés La Vierge, Suffren anciennement [Adresse 13], Vercingétorix et Victoires ;
– ramener les prétentions indemnitaires de M. [P] à de plus justes proportions ;
– dire et juger que M. [P] ne peut en aucun cas se voir allouer une somme supérieure à 72.047 euros ;
En conséquence,
– débouter M. [P] de sa demande de résiliation judiciaire des licences tacites des marques françaises « Le Moulin de la Vierge + logo » n°99 827 235 et « La Vierge » n°99 827 238 prétendument accordées aux sociétés La Vierge, Suffren anciennement [Adresse 13], Vercingétorix et Victoires ;
– débouter M. [P] de ses demandes plus amples ou contraires ;
Statuant à nouveau, sur le droit d’auteur,
A titre subsidiaire,
– constater que M. [P] ne démontre pas la matérialité des actes de contrefaçon des droits d’auteur attachés au dessin reprochés aux sociétés La Vierge, Suffren anciennement [Adresse 13], Vercingétorix et Victoires;
En conséquence,
– débouter M. [P] de l’intégralité de ses prétentions y compris indemnitaires formées à l’encontre des sociétés La Vierge, Suffren anciennement Le Moulin de la Vierge, Pâtisserie 152, Excelsior, Vercingétorix et Victoires sur le fondement de la contrefaçon des droits d’auteur attachés au dessin « Le Moulin de la Vierge ».
A titre très subsidiaire,
– constater que M. [P] ne démontre pas avoir subi un préjudice effectif, direct et personnel au titre des actes de contrefaçon de droits d’auteur attachés au dessin reprochés, à tort, aux sociétés La Vierge, Suffren anciennement SARL Le Moulin de la Vierge, Pâtisserie 152, Excelsior, Vercingétorix et Victoires ;
– débouter M. [P] de l’intégralité de ses prétentions indemnitaires formées à l’encontre des sociétés La Vierge, Suffren anciennement Le Moulin de la Vierge, Pâtisserie 152, Excelsior, Vercingétorix et Victoires sur le fondement de la contrefaçon des droits d’auteur attachés au dessin .
En tout état de cause,
– dans l’hypothèse où la cour déciderait d’entrer en voie de condamnation à l’encontre de la société Vercingétorix, ordonner la compensation entre les condamnations prononcées par la cour avec la somme de 42.040,15 euros HT dues par M. [P] due par M. [P] à cette dernière au titre de son compte courant d’associé débiteur ouvert à son nom dans les livres de la société Pâtisserie 152 ;
– dans l’hypothèse où la cour déciderait d’entrer en voie de condamnation à l’encontre de la société Suffren anciennement Le Moulin de la Vierge, ORDONNER la compensation entre les condamnations prononcées par la cour avec la somme de 319,15 HT euros due par M. [P] à cette dernière au titre de son compte courant d’associé débiteurs ouvert à son nom dans les livres de la société Suffren ;
– condamner M. [P] à payer à la société La Vierge la somme de 5.000 euros en réparation des préjudices financier et moral subis du fait de la saisie sur ses comptes bancaires et de l’indisponibilité de la somme de 2.608,19 euros entre juin 2021 et l’arrêt à intervenir ;
– condamner M. [P] à payer à la société Suffren anciennement Le Moulin de la Vierge la somme de 32.369,89 euros au titre des frais exposés pour exécuter le jugement du 26 février 2021 et à la somme de 15.000 euros au titre des préjudices financier et moral subis du fait de la saisie sur ses comptes bancaires et de l’indisponibilité de la somme de 102.671,65 euros entre juin 2021 et l’arrêt à intervenir ;
– condamner M. [P] à payer à la société Pâtisserie 152 la somme de 367,80 euros au titre des frais exposés pour exécuter le jugement du 26 février 2021 et à la somme de 20.000 euros au titre des préjudices financier et moral subis du fait de la saisie sur ses comptes bancaires et de l’indisponibilité de la somme de 251.862,24 euros entre juin 2021 et l’arrêt à intervenir ;
– condamner M. [P] à payer à la société Excelsior la somme de 3.939,68 euros au titre des frais exposés pour exécuter le jugement du 26 février 2021 et à la somme de 15.000 euros au titre des préjudices financier et moral subis du fait de la saisie sur ses comptes bancaires et de l’indisponibilité de la somme de 52.000,67 euros entre juin 2021 et l’arrêt à intervenir ;
– condamner M. [P] à payer à la société Victoires la somme de 6.029,37 euros au titre des frais exposés pour exécuter le jugement du 26 février 2021 et à la somme de 15.000 euros au titre des préjudices financier et moral subis du fait de la saisie sur ses comptes bancaires et de l’indisponibilité de la somme de 131.728,88 euros entre juin 2021 et l’arrêt à intervenir ;
– condamner M. [P] à payer à la société Vercingétorix la somme de 6.259,28 euros au titre des frais exposés pour exécuter le jugement du 26 février 2021;
– débouter M. [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner M. [F] [P] à payer aux sociétés La Vierge, Suffren anciennement Le Moulin de la Vierge, Pâtisserie 152, Excelsior, Vercingétorix et Victoires, chacune, la somme de 25.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [F] [P] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Bruno REGNIER en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, numérotées 5 et signifiées le 3 janvier 2023, M. [P] demande à la cour de :
– déclarer les sociétés La Vierge, Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior, Victoires et Vercingétorix irrecevables en leur demande tendant à obtenir réparation du préjudice prétendument subi du fait de l’exécution du jugement du 26 février 2021, en application de l’article 910-4 du code de procédure civile ;
– déclarer les sociétés La Vierge, Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior, Victoires et Vercingétorix non fondées en l’ensemble de leurs demandes et les en débouter ;
– déclarer [F] [P] recevable et bien fondé en son appel principal et son appel incident,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– déclaré irrecevables les demandes d'[F] [P] fondées sur le droit d’auteur et tendant à voir condamner in solidum les sociétés La Vierge, Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior et Victoires à lui verser la somme de 500 000 € en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte à ses droits d’auteur sur le dessin « Le Moulin de la Vierge » ;
– limité à 550 000 € (sur la base de 5% de leur chiffre d’affaires) le montant de la condamnation in solidum prononcée à l’encontre des sociétés La Vierge, Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior et Victoires au titre de la réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de marques et débouté [F] [P] de sa demande de condamnation in solidum des sociétés La Vierge, Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior et Victoires à lui verser la somme de 1 760 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte à ses droits sur les marques françaises semi figurative n° 99 827 235 et verbale n° 99 827 238.
Statuant à nouveau :
– condamner in solidum les sociétés La Vierge, Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior et Victoires à verser à [F] [P] la somme de 1 676 090 € en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte à ses droits sur les marques françaises n° 99 827 235 et n° 99 827 238;
– condamner in solidum les sociétés La Vierge, Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior et Victoires à verser à [F] [P] la somme de 500 000 € en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte à ses droits d’auteur sur le dessin « Le Moulin de la Vierge » ;
– condamner in solidum les sociétés La Vierge, Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior, Victoires et Vercingétorix à verser à [F] [P] la somme supplémentaire de 150 000 € en réparation du préjudice subi du fait de la poursuite des actes de contrefaçon postérieurement à la signification du jugement ;
– confirmer pour le surplus,
– condamner in solidum les sociétés La Vierge, Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior, Victoires et Vercingétorix au paiement de la somme de 20 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 dudit code.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le caractère frauduleux du dépôt des marques n° 235 et n°238 et la demande de transfert des marques
Le groupe La Vierge soutient en substance que M. [P] a déposé les marques n° 235 et 238 en fraude des droits de la société Suffren anciennement dénommée SARL Le Moulin de la Vierge; qu’à la date du dépôt, le 6 décembre 1999, M. [P] avait parfaitement connaissance de l’usage antérieur du logo et des signes ‘Le Moulin de la Vierge’ par ladite société ; qu’il a cherché à s’approprier les droits d’auteur antérieurement détenus par la société Le Moulin de la Vierge sur le dessin créé par M. [N] en le déposant à titre de marque en son nom personnel ; que le formulaire initial de la demande d’enregistrement avait été établi par M. [P] au nom de Moulin de La Vierge SARL ; qu’en effaçant cette mention initialement apposée, M. [P] a agi de mauvaise foi et frauduleusement détourné un actif nécessaire à l’exploitation de l’activité de la société Suffren ; que cela caractérise une violation d’une obligation légale lui incombant en qualité de gérant et démontre la volonté de l’actionnaire majoritaire de favoriser ses intérêts personnels au détriment de ceux de la société ; que les renouvellements des marques ont été effectués à partir de chèques tirés sur le compte de la société La Vierge ; que cela constitue une preuve supplémentaire de sa mauvaise foi.
Le groupe La Vierge ajoute que M. [P] utilise les marques arguées de contrefaçon dans la guérilla judiciaire qu’il mène depuis 2015 contre lui ; que se pose la question de la garantie d’éviction; qu’après l’avoir incité à investir 1 millions d’euros dans le groupe La Vierge, M. [P] tente de l’empêcher d’exploiter paisiblement ses actifs immatériels ; que la société Suffren, anciennement dénommée Le Moulin de La Vierge, est donc fondée à revendiquer la propriété des marques n°235 et 238 ; que M. [P] est dès lors irrecevable à agir en contrefaçon.
M. [P] fait valoir qu’à la date du dépôt des marques il était l’unique propriétaire du fonds de commerce de boulangerie pâtisserie à l’enseigne ‘Le Moulin de la Vierge’ situé au [Adresse 3] ; qu’il était le co-fondateur, gérant et associé à 81,6% de la société Suffren, les 18,4% des parts restantes étant détenues par son frère [O] [P] ; qu’il n’était donc animé d’aucune intention maligne en déposant les marques ; que le fait qu’il a choisi de déposer les marques en son nom ne saurait s’analyser en un dépôt frauduleux ; que le seul fait que les taxes de renouvellement ont été payées par la société La Vierge démontre que les dépôts n’ont pas été dissimulés aux associés ; que les allégations de détournement d’actifs immatériels ou d’abus de bien sociaux ou de garantie d’éviction développées pour la première fois en appel sans qu’en soit tirée aucune conséquence de droit, sont infondées ; que la fraude doit s’analyser au moment du dépôt et qu’à cette date la société la financière de Rennes ne faisait pas partie du groupe La Vierge.
En application de l’ancien article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle, applicable à l’espèce, « ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :
a) A une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de [Localité 20] pour la protection de la propriété industrielle ;
b) A une dénomination ou raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
c) A un nom commercial ou à une enseigne connus sur l’ensemble du territoire national, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
d) A une appellation d’origine protégée ou à une indication géographique ;
e) Aux droits d’auteur ;
f) Aux droits résultant d’un dessin ou modèle protégé ;
g) Au droit de la personnalité d’un tiers, notamment à son nom patronymique, à son pseudonyme ou à son image;
h) Au nom, à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale ».
En application de l’article L.712-6 du code de la propriété intellectuelle, si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.
A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement.’
La fraude est caractérisée dès lors que le dépôt a été opéré pour détourner le droit des marques de sa finalité, c’est à dire non pas pour distinguer des produits et services en identifiant leur origine, mais pour priver des concurrents du déposant ou tous les opérateurs d’un même secteur, d’un signe nécessaire à leur activité. Le caractère frauduleux du dépôt s’apprécie au jour du dépôt et ne se présume pas, la charge de la preuve de la fraude pesant sur celui qui l’allègue. Pour apprécier la fraude, tous les facteurs pertinents du cas d’espèce doivent être considérés.
La seule connaissance du droit antérieur ou la simple négligence ne suffit pas à établir la mauvaise foi, encore faut-il démontrer l’intention de nuire au titulaire de droits antérieurs (Chambre commerciale, 10 mai 2006, n°04-13,424).
En l’espèce, ainsi que l’a pertinemment relevé le tribunal, les signes déposés à titre de marque sous les n° 235 et 238 correspondent au nom commercial et à l’enseigne de deux boulangeries exploitées antérieurement par la SARL Le Moulin de la Vierge, dont [F] [P] était à la fois l’actionnaire majoritaire à plus de 80% et le gérant. A la date du dépôt des marques en 1999, M. [P] n’était pas motivé par l’intention de priver ladite société d’un signe nécessaire à son activité alors au contraire qu’elle a continué d’exploiter ces signes paisiblement en vertu d’une licence verbale gratuite, y compris après son intégration au groupe La Vierge. La circonstance qu’il ait été envisagé dans un premier temps de déposer la marque au nom de la société n’est pas susceptible de caractériser la mauvaise foi de M. [P], la pratique du dépôt au nom personnel du fondateur, du gérant ou de l’associé majoritaire d’une petite entreprise familiale étant courante dans le monde des affaires. Enfin le fait que la redevance de renouvellement de la marque ait été réglée en 2010 par la société La Vierge est inopérant pour justifier d’une mauvaise foi au moment du dépôt au sens de l’article L. 712-6 susvisé.
Ainsi, faute de démonstration d’un dépôt des marques n° 235 et 238 de mauvaise foi, le tribunal a justement déduit en application de l’article L. 712-6 alinéa 2 susvisé que la demande de transfert desdites marques au profit de la société Suffren, anciennement dénommée Le Moulin de la Vierge, devait être rejetée comme prescrite.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande subsidiaire de nullité des marques n°235 et 238
Le groupe La Vierge prétend que la demande de nullité des marques exercée par voie d’exception est perpétuelle ; qu’à la date de leur dépôt les marques n°235 et 238 portaient atteinte à la dénomination sociale de la société Suffren anciennement dénommée Le Moulin de la Vierge qui existait depuis 1988 date de la création de la société, laquelle exploite toujours un fonds de commerce de boulangerie ; qu’en outre le dépôt des marques porte atteinte aux droits d’auteur du dessin original créé par M. [N] et cédés à la société Suffren anciennement dénommée Le Moulin de la Vierge ; que ces droits antérieurs, dénomination sociale et droits d’auteur, sont opposables à M. [P] et justifient l’annulation des marques n° 235 et 238 qui leur portent atteinte.
Il ajoute que la marque n° 235 est de nature à tromper le public en ce qu’elle porte la mention ‘depuis 1356″ alors que, s’il a existé rue Vercingétorix une boulangerie au 14ème siècle, M. [P] ne peut prétendre bénéficier de son histoire ni d’un quelconque héritage professionnel ; que les conditions de la forclusion par tolérance ne sont pas remplies compte tenu de la mauvaise foi de M. [P] lors du dépôt et du renouvellement des marques ; que M. [P] n’a jamais exploité personnellement les marques, l’usage par la société Suffren dans le cadre d’une prétendue licence tacite et gratuite ne pouvant caractériser une tolérance en connaissance de cause, alors que la société Suffren a découvert que M. [P] était titulaire des marques litigieuses à réception du courrier le 20 décembre 2017 c’est à dire il y a moins de 5 ans ; que les marques 235 et 238 sont donc nulles.
M. [P] fait valoir qu’à la date du dépôt de l’enregistrement des marques n°235et 238, la société Suffren, détenue par lui et par son frère, lequel confirme avoir eu connaissance du dépôt, en a eu nécessairement connaissance à travers ses deux associés ; qu’il en est de même pour la société Pâtisserie 152 qui lors de son intégration dans le groupe La Vierge était détenue à 66,6% par ces derniers ; que les taxes de renouvellement figuraient sur les compte de la société La Vierge du mois de janvier 2010 de sorte que cette dernière, et à travers elle les sociétés Suffren et Pâtisserie 152 dont elle était propriétaire, ne pouvaient pas non plus ignorer l’enregistrement ; que le tribunal a justement retenu que ces sociétés ont bénéficié depuis leur création d’une licence de marque concédée par lui et qu’elles ont toléré et profité de l’usage desdites marques pendant plus de cinq ans de sorte que leur action se heurte à la forclusion par tolérance.
S’agissant de l’atteinte alléguée à des droits antérieurs, M. [P] fait valoir que la dénomination sociale ‘SARL Le Moulin de la Vierge’ n’existe plus depuis le 30 décembre 2009 date à laquelle ses associés l’ont remplacée par Suffren ; que ses droits ayant expiré depuis plus de 12 ans, elle n’est pas fondée à les invoquer comme antériorité ; que l’enseigne Le Moulin de la Vierge mentionnée sur l’extrait Kbis de la société Pâtisserie 152 n’existait pas avant octobre 2004, cette société étant antérieurement dénommée Costes Secco SARL.
S’agissant du dessin opposé comme antériorité, M. [P] prétend que la société Suffren ne rapporte pas la preuve qu’elle est titulaire de droit d’auteur ni qu’elle l’aurait exploité sous son nom antérieurement au dépôt de la marque semi-figurative n°235 de sorte qu’elle n’est pas fondée à s’en prévaloir.
Il ajoute que le moyen de nullité de la marque comme trompeuse invoqué pour la première fois en appel n’est pas fondé, outre que ces sociétés ont tiré avantage de ces marques dont elles revendiquent la propriété ; que la mention ‘depuis 1356″ est à peine visible, et peu claire et renvoie à une date tellement ancienne du moyen âge de sorte qu’un consommateur ne peut raisonnablement penser qu’elle se rapporte à la date de création de la boulangerie, aucune entreprise connue ne pouvant revendiquer une existence avant le XVIIème siècle ; que cette mention pourrait tout au plus véhiculer l’idée d’une transmission de recettes ou de savoir faire traditionnels pour la préparation du pain, ce qui est le cas puisque depuis sa création l’enseigne propose des produits de qualité supérieure élaboré selon des procédés traditionnels notamment la cuisson au feu de bois et l’emploi de produits biologiques tels que les farines de meunier ; que la marque 235 n’est donc pas trompeuse ; qu’il a fait figurer cette mention ‘depuis 1356″ comme référence à une légende du vieux [Localité 20] expliquant les circonstances dans lesquelles le moulin qui se situait jusqu’à la fin du XIXème siècle au croisement de la [Adresse 21] fût rebaptisé ‘[Adresse 19] , et après sa destruction donna par la suite son nom au quartier et à la rue éponyme dans lequel fût fondée la première boulangerie à l’enseigne ‘[Adresse 21].
Ainsi qu’il a été rappelé, en application de l’ancien article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle, applicable à l’espèce, « ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment : (…)
b) A une dénomination ou raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public
c) A un nom commercial ou à une enseigne connus sur l’ensemble du territoire national, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
(…)
(e) Aux droits d’auteur ;(…)’.
En outre, en application de l’ancien article L.714-3 du même code, dans sa version applicable à l’espèce, « est déclaré nul par décision de justice l’enregistrement d’une marque qui n’est pas conforme aux dispositions des articles L.711-1 à L.711-4.(…) .
Seul le titulaire d’un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l’article L.711-4. Toutefois, son action n’est pas recevable si la marque a été déposée de bonne foi et s’il en a toléré l’usage pendant cinq ans. La décision d’annulation a un effet absolu ».
En l’espèce, ainsi qu’il vient d’être dit, les dépôts de marque ont été effectués de bonne foi en 1999 par M [F] [P]. Il est également démontré que la société Suffren, alors dénommée Le Moulin de la Vierge, qui était détenue par [F] [P] et son frère [O] [P], lequel atteste qu’il était informé des dépôts des marques litigieuses, a donc eu nécessairement connaissance desdits dépôts par ses associés. Il en est de même pour la société Pâtisserie 152 qui lors de son intégration dans le groupe La Vierge était détenue à 66,6% par ces derniers . Enfin, les taxes de renouvellement des marques figuraient sur les compte de la société La Vierge du mois de janvier 2010 de sorte que cette dernière, et à travers elle les sociétés Suffren et Pâtisserie 152 dont elle était propriétaire, ne pouvaient pas non plus ignorer l’enregistrement desdites marques. Il se déduit de ces éléments, ainsi que l’a relevé à juste titre le tribunal, que les sociétés Le Moulin de la Vierge, devenue Suffren, et Pâtisserie 152, qui ont exploité lesdites marques depuis leur dépôt, conformément à un accord de licence verbale, en ont dès lors nécessairement toléré l’usage dont elles ont même profité, et ce pendant plus de cinq ans, de sorte que leur action en nullité doit être rejetée comme forclose. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
S’agissant du moyen tiré du caractère prétendument trompeur de la marque n°235 évoqué pour la première fois en cause d’appel, la cour rappelle que l’ancien article 711-3 du code de la propriété intellectuelle, applicable à l’espèce, dispose : ‘ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe : (…) c) de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service’.
En application de cet article une marque est nulle lorsqu’elle est en elle-même susceptible de tromper le public sur l’une des caractéristiques des produits désignés dans son enregistrement.
Dans son arrêt du 30 mars 2006 ([R] [H] C-259/04) rendu en interprétation de l’article 3, paragraphe 1 g) de la directive 89/104 dont l’article L. 711-3 c) du code de la propriété intellectuelle est la transposition, la CJUE a précisé que le caractère trompeur suppose que la marque crée un risque de confusion dans l’esprit d’un consommateur moyen, l’existence d’une tromperie effective ou d’un risque suffisamment grave de tromperie du consommateur devant être établi.
Le risque de confusion doit s’apprécier globalement, par référence au contenu des enregistrements des marques, vis-à-vis du consommateur des produits tels que désignés par ces enregistrements et sans tenir compte des conditions d’exploitation des marques ou des conditions de commercialisation des produits (Com. 23 juin 2015 14-13011 ; Com. 15 mars 2017 15-50038).
En l’espèce, la cour constate que la marque n° 235 est une marque complexe comprenant un élément figuratif ainsi que plusieurs éléments verbaux, le principal étant ‘[Adresse 21]’, situé dans un large bandeau, puis en dessous, de manière centrée, ‘[Localité 20]’, et encore en dessous ‘depuis 1356″ cet élément étant écrit en petits caractères à peine lisibles. En outre, ‘depuis 1356″ renvoie à une date très ancienne, située au milieu du 14ème siècle, de sorte qu’un consommateur moyen ne peut raisonnablement penser que les produits qu’il va trouver dans cette boulangerie y sont fabriqués depuis 1356. Au surplus cette date correspond à la date à laquelle, selon une légende du vieux [Localité 20], un moulin qui n’existe plus mais qui se situait à l’emplacement de l’actuelle [Adresse 21], à laquelle il a donné son nom, a été dénommé ‘[Adresse 21]. Aucun caractère trompeur de la marque complexe ‘[Adresse 17] n’est ainsi caractérisé. La demande de nullité de ce chef sera donc rejetée.
Sur la résiliation des licences tacites des marques
M. [P] fait valoir que depuis leur dépôt en décembre 1999, il a concédé l’usage des marques n°235 et 238 aux sociétés du groupe La Vierge sous forme d’une licence verbale ; qu’il a résilié cette licence ; qu’il a expliqué dans son courrier de résiliation du 20 décembre 2017 les raisons de sa résiliation par le fait qu’il a dirigé ses boulangeries associées à la boulangerie traditionnelle à la cuisson au feu de bois avec de somptueux décors intérieurs, et qu’à partir d’octobre 2015 avec la prise de contrôle par la société La Financière de Rennes la gestion a été modifiée, la boulangerie du 105 rue Vercingétorix fermée, les fours à bois arrêtés, la production externalisée et les pâtisseries achetées en surgelés ; qu’il leur a laissé un délai de plus de 7 mois jusqu’au 31 juillet 2018 pour se conformer à sa demande ; qu’il a effectué un nouveau rappel le 8 janvier 2019; que ce délai était suffisant puisque la signalétique a finalement été modifiée en 4 mois en exécution du jugement ; que cette résiliation se justifie d’autant plus que la société La Vierge a déposé de façon déloyale la marque ‘[Adresse 16].
Le groupe La Vierge soutient que la prétendue dénonciation de licences datée du 20 décembre 2017 à effet du 31 juillet 2018, qui est adressée à la société Financière de Rennes, n’est pas valable en ce qu’elle a été adressée à une société qui n’exploite pas les marques, peu important qu’elle partage une adresse commune ; que les sociétés La Vierge, Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior, Victoires et Vercingétorix n’ont pas été valablement informées de la fin des prétendues licences et que cette résiliation ne leur est donc pas opposable ; que les appelantes n’ont été informées que le 8 janvier 2019 soit plus de six mois après l’expiration du préavis de résiliation; que cette notification est également invalide ; qu’en tout état de cause l’usage est fait à titre de dénomination sociale, d’enseigne, de nom commercial et de droit d’auteur.
La cour constate que la lettre du 20 décembre 2017 aux fins de résiliation des licence tacites est adressée à La Financière de Rennes, en sa qualité de président de la société La Vierge, dont les statuts disposent que le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de ladite société, qui est la société holding détenant les sociétés Suffren, Excelsior, Victoires, Pâtisserie 152 et Vercingétorix. Cette lettre de résiliation des licences tacites a donc été valablement faite au siège social de la société La Vierge, laquelle a d’ailleurs mandaté un cabinet d’avocat qui a adressé un courrier officiel au conseil de M. [P] en date du 6 juillet 2018 contestant le fond de la réclamation.
Le tribunal a en outre pertinemment jugé que les contrats de licence de marque étant verbaux, et en conséquence conclus pour une durée indéterminée, chaque partie pouvait librement y mettre un terme à condition de respecter un délai de préavis suffisant, ce que M. [P] a fait en adressant le 20 décembre 2017 une lettre de résiliation des licences de marques prenant effet au 30 juillet 2018, ce délai de sept mois étant raisonnable au vu des faits de l’espèce. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a prononcé la résiliation des contrats de licence autorisant les sociétés La Vierge, Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior, Victoires et Vercingétorix à exploiter les marques n° 235 et n° 238 avec effet au 31 juillet 2018.
Sur la revendication de la marque n°739
M. [P] fait valoir qu’en cours de procédure il a découvert que la société La Vierge avait déposé le 9 juillet 2018 la marque ‘[Adresse 21]’ ; que les sociétés du groupe La Vierge ont eu une attitude déloyale alors qu’il recherchait une issue amiable ; qu’elles ont détourné frauduleusement le droit des marques pour se constituer un monopole sur les produits et services liés au commerce de denrées alimentaires et pour neutraliser les effets de la licence verbale ainsi que pour tenter de l’empêcher d’étendre la protection de ses marques à des produits ou services complémentaires ; que les produits de la classe 16 englobent les produits en papier et carton nécessaires à la présentation et à l’emballage des produits de boulangerie ; que les services de la classe 41 comprennent les ateliers de formation et la publication de livres et qu'[F] [P] a publié plusieurs ouvrages sur le thème de la boulangerie y compris des livres de recettes et qu’il pourrait être contraint à retirer toutes mentions relatives au signe ‘Le Moulin de la Vierge’ ; que les sociétés du groupe La Vierge ont sciemment méconnu ses intérêts.
Le groupe La Vierge soutient que le principe de spécialité du droit des marques fait obstacle aux demandes de M. [P], les produits en cause n’étant pas similaires ; que M. [P] n’a jamais exploité les marques litigieuses ni n’exerce aucune activité dans les services visés dans la marque n° 739.
La cour rappelle que la fraude est caractérisée dès lors que le dépôt a été opéré pour détourner le droit des marques de sa finalité, c’est à dire non pas pour distinguer des produits et services en identifiant leur origine, mais pour priver des concurrents du déposant ou tous les opérateurs d’un même secteur, d’un signe nécessaire à leur activité. Le caractère frauduleux du dépôt s’apprécie au jour du dépôt et ne se présume pas, la charge de la preuve de la fraude pesant sur celui qui l’allègue. Pour apprécier la fraude, tous les facteurs pertinents du cas d’espèce doivent être considérés.
En l’espèce, il est établi que la société La Vierge, qui ne pouvait ignorer l’existence des marques antérieures ‘Le Moulin de la Vierge’ détenues par M. [P] et exploitées par les sociétés qu’elle détient, a procédé au dépôt de la marque verbale ‘[Adresse 16] le 9 juillet 2018, c’est à dire postérieurement à la notification du 20 décembre 2017 de la résiliation des licences de marques, et à quelques jours de l’expiration du délai de préavis accordé jusqu’au 31 juillet 2018. Ce dépôt, aux seules fins de permettre aux sociétés du groupe La Vierge de continuer à exploiter pour leur activité de boulangerie-pâtisserie le signe ‘Le Moulin de la Vierge’, s’inscrit manifestement dans une stratégie frauduleuse, visant à tenter de priver M. [P] de reprendre ses droits d’exploitation sur les marques ‘Le Moulin de la Vierge’ dont il est titulaire, et qu’il a exploitées, depuis leurs dépôts, en concédant des licences, aux sociétés du groupe La Vierge. Dans ces conditions, et ainsi que l’a retenu à juste titre le tribunal, le dépôt de la marque n° 739, dans de nombreux produits et services des classes 16, 35, 41 et 43, est motivé, par la seule volonté d’entraver l’exploitation des marques déposées par M. [P]. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a ordonné le transfert de la marque au profit de M. [P] pour l’ensemble des produits et services qu’elle désigne.
Sur la recevabilité des demandes de M. [P] fondées sur le droit d’auteur
M. [P] soutient que le dessin était destiné à être exploité par toutes les boulangeries qui existaient à l’époque et qui lui appartenaient toutes, et non pas seulement par la boulangerie de la rue Vercingétorix ; que les planches de dessin présentent les déclinaisons sur lesquelles figurent les coordonnées de toutes ces boulangeries ; que la note d’honoraires du 7 février 1998 n’est pas adressée à la SARL Le Moulin de la Vierge dont le siège est situé [Adresse 10], cette adresse n’étant pas non plus l’établissement secondaire de ladite société qui se trouvait au 32 de cette rue, M. [P] ayant habité dans cette rue où il possédait plusieurs locaux ; que ce document équivoque n’est pas apte à établir que la société Suffren est cessionnaire des droits d’auteur ; que la société Suffren ne démontre pas davantage une présomption de titularité, les éléments versés établissant que ce dessin a été réalisé à la seule initiative de M. [P] et sous ses directives données à M. [N] ; que ce dernier a confirmé sans équivoque qu’il a cédé ses droits à [F] [P] ; que l’ensemble de ces éléments établit qu’il est cessionnaire des droits d’auteur afférant au dessin ‘Le Moulin de la Vierge’ de sorte qu’il est recevable à agir en contrefaçon.
Le groupe La Vierge fait valoir que M. [P] n’est pas fondé à prétendre être le cessionnaire du dessin ; que la société Suffren, anciennement dénommée société Le Moulin de la Vierge, est le cessionnaire légitime des droits d’auteur de M. [N] sur le dessin litigieux ainsi que le démontre l’ordre de la note d’honoraires ; que la société Suffren bénéficie en outre de la présomption de titularité pour avoir divulgué et exploité paisiblement le dessin ‘[Adresse 21].
Il est acquis que jusqu’à la loi du 7 juillet 2016, seuls certains contrats de cession de droit d’auteur, à savoir les contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle, devaient être constatés par écrit.
En l’espèce, il n’est pas contesté que le créateur du dessin ‘[Adresse 21]’ est [D] [N] qui l’a réalisé dans le cadre d’un contrat de commande ayant donné lieu à une note d’honoraires.
Cette note d’honoraires datée du 7 février 1998 relative à la création du logo ‘Le Moulin de la Vierge’ est versée au débat. Elle précise ‘droits d’utilisation cédés pour tous supports’, et est adressée à la société ‘[Adresse 12]”, ce numéro 23 pouvant résulter d’une simple erreur matérielle d’inversion de chiffres puisqu’il n’est pas contesté que la société Le Moulin de la Vierge avait son établissement secondaire au n° 32 de cette rue, étant par ailleurs observé que M. [P] ne justifie pas avoir été personnellement domicilié au n° 23 de cette rue.
M. [P] verse au débat une attestation de M. [D] [N] adressée à ‘M. [F] [C] [P] créateur du Moulin de la Vierge’ indiquant ‘je vous confirme bien volontiers que je vous ai cédé les droits patrimoniaux sur le logo du Moulin de la Vierge et ses déclinaisons de papeterie énoncées sur mes notes d’honoraires de 1998’. Cependant cette attestation est équivoque en ce qu’elle est adressée à ‘M. [P] créateur du Moulin de la Vierge’, étant observé que M. [P] a créé le 25 avril 1998 la société Le Moulin de la Vierge dont il était le gérant, et fait expressément référence à la note d’honoraires jointe à ladite attestation, laquelle ainsi qu’il a été dit est adressée à la société Le Moulin de la Vierge, et non à M. [P], et précise ‘droits d’utilisation cédés pour tous supports’.
Il est en outre établi qu’en 2009 la société La Vierge a de nouveau sollicité M. [N] aux fins de déclinaison de son dessin Le Moulin de la Vierge ainsi qu’il résulte du contrat du 25 mars 2010 versé au dossier, que la société La Vierge a procédé aux paiements des honoraires demandés sans qu’il soit aucunement mentionné que M. [P] était le cessionnaire des droits sur l’oeuvre ainsi adaptée.
Il résulte des éléments qui précèdent que M. [P] ne démontre pas être le cessionnaire des droits patrimoniaux sur l’oeuvre revendiquée, de sorte que faute de justifier de la titularité de ses droits, le tribunal a retenu à juste titre que ses demandes fondées sur le droit d’auteur étaient irrecevables. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur la contrefaçon de marque
Le groupe La Vierge prétend qu’en utilisant le signe La Vierge à titre de dénomination sociale postérieurement au 31 juillet 2018 la société La Vierge n’a pas commis de contrefaçon de marques ; qu’il ne s’agit pas d’un usage à titre de marque, dans la vie des affaires, la société La Vierge n’exerçant qu’une activité de prestations de services sans offrir à la vente aucun des produits des classes 29, 30 et 33 ; que la négociation centralisée de achats de ses filiales est inopérant pour établir un usage contrefaisant.
S’agissant des actes incriminés à l’encontre des sociétés Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior et Victoires, le groupe La Vierge fait valoir qu’il s’agit d’une utilisation à titre d’enseigne sans aucune apposition du signe sur des produits ou même des emballages et en l’absence de similarité entre des madeleines, des biscottes et des paniers tressés ou encore des emballages de pain avec les produits visés dans la marque 235 ; que les enseignes des sociétés Excelsior et Victoires, ainsi que de la société Suffren ont été modifiées, de sorte que M. [P] invoque à tort la poursuite des actes de contrefaçon ; que s’agissant de la société Pâtisserie 152, elle exploite un atelier de fabrication et un entrepôt depuis lequel sont livrés les produits commercialisés par les sociétés Suffren, Excelsior et Victoires ; que le signe incriminé n’a pas été apposé sur des produits alimentaires et que la simple mention de cette enseigne sur le registre du commerce ne constitue pas un usage de ce signe dans la vie des affaires ; que s’agissant de la société Vercingétorix le tribunal doit être approuvé en ce qu’il a retenu l’absence d’usage du signe après le 31 juillet 2018; que la simple mention de cette enseigne au RCS ne constitue pas un usage de ce signe dans la vie des affaires.
L’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version antérieure au 13 novembre 2019, dispose que : ‘Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire :
a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque (…), ainsi que l’usage d’une marque
reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement ;
(…).
Aux termes de l’article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle dans sa version antérieure à l’ordonnance du 13 novembre 2019, « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public :
a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ;
b) L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ».
L’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version postérieure au 13 novembre 2019 dispose que : « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux
pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque. »
Selon l’article L.716-4 du code de la propriété intellectuelle : « L’atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L.713-4. »
Dans l’arrêt [Z] C-17/06 du 11 septembre 2007, la CJUE, alors CJCE, a dit pour droit que, si une dénomination sociale, un nom commercial, ou une enseigne n’ont pas en soi pour finalité de distinguer des produits et services, puisqu’ils ont pour objet d’identifier une société ou signaler un fonds de commerce, il doit être considéré qu’il y a usage pour des produits ou services lorsque ce tiers appose le signe constituant sa dénomination sociale, son nom commercial ou son enseigne sur les produits qu’il commercialise, et, même en l’absence d’apposition, s’il utilise le signe de telle façon que s’établit un lien entre le signe constituant la dénomination sociale, le nom commercial ou l’enseigne du tiers et les produits commercialisés ou les services fournis par ce tiers.
En l’espèce, devant la cour comme devant le tribunal, la similarité ou l’identité des signes opposés n’est pas en débat.
Il ressort en outre des procès-verbaux de constat dressés par huissier de justice le 3 mai 2019, soit postérieurement à l’expiration de la licence des marques litigieuses, devant les boulangeries-pâtisseries exploitées par les sociétés Suffren, Excelsior et Victoires, que la marque verbale ‘[Adresse 21]’ est reproduite sur chacune des devantures, et que la marque semi-figurative est reproduite sur les stores extérieurs ainsi que sur les emballages de madeleines, de brioches et de biscottes ainsi que sur des paniers d’osier dans lesquels sont placés les produits, et des tables sur lesquelles sont consommés les produits.
Ces usages constituent des usages à titre de marque notamment pour des pains et pâtisseries visées par les marques n° 235 et 238 en ce que le consommateur établit un lien entre le signe utilisé comme enseigne et les produits de boulangerie et pâtisserie vendus dans les boutiques.
Le tribunal a donc justement retenu que les actes de contrefaçon des marques n°235 et 338 étaient caractérisés à l’encontre des sociétés Victoires, Suffren, et Excelsior.
S’agissant de la société Pâtisserie 152, il n’est pas contesté qu’elle exerce, ainsi qu’en atteste son extrait Kbis, sous l’enseigne ‘Le Moulin de la Vierge’, une activité de fabrication et de vente en gros de pâtisserie, viennoiserie, boulangerie, ses produits, et notamment les madeleines et les brioches sous emballages sur lesquels la marque Le Moulin de la Vierge est apposée, étant livrés dans les trois boulangeries susvisées dans lesquelles ils sont commercialisés. Le tribunal doit donc être approuvé en ce qu’il a retenu les actes de contrefaçon de marques à l’encontre de la société Pâtisserie 152.
Le tribunal a également justement retenu que la société La Vierge, qui détient les sociétés Victoire, Suffren, Pâtisserie 152 et Excelsior, qui exerce une activité opérationnelle pour ces sociétés, son extrait Kbis mentionnant notamment qu’elle a en charge la négociation centralisée de tous les achats des sociétés ayant intégré le groupe, et qui tire profit en conséquence de l’exploitation illicite des marques litigieuses, participe à l’exploitation illicite desdites marques.
S’agissant de la société Vercingétorix, il n’est pas contesté que cette société exerçait une activité de boulangerie sous l’enseigne ‘Le Moulin de la Vierge’ mais que la boulangerie a fermé, de sorte que le tribunal doit être approuvé en ce qu’il a constaté, après le 31 juillet 2018, l’absence d’utilisation illicite du signe tout en prononçant à son encontre une mesure d’interdiction d’exploiter les marques litigieuses.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ces chefs tout comme en ce qu’il a prononcé une mesure d’interdiction.
Sur la réparation indemnitaire du préjudice subi par M. [P]
M. [P] sollicite une réparation basée sur une indemnité forfaitaire. Il prétend que la période d’indemnisation court du 31 juillet 2018 jusqu’à la fin de l’année 2020 soit 2,5 ans ; que les marques sont utilisées sur la totalité des produits et services offerts de sorte que doivent êtres pris en compte le chiffre d’affaires total annuel des sociétés La Vierge, Pâtisserie 152, Excelsior, Suffren et Victoires qui, pour la période considérée, s’élève à 11 760 900 euros ; que la redevance de marque habituellement appliquée dans le secteur de la boulangerie est de 5 % ; que la redevance majorée doit être fixée à 10 % ; que son préjudice doit donc être fixé à 1 176 090 euros ; qu’il est fondé à demander en plus une somme de 500 000 euros au titre de son préjudice moral ; qu’une somme supplémentaire de 150 000 euros doit lui être accordée du fait de la poursuite des actes de contrefaçon après la signification du jugement.
Le groupe La Vierge soutient que M. [P] n’a produit aucun document comptable ; qu’aucune pièce ne justifie de son préjudice ; que la moyenne annuelle du chiffre d’affaires généré par les sociétés La Vierge, Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior et Victoires entre 2017 et 2000 s’est élevée à 4 240 695 euros soit 8 481 390 euros sur deux exercices ; qu’en admettant un taux de redevance de 5% M. [P] ne pouvait se voir accorder une somme supérieure à 420 069 euros ; qu’il ressort de l’évaluation faite par le cabinet Regimbeau que retenir dans l’assiette de la redevance majorée le chiffre d’affaires de la société Pâtisserie 152 revient à indemniser deux fois le préjudice ; que le taux de 5% est déconnecté de toute réalité économique ; qu’en appliquant la redevance majorée de 5%, M. [P] ne saurait se voir allouer qu’une somme comprise entre 209 586 euros et 240 157 euros ; qu’en retenant une assiette de chiffre d’affaires conforme à l’exploitation des marques litigieuses et une redevance de 1% majorée de 50% soit 1,50 % eu égard aux comparables du secteur, M. [P] ne pouvait pas se voir allouer une somme supérieure à 72 047 euros.
La cour rappelle que l’article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle dispose : ‘Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée’.
En l’espèce, les dommages-intérêts sont sollicités sur le fondement de la somme forfaitaire prévue à l’alinéa 2 de l’article L. 716-4-10 susvisé. La période d’indemnisation court à compter de juillet 2018 et jusqu’à la fin de l’année 2020. Le chiffre d’affaires de la société La Vierge, qui profite de l’utilisation illicite des marques sans toutefois les exploiter directement, ne doit pas être pris en compte au titre de l’assiette de calcul de l’indemnité forfaitaire, cette société n’ayant pas vocation à conclure une licence de marque. Le chiffre d’affaires de la société Victoires, qui bénéficiait d’une licence des marques litigieuses qu’elle exploite pour l’ensemble de son activité doit être pris en compte dans sa totalité, y compris pour l’activité d’un bar mitoyen de la boulangerie exploité sous l’enseigne Le Moulin de la Vierge, et non seulement pour son activité de boulangerie. Les sociétés Pâtisserie 152, d’une part, et Suffren, Excelsior et Victoires, d’autre part, appartenant au même groupe, la première fabricant les produits et les livrant, les secondes commercialisant lesdits produits, leurs chiffres d’affaires respectifs relatifs aux mêmes produits ne doit pas être pris en compte deux fois. Aussi, les chiffres d’affaires des sociétés Suffren, Excelsior et Victoires seront inclus en totalité dans l’assiette du calcul de la redevance majorée, mais pas celui de la société Pâtisserie 152. Il s’ensuit que l’assiette de chiffre d’affaires sur laquelle portera le taux de redevance majorée s’élève donc pour les années mi-2018 à fin 2020 à 6 491 042 euros.
S’agissant du taux de redevance, M. [P] justifie par des extraits du site internet franchise.com que le taux de franchisés dans des sociétés de boulangerie tels que [M] ou La Mie Câline s’élève à 5 %. Il résulte en outre du rapport du cabinet Regimbeau versé contradictoirement au débat que les niveaux de redevances moyennes dans la boulangerie sont d’environ 3 % pour les redevances de fonctionnement et 1% pour les redevances publicitaires incluant le droit de marque, ce rapport n’ayant cependant pas précisé ce qu’incluaient les redevances de fonctionnement, ni produit les sources dont sont extraits ces chiffres. Au vu de ces éléments, et en tenant compte aussi de ce que M. [P] a consenti ses licences de marques gratuitement pendant de nombreuses années, de ce qu’il s’agit d’une simple licence de marque sans autre prestation de services en contrepartie, comme c’est le cas dans un contrat de franchise dans lequel sont mis à disposition notamment le savoir faire du franchiseur et la promotion du réseau, et de ce qu’il convient de fixer un taux de redevance majorée supérieur à ce qui aurait été dû, il y a lieu de retenir une redevance majorée de 6 %.
Les dommages-intérêts dus à M. [P] en réparation des actes de contrefaçon commis de mi-2018 à la fin de l’année 2020 s’élèvent donc à 390 000 euros. M. [P] justifie par la production de deux procès-verbaux de constat d’huissier de justice du 12 juillet 2022 que quelques usages contrefaisants ont persisté sur les tables et sur les stores des façades. Il y a lieu d’accorder en réparation à ce titre la somme de 30 000 euros.
M. [P] sollicite la réparation de son préjudice moral. Compte tenu de l’ancienneté de l’enseigne qu’il a personnellement créée et des marques Le Moulin de la Vierge dont il est titulaire, et de la mauvaise foi de la société La Vierge qui a procédé au dépôt d’une marque Le Moulin de la Vierge à l’expiration du préavis qu’avait concédé M. [P] pour la résiliation des contrats de licence, il y a lieu de lui accorder au titre du préjudice moral la somme de 30 000 euros.
Le jugement entrepris sera donc infirmé sur le quantum du préjudice alloué.
Sur les demandes de compensation
Les sociétés Suffren et Pâtisserie 152 demandent à ce que soit ordonnée la compensation entre les condamnations prononcées à leur encontre avec des sommes qui seraient dues par M. [P] au titre de son compte courant d’associé.
Faute de démonstration de ce que lesdites créances sont certaines et exigibles, ces demandes de compensation seront rejetées.
Sur les préjudices subis du fait de l’exécution du jugement
La société La Vierge fait valoir que M. [P] a fait procéder à des saisies-attribution fructueuses sur ses comptes pour un montant de 2 608,19 euros et qu’elle a contesté ladite saisie de sorte que le préjudice résultant des mesures d’exécution forcée n’est devenu effectif qu’à compter du jugement du juge de l’exécution rendu le 7 février 2022 ; qu’elle a subi des préjudices financier et moral de ce chef dont elle demande réparation à hauteur de 5 000 euros.
La société Suffren fait valoir qu’elle a dû procéder à la dépose de son enseigne et à la modification des devantures lui occasionnant des frais de 31 800 euros ; que M. [P] a fait procéder à des saisies-attribution fructueuses sur ses comptes, que le préjudice résultant des mesures d’exécution forcée n’est devenu effectif qu’à compter de la date du jugement du juge de l’exécution le 7 février 2022 en exécution duquel la somme de 102 671,75 euros a été libérée; qu’elle peut difficilement recourir à l’emprunt pour faire face à ses difficultés de trésorerie car son fonds de commerce est nanti. Elle sollicite en conséquence la somme de 32 369,89 euros au titre des frais exposés pour exécuter le jugement et celle de 15 000 euros au titre des préjudices financier et moral subis du fait de la saisie.
La société Pâtisserie 152 soutient que M. [P] a fait procéder à des saisies-attribution fructueuses sur ses comptes pour un montant de 251 862,24 euros en juin 2021 alors que son chiffre d’affaires 2020 était en net recul, et que par l’effet du jugement du juge de l’exécution du 7 février 2022 validant les mesures d’exécution forcée, elle s’est trouvée privée de sa trésorerie ce qui, conjugué à la situation économique, a entraîné la fermeture de la société ; qu’elle a procédé à la suppression de la mention administrative de son enseigne. Elle sollicite la somme de 367,80 euros au titre des frais exposés pour exécuter le jugement et celle de 20 000 euros au titre des préjudices financier et moral subis du fait de la saisie.
La société Excelsior fait valoir qu’elle a dû procéder à la dépose de son enseigne et à la modification de sa devanture et à la suppression de la mention administrative ce qui lui a occasionné des frais d’un montant de 3 939,68 euros ; que M. [P] a fait procéder à des saisies fructueuses pour un montant de 52 000,67 euros ; qu’elle peut difficilement recourir à l’emprunt pour faire face à ses difficultés de trésorerie car son fonds de commerce est nanti. Elle demande la condamnation de M. [P] à la somme de 3 939, 68 euros au titre des frais exposés pour exécuter le jugement, outre 15 000 euros au titre des préjudices financier et moral subis du fait de la saisie.
La société Victoires fait valoir qu’elle a dû procéder à la dépose de son enseigne et à la modification de sa devanture ainsi qu’à la suppression de la mention administrative ce qui lui a occasionné des frais d’un montant de 6 029,37 euros ; que M. [P] a fait procéder à des saisies fructueuses pour un montant de 131 728,88 euros ; qu’elle peut difficilement recourir à l’emprunt pour faire face à ses difficultés de trésorerie car son fonds de commerce est nanti. Elle demande sa condamnation à la somme de 6 029,37 euros au titre des frais exposés pour exécuter le jugement, outre 15 000 euros au titre des préjudices financier et moral subis du fait de la saisie.
La société Vercingétorix fait valoir qu’elle a dû procéder à la dépose de son enseigne et à la modification de sa devanture et à la suppression de la mention administrative ce qui lui a hauteur de cette somme au titre des frais exposés pour exécuter le jugement.
M. [P] fait valoir que ces nouvelles demandes formées pour la première fois dans les conclusions d’appelantes n° 3 sont irrecevables, et qu’elle sont au surplus infondées, M. [P] ayant fait procéder à des saisies-attribution du fait de l’absence d’exécution spontanée et de toute réponse à ses courriers, et ayant suspendu lesdites mesures dans l’attente de la décision du juge de l’exécution, lequel a débouté les sociétés du groupe La Vierge de leur demande de mainlevée et leur a accordé des délais de paiement pour le solde restant dû, les mensualités ainsi fixées ayant été réglées spontanément.
Il est constant que le jugement dont appel prononcé le 26 février 2021 a été signifié les 15 mars et 1er avril 2021, que M. [P] a fait diligenter des saisies-attributions les 25 et 28 juin 2021 dont les sociétés du groupe La Vierge ont contesté le bien-fondé devant le juge de l’exécution lequel a rendu sa décision le 7 février 2022, postérieurement aux premières conclusions d’appelantes signifiées le 1er juillet 2021, de sorte qu’en application de l’article 910-4 alinéa 2 du code de procédure civile, les demandes formées de ce chef pour la première fois par conclusions signifiées le 4 novembre 2022 sont recevables.
L’article L. 111-10 du code des procédures civiles d’exécution, issu de l’ordonnance 2011-1895 du 19 décembre 2011, dispose : ‘Sous réserve des dispositions de l’article L. 311-4, l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire à titre provisoire. L’exécution est poursuivie aux risques du créancier. Celui-ci rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié’.
Cet article assure ainsi la protection du débiteur contre les conséquences préjudiciables résultant de l’exécution forcée de la décision, exécutoire par provision, rendue à son encontre et dont il a relevé appel, du seul fait du risque pris par le créancier qui la poursuit. Le créancier devra restituer ce qu’il aura reçu indûment du débiteur, lequel pourra, au surplus, bénéficier de dommages-intérêts réparant le préjudice subi.
En l’espèce, la mesure d’interdiction ayant obligé les sociétés du groupe La Vierge à modifier leurs stores et devantures et procéder à des suppressions de mentions administrative d’enseignes, qui était assortie de l’exécution provisoire, a été confirmée, et au surplus ces modifications et suppressions ont été exécutées par les sociétés du groupe La Vierge de façon spontanée, de sorte que les demandes de dommages-intérêts de ces chefs seront rejetées.
En outre, le présent arrêt partiellement infirmatif en ce qui concerne le quantum du préjudice alloué du fait des actes de contrefaçon emporte de plein droit obligation de restitution. Pour le surplus demandé au titre de prétendus préjudices moral et financier, faute pour les sociétés appelantes de justifier de conséquences dommageables de l’exécution forcée, leurs problèmes de trésorerie liées à la conjecture économique dans le contexte de la pandémie n’étant pas imputable à M. [P], leurs demandes de réparation de leurs préjudices moral et financier seront rejetées.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le quantum du préjudice,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne in solidum les sociétés La Vierge, Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior et Victoires à payer à M. [F] [P] la somme de 450 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon ;
Rejette les demandes de compensation de créances formées par les sociétés Pâtisserie 152 et Suffren ;
Rejette les demandes au titre des préjudices subis du fait de l’exécution du jugement formées par les sociétés La Vierge, Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior, Victoires et Vercingétorix ;
Condamne in solidum les sociétés La Vierge, Suffren, Pâtisserie 152, Excelsior, Victoires et Vercingétorix aux dépens d’appel, et vu l’article 700 du code de procédure civile les condamne à verser à ce titre à M. [F] [P] la somme de 15 000 euros.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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