Résilier un contrat en cours d’exécution sans motif légitime
Résilier un contrat en cours d’exécution sans motif légitime
Ce point juridique est utile ?

La résiliation d’un contrat en cours d’exécution ne peut intervenir qu’en raison du comportement fautif d’une des parties.  Résilier un contrat en cours d’exécution, sans motif légitime, expose donc à une condamnation. Les délais et modalités de résiliation du contrat s’imposent aux parties.

Rupture du contrat d’édition et de régie publicitaire

Par une ‘Convention d’édition et de régie publicitaire ‘ conclue en décembre 2013, la Chambre départementale des métiers et de l’artisanat de la Charente (la Chambre des métiers) a confié à la société par actions simplifiée Opendisplay (la SAS Opendisplay) la conception, la réalisation et l’impression de brochures publicitaires pour une durée de 2 ans, soit deux éditions.

La convention stipulait « à l’expiration de cette période elle se renouvellera par tacite reconduction pour des périodes de 2 ans à moins que l’une des parties n’ait notifié à l’autre partie sa volonté de ne pas renouveler, par lettre recommandée avec accusé de réception au moins 3 mois avant l’expiration de la période en cours ».

Contrat à reconduction tacite 

Par courriel du 6 janvier 2017, la directrice du pôle information de la Chambre des métiers a informé la SAS Opendisplay de sa volonté de ne pas faire appel à ses services pour l’année 2017.

Or, en l’absence de volonté d’une des parties de s’opposer au renouvellement du contrat, par lettre recommandée adressée au moins trois mois avant l’expiration de la période en cours, le contrat s’est donc poursuivi d’abord jusqu’au 31 décembre 2015 avant d’être renouvelé tacitement jusqu’au 31 décembre 2017.

Résiliation : un courrier électronique est insuffisant 

Le courrier électronique du 10 janvier 2017 adressé à la SAS Opendisplay par la directrice du pôle formation de la Chambre des métiers, par lequel elle lui fait connaître qu’il n’est pas envisagé de faire appel à ses services pour la réalisation d’une autre plaquette pour l’année 2017, ne remplissait donc pas les conditions exigées pour caractériser l’absence de renouvellement du contrat.

En outre, cette notification ne précisait pas qu’il était mis fin à la convention ou que la SAS Opendisplay s’opposait à son renouvellement. Elle était  ensuite tardive dans la mesure ou elle aurait dû, pour concerner l’exercice 2017, intervenir 3 mois avant le renouvellement par tacite reconduction du 31 décembre 2015. Elle n’a de surcroît pas été formalisée par lettre recommandée avec avis de réception.

Faute inexistante contre le prestataire 

La résiliation d’un contrat en cours d’exécution ne peut intervenir qu’en raison du comportement fautif de l’une des parties. Il appartenait donc à la Chambre des métiers de démontrer l’existence d’une faute à l’encontre de la SAS Opendisplay pouvant justifier la rupture à laquelle elle a procédé.

Il a été invoqué sans succès la mauvaise qualité de la brochure 2016 établie par son ancienne cocontractante. Or, la Chambre des métiers ne produisait aucune pièce ou mise en demeure invoquant la mauvaise exécution de la brochure. Elle n’avait adressé à la SAS Opendisplay aucun reproche concernant ce document avant de procéder à la résiliation du contrat.

Calcul du préjudice matériel 

La rupture sans préavis du contrat, pour un motif non établi permet au prestataire de réclamer la réparation du préjudice résultant de cette situation. Ce préjudice économique provient de la perte subie en raison de ce que le prestataire n’a pu obtenir le bénéfice résultant de l’exécution de la prestation. 


COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

— ————————-

ARRÊT DU : 26 JANVIER 2023

F N° RG 19/02516 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LAFX

SAS OPENDISPLAY

c/

CHAMBRE DEPARTEMENTALE DE METIERS ET DE L’ARTISANAT DE LA CHARENTE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 mars 2019 (R.G. 1118000261) par le Tribunal d’Instance d’ANGOULEME suivant déclaration d’appel du 03 mai 2019

APPELANTE :

SAS OPENDISPLAY, Société dont le siège social est à [Localité 4], [Adresse 2] agissant poursuites et diligences de son Représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Michel PUYBARAUD de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Jean-Michel GROSSIAS de la SELARL COSSET-GROSSIAS, avocat au barreau de CHARENTE

INTIMÉE :

CHAMBRE DEPARTEMENTALE DES METIERS ET DE L’ARTISANAT DE LA CHARENTE, dont le numéro de SIRET est 181 600 040 00016, dont le siège social est [Adresse 3] [Localité 1], représentée par son Président en exercice

Représentée par Me Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Pierre-Olivier MANCEAU substituant Me Stéphane PILON de la SELARL AVOCATS DU GRAND LARGE, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 décembre 2022 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Annie BLAZEVIC

Greffier lors du prononcé : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Par une ‘Convention d’édition et de régie publicitaire ‘ conclue en décembre 2013, la Chambre départementale des métiers et de l’artisanat de la Charente (la Chambre des métiers) a confié à la société par actions simplifiée Opendisplay (la SAS Opendisplay) la conception, la réalisation et l’impression de brochures publicitaires pour une durée de 2 ans, soit deux éditions.

L’article 3 de la convention est ainsi libellé : ..à l’expiration de cette période elle se renouvellera par tacite reconduction pour des périodes de 2 ans à moins que l’une des parties n’ait notifié à l’autre partie sa volonté de ne pas renouveler, par lettre recommandée avec accusé de réception au moins 3 mois avant l’expiration de la période en cours’.

Par courriel du 6 janvier 2017, la directrice du pôle information de la Chambre des métiers a informé la SAS Opendisplay de sa volonté de ne pas faire appel à ses services pour l’année 2017.

Apres avoir adressé à la chambre des métiers une facture de 2 754 euros correspondant à l’indemnité de rupture de la convention, la SAS Open display lui a envoyé un courrier dans lequel elle déclare regretter sa décision de rompre unilatéralement la convention d’édition en cours d’exécution.

Suivant un acte d’huissier du 28 mars 2018, la SAS Opensdisplay a assigné la Chambre des métiers devant le tribunal d’instance d’Angoulême afin d’obtenir sa condamnation au paiement des sommes de :

—  2 754 euros d’indemnités de préavis,

—  5 355 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive et injustifiée

— et 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 27 mars 2019, le tribunal d’instance d’Angoulême a :

— dit que le courrier électronique adressé le 10 janvier 2017 par la Chambre départementale des métiers et de l’artisanat de la Charente, représentée par Mme [Y] [R], constitue une rupture fautive avant terme des relations contractuelles avec la SAS Opendisplay,

— condamné la Chambre départementale des métiers et de l’artisanat de la Charente :

— à payer à la SAS Opendisplay la somme de 177 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, au titre du préjudice résultant de cette rupture fautive,

— aux entiers dépens de l’instance,

— à payer à la SAS Opendisplay la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire.

La SAS Opendisplay a relevé appel du jugement le 3 mai 2019 limité à la condamnation de la Chambre des métiers à lui payer la somme de 177 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement rendu, au titre du préjudice résultant de la rupture fautive des relations contractuelles.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 4 août 2020, la SAS Opendisplaydemande à la cour, sur le fondement des articles L.442-6 du code de commerce et 1146, 1147 et 1382 du code civil, dans leur version applicable au litige antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, de :

— la juger recevable et bien fondée en son appel et, y faisant droit,

— condamner la Chambre départementale des métiers et de l’artisanat de la Charente au paiement :

— de la somme de 2 755,75 euros au titre du préjudice subi pour rupture brutale des relations commerciales en cours,

— de la somme de 5 275 euros au titre du préjudice subi de perte de chance,

—  1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

—  2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— des entiers dépens.

Aux terme de ses dernières conclusions notifiées le 20 octobre 2020, la Chambre des métiers demande à la cour, sur le fondement des articles L.442-6-1 5° ancien du code de commerce et 1146 ancien du code civil , de :

— réformer le jugement et débouter la SAS Opendisplay de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

subsidiairement :

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a limité l’indemnisation du préjudice à la somme de 177 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

— condamner la SAS Opendisplay au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 novembre 2022.

A l’audience du 06 décembre, l’appelante a été autorisée, sous la forme d’une note en délibéré devant régulièrement être communiquée par RPVA à la partie adverse avant le 15 décembre 2022, à fournir des explications sur la recevabilité de certaines demandes présentées devant la cour alors que celles-ci ne figurent pas dans la déclaration d’appel. La décision a été mise à la disposition du greffe le 26 janvier 2023.

Aucune note en délibéré n’a été adressée dans le délai imparti.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de certaines demandes de la SAS Opendisplay

L’article 562 du code de procédure civile dispose que l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

De plus, l’article 901 du code de procédure civile énonce que la déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité (…) :

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

L’appel relevé par la SAS Opendisplay a été limité à la disposition du jugement de première instance ayant condamné la Chambre Départementale de Métiers et de l’Artisanat de la Charente à lui payer la somme de 177,00 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la décision, au titre du préjudice résultant de la rupture fautive des relations contractuelles existant entre les Parties.

Cependant, les demandes de condamnation de l’intimée au paiement des sommes de :

—  5 275 euros au titre du préjudice subi de perte de chance,

—  1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

n’ont pas été formulées en première instance. Elles ne pouvaient donc être visées dans la déclaration d’appel et doivent s’analyser comme des prétentions accessoires et complémentaires de celle de la demande principale en application des dispositions de l’article 566 du code de procédure civile. Elles sont donc recevables.

Sur la cessation des relations contractuelles

La SAS Opendisplay fait valoir que la rupture des relations contractuelles initiée par la Chambre des métiers est fautive et qu’elle doit être condamnée au paiement des sommes qu’elle réclame en réparation de son préjudice économique et moral.

La Chambre des métiers maintient que la résiliation de la convention à laquelle elle a procédé n’apparaît pas fautive et que les prétentions indemnitaires de l’appelante sont abusives.

Sur la rupture du contrat

La SAS Opendisplay fait valoir :

— que l’article 3 de la convention conclue en décembre 2013 a défini le terme du premier contrat au mois de décembre 2015 et qu’en l’absence de toute dénonciation de la convention au plus tard dans les 3 mois précédent l’échéance, soit au plus tard en septembre 2015, elle s’est renouvelée pour une durée de 2 ans jusqu’en décembre 2017 ;

— que pour l’édition 2016, parue exceptionnellement en février, ‘l’économie de la convention’ a été totalement ignorée par la Chambre des métiers, dont le comportement de mauvaise foi a largement amputé le temps de prospection nécessaire à son cocontractant conduisant dès lors à une opération publicitaireayant dû être menée de toute urgence, et qu’elle ne peut aucunement prétendre que la résiliation sans préavis serait justifiée par l’inexécution de ses obligations ;

— que le courrier électronique émanant de la principale interlocutrice de la société éditrice ne pouvait que s’analyser en une résiliation unilatérale de la convention avant son terme .

— que sur le fondement de la théorie de l’apparence, elle a tout lieu de penser que Mme [R], interlocutrice privilégiée, disposait, en tant que Directrice du Pôle formation, de la compétence idoine pour gérer le contrat d’édition de la Chambre des métiers et que ces éléments ouvrent droit à des dommages et intérêts à hauteur de son préjudice.

La Chambre des métiers maintient pour sa part :

— que l’article L.442-6-1 5° du code de commerce qui prévoit la nécessité d’accorder un préavis avant de rompre les relations commerciales ne fait pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ; que la brochure 2016 a été réalisée de manière grossière et partielle ce qui a donné d’elle une image négative, raison pour laquelle son ancienne salariée a indiqué à la SAS Opendisplay qu’elle ne souhaitait pas que celle-ci réalise la brochure 2017, et que contrairement à ce qu’impose l’ancien article 1146 du code civil, applicable au cas d’espèce, la société Opendisplay ne l’a pas mise en demeure de remplir son obligation ;

— que l’appelante a pris prétexte du courriel de sa simple salariée, qui n’avait pas le pouvoir d’engager la chambre des métiers pour se défaire du contrat ; Qu’il n’y a pas eu de rupture unilatérale qui pourrait justifier une faute de sa part et l’allocation corrélative de dommages intérêts au profit de la société Opendisplay, celle-ci n’ayant fourni aucune prestation pour 2017 à un stade ou la brochure devait être prête à être imprimée et que la rédaction de la brochure 2016 justifiait la rupture.

La convention d’édition conclue entre les parties en décembre 2013 prévoit en son article 3 qu’elle est d’une durée de 2 ans renouvelable par tacite reconduction. En l’absence de volonté d’une des parties de s’opposer au renouvellement du contrat, par lettre recommandée adressée au moins trois mois avant l’expiration de la période en cours, le contrat s’est donc poursuivi d’abord jusqu’au 31 décembre 2015 avant d’être renouvelé tacitement jusqu’au 31 décembre 2017.

Le courrier électronique du 10 janvier 2017 adressé à la SAS Opendisplay par Mme [R], directrice du pôle formation de la Chambre des métiers, par lequel elle lui fait connaître qu’il n’est pas envisagé de faire appel à ses services pour la réalisation d’une autre plaquette pour l’année 2017, ne remplit donc pas les conditions exigées pour caractériser l’absence de renouvellement du contrat.

En outre, cette notification ne précise pas qu’il est mis fin à la convention ou que la SAS Opendisplay s’oppose à son renouvellement. Elle est ensuite tardive dans la mesure ou elle aurait dû, pour concerner l’exercice 2017, intervenir 3 mois avant le renouvellement par tacite reconduction du 31 décembre 2015. Elle n’a de surcroît pas été formalisée par lettre recommandée avec avis de réception.

Les parties considèrent néanmoins que ce courrier électronique a mis fin au contrat.

La SAS Opendisplay estime en effet que ce document numérique atteste le caractère unilatéral de la rupture du contrat alors que la Chambre des métiers maintient que cette rupture ne présente pas un caractère fautif en raison des lacunes de son cocontractant dans l’exécution de la brochure 2016 qui, selon elle, a été réalisée de manière grossière et partielle ce qui a donné d’elle une image négative, ajoutant que cette situation justifie la résiliation de la convention.

Même si la chambre des métiers affirme que Mme [R] n’avait pas qualité pour procéder à la résiliation du contrat, il convient donc de retenir qu’elle considère que celui-ci a bien été rompu par l’envoi de ce message.

Il y a lieu dés lors de déterminer si la résiliation intervenue dans ces conditions présente un caractère fautif.

La résiliation d’un contrat en cours d’exécution ne peut intervenir qu’en raison du comportement fautif d’une des parties. Il appartient donc à la Chambre des métiers de démontrer l’existence d’une faute à l’encontre de la SAS Opendisplaypouvant justifier la rupture à laquelle elle a procédé.

L’intimée invoque à ce titre la mauvaise qualité de la brochure 2016 établie par son ancienne cocontractante.

Comme l’a exactement retenu le premier juge, la Chambre des métiers ne produit cependant aucune pièce ou mise en demeure invoquant la mauvaise exécution de la brochure 2016. Elle n’a donc adressé à la SAS Opendisplay aucun reproche concernant ce document avant de procéder à la résiliation du contrat.

L’appelante soutient en outre, à juste titre, que l’article 6-1de la convention prévoit que la Chambre des métiers s’est engagée à ne lui demander aucune prestation qui n’ait été explicitement prévue, et que pour l’édition 2016, elle ne lui a adressé que tardivement la lettre accréditive sans liste des fournisseurs actualisée. Elle ajoute en outre que son cocontractant s’est unilatéralement chargé des opérations de conception de la maquette pour l’année 2016, ce qui est confirmée par le courriel du 15 décembre 2015 qui lui a été adressé par la Chambre des métiers dans lequel elle lui réclame les publicité à intégrer à la plaquette.

La Chambre des métiers, qui ne peut imputer ses propres manquements à la SAS Opendisplay, ne peut donc fonder la rupture du contrat sur ces derniers éléments et plus précisément sur la mauvaise qualité de la plaquette 2016 qu’elle a elle même réalisée.

L’intimée ne peut non plus invoquer le fait que la SAS Opendisplay ne l’aurait pas mise en demeure de remplir ses obligations alors que la résiliation du contrat était déjà intervenue.

C’est donc à bon droit que le tribunal d’instance a dit que le courrier électronique adressé à la SAS Opendisplay le 10 janvier 2017 par la Chambre départementale des métiers et de l’artisanat de la Charente, représentée par Mme [Y] [R], caractérise une rupture fautive avant terme des relations contractuelles. Le jugement attaqué sera donc confirmé sur ce point.

Sur la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat

La SAS Opendisplay maintient qu’en limitant la réparation du préjudice qu’elle a subi au seul préjudice économique alors qu’elle évoquait parallèlement une réparation au titre de la perte de chance, le tribunal d’instance n’a pas apprécié souverainement les faits de l’espèce. Elle demande par conséquent son indemnisation au titre d’un préjudice économique, moral et d’une perte d’une chance.

Sur le préjudice économique

Aux termes des dispositions de l’article 1149 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.

La SAS Opendisplay réclame la somme de 2 755,75 euros en réparation de la rupture brutale des relations commerciales .Elle maintient que la victime de la rupture brutale peut, sur le fondement du texte susvisé, réclamer à son cocontractant une indemnisation au titre du gain manqué et de la perte subie. Elle soutient que le gain manqué correspond à la marge qu’elle pouvait escompter tirer de ses relations commerciales avec le partenaire fautif pendant la durée du préavis qui aurait dû être respecté, et que le gain perdu concerne en l’espèce l’absence de réalisation de la brochure 2017. Elle précise qu’entre les années 2016 et 2017 :

— il existait un écart d’un montant de 9 326 euros de chiffre d’affaires et de 7 116 euros au niveau du compte courant associé,

— que sa marge a été de 2 658,50 euros en 2014, de 2 858 euros en 2015 et que la moyenne de marge probable pour l’année 2017 est de 2 755,75 euros HT.

La Chambre des métiers soutient cependant exactement que l’appelante ne démontre pas l’existence d’un préjudice, a fortiori indemnisable, et que ses charges sont pratiquement équivalentes à son chiffre d’affaires. C’est à raison que la juridiction de première instance a relevé que le chiffre d’affaires moyen réalisé est de 3 060,33 euros pour les brochures 2014, 2015, et 2016 et qu’elle ne justifie pas dès lors de ses charges, le résultat escompté n’excède pas la somme de 177 euros.

La rupture sans préavis du contrat, pour un motif non établi ainsi qu’il vient de l’être précisé, permet à la SAS Opendisplay de réclamer la réparation du préjudice résultant de cette situation.

Ce préjudice économique provient de la perte subie en raison de ce que la SAS Opendisplay n’a pu obtenir le bénéfice résultant de l’édition de la brochure de l’année 2017.

Pour déterminer la perte de gain subie, il ya lieu de se reporter à ceux qui ont été obtenus les années précédentes et provenant des brochures éditées en 2014, 2015 et 2016.

La SAS Opendisplay fait état d’un chiffre d’affaires de 51 951 euros en 2015, 50 570 euros en 2016 et de 41 244 euros en 2017 et une marge moyenne de 2 755,75 euros compte tenu de ses charges.

Il résulte cependant de l’extrait Kbis correspondant à l’année 2015 qu’elle a déclaré un résultat s’élevant à 156 euros ce qui représente une marge nette de 0,0030 par rapport au chiffre d’affaires de 51 951 euros obtenu en 2015.

Dans ces conditions, c’est à juste titre que le tribunal, en se fondant sur le chiffre d’affaires global de 9 180 euros lié à la brochure, sur 3 ans, invoqué par la SAS Opendisplay, pour les années 2014, 2015 et 2016, soit 3 060,33 euros par an, a retenu, par des motifs clairs et pertinents que la cour adopte, que le résultat escompté n’excède pas la somme de 177 euros auquel la Chambre des métiers demande de ramener la demande.

Le jugement attaqué sera donc également confirmé sur ce point.

Sur l’indemnisation réclamée par la SAS Opendisplay au titre de la perte de chance

La lecture des conclusions de la SAS Opendisplay déposées au cours de la procédure de première instance fait bien apparaître que cette demande avait été présentée mais si la présentation de celle-ci apparaissait légèrement différente.

La SAS Opendisplay invoque l’existence d’un préjudice résultant d’une perte de chance caractérisée par la disparition certaine d’une éventualité favorable résultant de ce qu’elle avait pour perspective, en 2017, de réaliser l’achèvement des travaux importants des C.F.A. (centre de formation d’apprentis) pour la Charente ce qui, en d’autres lieux (Loir et Cher), aurait conduit à une augmentation du chiffre d’affaires de 60% qu’elle pondère à 50%.

Elle souligne qu’il convient, pour déterminer le préjudice indemnisable, de multiplier la valeur du gain manqué par la probabilité de son occurrence, ce qui aboutit à une somme moyenne de 5 275 euros dont elle réclame le versement.

La Chambre des métiers soutient néanmoins à raison que cette prétention n’est pas suffisamment étayée et que l’allégation d’une hausse de chiffre d’affaires de 50% pour l’année 2017 n’est pas démontrée. La SAS Opendisplay ne peut, en effet, invoquer l’existence d’un préjudice résultant d’une perte de chance alors que le C.F.A. du BTP de la Charente ne dépend pas de la Chambre des Métiers de sorte que l’appelante ne pouvait dès lors y faire référence dans la brochure.

L’intimée maintient en outre à juste titre qu’aucun élément du dossier de la SAS Opendisplay ne permet de corréler l’augmentation présentée du chiffre d’affaires dans le Loir et Cher entre 2014 et 2017, avec une augmentation du chiffre d’affaires en Charente. Il doit être ajouté que l’appelante ne démontre pas avoir prospecté d’annonceurs publicitaires pour l’année 2017 ce qui la prive de la possibilité d’invoquer la perte de chance consistant en la diminution d’un gain attendu.

La SAS Opendisplay sera en conséquence déboutée de sa demande.

Sur l’indemnisation du préjudice moral

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d’agir, tel le défaut de qualité, d’intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée.

La SAS Opendisplay fait valoir que la perte du contrat dont s’est rendue fautive la Chambre des Métiers lui est préjudiciable économiquement, surtout compte-tenu de sa ‘taille restreinte’. Elle soutient que les manquements de son cocontractant, consistant en l’absence de respect des obligations de loyauté, de collaboration et de bonne foi, ont engendré des répercussions financières, morales et professionnelles dans les relations qu’elle entretient avec les entreprises démarchées qui s’abstiennent dès lors de travailler avec elle en l’absence de toute accréditation. Elle estime dès lors que sa réputation est atteinte et réclame en conséquence la condamnation de son ancienne cocontractante au paiement de la somme de 1 500 euros.

La Chambre des métiers ne peut soutenir que la demande présentée pour la première fois en cause d’appel au titre de la réparation du préjudice moral, est irrecevable alors qu’elle ne soulève pas cette fin de non-recevoir dans le dispositif de ses dernières conclusions. La demande formée au titre d’un préjudice complémentaire ne constitue pas en toute hypothèse une prétention nouvelle ainsi que le prévoit l’article 566 du code de procédure civile.

La rupture du son engagement contractuel effectuée sans préavis ni motif par la Chambre des métiers alors que le contrat était en cours depuis 4 ans, a entraîné des répercutions sur la réputation et l’image de l’appelante. La rupture abusive du contrat l’a également obligée à procéder à une réorganisation afin de faire face à la situation nouvelle ainsi créée. Cette situation lui a occasionné un préjudice qui doit être indemnisé.

La Chambre des métiers sera en conséquence condamnée à verser à la SAS Opendisplay une indemnité de 1 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral.

Il sera fait application au profit de l’appelante des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel, le jugement de première instance étant par ailleurs confirmé quant au montant de l’indemnité accordée.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 mars 2019 par le tribunal d’instance d’Angoulême ;

Y ajoutant :

Condamne la Chambre départementale des métiers et de l’artisanat de la Charente à payer à la Société par Actions Simplifiées Opendisplay les sommes de :

—  1 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

—  1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;.

Rejette les autres demandes présentées par la Société par Actions Simplifiées Opendisplay ;

Condamne la Chambre départementale des métiers et de l’artisanat de la Charente aux dépens d’appel.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


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