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Nos Conseils:
– Sur la résiliation judiciaire: – Sur le non respect de la dignité et le harcèlement sexuel: – Sur les manquements à l’obligation de sécurité et à l’exécution du contrat: |
→ Résumé de l’affaireMme [A] a été embauchée en tant que cuisinière à domicile le 30 novembre 2018 par M. [Y]. Victime d’un accident du travail, elle a été en arrêt de travail puis en arrêt maladie. Après avoir demandé une rupture conventionnelle, elle a été déclarée inapte à tout poste par la médecine du travail. Suite à un entretien préalable, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Le conseil de prud’hommes de Toulouse a rejeté sa demande de résiliation judiciaire mais a condamné M. [Y] à lui verser des sommes au titre d’indemnités et de salaires. Mme [A] a interjeté appel de ce jugement et demande à la cour la résiliation judiciaire de son contrat de travail, des dommages et intérêts pour travail dissimulé, harcèlement sexuel, heures supplémentaires, non-déclaration à la médecine du travail, etc. M. [Y] demande la confirmation du jugement et des sommes à lui verser par Mme [A].
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°2024/186
N° RG 22/02544 – N° Portalis DBVI-V-B7G-O4EM
MD/CD
Décision déférée du 01 Juin 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Toulouse
( F 20/00496)
M. [H]
Section Activités Diverses
[W] [I] épouse [A]
C/
[D] [R] [Y]
INFIRMATION PARTIELLE
Grosses délivrées
le 14/6/24
à Me ROY-EXCOFFIER, Me FAURE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANTE
Madame [W] [I] épouse [A]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Charlotte ROY-EXCOFFIER, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIM”
Monsieur [D] [R] [Y]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Aurélie FAURE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C.BRISSET, présidente, et M. DARIES, conseillère, chargée du rapport. Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
M. DARIES, conseillère
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffière, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
Mme [W] [A] a été embauchée le 30 novembre 2018 par M. [D] [R] [Y] en qualité de cuisinière à domicile suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des salariés du particulier employeur, pour une durée hebdomadaire de 38H30 du lundi au dimanche.
Mme [A], victime d’un accident du travail le 30 novembre 2018, a été placée en arrêt de travail jusqu’au 06 janvier 2019 et repris son emploi du 07 janvier au 1er juillet 2019, date à laquelle elle a été en arrêt maladie, prolongé à plusieurs reprises.
Par courrier du 29 novembre 2019, Mme [A] a sollicité une rupture conventionnelle.
Par décision de la MDPH du 26 novembre 2020, Mme [A] bénéficie de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés pour la période du 01-02-2020 au 31-01-2030.
Mme [A] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 6 mai 2020 pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail et demander le versement de diverses sommes.
Par visite de reprise du 8 avril 2021, la médecine du travail a déclaré Mme [A] inapte à tout poste.
Après avoir été convoquée par courrier du 26 mai 2021 à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé au 7 juin 2021, Mme [A] a été licenciée par courrier du 14 juin 2021 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section activités diverses, par jugement du 1er juin 2022, a :
– jugé que la demande de résiliation judiciaire de Mme [A] est rejetée,
– condamné M. [Y] à payer à Mme [A] les sommes suivantes :
1 158,81 euros au titre de l’indemnité contractuelle de congés payés,
2 332,87 euros au titre du salaire du 9 mai 2021 au 14 juin 2021.
– débouté Mme [A] du surplus de ses demandes,
– débouté M. [Y] de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 6 juillet 2022, Mme [W] [A] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 16 juin 2022, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 19 avril 2024, Mme [W] [I] ep [A] demande à la cour de :
– infirmer le jugement,
Et statuant à nouveau,
– prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail à la date de son licenciement, soit le 14 juin 2021, ayant pour conséquence un licenciement nul,
– dire que l’attitude de M. [Y] à son égard est constitutive de harcèlement sexuel,
– dire que M. [Y] a dissimulé les heures qu’elle a accomplies,
– condamner M. [Y] à lui verser, sauf à parfaire, les sommes suivantes :
17 082,71 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-déclaration à la médecine du travail,
1 908,90 euros au titre des dimanches travaillés non majorés et non compensés,
4 115,59 euros à titre d’indemnité de congés payés.
A titre subsidiaire,
– prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail à la date de son licenciement, soit le 14 juin 2021,
– dire que la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul,
– condamner M. [Y] à lui verser les sommes suivantes, sauf à parfaire :
5 495,55 euros, à titre d’heures supplémentaires,
11 587,56 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
4 115,59 euros à titre d’indemnité de congés payés,
5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-déclaration à la médecine du travail,
1 908,90 euros au titre des dimanches travaillés non majorés et non compensés.
A titre infiniment subsidiaire,
– prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail à la date de son licenciement, soit le 14 juin 2021,
– dire que la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner M. [Y] à lui verser les sommes suivantes, sauf à parfaire :
5 495,55 euros, à titre d’heures supplémentaires,
4 115,59 euros à titre d’indemnité de congés payés,
5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-déclaration à la médecine du travail,
1 908,90 euros au titre des dimanches travaillés non majorés et non compensés.
– par ailleurs, il est demandé à la Cour de débouter M. [Y] de son appel incident et, en conséquence, confirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a condamné M. [Y] à lui verser la somme de 2 332,87 euros brute à titre de rappel de salaire sur la période 9 mai 2021 au prononcé du licenciement, le 14 juin 2021.
En tout état de cause,
– ordonner la remise des bulletins de paie de juillet 2019 au prononcé du licenciement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
– ordonner la remise des documents de rupture rectifiés, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
– débouter M. [Y] de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,
– condamner M. [Y] à lui verser la somme de 3 000 euros TTC au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 18 avril 2024, M. [D] [R] [Y] demande à la cour de :
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
* jugé qu’aucun manquement ne saurait lui être reproché,
* rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [A],
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il :
* l’a condamné à verser à Mme [A] les sommes suivantes :
1158,80 à titre d’indemnité contractuelle de congés payés,
2332,87 à titre de rappel de salaire du 9 mai 2021 au 14 juin 2020,
* l’a débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
En conséquence,
– débouter Mme [A] de l’intégralité de ses prétentions,
– condamner Mme [A] à lui verser :
2 332,87 euros à titre de rappel de salaire du 9 mai au 14 juin 2021 indûment perçu,
1500 euros à titre de rappel de congés payés indûment perçu,
– rejeter la demande d’exécution provisoire du jugement à intervenir.
A titre reconventionnel,
– condamner Mme [A] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 22 avril 2024.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Sur la résiliation judiciaire:
L’article 1224 du code civil tel qu’applicable au litige permet à l’une ou l’autre des parties à un contrat synallagmatique d’en demander la résolution judiciaire en cas d’inexécution des obligations découlant de ce contrat.
Les manquements de l’employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d’une gravité suffisante.
Lorsque, comme en l’espèce, un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail est justifiée par des manquements de l’employeur d’une gravité suffisante.
Mme [A] sollicite à titre principal la résiliation judiciaire du contrat de travail emportant les effets d’un licenciement nul pour non respect de la dignité et harcèlement sexuel et à défaut, sans cause réelle et sérieuse, en raison de divers manquements de l’employeur à savoir: le non respect des dispositions du contrat de travail et le manquement à l’obligation de sécurité, le non-paiement des heures supplémentaires et du travail du dimanche et la non-affiliation à la médecine du travail.
– Sur le non respect de la dignité et le harcèlement sexuel
L’article L 1153-1 du code du travail ( dans sa version applicable à la date du litige) dispose qu’aucun salarié ne doit subir des faits :
1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.
L’article L 1153-5 dispose que l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel.
Aux termes de l’article L 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à des faits de harcèlement au sens des articles L 1152-1 à L 1152-3 [harcèlement moral] et L. 1153-1 à L. 1153-4 [harcèlement sexuel] du code du travail, le salarié présente des élémens de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Selon l’article L4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’article L4121-2 du même code précise que l’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants:
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source (..) ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2.
Mme [A] est salariée de M. [Y], particulier employeur.
Elle soutient qu’à partir de mai 2019, ce dernier a sollicité des «faveurs sexuelles ».
A cet effet l’appelante produit des attestations de:
. Mme [F] [A], sa fille, engagée comme femme de ménage en mai 2019 qui écrit avoir été licenciée [en juillet 2019] pour ne pas avoir cédé aux avances de l’employeur qui lui disait: ‘ je peux vous payer si vous acceptez le jeu’, se touchait et lui demandait de le toucher; elle ajoute qu’il a eu le même comportement avec sa mère,
. Mme [C], infirmière, intervenant auprès de M. [Y], indique que [F] [A] a quitté son emploi suite aux propos désagréables de l’employeur, dont elle faisait part et que sa mère demeurait serviable malgré la mauvaise humeur de celui-ci,
.Mme [N], amie, déclare avoir constaté l’état dépressif de l’intéressée depuis qu’elle travaillait chez M.[Y] et qui a commencé à la suite de l’attaque du chien de celui-ci puis Mme [A] lui a confié à plusieurs reprises que l’employeur lui faisait des avances sexuelles tout en se touchant physiquement,
. M.[T], ami, explique que Mme [A] lui a déclaré par téléphone que son employeur n’avait pas de respect pour elle ( il se touchait le sexe à plusieurs reprises devant elle),
et des échanges SMS du 05 août 2019 entre elle et une destinataire ‘[W]’ qu’elle précise être Mme [W] [P], ancienne salariée et aide ménagère, remplacée par Mme [F] [A], aux termes desquels Mme [P], laquelle attend ses documents de fin de contrat, demande à l’appelante si elle a été indemnisée suite à l’accident avec le chien , ce à quoi Mme [A] répond :
‘J’ai le moral à zéro (..) Tout le monde me dit d’aller porter plainte (..) Personne ne me croira on me dit que non mais moi je suis sure que oui je le sens trop seul au monde c’est horrible ‘ puis ‘ celle qui s’en est bien tirée c’est ma fille toi et moi on a été trop gentille avec lui’.
L’appelante communique en outre un compte-rendu du psychologue du 27-09-2020 repris par le médecin traitant, faisant état d’une décompensation anxio-dépressive et de ce qu’elle a relaté avoir subi une attaque du chien de l’employeur pour laquelle un dépôt de plainte n’a pas abouti et avoir refusé des relations sexuelles avec l’employeur qui prononçait des propos dégradants.
A la lecture des différentes attestations, le témoignage de la fille de l’appelante, engagée à la demande de celle-ci sera accueilli avec circonspection; elle déclare avoir subi des propositions sexuelles de M. [Y] comme sa mère mais elle ne précise ni date ni circonstance concernant l’appelante.
Il sera relevé que les témoignages des deux amis de Mme [A] ne font que relater ses propos et que ceux de Mme [P] et Mme [C], intervenantes au service de M. [Y], ne font état d’aucun grief de l’appelante ou de sa fille concernant des comportements ou propos sexualisés mais seulement d’une mauvaise humeur de l’employeur.
De même les SMS échangés avec Mme [P] se rapportent pour celle-ci à un contentieux sur les documents de fin de contrat et pour Mme [A], à celui concernant l’agression par le chien de l’employeur.
Le compte-rendu du psychologue ne fait que rapporter les déclarations de la patiente.
Aussi la cour estime que les éléments versés pris dans leur ensemble ne permettent pas de laisser supposer l’existence d’un harcèlement sexuel de la part de l’employeur et l’appelante sera déboutée de sa demande tendant au prononcé d’une résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement nul et de sa demande de dommages et intérêts afférents.
– Sur les manquements à l’obligation de sécurité et à l’exécution du contrat
Selon le contrat de travail, la durée de travail est de 38H30 par semaine pour une rémunération mensuelle nette de 1500 euros outre 10% de congés payés, pour 166,83 heures par mois.
L’appelante argue que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en la faisant travailler alors qu’elle était arrêtée pour accident du travail du 01-12-2018 au 06-01-2019, pendant les 2 réveillons de noël 2018 et 1er de l’an 2019.
Sur l’exécution du contrat, elle remarque que les bulletins de salaire afférents à l’utilisation du chèque emploi service universel CESU ne sont pas établis en conformité avec les 166,83 heures de travail contractuelles mensuelles.
Le bulletin de janvier 2019 ( mois travaillé à compter du 07-01) mentionne 0 heure pour un paiement de 750,00 euros net et ceux à compter de février 2019 portent 130 H pour un salaire net de 1500 euros.
Elle reconnaît ne pas avoir subi de perte de salaire par le fait que le taux horaire net a augmenté en rapport aux 130 heures mais avoir perdu en termes de droits sociaux comme les droits au chômage, 36,83 heures par mois.
L’intimé dénie tout manquement de quelque nature et oppose qu’en tout état de cause, les griefs allégués sont anciens.
Sur ce
Mme [A] a été placée en arrêt à compter du 30 novembre 2018 renouvelé jusqu’au 06 janvier 2019.
Elle produit quatre attestations de ses proches certifiant qu’elle a travaillé pendant cette période pour M. [Y] ayant reçu sa famille pour les fêtes de fin d’année, lors du réveillon du 24 décembre 2018 pour aider Mme [L], ancienne cuisinière et lors du réveillon du 31 décembre, en l’absence de cette dernière laquelle était malade.
Ces témoignages ne peuvent être écartés du seul fait qu’ils émanent de la famille de l’appelante.
Celui de Mme [L] versé par l’employeur évoque seulement ses tâches quotidiennes et un comportement courtois de M. [Y].
Le bulletin de salaire du mois de décembre 2018 mentionne zéro heure de travail et un salaire net horaire de zéro mais aussi un salaire net payé de 1000 euros, dont aucune des parties n’indique s’il a été versé.
A défaut par l’employeur d’opposer des éléments pertinents de contradiction sur ces soirées, la cour considère que Mme [A] a travaillé en contrevenance de l’arrêt de travail, ce qui constitue un manquement par l’employeur à son obligation de sécurité.
S’agissant des bulletins de salaire à compter de janvier 2019, la cour relève que la salariée n’a procédé à aucune alerte sur les mentions erronées dont elle avait connaissance et qui n’ont pas fait obstacle au paiement du montant de sa rémunération prévue au contrat. En outre elle ne justifie pas d’une perte en terme d’allocations chômage puisque selon l’attestation du 13-08-2021 de Pôle emploi, la durée de ses droits est égale au maximum de la durée d’indemnisation de 730 jours au vu de son âge.
– Sur le non paiement des heures supplémentaires et du travail du dimanche ( 24 dimanches)
L’exclusion par la loi de l’application des dispositions relatives à la durée du travail au salarié du particulier employeur ne lui interdit pas d’obtenir le paiement des heures de travail qu’il a effectuées, dont la preuve relève du régime probatoire spécifique prévu à l’article L 3171-4 du code du travail .
Celui-ci prévoit qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié . Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié au soutien de sa demande, le juge forge sa conviction, après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
L’article 15 de la convention collective nationale du particulier employeur dispose: ‘ Le jour habituel de repos doit figurer au contrat. Le repos hebdomadaire doit avoir une durée minimale de 24 heures cousécutives et être donné de préférence le dimanche. Le travail, le jour de repos hebdomadaire, ne peut être qu”exceptionnel. Si un travail est exécuté, à la demande de 1’employeur, il sera rémunéré au tarif normal majoré de 25 % ou récupéré par un repos équivalent, majoré’ dans les mêmes proportions.’.
Le contrat de travail prévoit un temps de travail hebdomadaire de 38,30 H et des horaires de 11 H à 14 H et de 18 H 30 à 21 H du lundi au dimanche outre que les jours de repos hebdomadaires sont pris lors des absences de M. [Y].
Mme [A] explique qu’exerçant la fonction de cuisinière, elle effectuait également les courses nécessaires à la préparation des repas du matin, du midi et du soir de l’employeur et de sa famille qu’il recevait fréquemment.
Elle indique qu’avant le retour de M. [Y] d’un voyage en Chine le 12 avril, elle a fait des courses et préparé le repas pour son arrivée, de même le 24 avril pour son retour d’hospitalisation, précisant qu’elle l’avait accompagné le 17 avril à l’hôpita1 après avoir appelé les pompiers et elle est restée à son chevet.
Elle affirme qu’elle a travaillé en continu du lundi au dimanche compris, sans repos compensateur, ni perception de la majoration applicable et au-delà de l’horaire contractuel pour des tâches complémentaires et qu’ainsi l’employeur est redevable de 392 heures supplémentaires pour un montant de 5495,55 euros.
Elle communique à cet effet un calendrier pour la période de janvier au 07 juillet 2019 comportant les heures détaillées de travail journalier et se réfère aux attestations de Mesdames [C], [B] et [P], également employées par M. [Y].
L’appelante argue également à l’appui de ce récapitulatif des heures accomplies qu’elle n’a pas bénéficié d’un repos hebdomadaire de 24H consécutives, ayant travaillé presque tous les dimanches et pris seulement quelques samedis de repos.
L’ensemble des éléments produits par la salariée est suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre.
M.[Y], qui réfute tout accomplissement d’heures supplémentaires, réplique que:
. le récapitulatif par jour a été établi pour les besoins de la cause, ne tenant pas compte des absences de l’employeur du 06 au 12 avril pour voyage et du 17 au 23 avril pour hospitalisation,
. Mme [L], ancienne salariée, confirme que l’intéressée n’a pas travaillé au-delà des heures prévues,
. le jour de congé de l’appelante était le samedi.
Sur ce:
A l’examen du récapitulatif des heures dites réalisées (pièce 40) pour le 1er semestre 2019, Mme [A] a bénéficié d’un repos le samedi, 3 fois pour la journée en janvier, le matin seulement en février et en mars, 2 fois en journée en avril (absence de l’employeur pour voyage et hospitalisation) et une journée en mai de même en juin.
Les dimanches ont été travaillés sauf les 7 et 21 avril.
Mme [P], aide ménagère dont la fille de Mme [A] prendra la suite, atteste que l’appelante l’a remplacée pendant ses congés du 01 au 12 mai et après sa reprise le 13 mai, M. [Y] l’a faite venir pendant 3 jours pour lui monter le petit déjeuner.
Mme [C], infirmière, intervenant matin, midi et soir, explique que Mme [A] ouvrait le portail pour lui permettre de faire les soins, et parfois le matin c’était sa fille laquelle portait le petit déjeuner jusqu’à la rupture du contrat; en outre l’intéressée sollicitait des conseils pour la cuisine que M. [Y] ne respectait pas.
L’attestation de Mme [B], infirmière, ne peut être retenue car n’est pas jointe de carte d’identité permettant de vérifier l’identité de son auteur.
Mme [L], salariée cuisinière pendant plusieurs années, atteste au profit de l’employeur que ce dernier lui faisait confiance pour la préparation des plats, que par choix elle effectuait les courses tous les jours pour avoir des idées mais elle aurait pu les réaliser une fois tous les 15 jours; entre la préparation des plats et le service, les heures étaient allégées et non contraignantes.
M. [Y] ne produit pas de document de contrôle des heures effectivement accomplies et ne justifie pas que l’appelante a pu bénéficier régulièrement d’un jour de repos complet.
Si les témoignages de Mesdames [P] et [C] corroborent que l’appelante était présente le matin, il n’est pas précisé l’heure ni la période et Mme [A] ne démontre pas, au vu de l’attestation de Mme [L] et de la présence d’autres intervenantes (infirmière-aide ménagère), quelles tâches nécessitaient l’accomplissement d’heures supplémentaires à hauteur de celles qu’elle réclame.
Aussi au vu des éléments de la procédure, la cour estime que l’appelante a réalisé des heures supplémentaires pour un montant de 1831,85 euros, que M.[Y] sera condamné à payer outre 1908,90 euros au titre des dimanches travaillés non majorés.
– Sur le travail dissimulé
En application de l’article L. 8221-5 du code du travail, est réputé dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de salaire un nombre de travail inférieur à celui réellement accompli.
Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
Mme [A] allègue que l’employeur a minoré volontairement le nombre d’heures payées et n’a pas déclaré toutes celles accomplies.
La cour estime que le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi nécessaire à l’établissement du travail dissimulé ne peut se déduire de la mention erronée du nombre d’heures dans le cadre du dispositif CESU lesquelles ont été payées selon la rémunération fixée au contrat ou de l’accomplissement d’heures supplémentaires par Mme [A] du fait de l’absence de contrôle des heures de travail effectivement réalisées.
Mme [A] sera déboutée de sa demande en ce sens.
– Sur la non affiliation auprès de la médecine du travail
Mme [A] a pris connaissance de cette absence d’affiliation non à la date de la saisine de la juridiction prud’homale mais à la suite de la notification le 27 octobre 2020 par le médecin de la sécurité sociale de ce que l’arrêt de travail n’étant plus médicalement justifié, les indemnités journalières ne seraient plus perçues à compter de fin novembre 2020.
Sollicité, l’employeur a régularisé la situation (confer la facture du service SSTMC du 28-01-2021 exigible le 27-02-2021).
Mme [A] a pu bénéficier d’une pré-visite de reprise le 01 avril 2021 puis d’une visite de reprise le 08 avril 2021 après échange avec l’employeur le 19 mars 2021.
L’appelante affirme qu’elle a été privée de tout revenu à compter de fin novembre 2020 jusqu’à son inscription au chômage suite au licenciement pour inaptitude notifié le 14 juin 2021, ce qui lui a causé préjudice et dont elle demande réparation à hauteur de 5000 euros de dommages et intérêts.
L’employeur conclut au débouté.
La cour constate que si une régularisation est intervenue, elle n’a pas eu d’effet immédiat puisque la visite de reprise n’a pu intervenir que 4 mois après la fin du versement des indemnités journalières et le licenciement ouvrant droit aux indemnités chômage a eu lieu en juin.
Si Mme [A] ne justifie pas d’une perte financière à hauteur de 5000 euros, la cour estime qu’elle a subi un préjudice financier et M. [Y] sera condamné à verser 1000,00 euros de dommages et intérêts à ce titre.
Au vu de ces développements, relèvent d’un non respect de l’obligation de sécurité par l’employeur ayant eu une incidence sur l’état de santé de Mme [A], les griefs existant à la date de la saisine du conseil de prud’hommes (travail pendant les réveillons de fin d’année alors que la salariée était en arrêt – heures supplémentaires couplées avec une absence régulière de repos hebdomadaire ayant perduré pendant plusieurs mois ).
Ces manquements sont suffisamment graves pour justifier le prononcé de la résiliation judiciaire emportant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 14 juin 2021.
Sur les demandes financières
La cour constate que le dispositif des conclusions de la salariée, qui seul saisit la cour, ne comporte pas de demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– Sur l’indemnité contractuelle de congés payés
Le contrat de travail prévoit que la salariée percevra une rémunération nette de 1500 euros majorée de 10% au titre des congés payés.
Le conseil de prud’hommes a condamné l’employeur à payer 1158,81 euros de rappel de congés payés non mentionnés sur les bulletins de salaire.
L’intimé a formé appel incident, sollicitant l’infirmation du jugement à ce titre mais il ne présente aucun moyen.
Au vu des pièces, il convient de confirmer le conseil de prud’hommes sur ce chef de demande.
– Sur le rappel de salaire pour la période du 09 mai au 14 juin 2021
L’article L 1226-4 du code du travail impose à l’employeur, lorsque le salarié n’a été ni reclassé ni licencié dans le délai d’un mois de l’avis d’inaptitude, de le rémunérer à l’issue de ce délai.
L’appelante énonce que M. [Y] n’a pas repris le versement du salaire entre le 9 mai 2021, soit un mois après la déclaration d’inaptitude avec impossibilité de reclassement du 08 avril 2021et le prononcé du licenciement le 14 juin 2021.
Elle sollicite l’application de l’article L 1226-4 du code du travail et prétend au paiement de 2 332,87 euros de rappel de salaire.
L’intimé soulève l’irrecevabilité de la demande présentée au cours de la procédure de première instance au motif qu’elle se rapporte au licenciement pour inaptitude prononcé en juin 2021 et non à la demande de résiliation judiciaire. Il oppose en outre que les dispositions de l’article L 1226-4 du code du travail ne sont pas applicables au salarié d’un particulier-employeur.
Sur ce
L’article 70 du code de procédure civile dispose que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Le prononcé d’une résiliation judiciaire du contrat de travail emporte les effets d’un licenciement sans cause, sans exclure les droits ouverts au salarié au regard de la nature du licenciement prononcé postérieurement à la demande et qui en l’espèce l’a été pour inaptitude.
Dès lors, la prétention au titre de l’article L 1224-6 du code du travail est recevable.
La convention collective du particulier employeur dispose dans son article 12 que l’employeur doit mettre fin au contrat de travail du salarié déclaré inapte par la médecine du travail et qui ne peut être reclassé dans un emploi différent, dans le délai d’un mois.
L’article L 7221-2 du code du travail énumère les dispositions du code du travail applicables aux salariés du particulier employeur.
L’inaptitude constatée suite à un accident ou une maladie d’origine ou non professionnelle, ouvre droit, pour le salarié, notamment à la reprise du paiement du salaire à défaut du reclassement dans le délai d’un mois.
Il convient d’appliquer ces dispositions favorables à tous les salariés y compris aux employés de maison, par analogie avec l’application de l’article L 1226-14 du code du travail s’agissant de l’indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle.
Aussi la condamnation par le conseil de prud’hommes au paiement du rappel de salaire de 2332,87 euros sera confirmée.
– Sur le rappel de congés payés calculés sur la période d’arrêt maladie du 01-07-2019 au 14-06-2021
Mme [A] percevait un salaire mensuel intégrant une indemnité de 10% au titre des congés payés.
Elle réclame un rappel de congés payés calculés sur les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie non professionnelle suite aux arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 selon lequel le droit à l’acquisition de congés payés annuels du salarié ne peut être subordonné à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période de référence.
Elle réclame paiement de 4115,59 euros à titre d’indemnité de congés payés, calculés sur la base d’un salaire brut de 1756,32 euros dont 175,63 euros d’indemnité de congés payés et de 2,5 jours de congés par mois sur une période de 23 mois et 13 jours.
L’intimé conclut à l’irrecevabilité de la demande formulée pour la première fois en cause d’appel et au fond au calcul d’une indemnité ramenée à 3089 euros en application des règles européennes.
Sur ce
Aux termes de l’article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
L’article 566 du même code dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l’espèce, la demande est recevable car elle se rapporte à l’exécution du contrat de travail et découle d’un nouveau régime applicable en cours d’instance.
La loi du 22 avril 2022 applicable à compter du 24 avril 2024 a modifié le droit des congés payés et procédé à une mise en conformité du code du travail avec le droit de l’Union, en modifiant par son article 37 les articles L. 1251-19 et L 3141-5 du code du travail.
La loi prévoit que les salariés en arrêt de travail continuent d’acquérir des congés payés, quelle que soit l’origine de la maladie ou de l’accident.
L’article L 3141-5 dispose ainsi que sont considérées comme période de travail effectif par ajout du « 7° Les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’arrêt de travail lié à un accident ou une maladie n’ayant pas un caractère professionnel. » ;
Il est inséré un article L. 3141-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3141-5-1. – Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 3141-3, la durée du congé auquel le salarié a droit au titre des périodes mentionnées au 7° de l’article L. 3141-5 est de deux jours ouvrables par mois, dans la limite d’une attribution, à ce titre, de vingt-quatre jours ouvrables par période de référence mentionnée à l’article L. 3141-10. » ;
Dès lors, le salarié en arrêt de travail à la suite d’une maladie ou d’un accident d’origine non professionnelle acquiert 4 semaines de congé par an.
Cette disposition s’applique de manière rétroactive pour la période à compter du 01 décembre 2009 au 24 avril 2024, et donc à l’espèce.
M. [Y] sera en conséquence condamné à payer la somme de 3089 euros, selon le calcul établi, au titre des congés payés afférents à la période de maladie non professionnelle.
Sur les demandes annexes
M.[Y] devra remettre à Mme [A] un bulletin de salaire récapitulatif et les documents de fin de contrat conformes à l’arrêt sans qu’il y ait lieu à astreinte,
M. [Y], partie perdante, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.
Mme [A] est droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l’occasion de cette procédure.
M. [Y] sera condamné à lui verser une somme de 2000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [Y] sera débouté de sa demande à ce titre.