La résiliation d’un contrat d’édition intervenue à l’initiative de la société Taboola à raison de la publication, par la société Valmonde, d’un contenu prétendument illicite sur le seul support papier du journal « Valeurs Actuelles », n’est pas jugée comme manifestement illicite.
Aux termes du « contrat éditeur » conclu entre les parties « l’éditeur ne mettra pas en place la Plate-forme sur des Biens qui comportent un contenu conçu pour promouvoir la haine de tout groupe social basé sur, sans que cela soit limitatif, l’ethnie, la race, la religion, l’orientation sexuelle, le statut de genre ou transgenre, ou conçu pour harceler, offenser, choquer, ou causer ou favoriser un préjudice à tout individu .
Le contrat précise que les « Biens » au sens du contrat, étaient les sites internet « valeursactuelles.com » et « mieuxvivre-votreargent.fr » ; il résulte clairement de ces stipulations que seule la publication sur la plate-forme en ligne de contenus constituant une violation du contrat autorisait la société Taboola à résilier unilatéralement et immédiatement le « contrat éditeur » conclu avec l’exposante.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique 14 septembre 2022, n° 21-18.292 COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 septembre 2022 Rejet non spécialement motivé M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Décision n° 10500 F Pourvoi n° S 21-18.292 DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 SEPTEMBRE 2022 La société Valmonde et cie – compagnie française de journaux, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-18.292 contre l’arrêt rendu le 7 avril 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 1, chambre 3), dans le litige l’opposant à la société Taboola France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations écrites de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Valmonde et cie – compagnie française de journaux, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Taboola France, et l’avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l’audience publique du 8 juin 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Valmonde et cie – compagnie française de journaux aux dépens ; En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Valmonde et cie – compagnie française de journaux et la condamne à payer à la société Taboola France la somme de 3 000 euros ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l’audience publique du quatorze septembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Vaissette, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE à la présente décision Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Valmonde et cie – compagnie française de journaux. La société Valmonde fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de cette dernière ; 1°/ ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; qu’en affirmant, pour écarter l’existence d’un trouble manifestement illicite, qu’il ne ressortait pas avec l’évidence requise en référé que la résiliation du « contrat éditeur » était manifestement intervenue « en dehors des clauses contractuelles » (cf. arrêt p. 5, §3), sans nullement préciser quelles étaient lesdites clauses contractuelles, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ; 2°/ ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, qu’aux termes de l’article V du « contrat éditeur » conclu entre les parties, « l’éditeur ou Taboola pourront résilier le présent contrat immédiatement dans le cas où l’autre partie ne remédie pas à une violation essentielle du présent contrat [ ] » et que « pour plus de clarté, toute violation du paragraphe 2 (« conditions d’utilisation de la Plate-forme ») sera considérée comme une violation substantielle » ; que le paragraphe 2 du contrat intitulé « conditions d’utilisation de la plate-forme » stipule que « l’éditeur ne mettra pas en place la Plate-forme sur des Biens qui comportent un contenu conçu pour promouvoir la haine de tout groupe social basé sur, sans que cela soit limitatif, l’ethnie, la race, la religion, l’orientation sexuelle, le statut de genre ou transgenre, ou conçu pour harceler, offenser, choquer, ou causer ou favoriser un préjudice à tout individu » ; que l’article II précise, par ailleurs, que les « Biens » au sens du contrat, étaient les sites internet « valeursactuelles.com » et « mieuxvivre-votreargent.fr » ; qu’il résulte clairement de ces stipulations que seule la publication sur la plate-forme en ligne de contenus constituant une violation du paragraphe 2 autorisait la société Taboola à résilier unilatéralement et immédiatement le « contrat éditeur » conclu avec l’exposante ; que pour retenir que la résiliation intervenue à l’initiative de la société Taboola à raison de la publication, par la société Valmonde, d’un contenu prétendument illicite sur le seul support papier du journal « Valeurs Actuelles », n’était pas manifestement illicite de sorte qu’elle ne caractérisait pas un trouble manifestement illicite, la cour d’appel a affirmé qu’il ne ressortait pas « avec l’évidence requise en référé que la résiliation [était] manifestement intervenue en dehors des clauses contractuelles, tant la distinction des deux supports papier et numérique n'[était] pas aussi nette que le prétend[ait] la société Valmonde » (cf. arrêt p. 5, §4) ; qu’en statuant ainsi, cependant que le contrat ne concernait que l’utilisation de la plate-forme en ligne de sorte qu’il n’avait pas vocation à sanctionner un comportement relatif à une publication sur papier, la Cour d’appel a violé l’article 1103 du code civil, ensemble l’article 873 du code de procédure civile ; 3°/ ALORS QU’au surplus, en se fondant, pour retenir que la résiliation intervenue à l’initiative de la société Taboola n’était pas constitutive d’un trouble manifestement illicite, sur la circonstance que la rédaction du journal Valeurs Actuelles avait présenté ses excuses à Madame [K] [L] par l’intermédiaire d’un communiqué publié le 29 août 2020 sur le site valeursactuelles.com (cf. arrêt p. 5, §4), quand un tel communiqué n’était, en toute hypothèse, pas de nature à établir que la publication de l’article litigieux sur la seule revue papier Valeurs Actuelles, constituait une faute de nature à justifier la résiliation du « contrat éditeur » concernant la seule plate-forme en ligne, la Cour d’appel, qui s’est ainsi déterminée par des motifs inopérants, a derechef violé l’article 1103 du code civil, ensemble l’article 873 du code de procédure civile ; 4°/ ALORS QU’en affirmant, pour écarter le moyen soulevé par l’exposante tiré de l’atteinte portée à la liberté de la presse éditoriale résultant de la résiliation du « contrat éditeur » concernant la seule utilisation de la plate-forme en ligne, que le contenu incriminé publié dans le journal papier Valeurs Actuelles, était « susceptible de recevoir une qualification pénale, si bien que l’atteinte à la liberté de la presse n'[était] pas manifeste » (cf. arrêt p. 5, dernier §), cependant que l’exposante ne sollicitait nullement la publication du contenu incriminé sur la plate-forme en ligne mais uniquement la poursuite du « contrat éditeur » jusqu’à son terme, la Cour d’appel, qui a statué pas des motifs inopérants, a violé l’article 1103 du code civil, ensemble l’article 873 du code de procédure civile ; 5°/ ALORS QUE le président du tribunal de commerce peut prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ; que constitue un dommage imminent celui qui ne s’est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente venait à se perpétuer ; que pour écarter l’existence d’un dommage imminent, la cour d’appel a considéré que la société Valmonde n’établissait aucun « péril économique » lié à une perte de revenus publicitaires générés sur internet pendant une période « tout au plus de deux mois et demi » – pour ne prendre que la durée qui s’était écoulée entre la résiliation du précédent contrat conclu avec la société Ligatus et l’entrée en vigueur du contrat conclu avec la société Toboola – nécessaire à la mise en place d’un autre partenariat (cf. arrêt p. 6, §4) ; qu’en statuant ainsi, par référence à la seule durée antérieurement écoulée entre la résiliation de l’ancien contrat et la conclusion du nouveau contrat avec la société Toboola, qui ne présageait pas du temps que la société Valmonde aurait effectivement employé pour trouver un nouveau fournisseur de services équivalents, la Cour d’appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et violé l’article 873 du code de procédure civile. | |