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Une créance de téléphonie mobile (NRJ mobile) n’est pas établie avec l’évidence requise en référé, et nécessite une appréciation approfondie des dispositions contractuelles, si elle porte sur les modalités de résiliation du contrat, ce qui relève de la compétence du juge du fond.
En la cause, l’opérateur fonde sa demande en paiement sur l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, qui dispose que le Président du Tribunal judiciaire peut, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. L’obligation non sérieusement contestable vise aussi bien les créances d’origine contractuelle, quasi contractuelle, délictuelle ou quasi délictuelle, le juge des référés étant cependant tenu de préciser la nature de l’origine de cette créance ou la nature de l’obligation la fondant. Il y a une contestation sérieuse chaque fois que la décision du Juge des référés l’obligerait à se prononcer préalablement sur une contestation relative à l’existence d’un droit ou le conduirait à se prononcer sur le fond du litige, par exemple en portant une appréciation sur la validité, la qualification ou l’interprétation d’un acte juridique. Il est constant qu’une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir le juge du fond. L’article 1103 du Code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. L’article 1104 ajoute que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public. Le litige oppose Monsieur [C] à la société BOUYGUES TELECOM BUSINESS DISTRIBUTION concernant un contrat d’abonnement téléphonique. La société réclame le paiement de 16 221,98 euros TTC ainsi que des frais supplémentaires, tandis que Monsieur [C] conteste la compétence du Tribunal judiciaire de Versailles et demande la nullité de l’assignation. Il soulève également des irrégularités dans la procédure et conteste la résiliation du contrat. La décision a été mise en délibéré pour le 20 août 2024. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
20 AOUT 2024
N° RG 23/01774 – N° Portalis DB22-W-B7H-RWHA
Code NAC : 59B
DEMANDERESSE
Société BOUYGUES TELECOM BUSINESS-DISTRIBUTION, (anciennement dénommée EURO-INFORMATION TELECOM (EIT)), société par actions simplifiée à associé unique inscrite au RCS de NANTERRE sous le N°421 713 892, dont le siège social est [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualité audit siège,
Représentée par Me Oriane DONTOT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617, avocat postulant et par Me Richard ROUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 1446, avocat plaidant,
DEFENDEUR
Monsieur [V] [N] [N] [C],
né le 12 Février 1966 à [Localité 9],
demeurant [Adresse 5] (AUTRICHE)
Représenté par Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627, avocat postulant et par Me Jérôme PUJOL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A 125, avocat plaidant,
***
Débats tenus à l’audience du : 25 Juin 2024
Nous, Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente, assistée de Virginie DUMINY, greffière lors des débats et de Elodie NINEL, greffière placée lors du prononcé,
Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du 25 Juin 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 20 Août 2024, date à laquelle l’ordonnance suivante a été rendue :
Le 29 juin 2011, Monsieur [C] a conclu un contrat d’abonnement téléphonique NJR MOBILE exploité par le CIC Mobile, service de l’opérateur EIT, devenu BOUYGUES TELECOM BUSINESS-DISTRIBUTION (BTBD).
Par acte de Commissaire de Justice en date du 22 novembre 2023, la société BOUYGUES TELECOM BUSINESS DISTRIBUTION a assigné M. [V] [C] en référé devant le Tribunal judiciaire de Versailles.
Aux termes de ses conclusions, la demanderesse sollicite de voir :
– in limine litis, déclarer irrecevable Monsieur [C] en son exception d’incompétence, et à défaut l’en débouter, et se déclarer compétent considérant la dernière adresse connue de Monsieur [C] et le lieu de livraison effectif comme le lieu d’exécution du contrat,
– à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant le Président du Tribunal Judiciaire de Créteil, ou subsidiairement le Président du Tribunal Judiciaire de Nanterre, ou plus susbisdiairement devant le Tribunal de Commerce de Paris,
– condamner Monsieur [C] à lui payer la somme provisionnelle de 16 221,98 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la présente assignation,
– débouter Monsieur [C] de l’ensemble de ses demandes,
– à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire à une audience au fond conformément à l’article 837 alinéa 1 du code de procédure civile,
– condamner Monsieur à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle relève s’agissant de la régularité de l’assignation, qu’aucun grief n’est justifié par M. [C] qui a parfaitement pu s’organiser pour assurer sa défense.
Elle soutient s’agissant de la compétence du juge des référés du Tribunal Judiciaire de Versailles, que Monsieur [C] a communiqué de très nombreuses adresses ([Localité 6], en Autriche, une adresse à [Localité 4] [Adresse 3], une adresse à [Localité 8]) ; que la dernière adresse connue était bien celle de [Localité 4] ; que le juge versaillais est d’autant plus compétent que le lieu de livraison effective et d’exécution de la prestation de service doit être considéré comme étant [Localité 7] qui est le lieu de signature du contrat, au moment ou la carte SIM a pu être mise à disposition et que la ligne a pu être activée.
Sur la demande de paiement, elle précise que son action est fondée sur l’alinéa 2 de l’article 835, à savoir sur l’existence d’une obligation non sérieursement contestable ; qu’un contrat a été signé entre les parties, dont le défendeur a défailli à son obligation de paiement et de restitution, alors que la demanderesse a fourni le produit et le service stipulé, en l’espèce un abonndement téléphonique et téléphone portable fonctionnel ; que la première mensualité locative impayée a été imputée dans une facture du 01/07/22 ;
que Monsieur [C] ne s’étant pas acquitté de son obligation de paiement, cela a entrainé la résiliation du contrat et partant l’exigibilité des impayés antérieurs à ladite résiliation, ainsi que des frais de rupture.
Aux termes de ses conclusions, le défendeur sollicite de voir :
– in limine litis, prononcer la nullité de l’assignation en application des articles 56 et 114 du code de procédure civile,
– subsidiairement, prononcer l’incompétence du Tribunal judiciaire de Versailles en application des articles 42 et 835 du code de procédure civile, et renvoyer l’affaire devant les juridictions compétentes en pareille matière de l’Etat autrichien,
– sur le fond, débouter la société BOUYGUES TELECOM BUSINESS DISTRIBUTION de l’intégralité de ses demandes,
– condamner la société BOUYGUES TELECOM BUSINESS DISTRIBUTION à lui payer la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Il soulève la nullité de l’assignation au visa de l’article 56 du code de procédure civile qui impose au demandeur de préciser dans l’assignation l’heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée, outre que Madame [V] [N] [C] n’existe pas, et au visa des articles 54 et suivants au motif que la demanderesse a fait délivrer une assignation à comparaître devant la juridiction de référé à Versailles alors qu’elle a une parfaite connaissance du fait que le défendeur réside en Autriche.
Il soulève également l’incompétence du Président du Tribunal judiciaire de Versailles au visa de l’article 42 du code de procédure civile qui impose au demandeur de saisir le Tribunal du domicile du défendeur ; qu’il précise qu’il vit en Autriche depuis 8 ans, information que la société BTBD ne pouvait ignorer puisqu’il lui a écrit un courriel le 10 juin 2022 lui précisant qu’il résidait en Autriche et lui communiquant son adresse et que la société BTBD lui a d’ailleurs fait délivrer une assignation à cette adresse autrichienne.
Sur le fond, il relève l’incompétence du juge des référés au visa de l’article 835 du code de procédure civile, en soulignant que la société BTBD ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite, et soutient par ailleurs que la société BTBD a manqué son obligation de bonne foi d’une part dans son devoir d’information dans l’exécution du contrat, d’autre part en omettant d’adresser une mise en demeure régulière préalable à la résiliation du contrat, et enfin en prononçant à tort la résolution du contrat et en agissant en paiement.
La décision a été mise en délibéré au 20 août 2024.
Sur la nullité de l’assignation
L’article 54 du code de procédure civile dispose que la demande initiale est formée par assignation ou par requête. A peine de nullité, la demande initiale mentionne notamment : 1° L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ; 2° L’objet de la demande ; 3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs.
L’article 56 du même code ajoute que l’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice et celles énoncées à l’article 54 : 1° Les lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée ; 2° Un exposé des moyens en fait et en droit ; 3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé ; 4° L’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire. L’assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée. Elle vaut conclusions.
Par ailleurs, aux termes de l’article 114 du même code, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
En l’espèce, l’assignation du 22 novembre 2023 mentionne par erreur “Madame” [C] [V] [N], et non “Monsieur”, et n’indique pas l’heure de l’audience.
Toutefois, il n’est pas justifié que cette erreur et cette omission ont causé un grief au défendeur, lequel a pu parfaitement constituer avocat et faire valoir ses moyens de défense aux termes de conclusions très développées.
Cette exception de nullité sera rejetée.
Sur la compétence territoriale
L’article 42 du code de procédure civile dispose que la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. […] Si le défendeur n’a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s’il demeure à l’étranger.
L’article 46 du même code prévoit que le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur : en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service.
L’article 75 ajoute que la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée.
En l’espèce, il ne ressort pas de la lettre recommandée avec accusé de réception en date du “10 juin” (sans indication de l’année), que la société BTBD ait eu connaissance que l’adresse autrichienne de M. [C] constitue sa résidence habituelle. En tout état de cause, contractuellement, le lieu de signature initial du contrat et de mise à disposition de la prestation téléphonique se situait dans les Yvelines, le “Nom du point de vente” étant “CIC [Localité 7]” et M. [C] étant domicilié “[Adresse 1]”.
Cette exception d’incompétence sera rejetée.
Sur la demande de provision
La demanderesse fonde sa demande sur l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, qui dispose que le Président du Tribunal judiciaire peut, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
L’obligation non sérieusement contestable vise aussi bien les créances d’origine contractuelle, quasi contractuelle, délictuelle ou quasi délictuelle, le juge des référés étant cependant tenu de préciser la nature de l’origine de cette créance ou la nature de l’obligation la fondant. Il y a une contestation sérieuse chaque fois que la décision du Juge des référés l’obligerait à se prononcer préalablement sur une contestation relative à l’existence d’un droit ou le conduirait à se prononcer sur le fond du litige, par exemple en portant une appréciation sur la validité, la qualification ou l’interprétation d’un acte juridique.
Il est constant qu’une contestation serieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir le juge du fond.
L’article 1103 du Code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. L’article 1104 ajoute que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.
En l’espèce, la créance sollicitée n’est pas établie avec l’évidence requise en référé, et nécessite une appréciation approfondie des dispositions contractuelles, notamment des modalités de résiliation du contrat, qui relève de la compétence du juge du fond.
Il n’y a donc pas lieu à référé sur cette demande.
Sur la demande de renvoi au fond
L’article 837 du code de procédure civile dispose qu’à la demande de l’une des parties et si l’urgencele justifie, le président du tribunal judiciaire, saisi en référé, peut renvoyer l’affaire à une audience dont il fixe la date pour qu’il soit statué au fond.
En l’espèce, en l’absence d’urgence justifiée et catactérisée, cette demande sera rejetée.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il y a lieu de condamner la demanderesse, partie succombante, à payer au défendeur la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La demanderesse sera condamnée aux dépens.