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Un établissement de nuit manque à son obligation de jouissance paisible, compte tenu de nombreux troubles de voisinage établis, ce manquement est suffisamment grave pour entraîner la résiliation de son bail.
En l’espèce, les manquements relevés excèdent les inconvénients normaux liés à une activité de discothèque et le fait que l’établissement soit situé dans une zone où exercent d’autres établissements du même type ne saurait l’exonérer de ses propres carences.
L’établissement a fait l’objet de plusieurs arrêtés préfectoraux de fermeture administrative pour « trouble à l’ordre public ».
Les fermetures ont été prononcées en raison, notamment, de fermeture au-delà de l’heure réglementaire, prises en charge sur la voie publique de personnes qui s’étaient alcoolisées au sein de l’établissement, achat de stupéfiants au sein de l’établissement, rixe, incendie d’une poussette devant l’issue de secours de l’établissement ayant entraîné l’évacuation de l’ensemble des habitants.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE LYON 1ère chambre civile A ARRET DU 07 Juillet 2022 N° RG 21/07796 N° Portalis DBVX – V – B7F – N466 Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON Au fond du 14 octobre 2021 Chambre 10 cab 10 H RG : 16/13932 APPELANTE : S.A.R.L. LA MARINA [Adresse 1] [Localité 2] représentée par la SELARL DUREZ AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 1787 INTIMEE : S.C.I. BARIOS [Adresse 1] [Localité 2] représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 475 et pour avocat plaidant la SELARL INCEPTO AVOCATS – DROIT DE L’ENTREPRISE, avocat au barreau de LYON, toque : 703 ****** Date de clôture de l’instruction : 05 Mai 2022 Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Mai 2022 Date de mise à disposition : 07 Juillet 2022 Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : — Anne WYON, président — Françoise CLEMENT, conseiller — Annick ISOLA, conseiller assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier A l’audience, Annick ISOLA a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile. Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Anne WYON, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. **** Selon bail commercial du 26 mars 1987, M. [L] [V] a loué à la société Le Mylord un rez-de-chaussée commercial à destination de café restaurant dancing, situé [Adresse 1]. Par acte sous seing privé du 27 mai 1997, ce bail commercial a été renouvelé pour une nouvelle durée de neuf années, commençant à courir le 25 juin 1996 pour se terminer le 24 juin 2005. A la suite de la liquidation judiciaire de la société Le Mylord prononcée le 4 août 1998, le bail commercial a été cédé à la société Océane, puis à la société La Marina, à la suite de la liquidation de la société Océane, prononcée le 26 juillet 2005. La société Barios a été constituée le 7 février 2008 par M. [I] [E] pour faire l’acquisition du local commercial loué à la société La Marina. Par acte notarié du 28 janvier 2013, les associés de la société La Marina ont cédé l’intégralité de leurs parts sociales, M. [N] [O] étant nommé comme nouveau gérant. Par acte d’huissier de justice du 23 mars 2015, la société Barios a fait délivrer à son locataire un congé avec offre de renouvellement moyennant un loyer déplafonné. La société La Marina a accepté le renouvellement tout en contestant le déplafonnement du loyer. La société Barios s’est plainte de manquements de sa locataire à ses obligations contractuelles, portant notamment sur son obligation au paiement du loyer exigible, sur les dispositions légales applicables aux établissements diffusant de la musique amplifiée, et sur son obligation de jouissance paisible. Le 17 novembre 2016, la société Barios a assigné à jour fixe la société La Marina devant le tribunal de grande instance de Lyon. Par jugement en date du 23 mars 2017, le tribunal a : — débouté la société Barios de sa demande de constat de la clause résolutoire, — débouté la société Barios de sa demande au titre de l’indemnité d’occupation, — débouté la société Barios de sa demande tendant à voir ordonner l’expulsion de la société La Marina, et de ses demandes annexes, — débouté la société Barios de sa demande de résiliation judiciaire du bail pour défaut de paiement des loyers, — avant dire droit sur la demande de résiliation judiciaire pour manquement à l’obligation de jouissance paisible au regard de la réglementation concernant les nuisances sonores, ordonné une expertise et désigné M. [R], pour y procéder, — sursis à statuer sur les autres demandes. Des ordonnances de changement d’expert sont intervenues les 28 avril et 11 mai 2017, M. [B] étant finalement désigné pour réaliser la mesure d’expertise. Par ordonnance en date du 15 mai 2019, le juge de la mise en état a constaté la carence de l’expert, a mis fin à la mesure d’expertise et a renvoyé l’affaire à la mise en état. Par jugement du 14 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Lyon a : — déclaré recevable la demande en résiliation judiciaire du bail commercial formée par la société Barios, — prononcé la résiliation du bail aux torts exclusifs de la société La Marina, — ordonné, à défaut de départ volontaire de la société La Marina dans le délai de deux mois à compter de la signification de la décision, son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef, — débouté la société La Marina de ses demandes de dommages et intérêts et d’expertise, — condamné la société La Marina à payer à la société Barios la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, — dit n’y avoir lieu à exécution provisoire, — rejeté le surplus des demandes. Le 25 octobre 2021, la société La Marina a relevé appel de cette décision. Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 29 décembre 2021, la société La Marina demande, en substance, à la cour de : — infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il n’a pas ordonné l’exécution provisoire ; Et statuant à nouveau, A titre liminaire, — juger que la demande de résiliation judiciaire de la société Barios au motif que la société La Marina contrevient à son obligation de jouissance paisible est irrecevable compte tenu de l’autorité de la chose jugée, En conséquence, — débouter la société Barios de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, A titre principal, — débouter la société Barios de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, A titre reconventionnel, — condamner la société Barios à l’indemniser de l’ensemble de ses préjudices dont le montant doit être équivalent à une indemnité d’éviction, — désigner un expert judiciaire, aux frais avancés de la société Barios, avec pour mission de chiffrer l’indemnité d’éviction due à la société La Marina, En toute hypothèse, — condamner la société Barios à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que des entiers dépens de l’instance incluant les frais d’exécution. Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 28 janvier 2021, la société Barios demande à la cour de : — confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, Y ajoutant, — autoriser la société Barios à s’adjoindre le concours de la force publique pour procéder à l’expulsion de la société La Marina et de tous occupants de son chef de départ volontaire dans le délai de deux mois à compter de la signification de l’arrêt, — condamner la société La Marina à lui payer la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire signifié le 6 janvier 2022. Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens. L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 mai 2022. MOTIFS DE LA DECISION A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens. La cour observe qu’« à titre liminaire », la société La Marina, d’une part, demande à la cour de « juger » irrecevable la prétention relative à la résiliation du bail fondée sur le trouble de jouissance, d’autre part, en déduit qu’il convient de l’en débouter, c’est-à-dire de statuer au fond, ce qui apparaît antinomique. A supposer que la cour soit saisie de la fin de non-recevoir, la société La Marina soutient que l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 23 mars 2017 fait obstacle à la demande en résiliation du bail fondée sur le trouble de jouissance. Cependant, comme l’a rappelé le premier juge, l’autorité de la chose jugée d’une décision s’attache aux prétentions qu’elle tranche dans son dispositif et non aux motifs. En l’espèce, si le tribunal a, en 2017, rejeté la demande de résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers, il n’a pas statué, dans le dispositif du jugement, sur la demande en résiliation du bail pour trouble de jouissance, de sorte que la demande présentée à ce titre par la société Barios est recevable, comme l’a justement décidé le premier juge. A toutes fins utiles, il sera observé que les demandes d’expulsion et en paiement d’une indemnité d’occupation ont été rejetées uniquement en ce qu’elles concernaient la demande de constat d’acquisition de la clause résolutoire. Comme l’a relevé le premier juge : — le bail commercial conclu le 26 mars 1987 stipule que les lieux loués sont à destination de commerce de café, restaurant, dancing, — il prévoit dans ses conditions particulières que : « il est convenu qu’à la moindre réclamation d’un copropriétaire, le bail pourra être résilié. La société preneuse devra à ce sujet prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter les bruits tant à l’intérieur de l’établissement qu’à la sortie de ses clients », — les conditions générales du bail stipulent que « le niveau sonore des instruments de musique, des appareils de musique enregistrée et des postes de radiodiffusion et de télévision devra être réglé de manière à ce que les voisins ne puissent être importunés. En toute hypothèse, aucun bruit, quelle qu’en soit la cause, ne doit être audible du voisinage entre 22 h et 7 h », — le contrat de « renouvellement de bail commercial » conclu le 27 mai 1997 rappelle que les conditions du bail initial demeurent applicables et stipule que « le preneur devra jouir des biens loués en bon père de famille suivant leur destination. Il veillera à ne rien faire qui puisse apporter aucun trouble de jouissance au voisinage ; notamment quant aux bruits, odeurs et fumées et, d’une façon générale, ne devra commettre aucun abus de jouissance ». Par des motifs que la cour adopte, le tribunal a écarté à juste titre le grief tiré du non-respect de la réglementation applicable aux établissements diffusant de la musique amplifiée, en l’état de constat d’huissiers de justice contradictoires et de la carence de l’expert judiciaire, étant observé que le courrier électronique d’une riveraine, adressé le 27 septembre 2021, ne saurait établir de manière objective la réalité d’une méconnaissance par la société La Marina de ses obligations en la matière. Mais le premier juge a également retenu à bon droit, par des motifs que la cour adopte, que la société La Marina avait manqué à son obligation de jouissance paisible, compte tenu de nombreux troubles de voisinage qui sont établis, et que ce manquement était suffisamment grave pour entraîner la résiliation du bail. Contrairement à ce que soutient la société preneuse, les manquements relevés ne se sont pas limités aux années 2013 et 2014, ils excèdent les inconvénients normaux liés à son activité de discothèque et le fait que l’établissement soit situé dans une zone où exercent d’autres établissements du même type ne saurait l’exonérer de ses propres carences. Ainsi, l’établissement a fait l’objet de plusieurs arrêtés préfectoraux de fermeture administrative pour « trouble à l’ordre public », en raison, notamment, de fermeture au-delà de l’heure réglementaire, prises en charge sur la voie publique de personnes qui s’étaient alcoolisées au sein de l’établissement, achat de stupéfiants au sein de l’établissement, rixe, incendie d’une poussette devant l’issue de secours de l’établissement ayant entraîné l’évacuation de l’ensemble des habitants. Il sera ajouté que le dernier arrêté préfectoral de fermeture administrative a été pris le 8 avril 2022, soit postérieurement au jugement, pour une durée de trois mois, à la suite d’une bagarre au sein de l’établissement, ayant conduit à un tir avec arme à feu sur la porte d’entrée de l’établissement, démontrant que, malgré ce qu’elle affirme, la société La Marina n’a pas pris les mesures indispensables pour assurer une jouissance paisible des lieux loués et la tranquillité du voisinage. Les troubles du voisinage sont également établis par des lettres et courriers électroniques circonstanciés de riverains, le dernier datant du 27 septembre 2021, ainsi que la pétition visée par le premier juge, étant relevé que celle-ci concerne directement le local exploité par la société La Marina et non les autres établissements du quartier. Les deux attestations produites par la société La Marina ne sauraient contredire l’ensemble des éléments qui précédent, qui établissent qu’elle a manqué gravement à ses obligations contractuelles. Comme l’a estimé le premier juge, le nombre, la nature et la répétition des manquements à l’obligation de jouissance paisible sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du bail aux torts de la locataire, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a prononcé la résiliation du bail aux torts de la société La Marina. Par ailleurs, la société Barios est bien fondée à solliciter le concours de la force publique, en tant que de besoin. La demande de la société Barios en résiliation du bail étant fondée, elle n’a commis aucune faute à ce titre. Par ailleurs, le fait que la société bailleresse ait voté en faveur d’une décision de l’assemblée générale de copropriété du 22 mai 2017 qui modifiait la destination de l’immeuble pour interdire les activités à forte nuisance comme les discothèques, salles de danse et atelier de fabrication, apparaît sans emport dès lors que la société La Marina a pu exercer son activité de discothèque jusqu’à la résiliation du bail à ses torts. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande en paiement de dommages-intérêts. Les dépens auxquels la société La Marina sera condamnée ne comprennent pas le commandement de payer signifié le 6 janvier 2022, cet acte n’étant nullement en relation avec la présente instance. L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Barios. PAR CES MOTIFS : La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Autorise la société Barios à s’adjoindre le concours de la force publique pour procéder à l’expulsion de la société La Marina et de tous occupants de son chef, à défaut de départ volontaire dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt ; Condamne la société La Marina aux dépens ; Rejette la demande de la société La Marina au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamne à payer à ce titre à la société Barios la somme de 4 500 euros. LE GREFFIER LE PRESIDENT |