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Lorsque la prestation du débiteur (coproducteur) porte sur le paiement d’une somme d’argent (participation financière du coproducteur) et que celui-ci opte pour la poursuite du contrat (de coproduction) en cours, le débiteur, avec avis conforme du mandataire judiciaire ( article L627-2 du code de commerce) et le cas échéant en cas de désaccord, sur décision du juge commissaire, soit estime que le contrat n’est pas nécessaire, et il pourra « y mettre fin » , soit estime que ce contrat est utile pour préserver l’entreprise, et pourra exiger qu’il soit poursuivi aux mêmes conditions.
Dès lors que le coproducteur, par courrier recommandé avec accusé de réception, répond à la mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat de coproduction conclu entre les parties indiquant :
« Aprés concertation avec Maitre X, Mandataire judiciaire, nous entendons poursuivre ce contrat, conformément aux dispositions de l’article L. 622-13 du Code de commerce. Nous vous invitons à produire pour votre « Appel de fonds ».
Il appartenait alors au coproducteur qui a exercé l’option, de poursuivre le contrat dont le terme était échu, date d’émission de la facture et de fournir la prestation promise et de s’acquitter de sa dette. Dès lors que le coproducteur ne s’est pas acquitté du paiement de sa dette, le contrat non continué s’est donc trouvé résilié de plein droit par l’effet des dispositions de l’article L 622-13 III 1° du Code du commerce.
Pour rappel, selon les dispositions de l’article L622-13 du Code du commerce :
I. – Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.
Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par le débiteur d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture. Le défaut d’exécution de ces engagements n’ouvre droit au profit des créanciers qu’à déclaration au passif.
II. – L’administrateur a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur.
Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l’administrateur s’assure, au moment où il demande l’exécution du contrat, qu’il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant. S’il s’agit d’un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l’administrateur y met fin s’il lui apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.
III. – Le contrat en cours est résilié de plein droit :
1° Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l’administrateur et restée plus d’un mois sans réponse. Avant l’expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir à l’administrateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer;
2° A défaut de paiement dans les conditions définies au II et d’accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles. En ce cas, le ministère public, l’administrateur, le mandataire judiciaire ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d’observation.
IV. – A la demande de l’administrateur, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.
V. – Si l’administrateur n’use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin dans les conditions du II ou encore si la résiliation est prononcée en application du IV, l’inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif. Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu’à ce qu’il ait été statué sur les dommages et intérêts.
Ces dispositions sont applicables au redressement judiciaire par l’effet des dispositions de l’article L 631-14 du même code et, en l’absence de désignation d’un administrateur, les dispositions de l’article Article L627-2 Modifiées par Ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008 – art. 7 donnent au débiteur, après avis conforme du mandataire judiciaire, la faculté ouverte à l’administrateur de poursuivre des contrats en cours et prévoient qu’en cas de désaccord, le juge-commissaire est saisi par tout intéressé.
Par ailleurs, lorsqu’est exercée la faculté prévue par le II de l’article L. 622-13 et que la prestation porte sur le paiement d’une somme d’argent, les dispositions de l’article L 631-14 prévoient que le paiement doit se faire au comptant, sauf pour l’administrateur( ou le débiteur )à obtenir l’acceptation de délais de paiement par le cocontractant du débiteur. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l’administrateur ( ou le débiteur) s’assurant, au moment où il demande l’exécution, qu’il disposera des fonds nécessaires à cet effet.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 11
ARRET DU 25 JUIN 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/18623 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAX6C
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Septembre 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2018028512
APPELANTE
SAS Y Z prise en la personne de ses représentants légaux
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NICE sous le n° 532.792.017
représentée par Me Mariam PAPAZIAN de la SCP HOURBLIN PAPAZIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : J017,
assistée de Me Nino PARRAVICINI, avocat plaidant du barreau de NICE
INTIMEE
SAS LES Z DES TOURNELLES,
prise en la personne de ses représentants légaux
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le n° 349.537.951
représentée par Me Raphaël DANA, avocat au barreau de PARIS, toque : J100
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre.
Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre
M. Denis ARDISSON, Président de la chambre
Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.
ARRÊT :
— contradictoire,
— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
— signé par Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de la chambre et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffière présente lors de la mise à disposition.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Les sociétés Y Z et LES Z DES TOURNELLES sont deux sociétés de production de Z.
Le 3 août 2015, ces sociétés signaient un contrat de coproduction d’un long métrage intitulé « Tour de France ».
Ce contrat stipule en préambule au rang des conditions essentielles et déterminantes sans lesquelles Y Z n’aurait pas contracté : que LES Z DES TOURNELLES a entrepris la production d’un film de long métrage intitulé provisoirement ou définitivement TOUR DE FRANCE, lmmatriculé au RCA sous le numéro 138.981, déclare à ce jour être cessionnaire exclusif des droits d’auteur scénariste et réalisateur par un contrat signé en date du 23 août 2012 ; qu’il inclut les droits d’exploitation dans le monde entier sur tous les medias existants ou à venir, incluant les droits de remake, sequel, prequel et d’adaptation télévisuelle que Y FIMS, après avoir pris connaissance et approuvé is scénario du film qui lui a été soumis puis donné son accord sur le devis et le plan de financement du film, a accepté de coproduire le film dans les conditions dé’nies ci-après et que la copie du film sera disponible au deuxième semestre 2016, sauf en cas de force majeure, le tournage se déroulant en France (6 semaines) ; que la date prévisionnelle d’établissement de la version française de Ia copie standard du film est le deuxième trimestre 2016.
Selon les articles :
[…]
LES Z DES TOURNELLES et Y Z décident de coproduire ensemble le film « TOUR DE FRANCE» (…)
[…]
Le présent contrat entrera en vigueur à la date des présentes et durera pour la durée légale
de protection des droits d’auteur et aussi longtemps qu’une exploitation du film pourra être
exercée, y compris toute prorogation, renouvellement et la durée nécessaire à la liquidation
de tous comptes et règlements se rapportant à l’exploitation du ‘lm.
ARTICLE 4-COUT DE PRODUCTION ET FINANCEMENT, il est prévu que le coût total de l’oeuvre est arrêté à la somme de 3 273 000 € H.T. (trois millions deux cent soixante treize mille euros hors taxes) conformément au devis présenté en Annexe A. Y Z apporte en numéraire, ou en mobilisant du soutien financier, à la coproduction, à titre forfaitaire et définitif, et quel que soit le budget final du film, Ia somme de 300.000 €H.T. (trois cent mille euros hors taxes), payable contre réception des appels de fonds selon l’échéancier suivant :
— 100.000 € (CENT MILLE EUROS) à la signature des présentes (août 2015),
— 100.000 € (CENT MILLE EUROS) à la vision du premier montage (décembre 2015),
— 100.000 € (CENT MILLE EUROS)à Ia copie standard (mars 2016).
Cette somme de 300.000 € H.T. (trois cent mille euros hors taxes) est forfaitaire et définitive.
[…]
Dans l’hypothèse ou l’une quelconque des parties viendrait à manquer à I’une quelconque de ses obligations, I’autre partie, après mise en demeure adressée à la partie défaillante par
lettre recommandée restée sans effet dans les 15 (quinze) jours de sa première
présentation, aurait la faculté de considérer le présent accord comme résilié sans formalités
aux torts et griefs de la partie défaillante, sous réserve de tous dommages et intérêts éventuels.
La société Y Z versait, en août et décembre 2015, les deux premières échéances prévues.
Le 10 mars 2016, la société LES Z DES TOURNELLES sollicitait de la société Y Z le règlement de la dernière échéance relative à la copie standard.
Par courriels des 14, 22 et 26 avril 2016, la société LES Z DES TOURNELLES relançait la société Y Z s’agissant du règlement de la dernière échéance.
Par jugement du 28 avril 2016, la société Y Z était placée en redressement judiciaire.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 mai 2016, la société LES Z DES TOURNELLES invitait la société Y Z à prendre position sur la poursuite du contrat de coproduction.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 mai 2016, la société Y Z informait la société LES Z DES TOURNELLES qu’elle souhaitait poursuivre le contrat conformément aux dispositions de l’article L. 622-13 du Code de commerce et invitait sa cocontractante à produire pour son « Appel de fonds n°3 » en date du 10 mars 2016.
La société LES Z DES TOURNELLES répondait par lettre recommandée du 25 mai 2016 qu’il appartenait à la société Y Z d’exécuter pleinement le contrat, en procédant au paiement de la somme restant due de 100.000 €, afin que sa décision de poursuite de ce contrat soit recevable et ce, dans le délai d’un mois expirant le 9 juin 2016. Elle précisait que la dernière tranche de la contribution d’Y Z, selon les modalités de l’article 4 du contrat, doit être débloquée à la remise de la Copie Standard, la projection du ‘lm à Cannes, le I5 mai 2016, attestant de Ia diffusion, et donc de la remise au sens du contrat de coproduction, de ladite Copie Standard et que dès lors, à défaut de réception des fonds prévus au contrat, soit Ia somme de 100 000 euros, au plus tard le 9 juin 2016, le contrat sera résilié de plein droit, le mandataire judiciaire étant avisé des présentes.
Par courrier du 6 juin 2016, le conseil de la société Y Z rappelait que la dernière échéance du contrat était échue en mars 2016, que l’expression « remise de la copie standard » n’est pas dans le contrat de coproduction, qu’elle s’emploie pour un distributeur qui paiera à réception de Ia copie mais n’est pas appropriée à l’égard d’un coproducteur car dans les relations de coproduction, la copie standard marque la dernière étape de la post-production dans laquelle sont associés LES Z DES TOURNELLES et Y Z. Elle précisait que la copie standard du film « Tour de France » ayant été diffusée bien avant le 15 mai 2016, par référence au mail du 14 avril 2016 par lequel Madame X (LES Z DES TOURNELLES) l’avait invitée à une projection le mardi 19 avril 2016, le distributeur Mars Z n’ayant pas encore décidé à cette époque, d’une date de sortie du film, et la société ayant été placée en redressement judiciaire par jugement du 28 avril 2016, Y Z ne saurait, sans enfreindre la Loi, procéder au paiement de l’appel de fonds exigible depuis mars 2016.
Le 10 juin 2016, la société LES Z DES TOURNELLES informait la société Y Z de la rupture du contrat de coproduction devenu caduc rappelant que cette dernière par lettre en date du 19 mai 2016, reçue le 24 mai 2016, avait décidé de poursuivre le contrat qu’il lui appartenait de l’exécuter dans toutes ses dispositions avant le 9 juin 2016, que la décision de poursuite de ce contrat soit recevable, ce qui n’avait pas été fait, qu’en tout état de cause, « la coproduction d’une oeuvre est la convention par laquelle plusieurs producteurs s’associent pour produire une oeuvre en commun en l’occurrence le film « Tour de France »,que l’essence même du contrat de coproduction du 3 août 2015 étant la production d’une oeuvre commune, la décision d’Y Z de ne pas honorer ses engagements, et ce, quelle que soit la date d’exigibilité de ces engagements, prive le contrat de son objet et fait obstacle à la poursuite du contrat. »
Par lettre en date du 16 novembre 2016, le mandataire judiciaire de la société Y Z informait la société LES Z DES TOURNELLES que sa créance de 100.000 €, déclarée par la société Y Z, à l’occasion des opérations de vérification du passif, figurant sur la liste transmise par le débiteur pour la somme de 100 000.00€ avait été contestée à hauteur de 100 000.00 € pour le motif suivant : créance contestée par le conseil de la société en raison de la déclaration de caducité de l’accord de co-production faite par lettre recommandée avec accusé de réception du Conseil de Ia Société LES PRODUCTIONS DE LA TOURNELLE du 10/06/2016 et qu’il serait proposé au Juge-Commissaire, le rejet de l’intégralité de la créance sous réserve du droit conféré par les dispositions de l’article L 622-27 du code de commerce de présenter des observations dans un délai de 30 jours à compter de la réception des présentes, conformément aux dispositions de l’article L. 622-27 du Code du Commerce et aux conditions prévues par l’article L 624-3 du code de commerce.
Par lettre du 23 novembre 2016, la société LES Z DES TOURNELLES indiquait au mandataire judiciaire que contrairement aux affirmations de la société Y Z, « la société LES Z DES TOURNELLES n’a ni fait valoir, ni déclaré une créance au passif d’Y Z mais que la société Y Z, sollicitée le 9 mai 2016, au visa des articles L 622-13 et L 631-14-I du code de commerce, a’n de prendre parti sur Ia poursuite du contrat de coproduction du 3 août 2015, a décidé de poursuivre ce contrat mais a refusé de l’exécuter, ce refus, malgré le délai dont elle disposait, ayant démontré que les deux parties ne concouraient plus ensemble à la production d’une oeuvre commune, privant dès lors le contrat d’objet lequel s’est donc trouvé de ce fait frappé de caducité. »
Par jugement du 28 novembre 2017, il était mis fin à la période d’observation et le plan de redressement de la société Y Z était arrêté.
Par acte du 12 avril 2018, la société Y Z saisissait le Tribunal de commerce de Paris.
Par un jugement du 11 septembre 2019, le Tribunal de commerce de Paris a :
— Dit le contrat entre les parties résilié à bon droit par la société LES Z DES TOURNELLES, le contrat subsistant cependant pour la période antérieure au 10 juin 2016 ;
— Débouté la société Y Z de sa demande de paiement de la somme de 200 000 € ;
— Débouté la société Y Z de sa demande de paiement de la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts ;
— Débouté la société LES Z DES TOURNELLES de sa demande de paiement de la somme de 100 000 € ;
— Condamné la société Y Z à verser la somme de 2000 € à la société LES Z DES TOURNELLES au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
— Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
— Ordonné l’exécution provisoire du jugement, nonobstant appel et sans caution ;
— Condamné la société Y Z aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 € dont 12,20 € de TVA.
Pour se déterminer ainsi, le tribunal a retenu que :
— la créance des Z DES TOURNELLES correspondant à la troisième échéance de 100 000 euros est antérieure au jugement d’ouverture du redressement judiciaire, qu’elle ne pouvait être payée par Y Z en application des règles relatives aux procédures collectives et en particulier de l’article L 622-7 du code de commerce, que Y Z
— Y Z ayant notifié son intention de poursuivre le contrat et Z DES TOURNELLES n’ayant pas déclaré sa créance, au regard du fait que l’état d’avancement du film « interdisait tout délai ou tout étalement pour la remise des fonds contractuels », Z DES TOURNELLE, à bon droit, a résilié le contrat pour inexécution en date du 10 juin 2016
— la résiliation n’a d’effet que pour le futur dès lors que les prestations échangées trouvaient leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque des contrats.
La société Y Z a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe de la cour le 4 octobre 2019.
Par dernières conclusions déposées et notifiées le 1er juin 2020, la société Y Z demande à la Cour de :
Vu l’article 1104, 1203 et 2131-1 du Code civil
Vu les articles 1186 et 1187 du Code civil
Vu les articles 1352 à 1352-9 du Code civil
Vu le contrat de coproduction du 3 août 2015
Vu le parfait paiement de la somme de 200.000 EUR.
Vu le courrier adressé par la société LES Z DES TOURNELLES à Madame la Directrice du CNC pour l’octroi d’une avance en date du 3 mars 2016
Vu la facture émise le 10 mars 2016 par ses soins
Vu le courriel du 14 avril 2016 de société LES Z DES TOURNELLES à la société Y Z portant relance de paiement de la facture du 10 mars 2016
Vu le courriel du 22 avril 2016 de la société LES Z DES TOURNELLES à la société Y Z portant relance de paiement de la facture du 10 mars 2016
Vu le courrier de Maître C-D E à Y Z du 10 juin 2016 portant prononcé de la caducité du contrat.
Vu le jugement d’ouverture de la procédure collective de la société Y Z en date du 28 avril 2016
Vu l’article L.622-7 du Code de commerce qui dispose « le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d’ouverture, non mentionnée au I de l’article L. 622-17. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires. »
Vu l’article L.622-13 du Code de commerce.
Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a analysé les faits de la manière suivante :
« ATTENDU que les parties ont signé le 3 août 2015 un contrat pour la coproduction du film TOUR DE FRANCE » ; que ce contrat mettait à la charge de Y Z le versement d’une somme de 300.000 EUR en trois échéances de 100.000 EUR ;
QUE les deux premières échéances ont été normalement versées ;
QUE la troisième échéance de 100.000 EUR devait, selon le contrat, être versée « à la copie standard (mars 2016) » et qu’il n’est pas contesté qu’elle n’a pas été versée ;
QUE Y Z a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire simplifié par jugement du Tribunal de commerce de NICE en date du 28 avril 2016 ;
ATTENDU que la créance des Z DES TOURNELLES correspondant à la troisième échéance de 100.000 EUR a été appelée par facture émise par LES Z DES TOURNELLES le 10 mars 2016, cette facture visant expressément « contrat de coproduction du 3 août 2015, échéance à la copie standard » et que l’émission de cette facture implique la disponibilité de la copie standard, sauf à ce que la facture ne soit pas causée ; que d’autre part la dirigeante de LES Z DES TOURNELLES écrit elle-même dans un courriel du 26 avril 2016 adressé à Y Z « la copie standard est prête » ;
QUE la présentation du film le 15 mai 2016 au festival de CANNES prouve seulement que la copie standard était disponible au plus tard à cette date, et non qu’elle aurait été remise précisément à cette date ;
QU’il résulte que la créance de LES Z DES TOURNELLES correspondait à la troisième échéance de 100.000 EUR est antérieure au jugement d’ouverture du redressement judiciaire de Y Z et ne pouvait être payée par Y Z, en application des règles relatives aux procédures collectives et en particulier de l’article L..622-7 du Code de commerce.
ATTENDU qu’Y Z a notifié aux Z DES TOURNELLES son intention de poursuivre le contrat et que FILM DES TOURNELLES n’a pas déclaré sa créance auprès du mandataire d’Y Z, insistant sur le fait que l’état d’avancement du film interdisait « tout délai ou tout étalement pour la remise des fonds contractuels ».
Infirmer le jugement du 11 septembre 2019 pour le surplus et :
— Juger que la société LES Z DES TOURNELLES a abusivement considéré le contrat caduc sans provoquer la moindre restitution pour désormais considérer le contrat résilié aux torts de la société Y Z pour non-paiement de la facture du 10 mars 2016.
En conséquence,
— Débouter la société LES Z DES TOURNELLES de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
— Condamner la société LES Z DES TOURNELLES à payer à la société Y Z suite au prononcé unilatéral d’une caducité non suivie de la moindre restitution et pour inexécution du contrat au paiement d’une somme de 200.000 EUR avec intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2016 date de la rupture abusive par LES Z DES TOURNELLES
— Condamner la société LES Z DES TOURNELLES à payer à la société Y Z la somme de 50.000 EUR à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du prononcé abusif de la caducité et pour résistance abusive aux présentes demandes avec intérêts au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance
— Condamner la société LES Z DES TOURNELLES à payer à la société Y Z la somme de 10 000 EUR au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par dernières conclusions déposées et notifiées le 30 mars 2020, la société LES Z DES TOURNELLES demande à la Cour de :
Vu les articles L 622-13, L 631-14-I et L624-2 du Code de commerce,
Vu l’article 1104 du Code civil,
Vu les articles 1186 et 1187 du Code civil,
Vu les pièces communiquées,
A titre principal :
Confirmer la décision rendue par le Tribunal de commerce en ce qu’il a :
— Dit le contrat entre les parties résilié à bon droit par la société LES Z DES TOURNELLES, le contrat subsistant cependant pour la période antérieure au 10 juin 2016;
— Débouté la société Y Z de sa demande de paiement de la somme de 200.000 € ;
— Débouté la société Y Z de sa demande de paiement de la somme de 50.000€ à titre de dommages et intérêts ;
A titre subsidiaire :
— Constater la caducité du contrat de coproduction ;
— Débouter la société Y Z de sa demande de remboursement de 200.000 € ;
— Dire que le contrat subsiste pour la période antérieure au 10 juin 2016 ;
A titre plus subsidiaire :
— Dire que le contrat n’est pas résilié et subsiste à ce jour, et par conséquent,
— Dire qu’Y Z doit régler à la société LES Z DES TOURNELLES le dernier tiers de 100.000€,
— Avant que la société LES Z DES TOURNELLES ne calcule la quote-part des droits à verser à Y Z en application du contrat,
En tout état de cause,
— Débouter la société Y Z de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
— Condamner la société Y Z à verser à la société LES Z DES TOURNELLES la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
SUR QUOI,
LA COUR
SUR LA RESILIATION DU CONTRAT DE COPRODUCTION
L’appelante soutient que la société LES Z DES TOURNELLES a prétexté du non-paiement de la facture du 10 mars 2016 pour rompre abusivement le contrat pour caducité, alors que la facture de la société LES Z DES TOURNELLES ayant été émise le 10 mars 2016, et la société Y Z ayant été placée en redressement judiciaire par jugement du 28 avril 2016, la créance de la société LES Z DES TOURNELLES est antérieure à l’ouverture de la procédure collective ce dont il résulte que la société Y Z ne pouvait honorer cette facture, les dispositions légales lui imposant de ne régler que les créances postérieures au 28 avril 2016 date du jugement d’ouverture du redressement judiciaire.
L’intimée fait valoir que la société Y Z ayant décidé de poursuivre le contrat mais n’ayant finalement pas réglé la dernière échéance, et la société LES Z DES TOURNELLES ayant bien indiqué que l’état d’avancement du film lui interdisait tout délai ou étalement pour la remise des fonds contractuels, elle était parfaitement fondée à résilier le contrat pour inexécution, faute pour Y Z d’avoir procédé au paiement des sommes dues ; que subsidiairement, la cour constaterait la caducité du contrat au regard du fait que l’apport financier d’Y Z représentait l’élément essentiel du contrat de coproduction dont l’exécution a été rendue impossible par le fait de sa disparition et qu’ainsi ne pouvant plus être exécuté, le contrat est devenu caduc.
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Selon les dispositions de l’article L622-13 Modifié par Ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 – art. 23
I. – Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.
Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par le débiteur d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture. Le défaut d’exécution de ces engagements n’ouvre droit au profit des créanciers qu’à déclaration au passif.
II. – L’administrateur a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur.
Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l’administrateur s’assure, au moment où il demande l’exécution du contrat, qu’il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant. S’il s’agit d’un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l’administrateur y met fin s’il lui apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.
III. – Le contrat en cours est résilié de plein droit :
1° Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l’administrateur et restée plus d’un mois sans réponse. Avant l’expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir à l’administrateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer;
2° A défaut de paiement dans les conditions définies au II et d’accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles. En ce cas, le ministère public, l’administrateur, le mandataire judiciaire ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d’observation.
IV. – A la demande de l’administrateur, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.
V. – Si l’administrateur n’use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin dans les conditions du II ou encore si la résiliation est prononcée en application du IV, l’inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif. Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu’à ce qu’il ait été statué sur les dommages et intérêts.
Ces dispositions sont applicables au redressement judiciaire par l’effet des dispositions de l’article L 631-14 du même code et, en l’absence de désignation d’un administrateur, les dispositions de l’article Article L627-2 Modifiées par Ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008 – art. 7 donnent au débiteur, après avis conforme du mandataire judiciaire, la faculté ouverte à l’administrateur de poursuivre des contrats en cours et prévoient qu’en cas de désaccord, le juge-commissaire est saisi par tout intéressé.
Par ailleurs, lorsqu’est exercée la faculté prévue par le II de l’article L. 622-13 et que la prestation porte sur le paiement d’une somme d’argent, les dispositions de l’article L 631-14 prévoient que le paiement doit se faire au comptant, sauf pour l’administrateur( ou le débiteur )à obtenir l’acceptation de délais de paiement par le cocontractant du débiteur. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l’administrateur ( ou le débiteur) s’assurant, au moment où il demande l’exécution, qu’il disposera des fonds nécessaires à cet effet.
Il se déduit de ces dispositions que lorsque la prestation du débiteur porte sur le paiement d’une somme d’argent, et que celui-ci opte pour la poursuite du contrat en cours, le débiteur, avec avis conforme du mandataire judiciaire ( article L627-2 du code de commerce) et le cas échéant en cas de désaccord, sur décision du juge commissaire, soit estime que le contrat n’est pas nécessaire, et il pourra « y mettre fin » , soit estime que ce contrat est utile pour préserver l’entreprise, et pourra exiger qu’il soit poursuivi aux mêmes conditions.
Ainsi dès lors que la société Y Z, par courrier recommandé avec accusé de réception du 19 mai 2016, répondant à la mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat de coproduction conclu le 3 août 2015 indiquait :
« Aprés concertation avec Maitre A B, Mandataire judiciaire, nous entendons poursuivre ce contrat, conformément aux dispositions de l’article L. 622-13 du Code de commerce.Nous vous invitons à produire pour votre « Appel de fonds n°3 » en date du 10 mars 2016.Nous adressons copie de la présente à Maître B. »
il lui appartenait, ayant exercé l’option de poursuivre le contrat dont le terme était échu depuis le 10 mars 2016, date d’émission de la facture après délivrance de la copie standard dont aucune des parties ne vient contredire le fait que la première projection du film à laquelle l’appelante était conviée par l’intimée a eu lieu le 19 mars 2016, et alors qu’aucun délai de paiement ne lui avait été consenti par son cocontractant, de fournir la prestation promise et de s’acquitter de sa dette.
Cependant la société Y Z ne s’est pas acquittée du paiement de la dernière tranche de 100 000 euros à laquelle elle s’était engagée et, au vu de la mise en demeure qui lui a été adressée le 10 juin 2016 par la société LES Z LES TOURNELLES, le contrat non continué s’est donc trouvé résilié de plein droit par l’effet des dispositions de l’article L 622-13 III 1° précité .
Il s’ensuit que la société LES Z LES TOURNELLES est fondée à opposer à la société Y Z la résiliation de plein droit du contrat de coproduction conclu le 3 août 2015.
Le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions et la société Y Z déboutée de son appel.
[…]
En équité la société Y Z sera condamnée à verser à la société LES Z DES TOURNELLES la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Déboute la société Y Z de son appel ;
Condamne la société Y Z à régler à la société LES Z DES TOURNELLES une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
Condamne la société Y Z aux dépens.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,