Résiliation de bail commercial : conditions et conséquences d’une clause résolutoire en cas de loyers impayés

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Résiliation de bail commercial : conditions et conséquences d’une clause résolutoire en cas de loyers impayés
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Constitution du bail commercial

Mme [O] a consenti un bail commercial à la société Capitaine traiteur le 26 janvier 2023, pour des locaux situés à [Adresse 1], avec un loyer annuel de 12.675 euros HT/HC, payable trimestriellement.

Commandement de payer

Le 22 janvier 2024, Mme [O] a délivré un commandement de payer à la société Capitaine traiteur, réclamant la somme de 7.648,72 euros en principal, en vertu de la clause résolutoire du contrat de bail.

Assignation en référé

Le 23 avril 2024, Mme [O] a assigné la société Capitaine traiteur devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire, l’expulsion de la défenderesse, et le paiement de diverses sommes liées aux loyers impayés.

Réponse de la société Capitaine traiteur

La société Capitaine traiteur a demandé le rejet des demandes de Mme [O] et a sollicité des délais de paiement de 24 mois, expliquant que son arriéré locatif était dû au refus de la copropriété d’autoriser des travaux nécessaires à son activité.

Constatation de la clause résolutoire

Le tribunal a constaté que la clause résolutoire avait été acquise le 22 février 2024, car la locataire n’avait pas réglé les sommes dues dans le délai imparti après le commandement de payer.

Demande de provision

Le tribunal a accordé une provision au paiement de l’arriéré locatif de 10.586,75 euros, tout en rejetant la demande de provision au titre de la clause pénale, considérée comme susceptible de modération.

Demande de délais de paiement

La demande de la société Capitaine traiteur pour des délais de paiement a été rejetée, en raison de son incapacité à régler les échéances et de son chiffre d’affaires insuffisant.

Indemnité d’occupation et dépens

La société Capitaine traiteur a été condamnée à payer une indemnité d’occupation à Mme [O] à compter du 23 février 2024, ainsi qu’à couvrir les dépens, y compris le coût du commandement de payer.

Décision finale

Le tribunal a ordonné l’expulsion de la société Capitaine traiteur si les locaux n’étaient pas restitués volontairement, et a statué sur les diverses demandes de paiement et d’indemnité.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

23 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
24/52991
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/52991 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4TSR

AS M N° : 11

Assignation du :
23 Avril 2024

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 23 octobre 2024

par Rachel LE COTTY, 1ère vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, assistée de Anne-Sophie MOREL, Greffier.
DEMANDERESSE

Madame [N] [O] veuve [L]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Catherine CHEDOT de l’ASSOCIATION CHEDOT SAUVAGE SAUVAGE, avocats au barreau de PARIS – #R089

DEFENDERESSE

S.A.S.U. CAPITAINE TRAITEUR
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Me Frédérick DUTTER, avocat au barreau de PARIS – #P0546

DÉBATS

A l’audience du 25 Septembre 2024, tenue publiquement, présidée par Rachel LE COTTY, 1ère vice-présidente, assistée de Anne-Sophie MOREL, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Par acte du 26 janvier 2023, Mme [O] a consenti un bail commercial à la société Capitaine traiteur portant sur des locaux situés [Adresse 1], moyennant le paiement d’un loyer annuel principal de 12.675 euros HT/HC, payable trimestriellement et à terme à échoir.

Par acte du 22 janvier 2024, Mme [O] a fait délivrer au preneur un commandement de payer la somme de 7.648,72 euros en principal, visant la clause résolutoire stipulée au contrat de bail.

Par acte du 23 avril 2024, Mme [O] a assigné la société Capitaine traiteur devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins de voir :

constater l’acquisition de la clause résolutoire et ordonner l’expulsion de la défenderesse ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux loués avec le concours de la force publique si besoin est ;condamner la défenderesse au paiement de la somme provisionnelle de 6.775 euros au titre des loyers et charges impayés, avec intérêts à compter du commandement de payer, outre la somme de 677,50 euros au titre de la clause pénale ;la condamner au paiement d’une indemnité d’occupation trimestrielle majorée de 4.753,13 euros augmentée des charges, taxes et accessoires, jusqu’à la libération des locaux ;juger que le dépôt de garantie de 3.168,75 euros lui restera acquis à titre de dommages et intérêts forfaitaires ;condamner la défenderesse au paiement d’une somme de 1.800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement de payer et de l’assignation.
Aux termes de ses conclusions déposées et développées oralement à l’audience du 25 septembre 2024, la demanderesse s’oppose aux demandes de la société Capitaine traiteur et actualise ses demandes en paiement aux sommes de 10.586,75 euros au titre de l’arriéré locatif au 5 septembre 2024, 1.058,68 euros au titre de la clause pénale et 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle s’oppose à tous délais aux motifs que la locataire n’a effectué aucun règlement depuis le 27 février 2024 et qu’elle est elle-même retraitée, âgée de 90 ans et fait face à des ennuis de santé importants, de sorte qu’elle ne peut subir davantage les défauts de paiement de sa locataire. Elle ajoute qu’elle a sollicité de la copropriété l’autorisation de réaliser les travaux de modification de la façade demandés par sa locataire pour l’exploitation de son activité de traiteur, mais qu’elle s’est heurtée à un refus et qu’aux termes du bail, il était bien stipulé qu’elle ne pouvait se porter garant de l’accord des copropriétaires.

Aux termes de ses conclusions remises et développées oralement à l’audience, la société Capitaine traiteur sollicite le rejet des demandes formées par Mme [O] et des délais de paiement de 24 mois avec suspension des effets de la clause résolutoire du bail.

Elle reconnaît la dette locative mais l’explique par le refus de la copropriété de l’autoriser à réaliser les travaux nécessaires à l’exercice de son activité de traiteur-restaurant dans le local commercial. Elle explique qu’elle a décidé de réorienter son activité dans l’événementiel en 2024 mais que son chiffre d’affaires est resté limité, ce qui justifie l’octroi de délais de paiement.

Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens, il est renvoyé aux conclusions des parties.

MOTIFS

Sur la demande de constat de l’acquisition de la clause résolutoire du bail et d’expulsion du preneur

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En application de ce texte, il entre dans les pouvoirs du juge des référés, même en l’absence d’urgence, de constater la résiliation de plein droit d’un contrat de bail en application d’une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement, en l’absence de toute contestation sérieuse de la validité de cette clause, et, par suite, d’ordonner l’expulsion de l’occupant, dont l’obligation de libérer les lieux n’est pas sérieusement contestable. En outre, le maintien de l’occupant dans les lieux sans droit ni titre par suite du constat de la résiliation du bail constitue un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser.

Aux termes de l’article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En l’espèce, le bail commercial contient une clause résolutoire au visa de laquelle un commandement de payer a été délivré à la locataire le 22 janvier 2024 à hauteur de la somme de 7.648,72 euros en principal, au titre de l’arriéré locatif au 11 janvier 2024.

Il résulte du relevé de compte versé aux débats que la locataire ne s’est pas acquittée des causes du commandement dans le délai d’un mois qui lui était imparti.

En conséquence, l’acquisition de la clause résolutoire au 22 février 2024 à 24h00 ne peut qu’être constatée.

Sur la demande de provision

Aux termes de l’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Aux termes de l’article 1728 du code civil, le paiement du prix du bail aux termes convenus constitue l’une des deux obligations principales du locataire.

En l’espèce, le relevé de compte locatif versé aux débats par la bailleresse fait apparaître l’existence d’un arriéré de loyers, charges et indemnités d’occupation de 10.586,75 euros au 5 septembre 2024, terme de juillet 2024 inclus.

La société Capitaine traiteur ne conteste pas devoir cette somme.

Elle sera par suite condamnée à titre provisionnel à son paiement, avec intérêts au taux légal à compter du commandement du 22 janvier 2024 sur la somme de 7.648,72 euros et à compter de la présente décision sur le surplus.

La demande de provision au titre de la clause pénale contractuelle sera en revanche rejetée, celle-ci étant susceptible de modération par le juge du fond en cas de caractère manifestement excessif, au sens de l’article 1231-5 du code civil.

Sur la demande de délais de paiement avec suspension des effets de la clause résolutoire du bail

Aux termes de l’article L. 145-41 du code de commerce précité, les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

L’article 1343-5, alinéa 1er, du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

La société Capitaine traiteur sollicite, en application de ces textes, des délais de paiement avec suspension des effets de la clause résolutoire du bail.

Cependant, il ressort des décomptes versés aux débats par la bailleresse qu’elle n’a effectué aucun règlement depuis le 27 février 2024.

Les documents comptables que la locataire produit confirment l’impossibilité pour elle de régler les échéances courantes et d’apurer la dette, son chiffre d’affaires n’étant que de 23.423,61 euros et son résultat de l’exercice 2023 étant négatif de – 18.020 euros. De plus, elle ne dispose d’aucune trésorerie.

Enfin, elle a déjà bénéficié d’échéanciers de paiement, qu’elle n’a pas été en mesure de respecter.

Sa demande de délais ne peut donc être accueillie.

Son expulsion sera en conséquence ordonnée dans les termes du dispositif.

L’indemnité d’occupation due au bailleur à compter du 23 février 2024 et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés sera fixée à titre provisionnel au montant du loyer augmenté des charges et taxes, tel qu’il résulterait de la poursuite du bail, sans majoration, celle-ci s’analysant en une clause pénale susceptible de modération par le juge du fond en cas de caractère manifestement excessif, au sens de l’article 1231-5 du code civil.

De même, il n’y a pas lieu à référé sur la demande de Mme [O] de conservation du dépôt de garantie à titre de dommages et intérêts forfaitaires, cette disposition s’analysant également en une clause pénale susceptible de modération par le juge du fond.

Sur les frais et dépens

La société Capitaine traiteur, partie perdante, sera tenue aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile, en ce compris le coût du commandement de payer.

Elle sera par suite condamnée à payer à la demanderesse la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile afin d’indemniser celle-ci des frais non compris dans les dépens qu’elle a été contrainte d’exposer.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort ,

Constatons l’acquisition, à la date du 22 février 2024 à 24h00, de la clause résolutoire du bail liant les parties et la résiliation de plein droit de ce bail ;

Disons qu’à défaut de restitution volontaire des locaux situés [Adresse 1], la société Capitaine traiteur pourra être expulsée, ainsi que tous occupants de son chef, avec, le cas échéant, le concours d’un serrurier et de la force publique ;

Disons que le sort des meubles se trouvant dans les lieux loués sera régi conformément aux articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;

Condamnons la société Capitaine traiteur à payer à Mme [O] une indemnité d’occupation fixée à titre provisionnel au montant du loyer augmenté des charges et taxes, tel qu’il résulterait de la poursuite du bail, à compter du 23 février 2024 et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés ;

Condamnons la société Capitaine traiteur à payer à Mme [O] la somme provisionnelle de 10.586,75 euros à valoir sur l’arriéré de loyers, charges et indemnités d’occupation arrêté au 5 septembre 2024, terme de juillet 2024 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2024 sur la somme de 7.648,72 euros et à compter de la présente décision sur le surplus ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes de Mme [O] ;

Rejetons la demande délais formée par la société Capitaine traiteur ;

Condamnons la société Capitaine traiteur aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 22 janvier 2024 ;

Condamnons la société Capitaine traiteur à payer à Mme [O] la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelons que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.

Fait à Paris le 23 octobre 2024

Le Greffier, Le Président,

Anne-Sophie MOREL Rachel LE COTTY


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