Réserver la marque d’un concurrent sur Google Ads : légal sous conditions
Réserver la marque d’un concurrent sur Google Ads : légal sous conditions
Ce point juridique est utile ?

L’utilisation dans le programme Adwords de Google de mots clés même constituant la marque d’un concurrent n’est pas interdite en soi et ne constitue pas du seul fait de cette utilisation une contrefaçon de marque.

Risque de confusion   

Elle n’est illicite qu’en cas de confusion effective dans les résultats affichés entre les produits du titulaire de la marque et ceux du concurrent, c’est-à-dire lorsque les résultats de la recherche ne permettent pas ou seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers.

Jurisprudence Interflora Inc. et Interflora British Unit

Aux termes des arrêts Google France SARL et Google Inc. contre Louis Vuitton Malletier SA rendu le 23 mars 2010 et Interflora Inc. et Interflora British Unit contre Marks & Spencer plc et Flowers Direct Online Ltd rendu le 20 septembre 2011, la CJUE a considéré que le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d’un mot clé identique à ladite marque que cet annonceur a, sans le consentement dudit titulaire, sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques, si celle-ci ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen – soit normalement informé et raisonnablement attentif – de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers, de sorte qu’il est porté atteinte à la fonction essentielle d’indication d’origine de la marque.

Affaire Plaisance / carbtech

En l’espèce, la société PLAISANCE a fait constater par huissier de justice le 5 mai 2021 que lorsque l’internaute saisit dans la barre de recherche de Google les termes « marteau pour broyeur PLAISANCE », il lui est proposé en premier choix d’accéder au site « carbtech.fr ». Toutefois, le lien est ainsi libellé « marteau pour broyeur X – Pièces Haute Résistance HRT » et en-dessous, il est indiqué « Votre partenaire contre l’usure marteaux pour broyeur X ».

L’utilisation du terme « partenaire » et de la préposition « pour » associée au fait que c’est bien l’adresse « https://www.carbtech.fr » qui est affichée est de nature à permettre à l’internaute moyen d’être éclairé sur l’identité de ce site, étant précisé que celui-ci est au cas d’espèce non un consommateur lambda, mais un professionnel utilisant des engins à broyer et qu’en cette qualité, il connaît le marché des pièces de rechange.

En cliquant sur le lien, il accédera d’ailleurs ensuite à la page ci-dessous dépourvue de toute ambiguïté quant au fait que les marteaux en question ne proviennent pas de la société PLAISANCE EQUIPEMENTS : La réservation et l’usage du signe X dans le programme Adwords de Google n’était donc pas en soi illicite.

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TRIBUNAL

JUDICIAIRE

DE PARIS

3ème chambre

2ème section

No RG 19/12628

No Portalis 352J-W-B7D-CRAEU

Assignation du :

02 Octobre 2019

JUGEMENT rendu le 15 Avril 2022

DEMANDERESSE

S.A.S. PLAISANCE EQUIPEMENTS

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Maître Bertrand PAUTROT de la SELARL PAUTROT & HENRY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0138

DÉFENDERESSES

S.A.R.L. CARBTECH

Les Fonds de Cheigneux

RN 19 RD 619

[Localité 5]

A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V.

ZOGGELSESTRAAT 27

5384LL HEESCH (PAYS BAS)

représentées par Maître Alban CURRAL de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE & Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0400

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Catherine OSTENGO, Vice-présidente

Madame Elise MELLIER, Juge

Madame [L] [V], Juge

assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier

DÉBATS

A l’audience du 17 Février 2022 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 15 Avril 2022.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire

en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

PRÉSENTATION DES PARTIES :

La société PLAISANCE EQUIPEMENTS se présente comme une entreprise familiale fondée en 1976 à [Localité 6] en Meurthe-et-Moselle (54) dont l’activité est notamment, la réparation de machines agricoles.

Elle est titulaire de la marque verbale de l’Union européenne no 16784985 « X » déposée le 30 mai 2017 en classes 7, 12 et 37 pour désigner « une machine automotrice sur laquelle s’adaptent des broyeurs forestiers ou des broyeurs de pierres ou des malaxeurs ou des turbines à neige ou des broyeurs de sol ou des broyeurs récupérateurs ainsi que les marteaux qui s’adaptent à ces machines ».

Elle est également titulaire de deux brevets :

-le brevet FR 2967009 (ci-après FR 009), déposé le 9 novembre 2010 et délivré le 21 février 2014 intitulé « Porte-outil et outil pour dispositif de broyage et de malaxage de sol »,

-le brevet français FR 3043881 (ci-après FR 881), déposé le 19 novembre 20 et délivré le 17 août 2018 intitulé « Porte-outil pour dispositif de broyage ou de malaxage de sol ».

La société de droit néerlandais A.T.W.T INTERNATIONAL B.V. (ci-après « A.T.W.T »), se présente comme un fabricant de pièces d’usure adaptables, notamment de pièces destinées à des broyeurs, à des machines industrielles, agricoles et forestières utilisées principalement dans l’industrie du traitement des déchets et du recyclage et dans l’industrie forestière.

La société CARBTECH a été créée au mois de mars 2013 pour distribuer en France les produits d’A.T.W.T. Elle édite le site internet accessible à l’adresse « http://www.carbtech.fr ».

LE LITIGE :

Ayant découvert que la société CARBTECH commercialisait en France au moyen de son site internet, des pièces de rechange sous sa marque PLAISANCE reproduisant, selon elle, les caractéristiques des revendications de ses deux brevets, la société PLAISANCE EQUIPEMENTS a fait procéder à l’établissement par huissier de justice de plusieurs procès-verbaux de constat et d’achat les 21 décembre 2017, 3 juillet 2017, 4 juillet 2018 et 27 septembre 2018.

Puis, elle a vainement fait adresser le 24 septembre 2018 à la société CARBTECH une mise en demeure d’avoir à cesser ses agissements et en a parallèlement informé la société A.T.W.T.

C’est dans ces conditions que la société PLAISANCE EQUIPEMENTS a, par actes séparés des 16 octobre 2019 et 17 janvier 2020, fait assigner devant ce tribunal les sociétés CARBTECH et A.T.W.T en contrefaçon des revendications de ses brevets et de sa marque, ainsi que concurrence déloyale.

Suivant ordonnance du 16 avril 2021, le juge de la mise en état a constaté que les défenderesses n’avaient pas maintenu devant ce magistrat la demande de mise hors de cause de la société A.T.W.T et l’a condamnée à payer 2 500 euros à la société PLAISANCE EQUIPEMENTS sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

***

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 octobre 2021, la société PLAISANCE EQUIPEMENTS présente les demandes suivantes :

« Vu les dispositions légales et réglementaires visées dans la présente assignation,

Vu les moyens exposés,

Vu les pièces versées aux débats,

A titre liminaire,

— ANNULER le procès-verbal de constat d’huissier en date du 4 janvier 2021 dressé par Me [K] [M], membre de la SCP [K] [M] & [E] [X], produit en pièce adverse no 41 par les sociétés défenderesses ou à défaut CONSTATER son défaut de toute force probante au regard de la solution du présent litige.

SUR LA CONTREFAÇON DE BREVET OU SUR LA CONCURRENCE DÉLOYALE PAR CONFUSION

À titre principal

— DIRE ET JUGER que l’ensemble de la gamme de produits MARTEAU HRT à destination de machines PLAISANCE fabriqués, détenus et exportés en France par la société A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V. et importés en France, détenus, mis dans le commerce et offerts par la société CARBTECH reproduisent directement la revendication 4 du brevet déposé le 9 novembre 2010 sous le numéro FR1059235 et publié le 11 mai 2012 sous le numéro FR2967009 dont la société PLAISANCE EQUIPEMENTS est titulaire ;

— DIRE ET JUGER que le produit SUPPORT HARDOX400 à destination de machines PLAISANCE fabriqué, détenu et exporté en France par la société A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V. et importé en France, détenu, mis dans le commerce et offert par la société CARBTECH reproduit directement la revendication 1 du brevet déposé le 9 novembre 2010 sous le numéro FR1059235 et publié le 11 mai 2012 sous le numéro FR2967009 dont la société PLAISANCE EQUIPEMENTS est titulaire ;

— DIRE ET JUGER que la gamme de produits MARTEAU HRT et le produit SUPPORT HARDOX400 à destination de machines PLAISANCE fabriqués, détenus et exportés en France par la société A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V. et importés en France, détenus, mis dans le commerce et offerts par la société CARBTECH reproduisent directement la revendication 5 du brevet déposé le 9 novembre 2010 sous le numéro FR1059235 et publié le 11 mai 2012 sous le numéro FR2967009 dont la société PLAISANCE EQUIPEMENTS est titulaire ;

— DIRE ET JUGER que la société A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V. et la société CARBTECH commettent, au sens des articles L. 613-3 a) et L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle, des actes de contrefaçon par reproduction du brevet déposé le 9 novembre 2010 sous le numéro FR1059235 et publié le 11 mai 2012 sous le numéro FR2967009 dont la société PLAISANCE EQUIPEMENTS est titulaire.

À titre subsidiaire, si le tribunal de céans venait à considérer que la gamme de MARTEAUX HRT et le SUPPORT HARDOX400 des défenderesses à destination de machines PLAISANCE ne comportent pas un Épaulement en forme de queue d’aronde partielle,

— DIRE ET JUGER que l’ensemble de la gamme de produits MARTEAU HRT et le SUPPORT HARDOX400 à destination de machines PLAISANCE fabriqués, détenus et exportés en France par la société A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V. et importés en France, détenus, mis dans le commerce et offerts par la société CARBTECH reproduisent par équivalence les revendications 1, 4 et 5 du brevet déposé le 9 novembre 2010 sous le numéro FR1059235 et publié le 11 mai 2012 sous le numéro FR2967009 dont la société PLAISANCE EQUIPEMENTS est titulaire ;

— DIRE ET JUGER que la société A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V. et la société CARBTECH commettent, au sens des articles L. 613-3 a) et L. 615-1 du Code de la propriété intellectuelle, des actes de contrefaçon par équivalence du brevet déposé le 9 novembre 2010 sous le numéro FR1059235 et publié le 11 mai 2012 sous le numéro FR2967009 dont la société PLAISANCE EQUIPEMENTS est titulaire.

À titre très subsidiaire, si le tribunal de céans venait à considérer que la gamme de MARTEAUX HRT et le SUPPORT HARDOX400 des défenderesses à destination de machines PLAISANCE ne comportent pas un Épaulement en forme de queue d’aronde partielle,

— DIRE ET JUGER que la revendication 3 du Brevet déposé le 19 novembre 2015 sous le numéro FR1561133 et publié le 26 mai 2017 sous le numéro FR3043881 dont la société PLAISANCE EQUIPEMENTS est titulaire, est une revendication complexe comprenant deux moyens juxtaposés et indépendants en ce qu’ils produisent des effets techniques premiers séparés, laquelle revendication 3 comprend comme moyen principal un épaulement en queue droite partielle.

— DIRE ET JUGER que l’ensemble de la gamme de produits MARTEAU HRT et le SUPPORT HARDOX400 à destination de machines PLAISANCE fabriqués, détenus et exportés en France par la société A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V. et importés en France, détenus, mis dans le commerce et offerts par la société CARBTECH reproduisent directement le moyen principal revendication 3 du brevet déposé le 19 novembre 2015 sous le numéro FR1561133 et publié le 26 mai 2017 sous le numéro FR3043881 dont la société PLAISANCE EQUIPEMENTS est titulaire ;

— DIRE ET JUGER que la société A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V. et la société CARBTECH commettent, au sens des articles L. 613-3 a) et L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle, des actes de contrefaçon par reproduction du brevet déposé le 19 novembre 2015 sous le numéro FR1561133 et publié le 26 mai 2017 sous le numéro FR3043881 dont la société PLAISANCE EQUIPEMENTS est titulaire.

À titre infiniment subsidiaire, si le tribunal de céans devait annuler les revendications des brevets critiquées :

— DIRE ET JUGER que les sociétés A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V. et CARBTECH commettent, au sens de l’article 1240 du code civil, des actes de concurrence déloyale par confusion.

SUR LA CONTREFAÇON DE MARQUE

— DIRE ET JUGER que la société CARBTECH contrefait sur son site internet accessible à l’adresse <carbtech.fr> la marque de l’Union Européenne no 16784985 PLAISANCE de la société PLAISANCE EQUIPEMENTS par application des articles 9.2 a) du Règlement (UE) 2017/1001 du Parlement Européen et du Conseil du 14 juin 2017 et L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle.

— DIRE ET JUGER que la société CARBTECH contrefait, dans le cadre de sa campagne de référencement payant fondée sur les mots clés MARTEAU POUR BROYEUR PLAISANCE dans le service Adwords de la société Google, la marque de l’Union européenne no 16784985 PLAISANCE de la société PLAISANCE EQUIPEMENTS par application des articles 9.2 a) du Règlement (UE) 2017/1001 du Parlement Européen et du Conseil du 14 juin 2017 et L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle.

SUR LA CONCURRENCE DÉLOYALE PAR MANQUEMENT À LA RÉGLEMENTATION

— DIRE ET JUGER que constitue un acte de concurrence déloyale et illicite à l’égard de la société PLAISANCE EQUIPEMENTS, le non-respect de la réglementation en vigueur par la société CARBTECH dans l’exercice de son activité commerciale, qui induit nécessairement un avantage concurrentiel indu à son profit, générateur, en lui-même, d’un trouble commercial impliquant nécessairement l’existence d’un préjudice, fût-il seulement moral ;

— DIRE ET JUGER que la société CARBTECH viole les articles 6 III-1, 19 4o la loi no 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économique numérique ainsi que l’article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982 au titre de la diffusion de son site internet accessible à l’adresse url www.carbtech.fr, ce qui constitue à l’égard de la société PLAISANCE ÉQUIPEMENTS des actes de concurrence déloyale par manquement à la loi sur le fondement de l’article 1240 du code civil, anciennement 1382 ;

— DIRE ET JUGER que la société CARBTECH viole les articles d’ordre public L. 616-1 et R. 616-

1 du code de la consommation en ne faisant pas connaître l’identité du médiateur à la consommation dont elle relève au titre de la diffusion de son site internet accessible à l’adresse url www.carbtech.fr, ce qui constitue à l’égard de la société PLAISANCE ÉQUIPEMENTS des actes de concurrence déloyale par manquement à la loi sur le fondement de l’article 1240 du code civil, anciennement 1382 ;

— DIRE ET JUGER que la société CARBTECH viole les articles d’ordre public L. 616-2 du code de la consommation et 14.1 du règlement (UE) no524/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013, en n’incluant pas sur son site un lien électronique vers la plateforme de RLL, au titre de la diffusion de son site internet accessible à l’adresse url www.carbtech.fr, ce qui constitue à l’égard de la société PLAISANCE ÉQUIPEMENTS des actes de concurrence déloyale par manquement à la loi sur le fondement de l’article 1240 du code civil, anciennement 1382 ;

— DIRE ET JUGER que la société CARBTECH viole l’intégralité de la législation relative à la protection des données à caractère personnel, au titre de la diffusion de son site internet visible à l’adresse url www.carbtech.fr, à savoir, la loi no78-17 du 6 janvier 1978 sur l’informatique et les libertés ainsi que le règlement européen no2016/679 en date du 27 avril 2016, dit règlement général sur la protection des données (RGPD) entré en vigueur le 25 mai 2018, ce qui constitue à l’égard de la société PLAISANCE ÉQUIPEMENTS, des actes de concurrence déloyale par manquement à la loi sur le fondement de l’article 1240 du code civil, anciennement 1382.

SUR LES MESURES RÉPARATRICES DES DIFFÉRENTES ATTEINTES

Io/ Sur les mesures communes de publication judiciaire et de fermeture du site www.carbtech.fr

À titre principal

— ORDONNER à la société CARBTECH la fermeture de son site internet accessible à l’adresse url www.carbtech.fr, et ce sous astreinte de dix mille euros (10.000 euros) par jour de retard, passé un délai de quinze (15) jours à compter de la signification du jugement à intervenir.

À titre subsidiaire

— ORDONNER à la société CARBTECH la publication du dispositif du jugement à intervenir en haut de la page d’accueil de son site internet accessible à l’adresse url www.carbtech.fr, dans une taille de police équivalente à la plus grande taille utilisée sur ce site, à l’issue d’un délai de quinze (15) jours à compter de la signification du jugement à intervenir et pour une durée de trois (3) mois à compter de cette date et ce, sous une astreinte de trois mille euros (3.000 euros) par jour de retard.

En tout état de cause

— ORDONNER à la société CARBTECH la publication à ses frais du dispositif du jugement à intervenir dans trois revues ou journaux du choix de la société PLAISANCE EQUIPEMENTS dont le « JOURNAL DE LA MECANISATION FORESTIERE », mensuel technique de l’exploitation forestière mécanisée, le coût de chaque insertion étant fixé à la somme maximum de cinq mille (5.000 euros) euros hors taxes, à l’issue d’un délai de trente (30) jours à compter de la signification du jugement à intervenir et ce, sous une astreinte de trois mille euros (3.000 euros) par jour de retard.

IIo/ Sur les mesures propres à la contrefaçon de brevet ou à la concurrence déloyale par confusion

— SURSEOIR À STATUER sur l’évaluation du préjudice résultant de la contrefaçon ou de la concurrence déloyale par confusion.

Avant dire droit sur le quantum du préjudice

— DÉSIGNER Monsieur [Z] [B], expert près la cour d’appel de Paris agréé par la Cour de cassation, [Adresse 3], (Tél : [XXXXXXXX01]) en qualité d’expert avec pour mission de :

— CONVOQUER les parties dans le respect du contradictoire et leur demander de fournir tous documents utiles à l’évaluation du dommage matériel et financier subi par la société PLAISANCE EQUIPEMENTS du fait des actes de contrefaçon des revendications 1, 4 et 5 du brevet déposé le 9 novembre 2010 sous le numéro FR1059235 et publié le 11 mai 2012 sous le numéro FR2967009 ou de la revendication 3 du brevet déposé le 19 novembre 2015 sous le numéro FR1561133 et publié le 26 mai 2017 sous le numéro FR3043881 ;

— DONNER tous éléments pour chiffrer l’atteinte aux revendications 1, 4 et 5 du brevet déposé le 9 novembre 2010 sous le numéro FR1059235 et publié le 11 mai 2012 sous le numéro FR2967009 ou à la revendication 3 du brevet déposé le 19 novembre 2015 sous le numéro FR1561133 et publié le 26 mai 2017 sous le numéro FR3043881, en ce compris, conformément à l’article L. 615-7 du code de la propriété intellectuelle : (i) les bénéfices réalisés par la société CARBTECH et la société A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V., y compris les économies d’investissement intellectuels, matériels et promotionnels qu’elles ont retirées de la contrefaçon et (ii) les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la société PLAISANCE EQUIPEMENTS ;

Dans l’hypothèse où la juridiction de céans retiendrait des actes de concurrence déloyale par confusion,

— CONVOQUER les parties dans le respect du contradictoire et leur demander de fournir tous documents utiles à l’évaluation du préjudice matériel et financier subi par la société PLAISANCE EQUIPEMENTS du fait des actes concurrence déloyale par confusion en raison de la gamme de produits MARTEAU HRT et du SUPPORT HARDOX400 ;

— DONNER tous éléments pour chiffrer le préjudice subi par la société PLAISANCE EQUIPEMENTS ;

En tout état de cause,

— DIRE que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport au greffe de la chambre de céans avant une date déterminée par le tribunal de céans sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile auprès du juge de la mise en état chargé du contrôle de l’expertise ;

— DIRE qu’en cas de difficulté sur l’une des dispositions qui précédent, il en sera référé au juge de la mise en état chargé du contrôle de l’expertise.

Sur les mesures immédiates

— FAIRE INTERDICTION aux sociétés CARBTECH et A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V., de fabriquer, détenir, exporter, importer, mettre dans le commerce, offrir ou exploiter, directement ou indirectement par toute personne physique ou morale interposée, la gamme de produits MARTEAU HRT et le SUPPORT HARDOX400 à destination de machines X ou tout autre produit reproduisant les revendications 1, 4 ou 5 du brevet déposé le 9 novembre 2010 sous le numéro FR1059235 et publié le 11 mai 2012 sous le numéro FR2967009 ou la revendication 3 du brevet déposé le 19 novembre 2015 sous le numéro FR1561133 et publié le 26 mai 2017 sous le numéro FR3043881, sous une astreinte de dix mille euros (10.000 euros) par jour de retard et ce, à compter de l’expiration d’un délai de huit (8) jours ouvrables suivant la signification du jugement à intervenir ;

— ORDONNER la confiscation au profit de la société PLAISANCE EQUIPEMENTS, sous contrôle d’huissier, aux frais solidaires des sociétés CARBTECH et A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V., des produits de la gamme MARTEAU HRT, les produits SUPPORT HARDOX400 à destination de machines PLAISANCE et tout autre produit reproduisant les revendications 1, 4 ou 5 du brevet déposé le 9 novembre 2010 sous le numéro FR1059235 et publié le 11 mai 2012 sous le numéro FR2967009 ou la revendication 3 du brevet déposé le 19 novembre 2015 sous le numéro FR1561133 et publié le 26 mai 2017 sous le numéro FR3043881 se trouvant entre les mains des sociétés CARBTECH et A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V., de leurs représentants ou de leurs préposés, sous une astreinte de mille euros (1.000 euros) par jour de retard et ce, à compter de l’expiration d’un délai de huit (8) jours ouvrables suivant la signification du jugement à intervenir ;

— ORDONNER le rappel des circuits commerciaux, sous contrôle d’huissier, aux frais solidaires des sociétés CARBTECH et A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V., des produits de la gamme MARTEAU HRT et des produits SUPPORT HARDOX400 à destination de machines X et de tout autre produit reproduisant les revendications 1, 4 ou 5 du brevet déposé le 9 novembre 2010 sous le numéro FR1059235 et publié le 11 mai 2012 sous le numéro FR2967009 ou la revendication 3 du brevet déposé le 19 novembre 2015 sous le numéro FR1561133 et publié le 26 mai 2017 sous le numéro FR3043881, sous une astreinte de mille euros (1.000 euros) par jour de retard et ce, à compter de l’expiration d’un délai de huit (8) jours ouvrables suivant la signification du jugement à intervenir ;

— ORDONNER, sur le fondement des articles L. 615-5-1-1 et L. 615-5-2 du code de la propriété intellectuelle, la communication à la société PLAISANCE EQUIPEMENTS et le dépôt au greffe du tribunal de céans par les sociétés CARBTECH et A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V., de toutes pièces et documents techniques, comptables, contractuels et publicitaires concernant la gamme de produits MARTEAU HRT et le SUPPORT HARDOX400 à destination de machines PLAISANCE sous une astreinte de trois mille euros (3.000 euros) par jour de retard à compter l’expiration d’un délai de huit (8) jours ouvrables suivant la signification du jugement à intervenir ;

— CONDAMNER in solidum les sociétés CARBTECH et A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V. à verser à la société PLAISANCE EQUIPEMENTS la somme de trois cent soixante-quinze mille euros (375.000 euros) à titre de provision sur les dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi en raison de la contrefaçon de brevet, assortie d’une astreinte de dix mille euros (10.000 euros) par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de quinze (15) jours ouvrables suivant la signification du jugement à intervenir.

Dans l’hypothèse où la juridiction de céans retiendrait des actes de concurrence déloyale par confusion,

— FAIRE INJONCTION aux sociétés CARBTECH et A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V. de cesser de commettre les actes de concurrence déloyale par confusion précédemment exposés au préjudice de la société PLAISANCE ÉQUIPEMENTS en cessant de proposer à la vente ou de commercialiser la gamme de produits MARTEAU HRT et le SUPPORT HARDOX400 et ce sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard, passé un délai de trente jours à compter de la signification de la décision à intervenir ;

— CONDAMNER in solidum les sociétés CARBTECH et A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V. à verser à la société PLAISANCE EQUIPEMENTS la somme de trois cent soixante-quinze mille euros (375.000 euros) à titre de provision sur les dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique et moral subi en raison de la concurrence déloyale par confusion, assortie d’une astreinte de dix mille euros (10.000 euros) par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de quinze (15) jours ouvrables suivant la signification du jugement à intervenir.

IIIo/ Sur les mesures propres à la contrefaçon de marque

— SURSEOIR À STATUER sur l’évaluation du préjudice résultant de la contrefaçon.

Avant dire droit sur le quantum du préjudice

— DÉSIGNER tel expert près la cour d’appel de Paris agréé par la Cour de cassation, avec pour mission de :

— CONVOQUER les parties dans le respect du contradictoire et leur demander de fournir tous documents utiles à l’évaluation du dommage matériel et financier subi par la société PLAISANCE EQUIPEMENTS du fait des actes de contrefaçon de la marque de l’Union européenne no 16784985 PLAISANCE ;

— DONNER tous éléments pour chiffrer non forfaitairement l’atteinte à la marque de l’Union européenne no 16784985 X en ce compris, conformément à l’article L. 722-6, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle :

(i) les bénéfices réalisés par la société CARBTECH, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels qu’elle a retirée de la contrefaçon de la marque de l’Union européenne no 16784985 X ; et

(ii) les conséquences économiques négatives de la contrefaçon de marque, dont le manque à gagner et la perte subis par la société PLAISANCE EQUIPEMENTS ;

— DONNER tous éléments pour chiffrer forfaitairement l’atteinte à la marque de l’Union européenne no 16784985 PLAISANCE en ce compris, en application de l’article L. 722-6, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle, le montant des redevances ou droits qui auraient été dus à la société PLAISANCE EQUIPEMENTS si la société CARBTECH avait demandé l’autorisation d’utiliser la marque de l’Union européenne no 16784985 PLAISANCE pour la période et le type d’usage qu’elle a réalisé en contrefaçon des droits de la société PLAISANCE EQUIPEMENTS ;

— DIRE que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport au greffe de la chambre de céans avant une date déterminée par le tribunal de céans sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile auprès du juge de la mise en état chargé du contrôle de l’expertise ;

— DIRE qu’en cas de difficulté sur l’une des dispositions qui précédent, il en sera référé au juge de la mise en état chargé du contrôle de l’expertise.

Sur les mesures immédiates

— FAIRE INTERDICTION à la société CARBTECH de faire usage du signe « PLAISANCE » contrefaisant la marque de l’Union européenne no 16784985 PLAISANCE de la société PLAISANCE EQUIPEMENTS, en tout ou partie, seul ou combiné à d’autres termes, dénominations, signes, logos, sous quelque forme et sur quelque support que ce soit et à quelque titre que ce soit, sous une astreinte de dix mille euros (10.000 euros) par jour de retard et ce, à compter de l’expiration d’un délai de huit (8) jours ouvrables suivant la signification du jugement à intervenir ;

— FAIRE INTERDICTION à la société CARBTECH de faire usage du signe « PLAISANCE » à titre de mot-clé dans le cadre d’une campagne de référencement payant sur internet ayant pour objet de déclencher une annonce reproduisant la marque de l’Union européenne no 16784985 PLAISANCE de la société PLAISANCE EQUIPEMENTS, de telle façon qu’un lien économique entre la société CARBTECH et la société PLAISANCE EQUIPEMENTS est suggéré ou ne peut être raisonnablement écarté par ladite annonce, sous une astreinte de dix mille euros (10.000 euros) par jour de retard et ce, à compter de l’expiration d’un délai de huit (8) jours ouvrables suivant la signification du jugement à intervenir ;

— CONDAMNER la société CARBTECH à verser à la société PLAISANCE EQUIPEMENTS la somme de cent cinquante mille euros (150.000 euros) à titre de provision sur les dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi en raison de la contrefaçon de marque, assortie d’une astreinte de dix mille euros (10.000 euros) par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de quinze (15) jours ouvrables suivant la signification du jugement à intervenir.

IVo/ Sur les mesures propres à la concurrence déloyale par manquement à la réglementation

— CONDAMNER la société CARBTECH à verser à la société PLAISANCE ÉQUIPEMENTS la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et économique subi du fait de l’ensemble des actes de concurrence illicite et déloyale exposés sur le fondement de l’article 1240 du code civil, anciennement 1382 ;

— FAIRE INTERDICTION à la société CARBTECH de réitérer pour l’avenir les actes de concurrence déloyale en cause sous quelque forme que ce soit et sous toute autre adresse url éventuelle, et ce sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée à l’issue d’un délai de quinze (15) jours à compter de la signification du jugement à intervenir.

Si le tribunal de céans devait ne pas faire droit à la demande de fermeture du site internet www.carbtech.fr,

— FAIRE INJONCTION à la société CARBTECH de cesser de commettre les actes de concurrence déloyale précédemment exposés au préjudice de la société PLAISANCE ÉQUIPEMENTS par la mise en conformité de son site internet accessible à l’adresse url www.carbtech.fr aux réglementations suivantes et ce sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard, passé un délai de trente jours à compter de la signification de la décision à intervenir :

– Cesser la violation des articles 6 III-1, 19 4o de la loi no 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et 93-2 de la loi du 29 juillet 1982 en communiquant au consommateur l’intégralité des informations impératives prescrites par ces dispositions ;

– Cesser la violation de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;

– Cesser la violation du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil en date du 27 avril 2016 entré en vigueur le 25 mai 2018 (RGPD) ;

– Cesser la violation des articles L. 616-1 et R. 616-1 du code de la consommation en communiquant sur son site internet les coordonnées du médiateur à la consommation dont il relève au sens de l’article L. 616-1 du code de la consommation ;

– Cesser la violation des articles L. 616-2 du code de la consommation et 14.1 du règlement (UE) no524/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 en insérant un lien électronique vers la plateforme de règlement des litiges en ligne.

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE

— DEBOUTER les sociétés défenderesses de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

— CONDAMNER in solidum les sociétés défenderesses à verser à la société PLAISANCE EQUIPEMENTS la somme de 300.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

— DIRE ET JUGER que les différentes astreintes prononcées seront productrices d’intérêts au taux légal ;

— ORDONNER la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil (anciennement article 1154 du code civil) ;

— ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir en application de l’article 514, alinéa 1, du Code de procédure civile, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2005 au 1er janvier 2020, applicable au présent litige ».

*

Les sociétés A.T.W.T et CARBTECH présentent, aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 novembre 2021 les demandes suivantes:

« Vu les articles 9, 31, 145 et 146 et 700 du code de procédure civile,

Vu les articles L. 611-10, L. 611-11, L. 611-14, R. 612-18, L. 613-2, L. 613-25, L. 615-5-1-1, L. 615-5-2, L. 615-7, L. 713-3-1, L. 713-6, L. 716-4-10 et L. 722-5 du code de la propriété intellectuelle,

Vu les articles 1240, 1241, 1353 et 1358 du code civil,

Vu les articles liminaire, L. 616-1, L. 616-2 et R. 616-1 du code de la consommation,

Vu l’article 286 ter du code général des impôts,

Vu la loi no 2004-575 du 21 juin 2004,

Vu la loi du 29 juillet 1982,

Vu le RGPD et la loi informatique et libertés,

Vu les pièces communiquées et la jurisprudence versées au débat,

À titre liminaire :

SUR LA MISE HORS DE CAUSE DE LA SOCIETE A.T.W.T INTERNATIONAL B.V.

— JUGER que la société A.T.W.T INTERNATIONAL B.V. n’a pas vendu les produits litigieux ;

En conséquence :

— JUGER la société A.T.W.T INTERNATIONAL B.V. hors de cause ;

— CONDAMNER la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS au paiement de la somme de cent mille euros (100.000 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la société A.T.W.T INTERNATIONAL B.V. pour avoir été abusivement attraite devant le tribunal de céans.

SUR LE REJET DES DEMANDES D’EXPERTISE ET DE DROIT D’INFORMATION

— JUGER que la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS ne justifie d’aucun trouble manifestement illicite pesant sur ses droits ;

— JUGER que la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS ne rapporte pas la preuve du caractère vraisemblable de la contrefaçon, notamment en présence d’un doute sérieux sur la validité des brevets allégués et en l’absence de tout acte de concurrence déloyale.

En conséquence, sur la demande d’expertise :

— JUGER n’y avoir lieu à expertise ;

En conséquence, sur la demande de droit d’information :

— JUGER que la communication des éléments demandés par la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS porterait une atteinte excessive au secret des affaires et aux intérêts des sociétés CARBTECH SARL et A.T.W.T INTERNATIONAL B.V. ;

— JUGER n’y avoir lieu à enjoindre à communiquer.

SUR LA VALIDITE ET LA VALEUR PROBANTE DU PROCES-VERBAL DE CONSTAT D’HUISSIER EN DATE DU 4 JANVIER 2021

— JUGER valide et probant le procès-verbal de constat d’huissier réalisé en date du 4 janvier 2021 à la demande de CARBTECH SARL.

SUR LA NULLITE DES BREVETS ALLEGUES

— JUGER que les brevets FR 2 967 009 et FR 3 043 881 sont nuls pour défaut de nouveauté ;

— JUGER, à défaut, que les revendications 1, 4 et 5 du brevet FR 2 967 009 et que les revendications 1 et 3 du brevet FR 3 043 881 sont nulles ;

— JUGER l’absence de droits détenus par la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS sur les brevets FR 2 967 009 et FR 3 043 881, motif pris de l’absence de caractère nouveau ;

— JUGER l’absence de protection attachée aux dessins ou modèles objets des brevets FR 2 967 009 et FR 3 043 881, motif pris de l’absence des conditions requises pour bénéficier de la protection au titre du droit des brevets ;

— JUGER, à défaut, qu’il existe un doute sérieux sur la validité des brevets FR 2 967 009 et FR 3 043 881 et des revendications susvisées ;

En conséquence :

— FAIRE DROIT à la fin de non-recevoir des sociétés CARBTECH SARL et A.T.W.T INTERNATIONAL B.V. ;

— JUGER la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS irrecevable en son action fondée sur des prétendus faits de contrefaçon ;

— PRONONCER la nullité du brevet FR 2 967 009 ;

— PRONONCER la nullité du brevet FR 3 043 881 ;

À défaut,

— PRONONCER la nullité des revendications 1, 4 et 5 du brevet FR 2 967 009 ;

— PRONONCER la nullité des revendications 1 et 3 du brevet FR 3 043 881.

SUR LE FOND :

SUR LA PRETENDUE CONTREFAÇON DE BREVETS

— JUGER la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS mal fondée en toutes ses demandes au titre de la prétendue contrefaçon de brevets ;

En conséquence :

— JUGER l’absence de tout acte de contrefaçon de brevets commis par les sociétés CARBTECH SARL et A.T.W.T INTERNATIONAL B.V. ;

— JUGER que la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS ne justifie d’aucun préjudice matériel ni moral réparable ;

— JUGER que la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS ne justifie d’aucun trouble manifestement illicite pesant sur ses droits ;

— DÉBOUTER la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions au titre de la prétendue contrefaçon de brevets ;

— JUGER la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS tant irrecevable que mal fondée en ses demandes d’interdiction, d’injonction et de publication de la décision à intervenir ; l’en DÉBOUTER.

Sur la prétendue concurrence déloyale par confusion invoquée à titre infiniment subsidiaire par la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS :

— JUGER la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS mal fondée en toutes ses demandes au titre de la prétendue concurrence déloyale par confusion ;

En conséquence :

— JUGER l’absence de tout acte de concurrence déloyale par confusion commis par les sociétés CARBTECH SARL et A.T.W.T INTERNATIONAL B.V. ;

— DÉBOUTER la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions au titre de la prétendue concurrence déloyale par confusion.

SUR LA PRETENDUE CONTREFAÇON DE MARQUE

— JUGER la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS mal fondée en toutes ses demandes au titre de la prétendue contrefaçon de marque ;

En conséquence :

— JUGER l’absence de tout acte de contrefaçon de marque commis par les sociétés CARBTECH SARL et A.T.W.T INTERNATIONAL B.V. ;

— JUGER que la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS ne justifie d’aucun préjudice matériel ni moral réparable ;

— JUGER que la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS ne justifie d’aucun trouble manifestement illicite pesant sur ses droits ;

— DÉBOUTER la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions au titre de la prétendue contrefaçon de marque ;

— JUGER la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS tant irrecevable que mal fondée en ses demandes d’interdiction, d’injonction et de publication de la décision à intervenir ; l’en DÉBOUTER.

SUR LA PRETENDUE CONCURRENCE DELOYALE PAR MANQUEMENT A LA REGLEMENTATION

— JUGER que CARBTECH SARL respecte ou, à défaut, n’est pas tenue de respecter la législation relative à la protection des données à caractère personnel, ainsi que les articles L. 616-1, L. 616-2 et R. 616-1 du code de la consommation et les articles 6 et 19 de la loi no 2004-575 du 21 juin 2004 ;

— JUGER la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS mal fondée en toutes ses demandes au titre des prétendus actes de concurrence déloyale par manquement à la réglementation ;

En conséquence :

— JUGER l’absence de tout acte de concurrence déloyale par manquement à la réglementation commis par les sociétés CARBTECH SARL et A.T.W.T INTERNATIONAL B.V. ;

— DÉBOUTER la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions au titre des prétendus actes de concurrence déloyale par manquement à la réglementation.

SUR LES DEMANDES INDEMNITAIRES DE LA SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS

— JUGER que les demandes de dommages-intérêts de la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS ne sont pas fondées ni en leur principe ni en leur quantum ;

En conséquence :

— L’en DÉBOUTER.

À titre reconventionnel, sur la procédure abusive :

— JUGER que la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS ne justifie pas d’un intérêt légitime pour agir au sens de l’article 31 du code de procédure civile ;

— JUGER que l’action de la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS procède d’une intention de nuire, l’objectif qu’elle poursuit caractérisant un abus manifeste de procédure ;

En conséquence :

— JUGER abusive l’action de la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS ;

— CONDAMNER la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS à verser à chacune des sociétés CARBTECH SARL et A.T.W.T INTERNATIONAL B.V. la somme de soixante-quinze mille euros (75.000 euros), à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

— CONFIRMER l’exécution provisoire sur ce chef.

Subsidiairement, sur l’usage frauduleux par la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS du terme “breveté” :

— JUGER l’usage fautif par la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS du terme “breveté” pour désigner des produits non protégés par un brevet.

EN TOUTE HYPOTHÈSE

— JUGER la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS mal fondée en toutes ses demandes ;

— DÉBOUTER la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

— CONDAMNER la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS à verser à CARBTECH SARL et à la SARL A.T.W.T INTERNATIONAL B.V., à chacune d’entre elles, la somme de cent mille euros (100.000 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— CONDAMNER la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS aux entiers frais et dépens ;

— CONDAMNER la SAS PLAISANCE ÉQUIPEMENTS au paiement des éventuels honoraires d’huissier nécessaires à l’exécution de la décision à intervenir ;

— REJETER l’exécution provisoire sur les éventuels chefs de condamnation des sociétés CARBTECH SARL et/ou SARL A.T.W.T INTERNATIONAL B.V.

***

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 décembre 2021 et l’affaire plaidée le 17 février 2022.

Pour un exposé complet de l’argumentation des parties il est, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoyé à leurs dernières conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

1- Sur la demande de mise hors de cause de la societe A.T.W.T :

La société A.T.W.T fait valoir qu’elle n’a pas qualité à défendre dans la mesure où seule la société CARBTECH échange avec les potentiels acheteurs notamment par courriel, émet sous son propre nom les devis, les bons de commandes, les bons de livraison ainsi que les factures puis livre les produits à ses clients qui lui en versent le prix. La société A.T.W.T ajoute qu’elle ne peut recevoir la qualité d’exportateur, notamment parce que les produits vendus par la société CARBTECH ne sont jamais expédiés hors du territoire de l’Union européenne et qu’il n’existe pas de lien contractuel entre elle et les acheteurs.

La société PLAISANCE réplique qu’en amont de cette vente interne, la fourniture des produits entre A.T.W.T. immatriculée aux Pays-Bas, et sa filiale française de distribution, la société CARBTECH, est une vente intra-communautaire dans laquelle la première joue le rôle d’exportatrice et la société CARBTECH, celui d’importatrice. Elle rappelle que la notion d’exportateur dans le cadre de l’action en contrefaçon de brevet en vertu du droit français n’est pas celle qui est définie au Règlement délégué (UE) 2018/1063 de la Commission du 16 mai 2018 puisqu’il convient de se placer du point de vue du territoire français auquel se limite la protection d’un brevet français. L’exportateur est, selon elle, la personne physique ou morale située hors du territoire français qui introduit le produit en France, de concert avec l’importateur situé sur ce territoire et que dans le cas d’une société mère étrangère et d’une filiale de distribution en France, la participation active de la première à l’importation ne fait aucun doute.

Sur ce,

En application de l’article 122 du code de procédure civile constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond pour défaut de droit d’agir tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix ou la chose jugée.

L’article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que « Sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet :

a) La fabrication, l’offre, la mise dans le commerce, l’utilisation, l’importation, l’exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet ; (…) ».

Contrairement à ce que soutient la société A.T.W.T, a bien la qualité d’exportateur celui qui, bien que domicilié au sein de l’UE, fait rentrer des produits contrefaisants sur le territoire français et en tout état de cause, le breveté poursuivant un importateur en contrefaçon peut mettre dans la cause et faire condamner l’exportateur, situé à l’étranger, lorsque celui-ci est conscient de la destination du produit qu’il exporte activement (Cass. com., 12 mars 1979 ; CA Paris, 4e ch., 7 avr. 2004, no 02/18118).

En l’espèce, il sera en premier lieu relevé que dans ses écritures, la société A.T.W.T précise fabriquer des pièces d’usure adaptables, notamment destinées à des broyeurs, à des machines industrielles, agricoles et forestières que la SARL CARBTECH créée au mois de mars 2013 et qu’elle présente comme sa filiale française, distribue sur le territoire national.

Et si elle soutient en second lieu que le constat d’achat réalisé le 16 novembre 2017 ne permet pas d’établir qu’elle a directement participé à la vente des produits allégués de contrefaçon au motif que les devis, factures et bons de livraisons présentent en entête le seul logo « CARBTECH », il n’est pas contesté que ces produits n’ont pas été fabriqués sur le territoire français mais qu’ils ont été importés depuis les Pays-Bas, précisément depuis l’adresse du siège social de la société A.T.W.T et cette dernière ne démontre ni même ne prétend qu’ils auraient été fournis par une autre société, ce qui serait du reste, en totale contradiction avec la qualité de distributeur de la société CARBTECH.

Dans ces conditions, la société A.T.W.T, maison mère de la société CARBTECH qui est son distributeur sur le sol français et ne pouvait, à ce titre, ignorer la destination des produits importés, a bien qualité à défendre à la présente action. Les demandes formées à son encontre au titre des actes de contrefaçon seront en conséquence déclarées recevables.

2- Sur le rejet de la demande d’expertise et de droit d’information pour absence de préjudice et de commencement de preuve de contrefaçon

Ces demandes qui ne constituent pas une fin de non-recevoir n’ont pas lieu d’être examinées à titre liminaire mais dans le cadre des demandes indemnitaires et réparatrices formulées au titre de l’action en contrefaçon.

3- L’objet du brevet :

3.1- Présentation du brevet FR 009

Le brevet français FR 009 concerne un porte-outil pour dispositif de broyage ou malaxage de sol.

Il est rappelé dans sa partie descriptive que, dans le domaine des opérations de broyage de pierres et de malaxage de sols en profondeur, sont connus des blocs porte-outil montés sur des ensembles mobiles de broyage de pierres ou de malaxage de sols comportant un tambour rotatif motorisé sur lequel sont fixés une pluralité d’outils de broyage montés chacun sur un porte-outil et répartis sur la périphérie du tambour.

Il est précisé que ces portes-outils sont préférentiellement soudés sur le tambour, comportent un corps en acier, sensiblement parallélépipédique, et sont pourvus de moyens de réception et de fixation de l’outil, lui-même conçu sous forme d’un corps en acier, approximativement parallélépipédique. Cet outil dispose également d’une face d’attaque sur laquelle est rapportée de façon rigide ou démontable une pointe, souvent en forme d’une plaquette en acier carbure destinée à attaquer les pierres à broyer ou le sol à malaxer.

L’outil est fixé sur le porte-outil au moyen de vis de fixation qui traversent de part en part, dans la direction de travail, à la fois le porte-outil et l’outil. Sous l’effet des chocs successifs, les outils sont soumis à des contraintes importantes, impliquant des efforts que l’assemblage outil/porte-outil doit pouvoir reprendre. Les vis sont donc particulièrement sollicitées et cassent fréquemment.

Pour pallier cet inconvénient, l’invention litigieuse propose un porte-outil pourvu de moyens de réception et de fixation d’un outil de broyage ou de malaxage comprenant au moins une vis de fixation et caractérisé en ce qu’il comprend des surfaces destinées à l’appui de l’outil sur le porte-outil et permettant la reprise des efforts entre les deux dans au moins une direction perpendiculaire à l’axe longitudinal de ladite vis et dans les deux sens.

Le brevet se compose à cette fin de six revendications dont seules sont invoquées les no 1, 4 et 5 :

1.Porte-outil (2) pour dispositif (1) de broyage ou malaxage de sol, pourvu de moyens de réception et de fixation d’un outil (3) de broyage ou de malaxage lesdits moyens comprenant au moins une vis (6) de fixation de l’outil (3) sur le porte-outil (2), caractérisé en ce qu’il comprend des surfaces d’appui (13, 15, 16, 20, 23, 24), destinées à l’appui de l’outil (3) sur le porte-outil (2), permettant la reprise des efforts entre l’outil (3) et le porte-outil (2) dans au moins une direction perpendiculaire à l’axe longitudinal de ladite vis (6) et dans les deux sens lesdites surfaces d’appui (20) formant au moins en partie un système d’assemblage par queue d’aronde.

4.Outil (3) pour dispositif de broyage ou malaxage de sol destiné à être monté sur un porte-outil (2) au moyen d’au moins une vis de fixation (6) dudit outil (3) sur ledit porte-outil (2), caractérisé en ce qu’il comprend des surfaces d’appui (13, 15, 16, 20, 23, 24), destinées à l’appui de l’outil (3) sur le porte-outil (2), permettant la reprise des efforts entre l’outil (3) et le porte-outil (2) dans au moins une direction perpendiculaire à l’axe longitudinal de ladite vis (6) dans les deux sens, lesdites surfaces d’appui (20) formant au moins en partie un système d’assemblage par queue d’aronde.

5.Bloc porte-outil (1) pour dispositif de broyage ou malaxage au sol comportant un porte-outil (2) selon l’une quelconque des revendications 1 à 3 et un outil (3) selon revendication 4.

L’invention est illustrée notamment par la figure 1 qui représente en vue éclatée en perspective l’outil et son porte-outil :

La figure 2 représente une coupe longitudinale d’un bloc outil/porte-outil du type de la figure 1 :

— Sur l’art antérieur pertinent du brevet FR 009 :

Le rapport de recherche mentionne les documents suivants :

– US 6 464 157 B1 (BALVANZ LORAN R [US] ET AL) publié le 15 octobre 2002,

– US 2008/283257 A1 (EDWARDS JOHN W [US]) publié le 20 novembre 2008,

– DE 200 21216 U1 (FAE ITALIA S R L [IT]) publié le 22 mars 2001,

– EP 1 693 110 A1 (SEPPI ML SRL [IT] publié le 23 août 2006.

Les défenderesses invoquent à titre d’antériorités les documents US 2008/0283257, US 4 717 083 et US 3 322 356.

L’art antérieur pertinent qu’il y a lieu de retenir est le brevet US 2008/283257 publié le 20 novembre 2008, qui décrit un appareil de broyage industriel destiné à être utilisé dans le paillage de végétation tel que des broussailles, des arbres ou le broyage de souches.

— Sur la portée de la revendication 1

Les parties s’opposent sur la portée de la revendication 1.

Selon les défenderesses, toutes les surfaces d’appui du porte-outil se doivent de réaliser un blocage assurant la reprise des efforts de cisaillement des vis, c’est-à-dire chacune des faces parallèle et inclinée en cas de système d’assemblage par queue d’aronde partielle et les deux faces inclinées en cas de système d’assemblage par queue d’aronde totale. Elles soutiennent à cet égard qu’aucune surface d’appui n’est capable à elle seule d’assurer ce blocage et donc la reprise des efforts de cisaillement des vis dans les deux sens, et qu’il faut alors deux surfaces d’appui d’orientation opposée (face à face ou dos à dos) pour assurer ce blocage et cette reprise des efforts de cisaillement des vis dans les deux sens. La revendication 1 du brevet FR 009 ne saurait en conséquence se réduire à la mise en oeuvre d’au moins une surface d’appui horizontale/parallèle aux vis assurant la reprise des efforts de cisaillement des vis.

Par ailleurs, la revendication 1 exclut, selon les défenderesses, les modes de réalisation qui concernent des systèmes d’assemblage par queue droite, c’est-dire à surfaces d’appui formées de faces parallèles entre elles, ou au moyen de pions de positionnement et non par queue d’aronde avec des surfaces d’appui formées d’une ou de deux faces d’appui inclinées. Elles rappellent à cet égard que la caractéristique selon laquelle les surfaces d’appui forment au moins en partie un système d’assemblage par queue d’aronde a été ajoutée pendant la procédure de délivrance du brevet FR 009 ce, pour se différencier de l’art antérieur cité dans le rapport de recherche préliminaire.

La société PLAISANCE EQUIPEMENTS réplique que la particularité de la revendication 1 consiste à prévoir diverses surfaces d’appui dont une au moins assure une reprise d’efforts dans la direction perpendiculaire au sens longitudinal des vis afin de soulager la pression sur celles-ci et l’autre de biais, soulageant un autre axe de pression. Elle considère par ailleurs que la revendication 1 prévoyant que les surfaces d’appui « formant au moins en partie un système d’assemblage par queue d’aronde », il s’agit donc d’un système d’assemblage partiel en queue d’aronde c’est-à-dire un assemblage par simple épaulement et non emboîtement complet. Elle ajoute que c’est bien la surface d’appui parallèle aux vis qui assume le plus de pression exercée par la force de cisaillement (perpendiculaire à l’axe longitudinal) et qu’il s’agit là d’un prérequis indispensable pour lutter efficacement contre la pression de la force de cisaillement, quand bien même les surfaces de biais coopèrent aussi à cette reprise.

Elle précise que le quatrième mode de réalisation cité par les défenderesses prévoit que seule une surface d’appui est inclinée à savoir l’épaulement au milieu de l’outil et du porte-outil, sachant que les autres surfaces demeurent donc horizontales (perpendiculaires à l’axe des vis). Elle fait valoir que l’enseignement principal de la revendication 1 est de prévoir au moins une surface d’appui horizontale qui reprend uniquement les efforts subis perpendiculairement à l’axe longitudinal des vis, ainsi qu’une surface de biais qui participe à cette reprise d’efforts et qui soulage également les efforts subis dans l’axe des vis et que c’est la combinaison de ces deux caractéristiques requises qui crée la solidité de l’assemblage.

Sur ce,

Pour rappel, les caractéristiques de la revendication 1 (qui sont ici décomposées pour plus de lisibilité) sont les suivantes :

— Porte-outil (2) pour dispositif (1) de broyage ou malaxage de sol,

(A) pourvu de moyens de réception et de fixation d’un outil (3) de broyage ou de malaxage

(B) lesdits moyens comprenant au moins une vis (6) de fixation de l’outil (3) sur le porte-outil (2), caractérisé en ce qu’

(C) il comprend des surfaces d’appui (13, 15, 16, 20, 23, 24), destinées à l’appui de l’outil (3) sur le porte-outil (2), permettant la reprise des efforts entre l’outil (3) et le porte-outil (2) dans au moins une direction perpendiculaire à l’axe longitudinal de ladite vis (6) et dans les deux sens

(D) lesdites surfaces d’appui (20) formant au moins en partie un système d’assemblage par queue d’aronde.

Les défenderesses soutiennent en substance que :

– pour assurer la reprise des efforts de cisaillement des vis dans les deux sens, il faut impérativement deux surfaces d’appui d’orientation opposées (face à face ou dos à dos) ;

– ces deux surfaces d’appui ne peuvent qu’être formées soit par une face parallèle à l’axe longitudinal des vis et une face inclinée en cas de système d’assemblage par queue d’aronde partielle, soit par deux faces inclinées de manière symétrique en cas de système d’assemblage par queue d’aronde totale ;

– le système d’assemblage par queue d’aronde totale est également couvert par la revendication 1 du fait de l’emploi des termes « au moins en partie » ;

– le tenon et la mortaise peuvent indifféremment être portés par l’outil ou le porte-outil.

Il convient de considérer, à la lecture de la partie caractérisante de la revendication 1, que l’invention suppose que le porte-outil comporte au moins deux surfaces d’appui – dont l’une au moins présente un système par queue d’aronde – permettant, de par leur structure, une reprise d’effort dans au moins une direction perpendiculaire à l’axe longitudinal et dans les deux sens, ce qui suppose en effet que ces surfaces d’appui présentent des orientations opposées, comme cela est d’ailleurs parfaitement illustré par les défenderesses dans la figure no5 du brevet, sur laquelle elles ont matérialisé les deux sens de la reprise d’effort :

En revanche, la phrase « formant au moins en partie un système d’assemblage par queue d’aronde » n’implique pas que le brevet couvre la possibilité de prévoir une surface d’appui par queue d’aronde intégrale, les termes « formant au moins en partie » s’appliquant non pas à une surface d’appui mais à l’ensemble des surfaces d’appui, ce qui signifie donc que l’une au moins d’entre elles forme un système de queue d’aronde partiel. Cela est, du reste, conforme à l’effet technique recherché, qui est, de façon générale, de renforcer la résistance de la fixation de l’outil sur le porte-outil par la reprise des efforts laquelle, comme le fait pertinemment valoir la demanderesse, ne pourrait être efficacement assurée avec une queue d’aronde complète qui fragiliserait le tenon.

Enfin, ce tenon et la mortaise ne peuvent être, aux termes de la revendication 1, portés indifféremment par l’outil ou le porte-outil dans la mesure où c’est la revendication 4, indépendante, qui prévoit cette configuration, la revendication 5 pour sa part prévoyant que l’outil et le porte-outil présentent chacun plusieurs surfaces d’appui, dont l’une au moins présente une queue d’aronde partielle.

3.2- Présentation du brevet FR 881

L’invention décrite dans le brevet FR 881 constitue une amélioration du brevet FR 009.

Dans sa partie descriptive, le brevet indique qu’en cours de fonctionnement d’un porte-outil tel que décrit au brevet FR 009, si les débris, arrachés et broyés par les dents sous l’effet de la rotation du tambour, s’extraient au fur et à mesure, en particulier grâce au positionnement judicieux des outils sur la paroi périphérique du tambour, est cependant constatée une accumulation de matière entre les parois d’extrémités dudit tambour et les flasques latérales qui est plus importante lorsque le dispositif est utilisé sur un sol à forte concentration de silice, ce qui entraîne une usure des matériels.

L’invention se propose de remédier à cette situation en positionnant des outils spécifiques, de façon saillante par rapport aux parois latérales dudit tambour, de sorte que, lors de la rotation du tambour, ils viennent abraser et broyer la matière de part et d’autre du tambour, en évitant que cette dernière ne vienne s’accumuler entre lesdites parois d’extrémités et les flasques du châssis.

Pour ce faire, chaque outil spécifique comprend au moins une face active supplémentaire, toujours dirigée vers l’avant par rapport au sens de rotation du tambour, mais s’étendant orthogonalement par rapport à ladite face active, à savoir parallèlement audit axe, et en saillie du porte-outil. Ce dernier est fixé au bord de chaque paroi latérale du tambour, de sorte que la face active supplémentaire dépasse par rapport au plan de chaque face latérale du tambour et, pour faciliter son remplacement, est amovible sous la forme d’une plaquette rapportée en fixation sur l’outil, ce dernier pouvant être lui-même solidaire ou amovible.

Le brevet se compose à cette fin de huit revendications dont seule la no 3 est opposée, la nullité de la revendication 1 étant cependant également sollicitée :

1.Porte-outil (1) et outil (4) pour dispositif de broyage ou de malaxage, constitué d’un corps (2) pourvu en paroi avant de l’outil (4) comportant une face active (5) orientée selon une première direction transversale par rapport audit corps (2), caractérisé par le fait qu’il comprend au niveau de ladite paroi avant au moins une face active supplémentaire (16) orientée selon une direction orthogonale à ladite première direction et s’étendant selon un plan parallèle à ladite face active (5), ladite face active supplémentaire (16) s’étendant encore au moins en partie en saillie par rapport à au moins un bord latéral (17, 170) dudit corps (2), cette face active supplémentaire (16) étant amovible par rapport audit corps (2) et se présentant sous forme d’une plaquette (18) rapportée sur la paroi avant dudit corps (2) au travers de moyens de blocage (19) situés en face arrière (22) de ladite plaquette (18).

3.Porte-outil (1) et outil (4) selon l’une quelconque des revendications précédentes, caractérisé par le fait que ladite face active est amovible par rapport audit corps (2) et se présente sous la forme d’une platine (7) rapportée sur une surface de réception (8) équipant ledit corps (2) au travers de moyens de fixation (9) équipés d’au moins un épaulement (14) s’étendant horizontalement et coopérant en accouplement avec un épaulement horizontal (15) correspondant ménagé au niveau de ladite surface de réception (8).

L’invention est notamment illustrée par la figure ci-dessous :

— Sur l’art antérieur pertinent du brevet FR 881 :

Dans son introduction, le brevet mentionne, en tant qu’art antérieur, la demande de brevet FR 009.

Le rapport de recherche cite pour sa part les documents suivants :

– WO 2012/030345 A1 (VERMEER MFG CO [US] HONGO TADAHIRO [JP]) publié le 8 mars 2012,

– US 2008/283257 A1 (EDWARDS JOHN W [US]) publié le 20 novembre 2008,

– DE 200 21 216 U1 (FAE ITALIA S R L [IT]) publié le 22 mars 2001.

Les défenderesses invoquent à titre d’antériorités, le document WO 2012/030345 A1 publiée le 8 mars 2012, la demande de brevet américain US 2008/0283257 A1 publiée le 20 novembre 2008 et enfin, le brevet FR 009 publié le 21 février 2014.

Dans la mesure où le brevet FR 881 est présenté comme un perfectionnement du brevet FR 009, l’art antérieur pertinent qu’il convient de retenir est ce dernier.

— Sur l’homme du métier :

L’homme du métier, qui n’est ici défini par aucune des parties, est un spécialiste moyen du secteur technique dont relève l’invention, doté des connaissances théoriques et pratiques et de l’expérience qui peuvent normalement être attendues d’un professionnel du domaine concerné.

Il s’agit au cas d’espèce d’un spécialiste du matériel de broyage de sols.

4- Validité du brevet FR 009 :

L’article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle dispose que « sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d’application industrielle ».

4.1- Sur le moyen tiré du défaut de nouveauté de la revendication 1 :

Les sociétés défenderesses font valoir que le brevet US 4 717 083 divulgue toutes les caractéristiques des revendications 1 et 4 du brevet FR 009 et qu’il en est de même du brevet US 3 322 356 A.

La société PLAISANCE EQUIPEMENTS réplique que si certains agencements du brevet US 4 717 083 présentent des similarités avec la revendication 1 de son brevet FR 009, il n’en demeure pas moins que la forme, l’agencement, le fonctionnement et le résultat technique recherché sont absolument distincts et que, notamment, l’antériorité opposée tend à résoudre un problème totalement différent puisqu’elle propose un marteau réversible qui peut être retourné très facilement lorsqu’une de ses deux faces est usée, mais n’évoque aucunement la problématique de durée de vie des vis de fixation.

S’agissant du brevet US 3 322 356 elle fait valoir que le résultat recherché n’a rien à voir avec celui du brevet FR 009 puisqu’il s’agit de préserver des soudures de la face dure de la tête de marteau par le recours à des bandes de tungstène d’épaisseurs variées et que pareillement au précédent, ni la forme, ni l’agencement, ni le fonctionnement ni le résultat recherché par la queue d’aronde partielle de la revendication 1 du brevet litigieux ne s’avèrent identiques à ceux qui caractérisent la languette du brevet US 3 322 356 et enfin, qu’il en est de même de la revendication 4.

Sur ce,

Aux termes de l’article L. 611-11 du code de la propriété intellectuelle « une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique.

L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen.

Est également considéré comme compris dans l’état de la technique le contenu de demandes de brevet français et de demandes de brevet européen ou international désignant la France, telles qu’elles ont été déposées, qui ont une date de dépôt antérieure à celle mentionnée au second alinéa du présent article et qui n’ont été publiées qu’à cette date ou qu’à une date postérieure ».

Pour être comprise dans l’état de la technique et privée de nouveauté, l’invention doit se trouver toute entière et dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent, dans la même forme, avec le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique.

La comparaison doit s’opérer revendication par revendication et ne peut procéder d’une analyse globale de celles-ci.

Au soutien de sa demande en nullité pour défaut de nouveauté, les sociétés A.T.W.T et CARBTECH invoquent deux documents de l’art antérieur qu’il convient d’examiner successivement.

1o- le brevet US 4 717 083 :

Ce document décrit « un ensemble marteau destiné à être fixé à un rotor d’un broyeur de matériaux comprenant un élément relié de manière rigide au rotor et une extension de l’élément marteau ayant un axe longitudinal disposé parallèlement et espacé par rapport à l’axe de rotation du rotor et présentant un capuchon réversible pour le concassage de roches » (traduction en langue française par le tribunal de la présentation du brevet).

Il est indiqué dans la partie descriptive que, pour tenter d’augmenter la durée de vie des composants de ces concasseurs de roches, traditionnellement, les fabricants de machines de concassage de roches ont cherché à fixer plus efficacement le marteau au rotor. Il est précisé que dans la pratique, des soudeurs peuvent passer jusqu’à quatre à dix heures par jour à effectuer des soudures efficaces ce qui représente un coût important mais présente également un risque pour la sécurité des ouvriers. Pour pallier ces inconvénients, un système de capuchons amovibles destinés à être fixés au porte-marteau était connu de l’art antérieur. Afin d’en améliorer la durabilité, le brevet se propose d’équiper le porte-marteau de capuchons réversibles de telle sorte que lorsqu’une des extrémités est usée, il suffit de retourner le porte-marteau pour obtenir un capuchon intact. Cette invention est notamment illustrée par la figure reproduite ci-dessous :

Si le domaine et le résultat techniques de cette invention correspondent à ceux du brevet FR 009 en ce qu’ils concernent tous deux un porte-marteau et un marteau destinés à équiper une machine de broyage et que le système proposé vise pareillement à remédier aux effets de l’usure provoquée par les contraintes inhérentes à ces machines en fonctionnement, force est de constater que les moyens utilisés sont différents puisque dans un cas, l’inventeur cherche à diminuer l’usure par la reprise des efforts entre l’outil et le porte-outils en utilisant des surfaces d’appui alors que dans l’autre, il a conçu un système réversible qui va de ce seul fait, doubler la durée de vie de la pièce mécanique sans ne jamais essayer de réduire l’usure des moyens de fixation.

Ensuite, il résulte clairement de la figure 1 ci-dessus que l’extension en queue d’aronde (26) sur laquelle vient se fixer le capuchon présente une queue d’aronde totale qui n’est pas couverte par la revendication 1 du brevet FR 009 comme cela résulte des développements précédents relatifs à la portée de cette revendication. Est également absente la seconde surface d’appui, positionnée horizontalement à l’axe longitudinal des vis.

Faute d’être une antériorité de toutes pièces, le brevet no US 4 717 083 n’est donc pas pertinent pour détruire la nouveauté de la revendication no 1 opposée.

2o- Le brevet US 3 322 356

Cette seconde antériorité intitulée « Marteau de concasseur rotatif avec alternance de bandes d’usure épaisses et minces » (rotary crusher hammer with alternate thick and thin wear strips) concerne aussi le domaine des broyeurs à marteaux rotatifs mais si l’invention a également pour objectif général de réduire le coût de maintenance de tels engins induit par l’usure, elle a davantage trait aux marteaux eux-mêmes plutôt qu’à leur fixation sur leurs supports. Dans cette invention en effet, la tête du marteau est formée en deux parties réunies au moyen d’une languette et d’une rainure, la face amovible étant fixée avec des boulons. Sur chaque face du marteau (11,12), des plaquettes de surfaçage de deux épaisseurs différentes (13,14) sont encastrées et brasées. Cette invention est notamment illustrée par les figures reproduites ci-dessous :

Il est précisé que le marteau étant constitué de deux sections 6 et 7, la dissipation de la chaleur lors du brasage des bandes sur la section inférieure 7 sera grandement facilitée et ce, d’autant plus que le coefficient de dilatation est différent dans les aciers communs et les carbures de tungstène qui composent les plaquettes.

L’effet technique est donc très différent de celui du brevet FR 009 et plus précisément, il ne vise pas à reprendre les efforts entre le marteau et son support et ne présente d’ailleurs qu’une seule surface d’appui formant par ailleurs un système d’assemblage par queue d’aronde intégral et non partiel.

Dès lors, ce brevet ne constitue pas davantage une antériorité de toutes pièces, susceptible de détruire la nouveauté de la revendication no 1 du brevet FR 009.

4.2- Sur le moyen tiré du défaut de nouveauté de la revendication 4 :

Les sociétés A.T.W.T et CARBTECH s’appuient sur les deux mêmes antériorités pour démontrer que la revendication 4 du brevet FR 009 est dépourvue de nouveauté.

Cette revendication décrit l’outil disposant des mêmes caractéristiques que le porte-outil visé dans la revendication 1.

Dans ces conditions, c’est à bon droit que la société PLAISANCE observe que les antériorités opposées à la revendication 1 ne peuvent priver la revendication 4 de nouveauté.

5- Actes de contrefaçon du brevet FR009 :

La société PLAISANCE EQUIPEMENTS soutient que les produits MARTEAU HRT (1 ou 2 pointe carbure) destinés à équiper les engins qu’elle commercialise, correspondent au préambule de la revendication 4 du brevet FR 009, mais également à sa partie caractérisante. Elle ajoute que la société CARBTECH propose également à la vente la pièce complémentaire au MARTEAU HRT, à savoir le porte-outil SUPPORT HARDOX400 qui constitue une reproduction directe tant du préambule que de la partie caractérisante de la revendication 1 de son brevet FR 009. A titre subsidiaire, si le tribunal devait juger que la gamme de MARTEAUX HRT et le SUPPORT HARDOX400 ne reproduisent pas le deuxième élément des parties caractérisantes des revendications 1 et 4 du brevet FR 009, à savoir l’épaulement en forme partielle de queue d’aronde, elle fait valoir qu’elle constitue une contrefaçon par équivalence de son brevet.

S’appuyant sur leur appréciation toute personnelle de la portée du brevet FR 009, les défenderesses répliquent que les supports HARDOX400 « adaptables X » commercialisés par la société CARBTECH n’en contrefont pas la revendication 1 ni de manière littérale, ni par équivalence.

Elles soutiennent à cet égard que les surfaces d’appui du porte-outil, qui permettent la reprise des efforts de cisaillement des vis par blocage du marteau par rapport au support suivant une direction perpendiculaire à l’axe longitudinal des vis et dans les deux sens, forment un système d’assemblage par queue droite, notamment parce que ces surfaces d’appui forment un tenon dont les faces opposées sont toutes deux perpendiculaires à la face avant de ce tenon et donc parallèles entre elles et que la face prétendument inclinée est en réalité, tout comme l’autre face, perpendiculaire à la face avant du tenon. Elles ajoutent que l’assemblage des supports HARDOX400 et des marteaux HRT 1 pointe « adaptables X » peut être réalisé suivant un axe perpendiculaire au fond de la mortaise et à la face avant du tenon, c’est-à-dire suivant la direction de saillie du tenon, comme tout assemblage par queue droite, contrairement à un assemblage par queue d’aronde dont la ou les faces inclinées bloqueraient nécessairement l’insertion du tenon dans la mortaise suivant cet axe. Elles font enfin valoir que ce produit reproduit en réalité les caractéristiques du brevet américain US 2008/0283257, qui fait partie de l’art antérieur.

Elles réfutent par ailleurs toute contrefaçon par équivalence dans la mesure où, selon elles, la fonction des moyens revendiqués dans le brevet FR 009, à savoir celle du système d’assemblage par queue d’aronde, totale ou partielle, formé par les surfaces d’appui, telle qu’elle est définie par la société PLAISANCE EQUIPEMENTS est erronée mais aussi connue au regard des enseignements des brevets US 2008/0283257 A1, US 4 717 083 A et US 3 322 356 A. Elles en déduisent que les moyens revendiqués dans le brevet FR 009 et ceux des supports HARDOX400 ne produisent donc pas le même effet technique premier et n’ont de fait pas la même fonction, et ajoutent que des moyens structurellement différents de ceux qui sont revendiqués ne peuvent être qualifiés de contrefaisants lorsque leur fonction est connue.

S’agissant de la revendication 4, elles font valoir qu’elle n’est pas reproduite par les marteaux HRT 1 pointe « adaptables X » et qu’il en est de même des autres marteaux incriminés à savoir les marteaux HRT 2 pointes de style racleur côté droit et des marteaux HRT de style racleur côté gauche.

Sur ce,

L’article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que : « sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet :

a) La fabrication, l’offre, la mise dans le commerce, l’utilisation, l’importation, l’exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet ;

b) L’utilisation d’un procédé objet du brevet ou, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que l’utilisation du procédé est interdite sans le consentement du propriétaire du brevet, l’offre de son utilisation sur le territoire français ;

c) L’offre, la mise dans le commerce, l’utilisation, l’importation, l’exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet ».

Et en application de l’article L. 615-1 du même code, toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu’ils sont définis aux articles L. 613-3 à L. 613-6 constitue une contrefaçon.

5.1- Actes de contrefaçon par reproduction

Le 16 novembre 2017, la société PLAISANCE EQUIPEMENTS a fait dresser un procès-verbal de constat d’achat de plusieurs produits commercialisés par la société CARBTECH dont six marteaux reproduisant selon elle les caractéristiques de la revendication 4 du brevet FR 009.

Pour rappel cette revendication, découpée pour les besoins de la cause, est la suivante :

-Outil (3) pour dispositif de broyage ou malaxage de sol destiné à être monté sur un porte-outil (2) au moyen d’au moins une vis de fixation (6) dudit outil (3) sur ledit porte-outil (2),

(A) caractérisé en ce qu’il comprend des surfaces d’appui (13, 15, 16, 20, 23, 24), destinées à l’appui de l’outil (3) sur le porte-outil (2), permettant la reprise des efforts entre l’outil (3) et le porte-outil (2) dans au moins une direction perpendiculaire à l’axe longitudinal de ladite vis (6) dans les deux sens,

(B) lesdites surfaces d’appui (20) formant au moins en partie un système d’assemblage par queue d’aronde.

La société demanderesse considère en effet que le marteau référencé HRT présente plusieurs surfaces d’appui entre l’outil et le porte-outil, dont l’une permet la reprise des efforts dans une direction perpendiculaire à l’axe longitudinal et dont l’une des surfaces d’appui forme, au moins en partie, un système d’assemblage par queue d’aronde. Sa démonstration repose essentiellement sur des agrandissements des photographies d’un de ces marteaux, qui ont fait l’objet d’un nouveau procès-verbal de constat d’huissier dressé le 12 novembre 2020.

La présence de deux surfaces d’appui permettant la reprise des efforts entre le marteau et le porte-marteau (caractéristique A de la revendication) ne fait pas débat.

En revanche, les sociétés défenderesses font justement valoir que ni les photographies objet du procès-verbal de constat du 12 novembre 2020, ni l’examen du marteau lui-même ne permettent d’établir la présence d’un système d’assemblage en queue d’aronde.

Il sera à cet égard jugé que les agrandissements des photographies réalisés par la société PLAISANCE EQUIPEMENTS elle-même, ne revêtent, en l’absence de mesure réalisée par un expert mandaté à cet effet, aucune valeur probante, dès lors que ne peut notamment être établie avec certitude l’absence alléguée de perpendicularité au regard de la résolution de l’image et qu’un tel agrandissement réalisé par un non-professionnel ne permet pas d’exclure une déformation ou une distorsion de l’angle litigieux.

Le tribunal a d’ailleurs pu se convaincre à l’examen du marteau produit aux débats que l’angle formé par la deuxième surface d’appui forme en réalité un angle droit, nonobstant les agrandissements qui semblent établir l’inverse, et qu’il ne peut donc être considéré comme une queue d’aronde partielle.

Ensuite, le seul fait que les défenderesses – si le tribunal devait constater que l’angle est inférieur à 90 % –, plaident le « défaut localisé d’un angle non parfaitement droit » ne peut être considéré comme un aveu dont les circonstances traduiraient la volonté des intéressées de reconnaître sans équivoque la reproduction de la revendication 4.

La contrefaçon par reproduction de cette revendication par le marteau référencé HRT – et partant, par les produits constituant d’autres variations de la même gamme – n’est pas caractérisée ce, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la validité ou même la force probante du procès-verbal de constat que la société CARBTECH a fait réaliser le 4 janvier 2021 sur l’un des marteaux qu’elle commercialise.

S’agissant de la reproduction de la revendication 1 du brevet FR 009 par le SUPPORT HARDOX400 destiné à recevoir l’un des marteaux de la gamme HRT, la société PLAISANCE EQUIPEMENTS se fonde sur les procès-verbaux de constat qu’elle a fait dresser les 3 juillet et 21 décembre 2017, les 4 juillet et 27 septembre 2018 sur le site internet de la société CARBTECH, qui établissent qu’est effectivement proposé à la vente ce porte-marteau sous la référence SUPPORT HARDOX400.

Les sociétés CARBTECH et A.T.W.T. font essentiellement valoir que les surfaces d’appui de ce porte-marteau forment un système d’assemblage par queue droite, ce qui exclut toute contrefaçon.

Or, dès lors que ce porte-marteau n’a pas été matériellement produit aux débats par la partie demanderesse, les seuls extraits du site internet qui n’en présentent qu’un simple dessin sous un seul angle, ne permettent pas au tribunal de vérifier la présence d’une aronde correspondant à la caractéristique D de la revendication 1. En tout état de cause, dans la mesure où la société PLAISANCE EQUIPEMENTS fait valoir que ce porte-marteau est nécessairement contrefaisant en ce que destiné à recevoir le marteau HRT, il présente de façon parfaitement symétrique, une même queue d’aronde partielle alors que celle-ci a précédemment été exclue, la contrefaçon de la revendication 1 ne peut être caractérisée.

5.2- Actes de contrefaçon par équivalent

La contrefaçon par équivalent peut être retenue lorsque le moyen revendiqué par le brevet n’est pas reproduit intégralement par le dispositif en cause, mais que la forme différente de celui-ci exerce la même fonction que ce moyen pour un résultat identique ou similaire, à condition que la fonction visée dans le contexte de la revendication ne soit pas connue de l’état de la technique.

En l’espèce, la société PLAISANCE EQUIPEMENTS rappelle que le brevet FR 009 a pour objet de fournir une fonction de reprise d’efforts à l’aide de surfaces d’appui perpendiculaires à l’axe de cisaillement (vertical) afin de soulager les vis de fixation destinées ainsi à travailler exclusivement dans le sens de l’axe de traction (horizontal). Elle ajoute que, pour satisfaire cette fonction et arriver au résultat escompté, les surfaces d’appui peuvent prendre diverses formes et orientations tant qu’elles ne sont pas verticales, c’est-à-dire perpendiculaires à l’axe de traction dans lequel doivent travailler les vis.

Il sera en premier lieu relevé que contrairement à ce que soutiennent les sociétés défenderesses, les moyens revendiqués par le brevet ne consistent pas seulement en un système d’assemblage par queue d’aronde (caractéristique D de la revendication 1) mais également en des (sous-entendu, au moins deux) surfaces destinées à l’appui de l’outil sur le porte-outil permettant la reprise des efforts entre ces deux derniers dans au moins une direction perpendiculaire (caractéristique C de la revendication 1), ce qui implique que l’invention couvre un système dans lequel plusieurs surfaces d’appui ont été prévues dont l’une seule reprend les efforts dans une direction perpendiculaire, quand bien même d’autres surfaces d’appui ne seraient pas strictement perpendiculaires du fait d’une queue d’aronde partielle dont un pan est nécessairement incliné.

Ensuite, le « moyen revendiqué » par le brevet est bien la présence de ces surfaces d’appui telles que décrites dans les caractéristiques C et D précitées, étant rappelé que la fonction d’un moyen est généralement définie comme l’effet technique premier produit par la mise en oeuvre de ce moyen. La fonction des surfaces d’appui revendiquées est donc de reprendre les efforts entre l’outil et le porte-outil dans au moins une direction perpendiculaire à l’axe longitudinal des vis et dans les deux sens.

Enfin, les sociétés A.T.W.T. et CARBTECH soutiennent que la fonction visée dans le contexte de la revendication était connue de l’état de la technique et se réfèrent à cet égard aux deux antériorités opposées dans le cadre du débat sur la nouveauté des revendications 1 et 4 du brevet FR 009, outre le brevet US 2008/0283257.

Il convient en conséquence de rechercher si dans ces trois antériorités le moyen mis en oeuvre produit le même résultat que l’invention litigieuse.

Pour rappel, le brevet US 4 717 083 propose d’équiper le porte-marteau de capuchons pouvant être inversés de telle sorte que lorsqu’une extrémité est usée, il suffit de le retourner. La queue d’aronde n’a pas ici pour fonction de reprendre les efforts entre le marteau et son support mais simplement de permettre facilement leur désolidarisation au moment de l’inversion des capuchons, par glissement latéral. Cette queue d’aronde ne permettrait pas du reste, en l’absence de surface d’appui parallèle aux vis, une reprise d’efforts perpendiculaire à l’axe longitudinal des vis.

Dans le brevet US 3 322 356, la tête du marteau est formée en deux parties réunies au moyen d’une languette et d’une rainure, la face amovible étant fixée avec des boulons. La queue d’aronde est ici constituée de la languette d’emboîtement du marteau sur son support et a donc pour seule fonction la fixation de l’outil sur le porte-outil. Le système ne présente par ailleurs pas davantage de surface d’appui parallèle aux vis. Il ne parviendrait donc pas à reprendre les efforts perpendiculaires à l’axe longitudinal des vis.

Le brevet US 2008/0283257 (qui est opposé, au titre de l’absence de nouveauté et d’activité inventive au brevet FR 881) porte sur un broyeur industriel de végétation. Le rotor est muni de plusieurs supports destinés à accueillir les « éléments de coupe ». Les défenderesses opposent plus particulièrement les figures illustrées ci-dessous décrivant un mode de réalisation d’un outil de coupe et de son support présentant, selon elles, un épaulement horizontal :

L’assemblage entre l’outil et le porte-outil se fait ici par queue droite qui n’a aucunement pour fonction de reprendre les efforts et constitue un simple moyen de fixation de l’outil sur le porte-outil.

Aucune de ces trois antériorités ne dispose donc de moyens ayant la même fonction que ceux qui sont décrits dans le brevet FR 009.

Les sociétés CARBTECH et A.T.W.T. ne contestent pas la matérialité de la contrefaçon par équivalence des revendications 1 et 4 du brevet FR 009 et se contentent de rappeler que seul l’ajout de la caractéristique relative à la queue d’aronde au moins partielle lui a permis d’obtenir la délivrance de ce brevet de sorte que, selon elle, un système d’assemblage par queue droite, même en présence d’une surface d’appui parallèle à l’axe longitudinal des vis, ne peut constituer une contrefaçon par équivalence.

Toutefois, dans son courrier adressé le 25 septembre 2013 à la société PLAISANCE EQUIPEMENTS, l’examinateur de l’INPI expose que « les revendications no 3, 5 et 6 ne sont pas établies conformément à l’article L. 612-16 du code et à l’article 11 de l’arrêté : elles ne permettent pas de définir l’objet de la protection demandée car elles comportent des caractéristiques techniques contradictoires. Le fait que les surfaces d’appui forment au moins en partie un système d’assemblage par queue d’aronde indiqué à la revendication 1 dont ces revendications comportent toutes les caractéristiques techniques par référence, n’étant pas compatible avec le fait que ces surfaces d’appui soient des faces substantiellement parallèles, indiqué comme caractéristique technique additionnelle des revendications 3 et 5, ou avec le fait que ces surfaces soient les faces d’un pion destiné à s’emboîter indiqué comme caractéristique technique additionnelle de la revendication B ».

Ce n’est donc pas en raison d’un défaut de nouveauté que les revendications 3, 5 et 6 ont été considérées non conformes mais seulement parce qu’elles apparaissaient en contradiction avec la caractéristique relative à la queue d’aronde décrite à la revendication 1 dont elles étaient dépendantes.

Les sociétés défenderesses n’apportant aucun autre argument susceptible d’établir qu’une queue droite partielle n’est pas apte à remplir une fonction équivalente à laquelle participe une queue d’aronde partielle, la contrefaçon par équivalence doit être retenue, précision faite qu’elles ne contestent pas l’importation et la commercialisation par la société CARBTECH des marteaux de la gamme HRT et des supports HARDOX400.

***

Les demandes présentées au titre du brevet FR 881 étant présentées à titre subsidiaire, il n’y a pas lieu de les examiner, de même que la demande d’annulation de ses revendications 1 et 3 qui vise non à obtenir la nullité dudit brevet mais à faire échec à l’action principale en contrefaçon, laquelle, en l’absence de titre valide, serait rejetée comme non fondée.

6- Actes de contrefaçon de marques

La société PLAISANCE EQUIPEMENTS fait valoir que la société CARBTECH reproduit, sur son site internet « Carbtech.fr » sans autorisation, la marque PLAISANCE pour commercialiser des produits ou services identiques à ceux pour lesquels sa marque est enregistrée. Elle soutient que la société CARBTECH se sert également de la marque X comme filtre de recherche sur internet pour la recherche des marteaux et supports pour broyeurs mais également dans la rubrique « Marques » de sa fiche produit, indiquant ainsi faussement que ce dernier est authentique. Elle considère que cet usage a pour effet de donner l’impression aux consommateurs que la société CARBTECH est un revendeur autorisé de produits authentiques X et qu’il ternit la fonction de qualité de sa marque. Elle termine en rappelant que l’exception de référence nécessaire pour les accessoires et pièces détachées prévue à l’article 14.1 du RMUE ne peut s’appliquer en l’espèce pour les gammes de MARTEAUX HRT et le SUPPORT HARDOX400 qui constituent des contrefaçons de brevet.

La société CARBTECH rappelle que la marque verbale X n’a été enregistrée par l’EUIPO que le 26 décembre 2017, de sorte qu’elle a, au même titre que les autres revendeurs de pièces d’usure adaptables aux machines X, utilisé le vocable « X » antérieurement à ce dépôt. Elle rappelle que le site « carbtech.fr » n’est pas un site de vente en ligne et qu’en tout état de cause, elle n’y revendique pas la qualité de revendeur des produits X, son activité consistant à commercialiser des produits s’adaptant à diverses machines agricoles, ce qui implique qu’elle peut bénéficier de l’exception de référence nécessaire sans risque de confusion. Elle soutient enfin que le constat d’huissier produit aux débats par la société PLAISANCE démontre qu’elle n’a pas présenté ses pièces de rechange comme équivalentes à celles de la société demanderesse et qu’elle n’a reproduit la marque PLAISANCE ni sur ses produits, ni sur leurs emballages, ou dans sa documentation commerciale. Elle termine en précisant que le référencement Google AdWords qui lui est reproché a débuté en décembre 2016, bien antérieurement à la date des assignations, et que le client professionnel normalement informé ne peut être légitimement confus quant à l’origine des produits vendus.

Sur ce,

6.1- Sur les actes de reproduction du signe X pour la commercialisation des marteaux HRT et des SUPPORTS HARDOX400

En application de l’article 9 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne :

« 1. L’enregistrement d’une marque de l’Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.

2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d’une marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque:

a) ce signe est identique à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée;

b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque;

c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’Union et que l’usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l’Union européenne ou leur porte préjudice.

3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2:

a) d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement;

b) d’offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe;

c) d’importer ou d’exporter les produits sous le signe;

d) de faire usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d’un nom commercial ou d’une dénomination sociale;

e) d’utiliser le signe dans les papiers d’affaires et la publicité;

f) de faire usage du signe dans des publicités comparatives d’une manière contraire à la directive 2006/114/CE.

Par ailleurs aux termes de l’article 14 du règlement (UE) 2017/1001 « Limitation des effets de la marque de l’Union européenne » :

« 1. Une marque de l’Union européenne ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires:

(…)

c)de la marque de l’Union européenne pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, en particulier lorsque l’usage de cette marque est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée.

Le paragraphe 1 ne s’applique que lorsque l’usage par le tiers est fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale ».

Il en résulte que l’exception de référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée, est soumise à la condition qu’il n’y ait pas de risque de confusion quant à l’origine du produit ou service. Or, l’absence de risque de confusion n’est satisfaite que s’il apparaît clairement et sans équivoque que le produit ou service ne provient pas du titulaire de la marque, ce qui implique, pour celui qui le propose à la vente, de ne pas laisser croire, à tort, qu’il serait un revendeur agréé des produits ou services marqués.

Les procès-verbaux de constat d’huissier que la société demanderesse a fait dresser sur le site web de la société CARBTECH (Pièces DEM No6 à 9), permettent d’établir que le signe « X » est reproduit dans l’onglet « marques de machine » et qu’il est également visible sur les fiches associées à chacun des produits litigieux, accessibles sous la rubrique « Plus d’information », ce qui n’est d’ailleurs pas contesté.

Ces usages constituant une reproduction à l’identique de la marque verbale X no 16784985 pour désigner des produits identiques, au sens de l’article 9 §2 sous a) du Règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017, les atteintes alléguées de ce chef sont caractérisées sans qu’il y ait lieu de rechercher l’existence d’un risque de confusion entre les signes.

L’argument tenant au fait que le site litigieux est un site de démonstration et qu’il ne permet pas de passer directement commande est inopérant dès lors qu’il est un support de commercialisation et que l’usage de la marque litigieuse constitue donc un usage dans la vie des affaires.

Par ailleurs, la société CARBTECH ne peut pertinemment se prévaloir de l’exception de référence nécessaire dans la mesure où les signes litigieux sont utilisés pour désigner des porte-outils qui constituent une contrefaçon du brevet FR 2967009 dont la société PLAISANCE est titulaire, l’utilisation reprochée ne pouvant en conséquence être considérée comme un usage honnête et conforme aux pratiques de la vie des affaires tel que requis par l’article 14 du règlement (UE) 2017/1001.

Il s’ensuit que les actes de contrefaçon par reproduction sont suffisamment caractérisés.

6.2- Sur l’utilisation du signe X dans le programme Adwords de Google

Aux termes des arrêts Google France SARL et Google Inc. contre Louis Vuitton Malletier SA rendu le 23 mars 2010 et Interflora Inc. et Interflora British Unit contre Marks & Spencer plc et Flowers Direct Online Ltd rendu le 20 septembre 2011, la CJUE interprétant les dispositions de l’article 5§1 a) de la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988, devenue à droit constant la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008, a dit pour droit que le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d’un mot clé identique à ladite marque que cet annonceur a, sans le consentement dudit titulaire, sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques, si celle-ci ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen – soit normalement informé et raisonnablement attentif – de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers, de sorte qu’il est porté atteinte à la fonction essentielle d’indication d’origine de la marque.

Il s’ensuit que l’utilisation dans le programme Adwords de Google de mots clés même constituant la marque d’un concurrent n’est pas interdite en soi et ne constitue pas du seul fait de cette utilisation une contrefaçon de marque. Elle n’est illicite qu’en cas de confusion effective dans les résultats affichés entre les produits du titulaire de la marque et ceux du concurrent, c’est-à-dire lorsque les résultats de la recherche ne permettent pas ou seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers.

En l’espèce, la société PLAISANCE a fait constater par huissier de justice le 5 mai 2021 que lorsque l’internaute saisit dans la barre de recherche de Google les termes « marteau pour broyeur PLAISANCE », il lui est proposé en premier choix d’accéder au site « carbtech.fr ».

Toutefois, le lien est ainsi libellé « marteau pour broyeur X – Pièces Haute Résistance HRT » et en-dessous, il est indiqué « Votre partenaire contre l’usure marteaux pour broyeur X ».

L’utilisation du terme « partenaire » et de la préposition « pour » associée au fait que c’est bien l’adresse « https://www.carbtech.fr » qui est affichée est de nature à permettre à l’internaute moyen d’être éclairé sur l’identité de ce site, étant précisé que celui-ci est au cas d’espèce non un consommateur lambda, mais un professionnel utilisant des engins à broyer et qu’en cette qualité, il connaît le marché des pièces de rechange. En cliquant sur le lien, il accédera d’ailleurs ensuite à la page ci-dessous dépourvue de toute ambiguïté quant au fait que les marteaux en question ne proviennent pas de la société PLAISANCE EQUIPEMENTS :

La réservation et l’usage du signe X dans le programme Adwords de Google n’est donc pas en soi illicite.

7- Sur la concurrence déloyale par manquement à la loi et à la réglementation

La société PLAISANCE EQUIPEMENTS fait valoir qu’étant une concurrente de la société CARBTECH sur le « marché des pièces d’usure », l’action en concurrence déloyale exclusivement fondée sur les manquements à la réglementation en vigueur sont générateurs d’une rupture d’égalité dans la concurrence, indépendamment de tout risque de confusion. Elle observe à cet égard que la société CARBTECH ne respecte pas la réglementation applicable à un site internet marchand, ni le droit de la consommation, ni le RGPD.

La société CARBTECH, qui conteste être une concurrente de la demanderesse, réplique que les obligations, à la charge des professionnels, prévues aux articles L. 616-1, R. 616-1 et L. 616-2 du code de la consommation, ne s’appliquent qu’envers les consommateurs personnes physiques, n’agissant pas dans le cadre de leur activité professionnelle. Elle ajoute respecter les dispositions de l’article 6, III,1 de la loi no2004-575 du 21 juin 2004 relatives à l’identification du directeur de la publication et du fournisseur d’hébergement, ainsi que celle de l’article 19 du même texte. Elle fait enfin valoir que la preuve n’est pas rapportée de la violation du RGPD. Elle conclut en conséquence au rejet des demandes en rappelant que la société PLAISANCE ne justifie ni d’actes distincts de ceux qui sont invoqués dans le cadre de l’action en contrefaçon, ni d’un préjudice qui serait en lien avec les fautes alléguées.

Sur ce,

La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité édicté par l’article 1240 du code civil, consiste dans des agissements s’écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre opérateur.

Constitue un acte de concurrence déloyale le non-respect d’une règlementation dans l’exercice d’une activité commerciale, qui induit nécessairement un avantage concurrentiel indu pour son auteur (Cass. Com., 17 mars 2021, no01-10.414).

Par ailleurs et comme le relève justement la demanderesse, une situation de concurrence directe ou effective n’est pas une condition de l’action en concurrence déloyale, qui exige seulement l’existence de faits fautifs générateurs d’un préjudice (Cass. Com., 13 mai 2016, no14-24.905).

En tout état de cause, au cas d’espèce, la société CARBTECH ne peut pertinemment soutenir qu’elle ne peut être considérée comme la concurrente de la société PLAISANCE EQUIPEMENTS, dès lors que celle-ci commercialise également sous sa marque des pièces de rechange destinées aux broyeuses qu’elle conçoit.

Enfin, dès lors qu’il est argué d’une violation de la règlementation étrangère au code de la propriété intellectuelle, il est bien justifié d’actes distincts de la contrefaçon.

La demanderesse reproche à la société CARBTECH la violation :

-1/ des articles 6-III-1 c) et d) de la loi no2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économique numérique qui imposent aux personnes dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne de mettre à disposition du public, dans un standard ouvert : le nom du directeur ou du codirecteur de la publication et, le cas échéant, celui du responsable de la rédaction et le nom, la dénomination ou la raison sociale et l’adresse et le numéro de téléphone du prestataire mentionné au 2 du I de cet article 6 ainsi que des dispositions de l’article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982 qui impose à tout service de communication au public par voie électronique d’avoir un directeur de la publication et enfin, de celles de l’article 19 de loi du 21 juin 2004 précitée, qui impose au professionnel de préciser son numéro individuel d’identification.

A l’examen des procès-verbaux de constat d’huissier des 7 septembre 2019 et 5 novembre 2020, les « mentions légales » du site « carbtech.fr » n’intègrent pas les informations précitées. La société CARBTECH ne le conteste d’ailleurs pas et elle ne peut pertinemment soutenir remplir les conditions légales d’édition d’un site internet au prétexte que son site précise le nom de la société, celui de son gérant, les adresses postale et électronique ainsi que son numéro de téléphone et qu’elle cumule les fonctions d’éditeur et d’hébergeur, toute personne ayant selon elle, la faculté de lui notifier ou de déclarer tout contenu ou agissement illicite. Il en est de même de ses arguments relatifs au numéro de TVA intra-communautaire français, qui doit apparaître non seulement sur les factures éditées par le commerçant – comme elle le revendique – mais également, aux termes de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, sur son site internet.

-2/ des dispositions du code de la consommation et plus précisément, des articles L. 221-5 1o et L. 111-1 6o qui prévoient que préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux caractéristiques du bien ou du service ainsi que des éléments d’identification du vendeur, étant précisé que selon l’article L. 221-3 du même code, les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

Ces dispositions, qui ont pour objectif la protection du consommateur contre les pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, sont en l’espèce invoquées par la société PLAISANCE EQUIPEMENTS pour caractériser un acte de concurrence déloyale à son égard, de sorte que c’est vainement que la société CARBTECH soutient qu’elles n’ont pas lieu de s’appliquer au présent litige.

Toutefois, bien que la société PLAISANCE EQUIPEMENTS soutienne qu’à l’occasion des salons et foires auxquels la société CARBTECH participe, celle-ci ne justifie pas de leur respect, force est de constater qu’elle ne produit elle-même aucun élément de preuve alors qu’il lui appartient de l’établir.

En revanche c’est à bon droit que la demanderesse fait valoir que le site internet de la défenderesse ne mentionne pas la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation comme l’exige l’article L. 616-1 du code de la consommation sur son site internet, conformément aux dispositions de l’article R.616-1 du même code. Il en est de même de l’obligation d’insérer un lien vers la plateforme de règlement des litiges en ligne prévue à l’article L. 616-2 du même code.

-3/ de la législation relative à la protection des données à caractère personnel, à savoir, la loi no78-17 du 6 janvier 1978 sur l’informatique et les libertés, ainsi que le règlement européen no 2016/679 en date du 27 avril 2016, dit règlement général sur la protection des données (RGPD), entré en vigueur le 25 mai 2018.

La société PLAISANCE EQUIPEMENTS relève en effet que la société CARBTECH procède à une collecte de données à caractère personnel portant notamment sur le nom, l’email et le numéro de téléphone des personnes concernées sans fournir aucune information sur les conditions de ce ou ces traitements et en se limitant en réalité à un paragraphe d’information dans l’onglet « mentions légales ».

Il incombe pourtant à tout responsable de traitement ou sous-traitant d’assurer la confidentialité et la sécurité des données personnelles collectées et traitées, c’est-à-dire de veiller à ce que ces données ne soient ni altérées ni communiquées à des tiers non autorisés or, au cas d’espèce, s’il est indiqué dans l’onglet « mentions légales » du site internet de la société CARBTECH que les informations enregistrées sont uniquement réservées à l’usage du service concerné et ne peuvent être communiquées à des sociétés tierces, aucune charte de confidentialité n’est cependant mise à la disposition du public, le lien dédié renvoyant en réalité à une page d’erreur comme cela ressort du procès-verbal de constat d’huissier dressé le 25 janvier 2019.

Au regard de l’ensemble de ces éléments et dans la mesure où tout manquement à la réglementation dans l’exercice d’une activité commerciale induit nécessairement un avantage concurrentiel indu pour son auteur, il convient de juger que la société CARBTECH s’est rendue coupable d’acte de concurrence déloyale au préjudice de la demanderesse.

8- Évaluation des préjudices et autres mesures réparatrices et d’interdiction sollicitées :

La société PLAISANCE EQUIPEMENTS sollicite, dans un cadre qu’elle juge exceptionnel du fait de la multiplication des actes délictueux, la fermeture du site internet exploité par la société CARBTECH et subsidiairement, une mesure de publication sur ce site mais également dans trois journaux, ainsi qu’une mesure de cessation des actes délictueux.

S’agissant plus particulièrement des actes de concurrence déloyale, elle fait valoir que son association dans l’esprit des internautes à un site internet violant la règlementation en vigueur est de nature à nuire à son image et à sa réputation et que le comportement de la société CARBTECH à cet égard lui a épargné une dépense, en principe obligatoire, induisant un avantage concurrentiel indu.

Au titre de la réparation des actes de contrefaçon, elle sollicite, outre une mesure d’interdiction, la confiscation des produits contrefaisants, y compris après leur rappel des circuits commerciaux.

Elle fait parallèlement valoir son droit à l’information et sollicite à cet effet une mesure d’expertise.

Elle formule enfin au titre des actes de contrefaçon, une demande de provision, qu’elle estime à 375 000 euros pour la contrefaçon de brevet et à 150 000 euros au titre de la contrefaçon de marque ce, par référence à l’amende à laquelle les défenderesses seraient tenues sur le terrain pénal.

La société CARBTECH réplique que la demanderesse ne démontre aucun chef de préjudice, que ce soit en principe ou en quantum, ce qui démontre selon elle que la présente procédure procède d’une intention de nuire. Elle s’oppose par ailleurs à l’organisation d’une mesure d’expertise qui aurait selon elle manifestement pour objet de pallier la carence de la société PLAISANCE EQUIPEMENTS et relève que le droit d’information ne peut être revendiqué à défaut de rapporter la preuve d’actes de contrefaçon.

Sur ce,

L’article L. 615-7 du code de la propriété intellectuelle dispose que :

« Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée ;

2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.

« Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ».

Par ailleurs, aux termes de l’article L. 615-7-1 du même code, « en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée.

La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu’elle désigne, selon les modalités qu’elle précise.

Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur. »

En application de l’article L. 716-7-1 du même code, « si la demande lui en est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d’une procédure civile prévue au présent titre peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l’origine et les réseaux de distribution des produits argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services .La production de documents ou d’informations peut être ordonnée s’il n’existe pas d’empêchement légitime ».

En l’espèce, il sera à titre liminaire observé que la société CARBTECH ayant été reconnue coupable d’actes de contrefaçon, la société PLAISANCE EQUIPEMENTS est en droit d’obtenir de sa part des informations destinées à établir l’ampleur de ces actes. En revanche, dès lors que c’est en sa qualité de fabriquant des produits contrefaisants que la société A.T.W.T. a été attraite à la cause et que la société demanderesse n’apporte aucun élément de nature à laisser penser que la société CARBTECH – qui est le distributeur français de la société A.T.W.T. – aurait d’autres fournisseurs, le droit d’information n’apparaît pas nécessaire s’agissant de déterminer l’origine et les réseaux de distribution desdits produits contrefaisants.

Il sera en conséquence fait droit à la demande d’information selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision, les parties étant renvoyées à la détermination amiable du préjudice ce, sans qu’il soit nécessaire de désigner un expert judiciaire.

Bien qu’aucun élément comptable ne soit produit par aucune des parties, le préjudice subi du fait des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale est indéniable, de sorte qu’une indemnité provisionnelle peut être allouée à hauteur de 50 000 euros mise à la charge des deux défenderesses au titre des actes de contrefaçon de brevet et de 25 000 euros mise à la charge de la seule société CARBTECH au titre des actes de contrefaçon de marque. Au titre des actes de concurrence déloyale, cette dernière sera par ailleurs condamnée à payer la somme provisionnelle de 15 000 euros.

Par ailleurs, des mesures d’interdiction et de destruction – et non de confiscation – ainsi que de publication seront ordonnées sous astreinte, dans les conditions précisées au dispositif de la présente décision, sans qu’il y ait lieu de faire droit au rappel des circuits commerciaux, aucun élément n’établissant que la société CARBTECH commercialise ses produits autrement que directement auprès des utilisateurs. Enfin, seul le juge en charge de la liquidation de l’astreinte a la possibilité d’assortir la somme en résultant d’intérêts. Par voie de conséquence, la demande de capitalisation de ces intérêts ne peut qu’être rejetée.

Le tribunal ne disposant, en matière de réglementation de l’édition et de l’exploitation de sites internet, d’aucun pouvoir de police, il ne sera pas fait droit à la demande de mise en conformité du site de la société CARBTECH et moins encore, de sa fermeture.

9- Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive

Les sociétés A.T.W.T. et CARBTECH considérant que l’action de la société PLAISANCE EQUIPEMENTS procède d’une manifeste intention de nuire, demandent sa condamnation à leur payer la somme de 75 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Compte tenu de la solution du litige, cette demande ne peut qu’être rejetée.

10- Demandes relatives aux frais du litige et aux conditions d’exécution de la décision

Les défenderesses succombant, elles supporteront ensemble la charge des dépens.

Elles doivent en outre être condamnées à verser ensemble à la société PLAISANCE EQUIPEMENTS, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 50 000 euros.

L’exécution provisoire étant justifiée au cas d’espèce et compatible avec la nature du litige, elle sera ordonnée sauf en ce qui concerne les mesures de destruction et de publication, étant précisé que compte tenu de la date de l’assignation délivrée à la société CARBTECH, l’article 514 alinéa 1, du code de procédure civile, dans sa version en vigueur au 1er janvier 2020, n’est pas applicable au présent litige.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

REJETTE la demande de mise hors de cause de la société A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V. ;

En conséquence,

DECLARE recevables les demandes formées à son encontre ;

DEBOUTE les sociétés CARBTECH et A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V. de leurs demandes reconventionnelles en nullité pour défaut de nouveauté des revendications 1, 4 et 5 du brevet FR2967009 dont est titulaire la société PLAISANCE EQUIPEMENTS ;

DIT que l’importation, l’offre à la vente et la commercialisation par la société CARBTECH de la gamme de marteaux référencée MARTEAU HRT et du porte-marteau référencé SUPPORT HARDOX400 constituent la contrefaçon par équivalence des revendications 1, 4 et 5 du brevet FR 2967009 ;

DIT qu’en fournissant à la société CARBTECH la gamme de marteaux référencée MARTEAU HRT et le porte-marteau référencé SUPPORT HARDOX400, la société A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V. commet des actes de contrefaçon au préjudice de la société PLAISANCE EQUIPEMENTS ;

DIT qu’en reproduisant sur son site internet « carbtech.fr » la marque verbale de l’Union européenne no 16784985 pour présenter la gamme de marteaux référencée MARTEAU HRT et le porte-marteau référencé SUPPORT HARDOX400, la société CARBTECH a commis des actes de contrefaçon par reproduction au préjudice de la société PLAISANCE EQUIPEMENTS ;

DIT qu’en éditant et en exploitant le site « carbtech.fr » dont les mentions prévues aux articles 6-III-1 c) et d) et 19 de la loi no 2004-575 du 21 juin 2004, 93-2 de la loi du 29 juillet 1982, L. 616-1 et R. 616-1 du code de la consommation, ainsi que des dispositions de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 sur l’informatique et les libertés et du règlement européen no 2016/679 en date du 27 avril 2016, dit règlement général sur la protection des données (RGPD) sont absentes, la société CARBTECH a commis à l’encontre de la société PLAISANCE EQUIPEMENTS des actes de contrefaçon par violation de la règlementation ;

FAIT INTERDICTION à la société CARBTECH de poursuivre ou reprendre l’offre, la mise dans le commerce et l’importation, sur le territoire français, des produits de la gamme de marteaux référencée MARTEAU HRT et du porte-marteau référencé SUPPORT HARDOX400, et ce sous astreinte de 1 000 euros par infraction passé un délai de sept jours à compter de la signification du jugement ;

ORDONNE à la société CARBTECH de procéder à la destruction des produits de la gamme de marteaux référencée MARTEAU HRT et du porte-marteau référencé SUPPORT HARDOX400 restés en stock, sous le contrôle d’un huissier de justice et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé un délai de 21 jours à compter de la signification du présent jugement, l’astreinte courant sur trois mois ;

FAIT INTERDICTION à la société A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V. de poursuivre ou reprendre la livraison et la fourniture sur le territoire français de la gamme de marteaux référencée MARTEAU HRT et du porte-marteau référencé SUPPORT HARDOX400 et ce sous astreinte de 1 000 euros par infraction passé un délai de sept jours à compter de la signification du jugement ;

FAIT INTERDICTION à la société CARBTECH de reproduire la marque verbale de l’Union européenne no 16784985 « X » pour la commercialisation, la présentation et l’offre à la vente, sur le territoire français, de la gamme de marteaux référencée MARTEAU HRT et du porte-marteau référencé SUPPORT HARDOX400 et ce, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé un délai de 21 jours à compter de la signification du jugement ;

ORDONNE la publication, aux frais de la société CARBTECH, sur la page d’accueil de son site internet « carbtech.fr », dans un bandeau de la largeur de la page positionné en haut de la page en lettres blanches sur fond noir de caractère Verdana taille 12 du texte suivant :

« Par jugement du 15 avril 2022, le tribunal judiciaire de Paris a jugé la gamme de marteaux référencée MARTEAU HRT et le porte-marteau référencé SUPPORT HARDOX400 commercialisés par la société CARBTECH contrefaisants des revendications 1, 4 et 5 du brevet FR 2967009 et de la marque verbale de l’Union européenne no 16784985 « PLAISANCE » dont la société PLAISANCE EQUIPEMENTS est titulaire », pendant une durée ininterrompue d’un mois, sous astreinte de 1 000 (mille) euros par jour de retard à compter du huitième jour de la signification du présent jugement ;

ORDONNE, à titre de supplément de dommages et intérêts et une fois le jugement devenu définitif, la publication dans 3 journaux ou revues, au choix de la demanderesse et aux frais de la société CARBTECH, sans que le coût de chacune de ces insertions ne puisse excéder la somme de 5 000 euros H.T., le communiqué suivant :

« Par jugement du 15 avril 2022, le tribunal judiciaire de Paris a jugé la gamme de marteaux référencée MARTEAU HRT et le porte-marteau référencé SUPPORT HARDOX400 commercialisés par la société CARBTECH contrefaisants des revendications 1, 4 et 5 du brevet FR 2967009 et de la marque verbale de l’Union européenne « PLAISANCE » no 16784985 dont la société PLAISANCE EQUIPEMENTS est titulaire »,

ORDONNE à la société CARBTECH de produire les informations suivantes certifiées conformes par un expert-comptable :

– les quantités de produits de la gamme de marteaux référencée MARTEAU HRT et de porte-marteaux référencés SUPPORT HARDOX400 vendus sur le territoire français et restant en stock ;

– le montant du chiffre d’affaires et de la marge brute résultant de la vente de ces mêmes produits sur le territoire français ce, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé un délai de 21 jours à compter de la signification du jugement ;

RENVOIE les parties à la détermination amiable du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et à défaut, par voie d’assignation ;

DIT que ces astreintes courront pendant une période de 5 mois et S’EN RESERVE la liquidation ;

CONDAMNE in solidum la société CARBTECH et la société A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V. à payer à la société PLAISANCE EQUIPEMENTS la somme de 50 000 euros à titre provisionnel en réparation des actes de contrefaçon des revendications 1, 4 et 5 du brevet FR 2967009 ;

CONDAMNE la société CARBTECH à payer à la société PLAISANCE EQUIPEMENTS la somme de 25 000 euros à titre provisionnel en réparation des actes de contrefaçon de la marque verbale de l’Union européenne « PLAISANCE » no 16784985 ;

CONDAMNE la société CARBTECH à payer à la société PLAISANCE EQUIPEMENTS la somme de 15 000 euros à titre provisionnel en réparation des actes de concurrence déloyale ;

REJETTE la demande de capitalisation des intérêts ;

REJETTE la demande de désignation d’un expert judiciaire ;

REJETTE les demandes de rappel des circuits commerciaux et de confiscation ;

REJETTE la demande de fermeture et de mise en conformité du site internet « carbtech.fr » ;

REJETTE la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE in solidum la société CARBTECH et la société A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V. à payer à la société PLAISANCE EQUIPEMENTS une somme de 50 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la société CARBTECH et la société A.T.W.T. INTERNATIONAL B.V. aux dépens ;

ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision sauf en ce qui concerne les mesures de destruction et de publication.

Fait et jugé à Paris le 15 Avril 2022

Le Greffier

Le Président


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