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La réservation de la marque d’un concurrent à titre de mot clef déclencheur sur Google Ads est légale en soi. L’affichage de l’annonce ne doit toutefois laisser subsister aucun risque de confusion.
Selon l’article 9, paragraphe 1, sous a) du règlement n° 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire et l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, la marque, européenne ou française, confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée.
Selon la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le titulaire d’une marque ne peut s’opposer à l’usage dans la vie des affaires d’un signe identique à sa marque que lorsque cet usage porte atteinte ou risque de porter atteinte à une des fonctions essentielles de sa marque (arrêt du 12 novembre 2002, Arsenal Football Club, C-206/01, point 40), en particulier à sa fonction essentielle, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service marqué, en lui permettant de distinguer ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance.
La CJUE a dit pour droit que les articles 5, paragraphe 1, sous a), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, et 9, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d’un mot-clé identique à ladite marque que cet annonceur a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque ladite publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers (arrêt 23 mars 2010,Google France et Google, C-236/08).
La Cour de justice précise à cet effet qu’il incombe à la juridiction nationale d’apprécier, au cas par cas, si les faits du litige dont elle est saisie sont caractérisés par une atteinte, ou un risque d’atteinte, à la fonction d’indication d’origine telle qu’il y a atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque, c’est à dire de déterminer si l’annonce ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui ci ou, au contraire, d’un tiers (points 84 et 88).
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 octobre 2023
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 675 FS-B
Pourvoi n° N 20-20.055
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 OCTOBRE 2023
La société Aquarelle.com, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Aquarelle, a formé le pourvoi n° N 20-20.055 contre l’arrêt rendu le 3 mars 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige les opposant à la Société commerciale et touristique (SCT), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La Société commerciale et touristique a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Aquarelle.com, venant aux droits de la société Aquarelle, de Me Haas, avocat de la Société commerciale et touristique, et l’avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l’audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Michel-Amsellem, Schmidt, Sabotier, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mmes Vigneras, Comte, Bellino, M. Regis, Mme Coricon, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 3 mars 2020), la société Aquarelle, qui a pour activité la vente de fleurs, plantes et décoration florale, est titulaire de la marque verbale européenne « Aquarelle » n° 661330, déposée le 23 octobre 1997 pour les produits et services des classes 31, 35, 41 et 42 et de la marque verbale française « Aquarelle » n° 3149429, enregistrée le 21 février 2002 en classes 35, 38 et 42.
2. Elle avait consenti à la société Aquarelle.com une licence non exclusive portant sur ces marques pour une exploitation du site internet « Aquarelle.com » destiné à la vente de fleurs et de produits de décoration florale.
3. La Société commerciale et touristique (la société SCT), qui exerce également une activité de vente de fleurs, est titulaire du nom de domaine « [03] » depuis 2009 sur lequel elle propose aux consommateurs des bouquets de fleurs.
4. Estimant que la réservation du mot-clé « Aquarelle » sur la plate-forme Google Adwords et le référencement naturel du site créaient un risque de confusion avec les marques « Aquarelle », les sociétés Aquarelle et Aquarelle.com ont assigné la société SCT en contrefaçon de marque et concurrence déloyale et parasitaire.
5. La société Aquarelle.com (la société Aquarelle) vient aujourd’hui aux droits de la société Aquarelle.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses troisième et quatrième branches, sur le second moyen de ce pourvoi et sur le moyen du pourvoi incident
6. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
7. La société Aquarelle fait grief à l’arrêt de rejeter partiellement les demandes des sociétés Aquarelle et Aquarelle.com en contrefaçon de marque et concurrence déloyale et parasitaire, alors :
« 1°/ que le titulaire d’une marque est habilité à interdire l’usage de son signe à titre de mot-clé par un annonceur pour le référencement de son site internet si celui-ci est susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions essentielles de la marque ; qu’il y a atteinte à la fonction d’identité d’origine de la marque lorsque l’annonce qui s’affiche en réponse à la saisie de la marque comme mot de recherche ne permet pas ou ne permet que difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés proviennent ou non du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée ; que l’imprécision de l’annonce peut conduire l’internaute à se méprendre sur l’origine commerciale des produits et services proposés quand bien même la marque n’y serait pas reprise ; qu’en énonçant, pour rejeter les demandes des sociétés Aquarelle, que le site “www.[03]” ne faisait aucun usage du signe “Aquarelle” ni dans l’annonce elle-même, ni dans le lien hypertexte, ni dans l’adresse URL et que le signe protégé n’était pas repris aux yeux du public, la cour d’appel a énoncé un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l’article 9 § 2 a) du règlement (UE) 2017/1001 et de l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l’article 10 § 2 a) de la directive (UE) 2015/2436 ;
2°/ que le choix par l’annonceur d’un nom de domaine générique et de termes exclusivement génériques pour la rédaction de l’annonce qui s’affiche en réponse à la saisie de la marque comme mot de recherche ne permet pas à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent ou non du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée ; qu’en se bornant à affirmer, pour rejeter les demandes des sociétés Aquarelle, que l’annonce de la société SCT, en ce qu’elle utilise des termes courants pour décrire l’activité de livraison de fleurs commandées en ligne et en ce qu’elle mentionne le nom du site internet “www.[03]”, éclairait suffisamment l’internaute moyen sur l’identité du site, sans rechercher si l’affichage d’une annonce rédigée en termes génériques, mentionnant un nom de domaine lui-même générique, en réponse à la saisie du mot de recherche “Aquarelle”, n’était pas de nature à induire l’internaute moyen en erreur sur l’origine commerciale des produits et services proposés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 9 § 2 a) du règlement (UE) 2017/1001 et de l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l’article 10 § 2 a) de la directive (UE) 2015/2436. »
Réponse de la Cour
8. Selon l’article 9, paragraphe 1, sous a) du règlement n° 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire et l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, la marque, européenne ou française, confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée.
9. Selon la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le titulaire d’une marque ne peut s’opposer à l’usage dans la vie des affaires d’un signe identique à sa marque que lorsque cet usage porte atteinte ou risque de porter atteinte à une des fonctions essentielles de sa marque (arrêt du 12 novembre 2002, Arsenal Football Club, C-206/01, point 40), en particulier à sa fonction essentielle, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service marqué, en lui permettant de distinguer ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance.
10. La CJUE a dit pour droit que les articles 5, paragraphe 1, sous a), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, et 9, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d’un mot-clé identique à ladite marque que cet annonceur a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque ladite publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers (arrêt 23 mars 2010,Google France et Google, C-236/08).
11. La Cour de justice précise à cet effet qu’il incombe à la juridiction nationale d’apprécier, au cas par cas, si les faits du litige dont elle est saisie sont caractérisés par une atteinte, ou un risque d’atteinte, à la fonction d’indication d’origine telle qu’il y a atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque, c’est à dire de déterminer si l’annonce ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui ci ou, au contraire, d’un tiers (points 84 et 88).
12. Après avoir relevé que si l’annonce litigieuse s’affichant après une recherche avec le mot-clé « Aquarelle » sur le moteur de recherche Google apparaissait en premier résultat, cette annonce était immédiatement suivie de l’annonce du site « Aquarelle.com », l’arrêt retient qu’il n’est fait aucun usage du signe « aquarelle », ni dans l’annonce elle-même, ni dans le lien, ni dans l’adresse URL et que l’annonce en cause utilise des termes courants pour décrire l’activité de livraison de fleurs commandées en ligne et affiche expressément le nom du site « [03] ». Il ajoute que ces précisions permettent à l’internaute moyen d’être éclairé sur l’identité de ce site et de savoir que cette annonce correspond au site « [03] » et non au site « Aquarelle ».
13. En l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui ne s’est pas bornée à relever l’absence d’usage du signe Aquarelle dans l’annonce et a procédé à la recherche prétendument omise, en faisant ressortir l’absence de tout risque de confusion du fait de l’usage du signe « Aquarelle », par la société SCT, comme mot-clé dans le système de référencement Adwords, pour faire de la publicité de produits et services identiques à ceux pour lesquels les marques « Aquarelle » étaient enregistrées, a légalement justifié sa décision.
Et sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
14. La société Aquarelle fait le même grief à l’arrêt, alors « que l’utilisation d’un signe par un concurrent du titulaire de la marque dans le code-source de son site internet, provoquant son affichage dans la liste les résultats naturels des moteurs de recherche en réponse à la requête portant sur la marque, dans le but de proposer aux internautes une alternative par rapport aux produits ou aux services dudit titulaire, constitue un usage à titre de marque, même s’il n’est pas visible aux yeux du public ; qu’en affirmant que l’utilisation de la marque “Aquarelle” dans le code-source du site internet www.[03]” afin qu’il apparaisse dans la liste des résultats naturels de la requête portant sur la marque Aquarelle” ne pouvait constituer un usage à titre de marque car il n’était pas visible du public, la cour d’appel a violé l’article 9 § 2 a) du règlement (UE) 2017/1001 et l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l’article 10 § 2 a) de la directive (UE) 2015/2436. »
Réponse de la Cour
15. Le titulaire de la marque peut interdire l’utilisation d’un signe par un tiers dans le code-source de son site internet, même s’il n’est pas visible aux yeux du public, dès lors qu’il propose comme résultat à la recherche d’un internaute une alternative par rapport aux produits ou services du titulaire de la marque et qu’il ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par le référencement naturel proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers.
16. C’est donc à tort qu’après avoir constaté que le signe utilisé dans le code source n’était pas visible du public, l’arrêt en déduit qu’il ne désigne pas des produits ou services, de sorte que l’utilisation de ce signe ne peut être considérée comme contrefaisant les marques « Aquarelle ».
17. L’arrêt n’encourt cependant pas la censure, dès lors qu’il retient que l’internaute moyen était éclairé sur la provenance du site dont le résultat s’affichait parmi les référencements naturels, faisant ainsi ressortir l’absence de tout risque de confusion sur l’origine des produits et services proposés.
18. Le moyen est donc inopérant.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Aquarelle.com aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Aquarelle.com et la condamne à payer à la Société commerciale et touristique la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois.