Le nouveau propriétaire de la villa La Bastide (Cannes) a été condamné pour trouble anormal du voisinage suite à l’organisation de « pool party » diurnes dans un contexte covid.
Locations illicites
Le propriétaire avait prêté ou loué sa propriété, notamment à des entreprise spécialisées dans l’évènementiel, pour y organiser, à une époque de fortes restrictions en lien avec l’épidémie de COVID 19, des fêtes réunissant plusieurs dizaines voire centaines de personnes, en violation des dispositions du décret n° 2020-860 relatif à la gestion de la crise sanitaire (notamment des préconisations en termes de distanciation sociale et de déclaration préalable), et de celles de l’arrêté municipal du 3 juillet 2014 déclinant, au niveau local, les préconisations des articles L. 1336-1 et R 1336-5 du code de la santé publique ; ces nuisances et violations délibérées de dispositions légales et réglementaires ont dégénéré en troubles du voisinage et à l’ordre publique. Ils étaient donc constitutifs de troubles manifestement illicites.
Promotion de soirées sur les réseaux sociaux
Début août 2020, circulait sur les réseaux sociaux un flyer publicitaire pour une ‘grosse Pool Party’ avec un concert privé d’un rappeur, dénommé Franglish, qui devait être organisée le dimanche 9 août dans une villa de luxe dont l’adresse (serait) dévoilée le jour même.
Ayant eu confirmation par son organisateur que cette fête se déroulerait dans les jardins de la villa ‘La Bastide’, la Commune de Cannes, le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble Parc Aiguebel, ainsi que de nombreux riverains ont été autorisés par le président du tribunal judiciaire de Grasse à assigner d’heure à heure le propriétaire aux fins de faire cesser immédiatement, dès le prononcé de l’ordonnance à intervenir, l’organisation de fêtes en plein air.
Efficacité de l’ordonnance en référé
Aux termes de l’article 834 du code de procédure, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
L’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile dispose par ailleurs que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Le trouble manifestement illicite, visé par le second de ces textes, désigne toute
perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit ; aucune condition d’urgence ou d’absence de contestation sérieuse n’est requise pour l’application de l’article susvisé.
Enfin, pour apprécier la réalité du trouble ou du risque allégué, la cour d’appel, statuant en référé, doit se placer au jour où le premier juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue.
Activités impliquant la diffusion de sons à un niveau sonore élevé
Les activités impliquant la diffusion de sons à un niveau sonore élevé, dans tout lieu public ou recevant du public, clos ou ouvert, sont exercées de façon à protéger l’audition du public et la santé des riverains (L. 1336-1 du code de la santé publique). Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité (R. 1336-5 du même code).
Par ailleurs, aux termes de l’article 1 de l’arrêté permanent du maire de Cannes, relatif à la lutte contre les bruits, sont interdits, de jour comme de nuit, sur la voie publique, dans les lieux publics et privés, sur le territoire de la commune de Cannes, tous bruits causés sans nécessité ou dus à un défaut de précaution ou de surveillance, susceptibles de porter atteinte à la santé des habitants ou au repos et à la tranquillité du voisinage ; l’article 6-1 dispose par ailleurs : les occupants et utilisateurs de locaux d’habitation ou de leurs dépendances doivent prendre, de jour comme de nuit, toutes dispositions pour éviter que le voisinage soit gêné par leur comportement, leurs activités, les bruits émanant notamment de téléviseurs, chaînes acoustiques, radios, instrument de musique, appareils ménagers, dispositifs de climatisation et de ventilation, et par les travaux qu’ils effectuent.
L’article 1 du décret n° 2020-860 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 disposait : afin de ralentir la propagation du virus, les mesures d’hygiène définies en annexe 1 au présent décret et de distanciation sociale, incluant la distanciation physique d’au moins un mètre entre deux personnes, dites barrières, définies au niveau national, doivent être observées en tout lieu et en toute circonstance ; que l’article 3 ajoutait : les organisateurs des rassemblements, réunions ou activités mentionnés au I mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes adressent au préfet de département sur le territoire duquel la manifestation doit avoir lieu, sans préjudice des autres formalités applicables, une déclaration contenant les mentions prévues à l’article L. 211-2 du code de la sécurité intérieure, en y précisant, en outre, les mesures qu’ils mettent en oeuvre afin de garantir le respect des dispositions de l’article 1er du présent décret.
Enfin l’article 45 précisait : les établissements suivants recevant du public relevant du type P défini par le règlement pris en application de l’article R. 123-12 du code de la construction et de l’habitation ne peuvent accueillir de public : Salles de danse.
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République française
Au nom du peuple français
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2021
N° 2021/598
Rôle N° RG 20/08982 –��N° Portalis DBVB-V-B7E-BGJOC
U AH A
C/
AI AJ
Commune DE CANNES
Syndic. de copro. DE L’IMMEUBLE PARC AIGUEBEL
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du tribunal judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Grasse en date du 31 Août 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/01128.
APPELANT
Monsieur U AH A
né le […] à […]
demeurant 3 Avenue de Bénéfiat – Villa A – […]
représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, substituée par Me Sébastien BADIE et assisté de Me Guy FERREBOEUF, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Madame AI AJ
demeurant […]
représentée par Me Amaury EGLIE-RICHTERS de la SCP EGLIE-RICHTERS-MALAUSSENA, avocat au barreau de GRASSE
Monsieur AK AJ
demeurant […]
représenté par Me Amaury EGLIE-RICHTERS de la SCP EGLIE-RICHTERS – MALAUSSENA, avocat au barreau de GRASSE
Monsieur F G
demeurant […]
représenté par Me Amaury EGLIE-RICHTERS de la SCP EGLIE-RICHTERS – MALAUSSENA, avocat au barreau de GRASSE
Monsieur H I
demeurant […]
représenté par Me Amaury EGLIE-RICHTERS de la SCP EGLIE-RICHTERS – MALAUSSENA, avocat au barreau de GRASSE
Madame J I
demeurant […]
représentée par Me Amaury EGLIE-RICHTERS de la SCP EGLIE-RICHTERS – MALAUSSENA, avocat au barreau de GRASSE
Monsieur K L
demeurant […]
représenté par Me Amaury EGLIE-RICHTERS de la SCP EGLIE-RICHTERS – MALAUSSENA, avocat au barreau de GRASSE
Madame Q
demeurant […]
représentée par Me Amaury EGLIE-RICHTERS de la SCP EGLIE-RICHTERS – MALAUSSENA, avocat au barreau de GRASSE
Madame X
demeurant […]
représentée par Me Amaury EGLIE-RICHTERS de la SCP EGLIE-RICHTERS – MALAUSSENA, avocat au barreau de GRASSE
Monsieur X
demeurant […]
représenté par Me Amaury EGLIE-RICHTERS de la SCP EGLIE-RICHTERS – MALAUSSENA, avocat au barreau de GRASSE
Monsieur Y
demeurant […]
représenté par Me Amaury EGLIE-RICHTERS de la SCP EGLIE-RICHTERS – MALAUSSENA, avocat au barreau de GRASSE
Monsieur AL AMSULLIVAN
demeurant […]
représenté par Me Amaury EGLIE-RICHTERS de la SCP EGLIE-RICHTERS – MALAUSSENA, avocat au barreau de GRASSE
Madame AO AMSULLIVAN
demeurant […]
représentée par Me Amaury EGLIE-RICHTERS de la SCP EGLIE-RICHTERS – MALAUSSENA,
avocat au barreau de GRASSE
Monsieur M N
né le […] à STRASBOURG, demeurant […]
représenté par Me Amaury EGLIE-RICHTERS de la SCP EGLIE-RICHTERS -MALAUSSENA, avocat au barreau de GRASSE
Madame R N
née le […] à STRASBOURG, demeurant […]
représentée par Me Amaury EGLIE-RICHTERS de la SCP EGLIE-RICHTERS – MALAUSSENA, avocat au barreau de GRASSE
Monsieur O P
demeurant […]
représenté par Me Amaury EGLIE-RICHTERS de la SCP EGLIE-RICHTERS – MALAUSSENA, avocat au barreau de GRASSE
Commune DE CANNES représentée par son Maire en exercice, M. S T, dûment habilité à cet effet par délibération du Conseil municipal du 23 mai 2020 prise dans le cadre de l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, lui-même représenté par Monsieur Jean-Pierre PANSIER, Adjoint délégué au contentieux en vertu de l’arrêté n°20/2779 du 23 mai 2020 et de l’arrêté modificatif n°20/2864 du 4 juin 2020 lui donnant délégation de fonction et de signature pour ester en justice, domicilié en cette qualité à Hôtel de Ville – 1 Place Bernard Cornut-Gentille – […]
représentée par Me Amaury EGLIE-RICHTERS de la SCP EGLIE-RICHTERS – MALAUSSENA, avocat au barreau de GRASSE
Syndicat des copropriétaires de L’IMMEUBLE PARC AIGUEBEL représenté par son syndic en exercice, FONCIA AD IMMOBILIER, SAS , dont le siège social est sis […] à […], pris en son établissement […], […] à […], pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, et encore domicilié 46, 48 et […]
représentée par Me Amaury EGLIE-RICHTERS de la SCP EGLIE-RICHTERS – MALAUSSENA, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 28 Septembre 2021 en audience publique devant la cour composée de :
M. Gilles PACAUD, Président rapporteur
Mme Catherine OUVREL, Conseillère
Mme Angélique NETO, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Novembre 2021.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Novembre 2021,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur U A est propriétaire d’une villa, dénommée ‘Villa A’, située […] (parcelles […], 230, 232, 235 et 237).
Sa fille Z et son gendre AF Jommaa sont propriétaires, depuis juin 2016, d’une villa adjacente, dénommée ‘La Bastide’, située […]) qui appartenait précédemment, en indivision, à plusieurs membres de la famille A dont M. U A .
Se plaignant que, depuis le 6 juin 2020, des fêtes, pouvant réunir plus de 400 personnes, sont, de jour comme de nuit, organisées dans ces villas, des riverains, excédés par les nuisances sonores, ont sollicité a plusieurs reprises l’intervention de la police municipale.
Celle-ci :
— est intervenue les 6 juin, 2 juillet, 26 juillet, 1er août, 2 août et 4 août 2020 ;
— a dressé 9 mains courantes ainsi que 6 procès-verbaux d’infraction pour bruit ou tapage injurieux ou nocturne troublant la tranquillité d’autrui et 3 rapports circonstanciés portant sur une rixe et des nuisances relevant du délit d’agression sonore.
La presse s’est fait écho de ces incidents.
Début août 2020, circulait sur les réseaux sociaux un flyer publicitaire pour une ‘grosse Pool Party’ avec un concert privé d’un rappeur, dénommé Franglish, qui devait être organisée le dimanche 9 août dans une villa de luxe dont l’adresse (serait) dévoilée le jour même.
Ayant eu confirmation par son organisateur que cette fête se déroulerait dans les jardins de la villa ‘La Bastide’, la Commune de Cannes, le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble Parc Aiguebel, ainsi que de nombreux riverains se sont fait autoriser par le président du tribunal judiciaire de Grasse à assigner d’heure à heure M. U A aux fins d’entendre notamment :
— ordonner à ce dernier et à tous occupants de son chef, de cesser immédiatement, dès le prononcé de l’ordonnance à intervenir, l’organisation de fêtes en plein air, portant atteinte à la tranquillité du voisinage et pouvant accueillir plus d’une centaine de personnes, dans ses propriétés sises […] et […], à Cannes, et ce, sous astreinte de 15 000 euros pour toute nouvelle nuisance constatée par un huissier de Justice, les services de police ou les services d’hygiène de la commune de Cannes ;
— condamner l’intéressé à payer à la Commune de Cannes une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance réputée contradictoire, en date du 31 août 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse a :
— ordonné à M. U A et à tous occupants de son chef, de cesser immédiatement, dès le prononcé de son ordonnance, l’organisation de fêtes en plein air qui portent atteinte à la tranquillité du voisinage, dans ses propriétés situées […] et […], à Cannes ce, sous astreinte à payer à la commune de Cannes de 15 000 euros par nouvelle nuisance constatée par un huissier de Justice, les services de police ou les services d’hygiène de ladite commune ;
— dit n’y avoir lieu de se réserver la liquidation de l’astreinte ;
— condamné M. U A à payer à la commune de Cannes la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
— condamné M. U A aux entiers dépens.
Selon déclaration reçue au greffe le 18 septembre 2020, M. U A a interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.
Par dernières conclusions transmises le 9 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il sollicite de la cour :
— à titre principal qu’elle :
‘ dise nulle et de nul effet l’assignation introductive d’instance compte tenu des circonstances de sa délivrance non sans rapport avec l’attitude postérieure de l’huissier au visa de l’article 656 du code de procédure civile ;
‘ dise également irrecevables les demandes formulées au nom du Syndicat des copropriétaires du Parc Aiguebel en l’état de la présence des copropriétaires eux-mêmes à la procédure ;
— à titre subsidiaire, sur le fond, qu’elle :
‘ juge que l’interdiction demandée ne pouvait concerner que la propriété de M. U A, sise […] et, en aucune manière, la propriété dite ‘Petite Bastide’, sise […], appartenant à son gendre et à sa fille ;
‘ dise et juge que trois incidents se sont réellement produits soit le 26 juillet 2020 (anniversaire privé), le 1er et le 2 août 2020 (location pour une journée à des professionnels de l’évènementiel) ;
‘ constate et au besoin juge que, résidant habituellement au Liban, il a, dès qu’il en a été informé, donné toutes les instructions, aucun incident n’ayant eu lieu postérieurement au 5 août 2020, l’anniversaire privé du 19 septembre 2020, réunissant 7 personnes, ne pouvant être considéré comme tel ;
‘ constate et au besoin juge que les faits ponctuels dont s’agit se sont déroulés pendant la journée et sont sujet à interprétation ;
‘ juge que le dispositif de l’ordonnance dont s’agit apparaît confondre les notions d’astreinte et de clause pénale ;
‘ constate et prenne acte du fait qu’il s’engage à interdire sur sa propriété l’organisation de fêtes en plein air qui porteraient atteinte à la tranquillité du voisinage et qui seraient contraires à la réglementation en vigueur ;
‘ en conséquence, réforme l’ordonnance du 31 août 2020 en toutes ses dispositions en l’état de son engagement formel et des circonstances qui ont entouré cette procédure ;
‘ condamne les intimés au règlement d’une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux plus entiers dépens.
Par dernières conclusions transmises le 23 décembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la commune de Cannes, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Parc Aiguebel, M. M N, Mme R N, M. et Mme X, M. Y, Mme Q, M. K L, M. O P, M. AK AJ, Mme AI AJ, M. F G, M. AL AMSullivan, Mme AO AMSullivan, M. H I et Mme J I, demandent à la cour de :
— juger que l’assignation en référé d’heure à heure délivrée le 13 août 2020 est parfaitement régulière ;
— les déclarer recevables et bien fondés en leur action ;
— débouter M. U A de l’ensemble de ses demandes ;
— confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;
— condamner M. U A à payer à la commune de Cannes une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ainsi qu’aux entiers dépens.
L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 14 septembre 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu qu’il convient de rappeler, à titre liminaire, que la cour n’est pas tenue de statuer sur les demandes de ‘constatation’ ou de ‘dire et juger’ qui ne sont pas des prétentions, en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques, mais des moyens qui ne figurent que par erreur dans le dispositif, plutôt que dans la partie discussion des conclusions d’appel ;
Sur la nullité de l’assignation introductive d’instance
Attendu qu’aux termes de l’article 1371 du code civil, l’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux de ce que l’officier public dit avoir personnellement accompli ou constaté ;
Attendu qu’au motif que son régisseur était présent dans sa villa, lors du passage, le 13 août 2020 à 17 heures 40, de Maître AR AS, huissier de justice instrumentaire, M. A conteste la réalité de diligences accomplies par ce dernier et donc la sincérité de son procès-verbal de signification ; qu’il allègue que l’huissier ou son clerc n’ont, comme bien souvent, opéré aucune diligence réelle avant d’ajouter que, malheureusement, il arrive que les conditions de certaines significations relèvent de l’hypocrisie pure et simple ;
Attendu cependant que les mentions d’un huissier de Justice, officier public, sur les diligences qu’il dit avoir accomplies font, par application de l’article précité, foi jusqu’à inscription de faux ; que M. A n’ayant pas jugé opportun et/ou utile de diligenter une telle procédure, il n’appartient pas à la juridiction des référés d’entrer dans ce débat ; qu’il convient en revanche d’examiner si l’assignation a été, au vu des mentions figurant sur l’acte, signifiée dans le respect des dispositions des articles 654 à 659 du code de procédure civile ;
Attendu qu’il résulte des mentions figurant sur le procès-verbal de signification de l’assignation, daté du 13 août 2020, qu’après s’être transporté au 3 rue de Bénéfiat puis assuré qu’aucune personne n’y était présente (‘absence momentannée’) et que le nom de M. A figurait sur la boîte à lettres, l’huissier de Justice instrumentaire y a laissé un avis de passage avant de déposer copie de l’acte, sous enveloppe fermée, en son étude ; qu’il a ensuite attesté par écrit, le 22 octobre 2020, qu’il avait sonné deux fois puis appelé mais que personne n’avait procédé à l’ouverture du portail ; qu’ainsi et même si ces appels ne sont pas mentionnés sur son procès-verbal dit de ‘modalités de remise d’acte’, puisque relevant de l’évidence, cet officier public a respecté les dispositions de l’article 656 du code de procédure civile ; que la signification de l’assignation n’est donc entachée d’aucune irrégularité ; qu’elle ne saurait, dès lors, être annulée pas plus que l’ordonnance entreprise ; que M. A sera donc débouté de sa demande formulée de ce chef ;
Sur la recevabilité des demandes du Syndicat des copropriétaires de Parc Aiguebel
Attendu qu’aux termes de l’article 14 alinéa 3 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation et l’amélioration de l’immeuble ainsi que l’administration des parties communes ; que ces actions de conservation et d’amélioration concernent l’immeuble et non les droits des copropriétaires considérés ut singuli ; que comme soulevé par M. A, il n’est donc pas recevable à intervenir à leur place ou à leur côté pour faire cesser et/ou réparer un trouble de voisinage aussi personnel, voire subjectif, qu’une nuisance sonore ; que ses demandes seront donc déclarées irrecevable ;
Sur le trouble de voisinage
Attendu qu’aux termes de l’article 834 du code de procédure, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ; que l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile dispose par ailleurs que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Attendu que le trouble manifestement illicite, visé par le second de ces textes, désigne toute
perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit ; qu’aucune condition d’urgence ou d’absence de contestation sérieuse n’est requise pour l’application de l’article susvisé ; qu’enfin, pour apprécier la réalité du trouble ou du risque allégué, la cour d’appel, statuant en référé, doit se placer au jour où le premier juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue ;
Attendu qu’aux termes de l’article L. 1336-1 du code de la santé publique, les activités impliquant la diffusion de sons à un niveau sonore élevé, dans tout lieu public ou recevant du public, clos ou ouvert, sont exercées de façon à protéger l’audition du public et la santé des riverains : les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat ; que l’article R. 1336-5 du même code dispose qu’ aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité ;
Attendu qu’aux termes de l’article 1 de l’arrêté permanent du maire de Cannes, relatif à la lutte contre les bruits, sont interdits, de jour comme de nuit, sur la voie publique, dans les lieux publics et privés, sur le territoire de la commune de Cannes, tous bruits causés sans nécessité ou dus à un défaut de précaution ou de surveillance, susceptibles de porter atteinte à la santé des habitants ou au repos et à la tranquillité du voisinage ; que l’article 6-1 dispose par ailleurs : les occupants et utilisateurs de locaux d’habitation ou de leurs dépendances doivent prendre, de jour comme de nuit, toutes dispositions pour éviter que le voisinage soit gêné par leur comportement, leurs activités, les bruits émanant notamment de téléviseurs, chaînes acoustiques, radios, instrument de musique, appareils ménagers, dispositifs de climatisation et de ventilation, et par les travaux qu’ils effectuent ;
Attendu que l’article 1 du décret n° 2020-860 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l’état d’urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé, disposait : afin de ralentir la propagation du virus, les mesures d’hygiène définies en annexe 1 au présent décret et de distanciation sociale, incluant la distanciation physique d’au moins un mètre entre deux personnes, dites barrières, définies au niveau national, doivent être observées en tout lieu et en toute circonstance ; que l’article 3 ajoutait : les organisateurs des rassemblements, réunions ou activités mentionnés au I mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes adressent au préfet de département sur le territoire duquel la manifestation doit avoir lieu, sans préjudice des autres formalités applicables, une déclaration contenant les mentions prévues à l’article L. 211-2 du code de la sécurité intérieure, en y précisant, en outre, les mesures qu’ils mettent en oeuvre afin de garantir le respect des dispositions de l’article 1er du présent décret ; qu’enfin l’article 45 précisait : les établissements suivants recevant du public relevant du type P défini par le règlement pris en application de l’article R. 123-12 du code de la construction et de l’habitation ne peuvent accueillir de public : Salles de danse ;
Attendu que les intimés versent aux débats :
— un compte-rendu électroniques de verbalisation pour des infractions de bruit et tapages, dressé le 1er août 2020 à 17 heures 11, à l’encontre du responsable de la villa A après qu’un avertissement lui a été délivré à 15 heures 25 : rappelés après 19 heures, les policiers ont du se déplacer à nouveau pour constater, au final, que les nuisances avaient cessé à 20 heures 01 ;
— un rapport établi par la police municipale de Cannes, laquelle relate être intervenue, villa A, pour nuisances sonores :
‘ le 6 juin 2020 à 1 heure 30 du matin,
‘ le 2 juillet 2020 à 16 heures,
‘ le 26 juillet 2020 à 14 heures 50 et 23 heures 20 suite à des dizaines d’appels de riverains excédés : le gardien les a alors conduit jusqu’au DJ, auquel ils ont demandé d’éteindre la musique, avant de les invectiver ;
‘ le 1er août 2020 à 12 heures 39 puis deux autres fois dans l’après-midi une verbalisation étant établie : une nouvelle intervention à 19 heures 17 a nécessité le déploiement de renforts suite à la présence de jeunes attroupés aux abords ;
‘ le 2 août 2018 à 3 heures 18 puis 14 heures 48 suite à une fête ‘cap verdiens’, intervention ayant donné lieu à une nouvelle verbalisation ;
— un rapport du même service, rédigé le 3 août 2020, dont il résulte qu’après que des nuisances sonores ont émané toute la journée de la ‘villa A’, environ 400 personnes ont quitté les lieux en déambulant sur la voie publique, que des véhicules étaient stationnés en pleine voie de circulation, warnings allumés, avec des conducteurs à bord empêchant les forces de l’ordre de passer, malgré leurs avertisseurs sonores, et qu’à 22 heures 02, les faits ont dégénéré en rixe et jets de bouteilles sur les policiers et CRS, obligeant ces derniers à faire usage à plusieurs reprises de leurs bombes lacrymogènes ;
— un rapport de police daté 4 août 2020, faisant état d’une demande d’intervention, dès 14 heures 00, pour des nuisances sonores émanant de la ‘villa Bastide’, située […] ;
— une article paru dans Nice-Matin, le 4 août 2020, dans lequel M. S T, maire de Cannes, déplore que la villa A soit devenue un établissement festif diurne et nocturne avec de très fortes nuisances pour tout le quartier ;
— deux courriels, portant doléances de riverains, envoyés au maire de Cannes le 3 août 2020 et dans lesquels il est notamment précisé : nous venons de vivre 48 heures de folie avec une nouvelle discothèque sous nos fenêtre qui ne désemplit pas le WE ;
— copie du courrier envoyé par le maire de Cannes, le 5 août 2020, au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Grasse ;
— copie du flyer publicitaire relatif à Grosse Poll Party sur Cannes avec un showcase exclusif de Franglis organisée le dimanche 9 août de 13 à 20 heures dans une villa de luxe, adresse dévoilée le jour même ;
— une fiche de main courante, datée du 19 septembre 2020, dans laquelle la police municipale de Cannes fait état d’une intervention à 22 heures 36, Villa A, pour faire baisser le son (s’agissant d’un mariage) suivie de nouveaux appels de riverains excédés à 00 heure 30 puis 1 heure 01 auxquels il n’a pas été possible de donner suite faute d’équipage disponible ;
Attendu qu’il résulte de ces éléments que M. A a prêté ou loué sa propriété, notamment à des entreprise spécialisées dans l’évènementiel, pour y organiser, à une époque de fortes restrictions en lien avec l’épidémie de COVID 19, des fêtes réunissant plusieurs dizaines voire centaines de personnes, en violation des dispositions du décret n° 2020-860 relatif à la gestion de la crise sanitaire (notamment des préconisations en termes de distanciation sociale et de déclaration préalable), et de celles de l’arrêté municipal du 3 juillet 2014 déclinant, au niveau local, les préconisations des articles L. 1336-1 et R 1336-5 du code de la santé publique ; que ces nuisances et violations délibérées de dispositions légales et réglementaires ont dégénéré en troubles du voisinage et à l’ordre publique ;
qu’ils étaient donc constitutifs de troubles manifestement illicites, toujours actuels au jour où le premier à juge à statué puisque réitérés le 19 septembre 2020 ; que M. A les a, au demeurant reconnus, puisqu’il s’est engagé à les faire cesser ; que l’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a lui a ordonné, ainsi qu’à tous occupants de son chef, de cesser immédiatement, dès son prononcé, l’organisation de fêtes en plein air, portant atteinte à la tranquillité du voisinage et pouvant accueillir plus d’une centaine de personnes, dans sa propriété, dite Villa A, sise […], et ce, sous astreinte de 15 000 euros pour toute nouvelle nuisance constatée par un huissier de Justice, les services de police ou les services d’hygiène de la commune de Cannes ; qu’elle le sera également en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu de se réserver la liquidation de l’astreinte ;
Attendu par ailleurs qu’il s’induit des termes d’un courrier, intitulé ‘proposition de rectification’, que la Direction générale des finances publiques Sud Est Outre-Mer a envoyé à M. AF AG le 16 décembre 2019, que ce dernier est propriétaire avec son épouse, Mme Z A, depuis le […], de la maison dénommé ‘la Petite Bastide’ ou ‘La Bastide’ cadatrée […] et sise […] à Cannes ; que l’acte de cession de part, qui constitue leur titre, a été enregistré le 6 juillet 2016 ; que M. U A ne peut donc être condamné, sous astreinte, à faire cesser l’organisation de fêtes en plein air dans cette propriété dont il n’est plus propriétaire ; que l’ordonnance entreprise sera donc infirmée de ce chef ;
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Attendu qu’il convient de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a condamné M. U A à payer à la commune de Cannes la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ;
Attendu que M. U A, qui succombe au litige, sera débouté de sa demande formulée sur le fondement de ce texte ; qu’il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de la commune de Cannes les frais non compris dans les dépens, qu’elle a exposés pour sa défense ; qu’il lui sera donc alloué une somme de 4 000 euros en cause d’appel ;
Que M. U A supportera en outre les dépens de la procédure d’appel ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette l’exception de nullité de l’assignation introductive d’instance ;
Déclare le Syndicat des copropriétaires de Parc Aiguebel irrecevable en ses demandes ;
Confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
— ordonné à M. U A et à tous occupants de son chef, de cesser immédiatement, dès son prononcé, l’organisation de fêtes en plein air, portant atteinte à la tranquillité du voisinage et pouvant accueillir plus d’une centaine de personnes, dans sa propriété, dite Villa A, sise […], et ce, sous astreinte de 15 000 euros pour toute nouvelle nuisance constatée par un huissier de Justice, les services de police ou les services d’hygiène de la commune de Cannes ;
— dit n’y avoir lieu de se réserver la liquidation de l’astreinte ;
— condamné M. U A à payer à la commune de Cannes la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
— condamné M. U A aux entiers dépens ;
L’infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande visant à ordonner à M. U A et à tous occupants de son chef, de cesser immédiatement et sous astreinte, l’organisation de fêtes en plein air, portant atteinte à la tranquillité du voisinage et pouvant accueillir plus d’une centaine de personnes, dans sa propriété, dite ‘La petite Bastide’ ou ‘La Bastide, sise […] à Cannes et cadastrée […] ;
Condamne M. U A à payer à la commune de Cannes la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. U A de sa demande sur ce même fondement ;
Condamne M. U A aux dépens d’appel.
La greffière Le président